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Leibniz-en.francais-Gerhardt.Math.1a7.djvu/Rolle.Varignon

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(et ses correspondants)
Sur Rolle : Pierre Varignon à Jean Bernoulli[1]
Texte établi par C.I. Gerhardt (GM3bp. 641-642).


Beilage.

J’oubliois de vous dire que malgré l’extreme aversion, que j’ay pour tout ce qui s’appelle dispute, m’y voila cependant profondément engagé depuis deux mois que le nommé Mr. Rolle s’avisa de lire dans l’Academie un Ecrit contre le Calcul différentiel. Mr. le Marquis de l’Hospital n’y etoit pas , et comme tout ce que j’y donne, est presque de ce calcul, la voix publique fut, que c’étoit à moy d’y repondre, et il falut y consentir. Pour cela je demanday qu’auparavant il rendist ses difficultés publiques, afin d’avoir aussi le public pour juge : on ne voulut pas non plus me l’accorder (Mr. l’Abbé Bignon n’y étoit pas) ; on me dist même qu’on ne trouverait pas bon qu’il s’en repandist rien dans les journaux : ainsy je vous prie que ceci soit dit entre vous, Mr. Leibniz et moy. Vers le commencement du mois d’Aoust je lus ma réponse à l’Academie, dans laquelle quelques ménagemens, que j’eusse pour Mr. Rolle ; il se trouva cependant un peu maltraité par la nécessité, ou je fus de faire voir, qu’il n’entendoit point du tout le calcul, qu’il attaquoit. Son écrit consistoit 1°. en forcées déclamations sans aucune preuve contre les infiniment grands et les infiniment petits de differens genres ; 2° il prenoit les differentielles tantost pour des parties finies et déterminées et tantost pour des zéros absolus ; 3° il soutenoit que cétoit faire le tout égal à sa partie que de prendre une grandeur ; 4° il disoit que dans ce calcul on fait revivre et mourir les differentielles à son gré, ne consultant en cela que les besoins qu’on en a pour la solution des problèmes ; et mille autres pauvretés pareilles. Je luy ay démontré à la manière des anciens tout ce qu’il trouvoit à redire dans le premier et troisième article, et je luy ay fait voir qu’il n’entendoit ny le second, ny le troisième etc. Il s’est retranché à dire qu’il fera voir des paralogismes resultans de ce calcul : nous verrons, et ma seconde réponse faite, je demanderay à l’Academie de vouloir bien permettre que nos écrits soint publies de part et d’autre, auxquels j’enjoindray encore un qui est déjà tout prest et dans lequel (pour tirer quelque utilité de nostre dispute) seront en ordre et par propositions suivies, les principes du calcul différentiel démontrés à la manière des anciens : Euclide seul me donne les differentielles de tous les genres à l’infini, et ainsi de reste.