Les Noces de Bouchencœur
Bouchencoeur
Anatole Grandcassis
Reculé, secrétaire de la marie
Formose
Un Traiteur
Un Portier
Un Commissaire
Arthémise, veuve de Mouchette
Cocotte
Un Tambour
Catherine, bonne de Bouchencoeur
Première demoiselle d'honneur
Deuxième demoiselle d'honneur
Deux invités
Les Demoiselles d'honneur de la veuve Mouchette
Invités, commissaires, Garçon traiteur, Tambours
ACTE I
Le théâtre représente un jardin de guinguette. Une porte avec grille au fond. Portes latérales conduisant aux deux salons qui portent cette inscription SALON DE CENT COUVERTS.
Scène I
Par ici. les amis!... je connais la maison !
Voilà ! Voilà !...
Air de la croix d'or (Pilati)
Rapataplan !
Tambours flambants,
Fête
Complète !
Rapataplan
En même temps
Menons/menez plaisirs et roulements !
Je paye le coup de rafraîchissoir' appelant Le Traiteur)
Ohé!... père l'Omelette!
Comment, père l'Omelette?
Cinq litres !... et du bon !... nous avons chaud... nous venons de faire l'école des tambours !
Ah ! Oui !... raflafla ! raflafla !... voilà un exercice embêtant !...
Hein?...
Pour les voisins !...
{{Personnage|Deuxième Ta mbour|c}}
Nous arrivons des fortifications.
Et maintenant nous voilà aux fortifiants ! Tous rient
Ah ! farceurs !... ils sont gais, Les Tambours !... Ces messieurs désirent-ils du veau?
Pourquoi du veau?
Dame, c'est rafraîchissant !...
Ah ! tu fais le malin, toi !...
Non ! c'est pour rire !... Entrez là !... on va vous servir.
Air de la croix d'or (Pilati)
Rapataplan !
Tambours flambants,
Fête
Complète !
Rapataplan
En même temps
Menons/menez plaisirs et roulements
Personnage
Scène II
Le Traiteur, Personnage
Cinq litres au n° 4 !...
Salon de cent couverts... voilà mon affaire!... (appelant)
Garçon ! garçon !
Monsieur?
Mon ami, vous voyez un homme palpitant... et très-pressé !... Je me marie dans cinq minutes !
Une noce ! bravo !...
Je retiens votre salon de cent couverts.
Combien êtes-vous?
Dix-neuf.
Diable ! vous allez être bien gênés !
Comment?
{{Personnage|Grandcassis|c |entrant}} Garçon ! garçon !
Monsieur?
Mon ami, vous voyez un homme très-embêté, je me marie dans cinq minutes
Deux noces!
Je prends votre salon de cent couverts.
Pardon... il est retenu.
J'en ai plusieurs... (à Grandcassis) Combien êtes-vous?
Quatorze.
Sapristi! ils n'y tiendront jamais! (haut) Si ces messieurs veulent commander le repas?...
Ah ! oui !... voyons... qu'est-ce que nous allons manger ?... (à Grandcassis) Avez-vous une idée, vous, monsieur ?
Certainement, j'ai une idée!
Alors, je prends l'idée de monsieur... Vous me servirez la intime chose.
{{PersonnageD|Gran dcassis|c| au traiteur}}
Qu'est-ce que vous avez ?...
Tête de veau, foie de veau, poitrine de veau, pieds de veau, oreilles de veau, mou de veau, queue de veau...
Mais c'est un veau complet !...
Je vais arranger ça. Nous ne voudrions pas mettre plus de trois francs à trois francs cinquante par tête.
C'est aussi dans mon prix.
Y compris le vin ordinaire.
Le vin extra...
Le café...
Le pousse-café...
La rincette !...
Et cœtera ! et cœtera ! et cœtera !
Diable !...
Quant au menu, j'ai crayonné un petit projet ... (il tire un papier qu'il lit) Primo... un beau saumon... sauce aux câpres !
Ça me va !... avec beaucoup de câpres !...
Secundo... une dinde truffée...
Avec beaucoup de truffes !...
Tertio... un buisson d'écrevisses...
Avec beaucoup d'écrevisses !...
Pour trois francs par tète?
On vous a dit : trois francs cinquante... n'équivoquons pas!...
Et vous voulez des dindes truffées ?... merci !... je ne peux pas.
Cependant... hors barrière...
Non !... c'est impossible !...voyez ailleurs !...
Diable !... (à Grandcassis) Dites donc... si nous supprimions la dinde truffée?
{{Personnage|Grandcassis|Par quoi la remplacer ?
Je puis vous offrir une belle longe de veau… avec des capucines dessus… et des carottes autour.
Ah ! oui !… c'est une bonne idée!…
Quant au saumon… j’en ai un.
Ah !…
Un magnifique, mais il n'est pas frais ; je ne voudrais pas vous tromper.
Sapristi !… (à Grandcassis) Dites donc… si nous supprimions le saumon ?
Si nous supprimons tout ?…
Je vous servirai, comme poisson… une belle tête de veau en tortue !…
Toujours du veau !…
Avec des capucines dessous… et des écrevisses dessus.
Ah ! oui !… teur|c}}
Ce qui alors remplacerait le buisson d'écrevisses...
Mais il ne restera plus rien !...
Fiez-vous à moi, je vais vous confectionner deux amours de petits dîners...
Allons!... et tâchez que les sauces soient un peu relevées !... mettez-y du piment, nom d'un petit bonhomme !...
Soyez tranquille !... (à part) Je vais leur couper mes trois veaux en deux !... ça pousse à la mélancolie !...
Air : Loterie (Kriesel)
Courons/courez vite à la cuisine
Restaurateur sans rival;
Pour vous/nous plaire il/j' imagine
Scène III
Monsieur, je ne vous le cacherai pas... je suis bien ému...
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Je comprends ça ! quand un père marie sa fille...
Sa fille !... mais c'est moi qui me marie... en personne naturelle !...
Vous? ah ! farceur !... je vois votre affaire !... nous réparons nos vieux péchés !... Votre liaison doit porter de la flanelle !
De la flanelle !... à dix-huit ans?...
Dix-huit an !... Elle a dix-huit ans?... Mon compliment !... vous avez des chances !...
Figurez-vous que j'étais arrivé jusqu'à mon âge sans avoir jamais été amoureux... j'avais bien eu des aventures par-ci, par-là... mais je n'avais jamais été ce qui s'appelle amoureux... et j'ai trente et un ans.
Ah !ouat !...
Mettons quarante... un jour... Nous avons cinq minutes... vous permettez?...
Allez ! allez !... je ne suis pas pressé, moi.
{{Personnage|Bouchencoeur| c}}
Un jour, je me rendais à Argenteuil...
Tiens ! Argenteuill... ça me rappelle une anecdote... j'étais dans la campagne...
Je continue.
Moi aussi ! je cueillais des petits bluets... tout à coup, je rencontre un âne... (à lui-même) qui s'appelait Casimir...
Il est ennuyeux avec son âne!...
Cet animal portait deux paniers... dans l'un, était une fraîche jeune fille et dans l'autre des œufs... probablement moins frais... Tout cela trottinait devant moi... lorsque... patatras ! un des paniers se défonce !...
Et les œufs passent au travers?...
Non! pas les œufs !...
Quoi?...
Veuillez continuer !
Elle est bête, son histoire !... (haut) Je me rendais donc à Argenteuil... pour faire ma provision de vin...
Ah ! cristi !
{{Personnage|Bouc hencoeur|c}}
Vous n'aimez pas le vin d'Argenteuil?
Oh ! si !... il y a des circonstances où je le préfère à l'eau de Sedlitz !...
J'arrive sur la grande place... C'était un dimanche, on couronnait une rosière... elle montait triomphalement sur l'estrade... tandis que la musique des sapeurs-pompiers jouait l'air de Jenny l'ouvrière.
Bel air!...
L'orchestre joue en sourdine l'air de Lenny l'ouvrière.
« Cocotte|... lui disait M. le maire d'une voix émue... Argenteuil vous contemple !... Soyez toujours sage et vertueuse !... conformez-vous toujours aux règlements de l'administration municipale, concernant le glanage, le grapillage, l'échenillage et le balayage !... et un jour viendra, Cocotte, où vous pourrez devenir l'épouse d'un honnête monsieur... (s'attendrissant), d'un employé aux contributions indirectes. »
Sapristi !... c'est touchant !...
Que vous dirai-je? ce discours rural, la vue de Cocotte. les sapeurs-pompiers, l'air de Jenny l'ouvrière !... j'étais pincé !... un feu inconnu circulait dans mes veines.
Quel phosphore !...
{{PersonnageD|Bouchencoeur|c|, avec chaleur}}
Je bondis sur l'estrade... et, à la face d'Argenteuil épaté, je demandai la main de Cocotte !... Elle me fut accordée sur l'air de la Grâce de Dieu !... Voilà l'histoire de mes chastes amours !...
Ça ferait un joli sujet de pendule !...
Je le crois... Et vous, voyons... êtes-vous bien amoureux ?...
Je me flatte que non !...
Cependant, vous allez vous marier...
Ah permettez! ce n'est pas encore fait !...
Vous venez de commander le repas !...
Je commande le repas... c'est vrai !... je compte même le manger; mais je ne me marierai probablement pas !
Ah bah !
Pardon, si je m'épanche...
Épanchez-vous !... nous avons encore trois minutes !
Je me nomme Anatole de Grandcassis...
{{Personnage|Bouchencoeur| c}}
Et moi, Martial Personnage|Bouchencoeur...
Je pourrais avoir soixante mille livres de rente... mais je ne les ai pas... je suis employé au gaz... je gagne quarante-neuf francs par mois.
C'est sec !...
Sur lesquels l'administration a la bonté de nous retenir cent sous pour nous faire une pension de retraite...
Ah ! C'est très-bien !...
Qui commencera à courir 1er janvier 1984.
1984 !... Vous n'y serez plus !...
C'est l'observation que j'ai faite mais on m'a répondu Alors vous n'aurez plus besoin de rien !... »
Bigre ! ils sont forts dans le gaz !...
Monsieur, j'ai un défaut... je dirai plus, j'ai un vice !... j'aime les petites brioches à un sou, toutes chaudes !...
Moi, ce sont les prunes à l'eau-de-vie !... il n'y a pas de mal à ça !...
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Attendez la suite... Chaque matin, en me rendant au gaz... je m'arrêtais dans une petite boutique, aux abords de la porte Saint-Denis...
Connu !...
Je donnais mon sou, j'avalais ma brioche... c'était réglé !... Mais voilà qu'un jour... je fouille à ma poche... c'était le 31 du mois.
Aïe !...
Pas un radis !...
Oui, le 31 n'est généralement pas la Saint-Radis; ça me rappelle qu'un jour en omnibus...
Ça m'est égal !... la marchande, une forte brune... pas jeune... me dit d'un petit air mielleux : « Monsieur, vous êtes une pratique... ne payez qu'à la semaine... »
Ah ! c'est une brave femme !...
Attendez la suite. Bientôt, je pris au mois, puis au trimestre, puis au semestre... Je régalai tout le monde... les passants... les imbéciles... Je vous aurais rencontré...
Oh!... cher ami!...
{{Personnage|G randcassis|c}}
Au bout de trois ans... la veuve Mouchette... ma pâtissière...
Joli nom !...
Me fit entrer dans son arrière-boutique et me déroula une petite note de vingt-quatre mille six cent vingt-trois brioches...
Sans boire !
Total : douze cent trente et un francs, quinze centimes.
Nom d'une pâtisserie !...
Je lui avouai ma débine en me jetant à ses genoux... elle ne me releva pas... au contraire !
Ventre-Saint-Gris !...
Elle passa sa grosse main dans ma chevelure... et me dit « Monsieur Grandcassis... je ne vous le cacherai pas, j'ai un sentiment pour vous depuis votre première brioche... Je suis veuve, accepteriez-vous ma main? »
Bigre ! vous me racontez là le quatrième livre de l'Enéide !... le plus croustilleux...
Vous l'avez lu?...
Jamais !...
{{Personnage|Gra ndcassis|c}}
Moi non plus !... Elle ajouta de sa voix mielleuse : « Monsieur Grandcassis, dans le cas où ce mariage souffrirait quelques difficultés... je me verrais forcée... pour la régularité de mes livres... de vous faire conduire à Clichy ! »
À Clichy.
J'étais pris ! elle me tenait comme une araignée dans sa toile !... j'eus la faiblesse d'accepter !
Voilà ce que c'est ! on commence par une brioche et on finit par une boulette ! ô jeunes gens !
Il y a un mois, la veuve Mouchette me traîna à la mairie du sixième... Le repas était commandé...
Eh bien?
Arrivé devant M. le maire, je n'eus pas la force de dire : « Oui !... » mais je dis « Non !... » trois fois !
Qu'arriva-t-il?
On mangea le repas... puisqu'il était commandé...
Naturellement !...
{{Pers onnage|Grandcassis|c}}
Quinze jours après, elle me retraîna à la mairie du septième, même jeu !... même repas !...
C'est canaille ! mais on est nourri !
Enfin, aujourd'hui, nous voici à Ménilmontant; elle es père que la banlieue lui sera plus favorable, car elle est passionnée, cette pâtissière... mielleuse et passionnée !...
Que comptez-vous faire?...
Toujours la même chose... puisque ça m'a réussi !
Ah ! Sacrebleu ! je demande à voir ça !
Scène IV
Arrivez donc, monsieur Bouchencœur ! la noce vous attend !...
Ah ! ma fiancée ! mon ange ! la rose d'Argenteuil!...
Mademoiselle...
{{Person nageD|Cocotte|c| avec une révérence}}
Monsieur...
Ah ! mon Dieu !... (À part) Ma jeune fille à l'âne !
Le monsieur que j'ai rencontré !...
Vous vous connaissez?...
C'est-à-dire... je me suis trouvé avec mademoiselle...
Oui !...
Chez le deuxième adjoint...
Il est bien mieux que mon mari !
Elle est gentille !... (Haut, à Cocotte) Oserai-je vous demander comment se porte M. Casimir?
Hélas ! nous l'avons perdu, monsieur !
Oh ! ce pauvre Casimir !
C'était une si bonne bête !...
{{PersonnageD|Bouche ncoeur|c| étonné}}
Ah !...
Et d'une jolie couleur... abricot !...
Ah !...
Et fort !... il ne suait jamais...
Certainement... c'est une qualité... chez un oncle !
Casimir, mon oncle?... (Elle rit) Ah ! ah ! Ah !
Ah! ah! ah !
Ah ! ah ! ah ! ( À part) Il parait que ce n'est pas son oncle !...
A propos, monsieur Bouchencœur, je voulais vous demander une chose...
Parlez, mon étoile !...
Quel âge avez-vous ?
Trente et un ans !... Pourquoi me demandez-vous ça ?
Oh ! pour rien: c'est que le vétérinaire d'Arge nteuil a dit en parlant do vous. « J'ai regardé ses dents... il ne marque plus. »
Le butor !... est-ce qu'il me prend pour une bête à cornes ?...
Eh! eh! (cri de détresse dans la coulisse) Anatole ! Anatole !...
Ah ! mon Dieu !...
Ces cris ?...
C'est le timbre de la veuve Mouchette... la pâtissière !...
Scène V
Laissez-moi, monsieur, vous me compromettez !...
Un mot !...
Ah ! C'est lui ! (se réfugiant dans ses bras) Anatole, protégez-moi !
{{PersonnageD|Bouchencoeur|c| à part}}
Elle est mûre !...
Contre qui ?...
Contre M.Formose, votre ami... qui me poursuit jusqu'ici... pour me dire des choses d'amour !
Lui?...
Ne le tue pas !...
Soyez tranquille !... (à Formose, lui donnant une poignée de main) Ça va toujours bien ?...
Pas mal, et toi ?
Il fraternise avec son rival !...
C'est sa mère, cette grosse dame-là ?
Non !... c'est sa fiancée !
Il se marie ?
Arthémise !
Assez, monsieur Formose ! vous êtes un b on jeune homme, mais je ne vous aime pas, ce n'est pas ma faute. Une femme est une lyre qu'il faut savoir faire parler, et vous n'avez pas su me faire parler.
Qu'est-ce que vous avez à me reprocher ?
Que voulez-vous? je vous trouve petit, grêle, chétif, tandis que Grandcassis, il est beau, il est noble, il est majestueux !
Mais dépêchez-vous donc, mes enfants ! monsieur le maire vous attend !
Le secrétaire de la mairie !...
L'exécuteur des hautes-œuvres !...
Nous avons de l'ouvrage aujourd'hui !... quatorze mariages !
Je demande le n°1.
Et moi le 14.
Oh ! ce ne sera pas long !... On range les futurs conjoints sur une seule ligne... M. le maire lit la formule... tout le monde répond: « Oui... » et vous -êtes unis en bloc !...
Au tas, comme les pommes !...
{{PersonnageD|Reculé|c| qui n'a pas entendu}}
Vous m'invitez à dîner?... Avec plaisir!...
Moi?... permettez...
Merci... je ne fume jamais!...
Ah! mais il est sourd comme une moule!
Allons, en route! en route!...
Chère Cocotte!
Voilà le moment d'arrêter les frais...
Anatole !...
Eh bien, non!... eh bien, non !... je ne peux pas !... je n'irai pas!...
Que dit-il ?
Encore !...
Je l'attendais!...
Arthémise[c
Un malentendu!... partez devant... nous vous rejoignons...
{{Personnag e|Formose|c| à part}}
Tout espoir n'est pas perdu !...
Air : Quittons le Moulin (Olivier, Basselin, Pilati)
Malgré ses regrets,
Vrai, si je l'osais,
Je ferais des frais
Et l'embrasserais.
Il a tant d'attraits,
Pour lui je fuirais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça.
Ah ! si je pouvais,
Vraiment, si j'osais, Je reculerais
Et je m'enfuirais.
Sans aucuns regrets Je m'exilerais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça.
Ah ! si je pouvais,
Vraiment, si j'osais,
Sans aucuns regrets
Je la lâcherais.
Oui, je filerais,
Et je m'enfuirais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça.
Ah ! si je pouvais,
Vraiment, si j'osais,
Je ferais des frais
Et l'embrasserais.
Pour ses doux attraits
Je m'exilerais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça.
Ah! si je pouvais,
Vraiment, si j'osais,
Je l'emporterais
Et je m'enfuirais
Sans aucuns regrets
Je m'exilerais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça.
Couples pleins d'attraits
Mes livres sont prêts,
Venez, sans délais,
Y signer en paix.
Aux femmes
Pour vos jolis traits
Je m'exilerais
Jusqu'au Kamtchatka,
Ou plus loin que ça!
Scène VI
Eh bien, Anatole !... ça fait trois! est-ce que vous comptez me faire essuyer tous les arrondissements de Paris et de la banlieue ?....
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Mère Mouchette... croyez que les circonstances...
Quelles circonstances? Je suis libre ! je suis riche, j'ai un excellent fonds de commerce?...
Oh ! ce n'est pas la richesse qui vous manque !...
Dites que je ne vous plais pas ! et que vous ne me trouvez pas... gentillette !
Je ne dis pas cela !... mais, vrai!... ça ne se peut pas!... j'ai un fort papillon pour le célibat!...
Très-bien! alors, j'ai amené un monsieur qui rôde aux environs... c'est mon homme d'affaires !... il est en règle... Le fiacre qui nous a amenés est prêt à vous reconduire.
Où ça?
Ma main ou Clichy... choisissez !...
Ah! c'est comme ça?... vous le voulez?... Eh bien,... partons pour la mairie !
Un instant !... je ne veux pas subir une avanie semblable à celle des sixième et septième arrondissements.
Ah! petite rancunière!...
{{Personnage|Arthémise| c}}
Je suis lasse de payer des repas de noce... que vous mangez toujours... sans m'épouser jamais!
Il faut bien qu'un homme se nourrisse!...
Je vous préviens que je suis capable d'un coup de tête!... et cette fois... si vous dites: « Non!...» j'ai pris mes précautions!...
Ah! vous avez ?... lesquelles ?...
Voici la chose!...
Un yatagan!...
Si vous hésitez!... foi de veuve Mouchette! je vous le plonge dans le sein!...
Mâtin!... le mariage au couteau!...
Et après !... après... je me perce moi-même... sous les yeux de mes demoiselles d'honneur... comme Cléopâtre...
Permettez!... Cléopâtre... d'abord, c'est un aspic!... elle s'est poignardée avec un aspic!
Que m'importe!... que m'importe!... L'amour est mon excuse, partons!... et pas de bêtises !...
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Marchons au supplice !
Air du duo des Puritains (Bellini)
O triste sacrifice!
Il faut qu'il s'accomplisse !...
O charmant sacrifice!
Il faut qu'il s'accomplisse !...
Arthémise !...
Arrière, faible insecte !...
J'en aurai la jaunisse !
Suis-je ahuri !
Pauvre/c'est son mari
Oui, qu'on se réjouisse
C'est bien fini,
C'est mon mari !
Scène VII
Scène VIII
Sans adieu, camarades, je vous rejoins; je vais payer la consommation.
Un tambour!... oh quelle idée !... (l'appelant) Psit !
Bourgeois ?
Veux-tu gagner un bon pourboire?
Qu'est-ce qu'il faut faire ?
Travailler la nuit !...
A quoi?
Tu le sauras... Viens avec ta peau d'âne... Voici la noce qui sort de la mairie... file par là !
On y est !
0 la haine !... ô la vengence! ô M. Chilly !...
Scène IX
Air Les Gaulois et les Francs
Gai ! Mariez-vous !
Gai ! M ariez-vous !
Espérance !
Bonne chance !
Gai ! Gai ! mariez-vous,
Le bonheur, c'est d'être époux !
De l'hymen quel avant-goût !
J'éprouve un plaisir précoce !
Ah ! je suis tout à la noce !
Moi !... je n'y suis pas du tout !
Gai ! Gai ! Mariez-vous/marions-nous
Enfin, nous voilà mariés !... je frétille !...
C'est fait !... condamné à perpétuité !... je m'appelle Mouchette II !
Cocotte... vous avez dit « Oui !... » vous ne vous en repentirez pas !... Je vous dirai quelque chose ce soir...
Quoi ?
Oh ! non ! ce soir !...
Anatole !... vous êtes rêveur?...
Je ne suis pas rêveur... je suis embêté... voilà tout.
{{Personnage|Bouche ncoeur|c}}
Mes enfants, en attendant le dîner, je propose de jouer à nous cacher dans les bosquets.
Ah ! oui ! jouons à nous cacher !...
Mais taisez-vous donc !
Messieurs... vos veaux sont servis!
Qu'est-ce que c'est ça, vôvô?...
Je veux dire : le diner est servi !...
A table! à table!...
Reprise de l'air
Gai ! Gai ! Mariez-vous/marions-nous
Espérance,
Bonne chance!
Gai ! Gai ! mariez-vous,
Le bonheur, c'est d'être époux !
Scène X
Eh bien, vous ne venez pas?...
Merci... je n'ai pas faim!
Cependant, vous aimez bien les repas de noce, ordinairement...
Oui, je les aime... les jours où je ne me marie pas!
Anatole !... tu m'en veux donc toujours?
D'abord, madame Mouchette, je vous prie de ne pas me tutoyer.
Puisque nous sommes unis !...
C'est égal... c'est trop tôt!... c'est beaucoup trop tôt ! Vous êtes veuve... vous devriez savoir ça !
Boudeur ! moi qui avais une si bonne nouvelle à vous annoncer !
Une bonne nouvelle? (vivement) Est-ce que le divorce serait rétabli?...
{{Personnage|Arthémise| c}}
Ah! méchant!... voulez-vous savoir ce que c'est?...
Oui...
Eh bien, demandez-moi pardon... Qu'un baiser soit le gage de notre réconciliation.
Un baiser? ahl non !... c'est trop tôt !... c'est beaucoup trop tôt !
Allons!... je suis bonne... et cette nouvelle... je vais vous la dire... (Avec feu) car je vous aime, moi!
Saperlotte !... je me fais l'effet d'un goujon en tête-à-tête avec un brochet !
Anatole... vous pouvez relever la tête!... on ne vous accusera plus de m'avoir épousée pour ma fortune!
Comment?...
Vous êtes riche! votre tante Fifrelin a rendu son âme... en vous laissant six mille livres de rente !
Six mille!... alors je vous rembourse... je m'exonère... je demande à être exonéré.
Trop tard!...
{{Personnage| Grandcassis|c}}
Pourquoi ne m'avez-vous pas dit cela plus tôt?
Tiens !... vous n'auriez peut-être pas voulu m'épouser!...
Je le crois fichtre bien!... mais depuis quand savez-vous cela?
Ne vous fâchez pas !... depuis quinze jours...
Quinze jours!...
La femme de votre concierge...me remettait toutes vos lettres...
Mais c'est une trahison! une infamie! ce mariage ne compte pas !... j'irai trouver l'autorité!...
Silence !... on vient...
Scène XI
C'est affreux ! ce n'est pas mangeable !
{{Personnage|Bouchencoeur| c}}
Depuis une heure, nous ne mâchons que du veau!... un jour de noce!
Mais je vous assure...
Votre maison n'est qu'une gargote! qu'on fasse avancer les voitures... j'emmène ma femme !
Partons !... Partons !...
Voici l'heure !
Un instant!... ça ne se fait pas comme ça! Les dames partent d'abord avec leurs demoiselles d'honneur.
Ah! oui!... c'est une bonne idée!
Et quelques minutes après...
Trois ou quatres heures !...
Les époux suivent; voilà l'usage !
A bientôt, Anatole, à bientôt !
Bonsoir ! bonsoir !...
{{PersonnageD|Reculé|c| à Cocotte}}
Où demeurez-vous?
Je n'en sais rien... Demandez à mon mari...
C'est juste ! (Se trompant et s'adressant à Grandcassis) Où demeurez-vous?
15, rue des Petits-Augustins. Voilà ma carte.
Et vous?
15, rue des Grands-Augustins. Voilà ma carte.
Je vais vous faire une corne...
Hein ?
Pour vous reconnaître.
Partons ! Partons !
AIR final des Grands seigneurs chez Ramponneau (Auber)
Célébrons ce gai mariage;
Rions, chantons, c'est le bonheur!
Amusons-nous, faisons tapage,
Le plaisir rend le cœur meilleur.
Cocotte
Scène XII
Enfin !... le doux instant approche
Je payerais cher un billet de garde !...
Je sens mon cœur qui bat! qui bat!... qui bat!... Et vous?
Moi ?... je suis riche... demain au petit jour, je paye mes vingt-quatre mille brioches... et je pousse une pointe sur l'Amérique!...
Sans votre femme?
Parbleu !... Mais le difficile... est de gagner sans accident le petit jour !...
Ah ! voilà ! moi, je ne le pourrais pas !...
La veuve Mouchette... manque de conversation...
Lisez-lui quelque chose...
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Je crois qu'une lecture bien sentie de nos grands poètes ne la charmerait qu'imparfaitement.
Monsieur, voilà...
Ah ! Merci !...
Qu'est-ce que c'est ça ?
Chut!... c'est un flacon d'essence de myrte... c'est anacréontique... En usez-vous?
Voulez-vous me laisser tranquille, avec votre myrte !... Tiens !... vous me donnez une idée !...
Laquelle ?
Avant de rentrer, je vais me faire servir un vaste plat de choucroute!...
Ça ne passera pas!...
Tant mieux ! c'est ce que je veux ! la veuve Mouchette sera obligée de me faire du thé toute la nuit !... en attendant l'aurore aux doigts de rose...
Ah ! voilà nos voitures !
{{Personnage|G randcassis|c}}
Elles ont eu bien tort de se déranger!
Messieurs, quand vous voudrez...
Vite ! vite !... Cocotte va m'attendre!...
Allons manger de la choucroute!
Bonne nuit, messieurs.
Cocher ! au galop !...
Cocher!... au pas!...
Scène XIII
Allons !... tout s'est bien passé !... j'ai conduit la vieille chez le vieux...
Hein?...
Et la jeune chez le jeune !...
Mais ce n'est pas ça!... c'est le contraire!...
Oui, je suis assez content de ma journée!...
Il faut les prévenir... (on entend le bruit des voitures qni partent) Trop tard!... (à Reculé) Eh bien, vous avez fait là un drôle de mic-mac!...
Il faut des époux assortis...
ACTE II
ACTE II
Scène I
Par ici, tambour.
Voilà, voilà, bourgeois !
Tu as bien retenu mes instructions?
Parfaitement... Vous m’avez dit de battre un roulement chaque fois que j’entendrais le bruit d’un baiser… l’idée est bizarde !
C’est pour un Anglais qui se marie et… le tambour lui fait plaisir…
Je ne te demande pas ça. Entre là, avec ta caisse; enferme-toi, et n’ouvre à personne… il y a vingt francs pour toi.
Vingt francs !... sufficit ! (A part, en entrant dans un cabinet à droite.) C’est égal… l’idée est bizarde !…
Ah ! vous voilà, monsieur Formose?
Il était temps !…
Il me semblait vous avoir vu passer avec un tambour ?…
Oui… il est monté au-dessus…
Il sera allé chez le plumassier, qui est sergent-major…
M. Grandcassis m’avait prié de déposer quelque chose chez lui… (Montrant la porte par laquelle le tambour est entré.) J’ai déposé… (Regardant autour de lui.) Tiens ! Tiens !… où donc sont les meubles ?…
M. Anatole a vendu tout son noyer hier matin…
Comment !… même le lit ?
C’est par là qu’il a commencé… à part}}
Un jour de noce? tiens c'est drôle !...
Je présuppose qu'il habitera sous le même toit que ma dame son épouse...
C'est pourtant bien chez lui qu'Arthémise doit venir...
Alors je me suis permis de louer son appartement... à une dame seule... ses meubles sont dans la cour...
Vraiment?... Faites-les monter... et la dame aussi!...
Très-bien! je préviendrai les commissionnaires...
Des locataires !... ça sera encore plus drôle !... Bonne nuit, veuve Mouchette ! Je reviendrai demain matin chercher de vos nouvelles ! Ah ! je suis un insecte ! (au portier) Adieu !
Scène II
Qu'est-ce qu'il donc à se tortiller?... C'est égal !... je ne suis pas content de M.Grandcassis... il ne m'a seulement pas envoyé une lettre de faire part !... un homme qui m'a dû jusqu'à des quatorze francs !...
AIR du Cabaret de Lustucru
C'est l'heure des amours,
C'est l'heure du mystère,
Et la nuit tutélaire
Nous prête son secours.
D'où viennent-elles, celles-là?... (haut) Qui demandez-vous ?...
Nous amenons la mariée...
Ah bah !... ici?...
Sans doute... chez son mari !...
Je veux bien, moi!... (à part) Elle est gentille, mame Natole !
Scène III
Mon Dieu ! que j'ai peur !... Mesdemoiselles, ne me quittez pas !...
Allons, du courage, Cocotte!...
Lorsque je suis partie, ma tante Trinquart pleurait... et elle m'a embrassée en disant: « Pauvre enfant!... pauvre enfant!... ».
Et tous les messieurs riaient... Est-ce drôle
Il paraît qu'avant d'être reçue femme mariée, ou vous condamne à des épreuves terribles!...
Ah !...
Comme pour la franc-maçonnerie... Puis on vous fait jurer le secret le plus absolu... C'est pour cela que les Demoiselles ne savent jamais rien!...
Oh!... tu nous le diras, toi?...
Oh oui, n'est-ce pas?...
{{Personnage|Première demois elle|c}}
Tu n'as rien à craindre... M. Bouchencœur parait t'aimer...
Et il a l'air d'un bien brave homme!
Oui, mais qu'il est laid, mon Dieu !
Il t'a fait meubler un palais de velours et de palissandre... (regardant autour d'elle) Tiens!... où est-il donc, son palissandre?
Ah!... pas un meuble!...
C'est la pièce d'entrée... Les appartements sont par là sans doute...
Allons, adieu!... Nous viendrons voir tout cela demain...
Vous me laissez seule?...
On nous a bien recommandé de ne rester que cinq minutes... Adieu, Cocotte...
Ah!...
Qu'est-ce que c'est que ça?
{{PersonnageD|Deuxième demois elle|c| très-effrayée}}
Je n'ai rien entendu!...
J'ai trop peur !... emmenez-moi !...
C'est impossible !...
Adieu, Cocotte !...
Scène IV
Plus personne !... C'est égal ! c'est une drôle de consigne qu'on m'a donnée là!... Hein?... du bruit?... c'est milord qui rentre avec son épouse... à mon poste!... et soignons la chamade !
Scène V
Voici l'instant funèbre... Je ne cacherai pas que j'y vais comme un chien qu'on fouette !... J'ai mangé quatre portions de choucroute ! et je ne sens rien !... ça passe !... ça passe très-bien !... j'ai un déplorable estomac !... Voyons !... quel âge peut avoir cette veuve Mouchette ? elle déclare vingt-neuf ans... mettons en quarante-huit... encore deux ans !... et elle aura cessé de faire partie de la garde nationale !... c'est triste d'avoir une femme rayée des contrôles pour cause de maturité publique !... Ce qui me console, c'est l'absence de tout mobilier... Là où il n'y a pas de meubles... la mariée perd ses droits...Je me suis acheté ce petit pliant pour mon usage personnel !... Si la veuve est gentille... mais la... bien gentille... je le lui prêterai... nous nous assoirons au quart d'heure... (ouvrant le pliant, qui est très-étroit) Si toutefois elle peut y entrer !... Elle est là qui m'attend... palpitante et rugissante !... Dois-je la prévenir de mon arrivée? Ma foi, non ! J'ai le temps !... je vais fumer une pipe !... mon tabac est par là... (il se dirige vers le fond) Espérons que la fumée lui sera désagréable !...
Scène VI
Là !... doucement... posez ça là !... (les commissionnaires posent le divan à gauche, la toilette à droite, et le portier pose le fauteuil, à droite. - A lui-même) Je crois que ça fera plaisir à M. Natole... Est-ce bête de vendre ses meubles le jour où on se marie !... (aux commissionnaires) Allez chercher le reste... et prenez garde au lit... il est en palissandre !...
Scène VII
Espérons que la fumée lui sera désagréable.
Monsieur...
Quoi?
Voilà!...
Qu'est-ce que c'est que ça?
C'est le mobilier de la nouvelle locataire.
Je n'en veux pas!... Un divan?... ah! mais non!
Mais, monsieur... Cependant vous avez permis...
Rien !...j'ai l'appartement jusqu'à midi !... je suis chez moi !... un pliant me suffit !... le propriétaire n'a pas le droit de m'augmenter !...
Ne vous fâchez pas!... Je vais dire aux commissionnaires de remporter...
{{Personnage|Gr andcassis|c}}
Dépêchez-vous!... et plus vite que ça!
Voulez-vous me permettre seulement de déposer le lit dans un coin?
Le lit! le lit! (lui donnant un coup de pied) animal!
Aïe !
Scène VIII
Quel singulier appartement!...
La Mouchette! (Cocotte entre) Voici le quart d'heure de Rabelais!... (haut) La fumée de tabac ne vous incommode pas?
M. Anatole!...
Hein? Cocotte !... chez moi !...
{{Personnage|Cocotte| c}}
Chez vous?... comment, monsieur, je suis ici chez vous?
Seul, avec elle!...
Je veux partir, monsieur... je veux aller retrouver mon mari!...
Oh ! pas encore !... il n'est pas tard !... restez !... nous parlerons de Casimir... de ce pauvre Casimir...
Casimir !... à quoi pensez-vous?...
A quoi je pense?... (à part) Oh ! si Bouchencœur le savait... il ne rirait pas !... la Mouchette non plus !...
Monsieur, faites-moi avancer une voiture...
La laisser partir?... jamais!
Je veux m'en aller!...
Cocotte... je suis un galant homme, prêt à donner .ma vie pour vous épargner la peine d'aller chercher un fiacre...
Eh bien?...
Eh bien, je n'irai pas !...
{{Personnage|Cocotte| c}}
Comment?...
Car, si vous manquiez à remplir les formalités voulues... vous seriez perdue... déshonorée!... Argenteuil se voilerait la face !...
Quelles formalités?...
Je ne comprends pas!...
Qui est-ce qui vous a amenée ici?...
C'est le père Reculé.
Là!... vous voyez bien... un homme respectable! et vous osez soupçonner ce vieillard!...
Il se sera trompé d'adresse...
Non, Cocotte, il ne s'est pas trompé!... et, s'il vous a conduite ici, c'est qu'il devait vous conduire ici.
Ah ! bah !...
Elle la gobe très-bien!... (haut) Cela vous étonne, naïve enfant... Quand une jeune fille est mariée, vous vous figurez sans doute qu'il n'y a plus qu'à la conduire au domicile conjugal?
Dame!... à Argenteuil...
A Argenteuil, ce sont des Auvergnats ! n'en parlons pas !... mais à Paris... il est un usage... antique et solennel !... Le mari fait choix d'un homme recommandable... comme moi... aux mains duquel il confie sa rougissante compagne...
Tiens! pourquoi donc?...
Mais pour lui faire comprendre, paternellement, ses devoirs de maîtresse de maison.
Ah ! oui !... les épreuves !... pour la faire admettre...
Plaît-il?
On m'en avait parlé...
Ah!...
Mais je croyais que c'était le mari lui-même...
Oui... en province !...
Comme ça... c'est vous qui allez me dire quelles épreuves?...
Mon Dieu, oui!... mon Dieu, oui!...
Eh bien, c'est drôle... j'ai moins peur !...
Ne craignez rien... placé près de vous par la confiance de monsieur votre mari... je tâcherai de me rendre digne de l'honneur...
Par exemple, je vous prierai de supprimer le tambour !...
Le tambour?...
Oui... ça me fait sauter!...
On supprimera le tambour. Veuillez d'abord vous débarrasser de votre fichu...
Ça !... ce n'est pas difficile... voilà! c'est fait !...
Dieu!... les belles épaules!... (par réflexion) Une chose qui serait bien embêtante... là... mais. bien embêtante... ce serait de voir entrer la veuve Mouchette comme une trombe!.. Où peut-être son fiacre à l'heure qu'il est?...
{{PersonnageD|Cocotte|c| redescendant}}
Eh bien, après?...
Maintenant... la couronne... le bouquet...
Comment?...
C'est indispensable!...
Ah bien, non!... je garde ma couronne.
Cependant, il y a un programme, ou il n'y en a pas!... comprenez bien!... Je ne suis pas ici pour mon plaisir, moi... c'est une complaisance que j'ai...
Je le sais, monsieur Anatole, et je vous en remercie. (à part) Comme il est sévère!... (lui remettant sa couronne et son bouquet) Êtes-vous content ?...
Ça commence!... (il remonte porter la couronne et le bouquet sur la toilette. à part) Où peut être le fiacre de la mère Mouchette? (redescendant avec un démôloir et des papillotes qu'il a trouvés dans la toilette) Maintenant, nous allons passer à la seconde épreuve...
Qu'est-ce que c'est que ça?
L'épreuve des papillotes... Vous allez...
Devant vous?... jamais!...
{{Personnage| Grandcassis|c}}
Placé près de vous... par la confiance de monsieur votre mari...
C'est inutile... je ne veux pas...
Puisque c'est dans le programme !...
Ça m'est égal...
Alors, mademoiselle, j'en suis désolé... mais je ne con- nais que mon devoir... je me vois forcé de faire mon rapport...
Votre rapport?
Lequel sera déposé aux archives... et le conseil décidera...
Ah! mon Dieu!... le conseil?...
Mademoiselle, j'ai bien l'honneur...
Ne vous en allez pas, monsieur... donnez... je vais les mettre...
Dans votre propre intérêt... je vous le conseille... Moi, ça m'est égal... je ne suis pas ici pour mon plaisir...
{{Personnage|Cocotte| c}}
Je sais bien que c'est une complaisance...
Elle remonte vers la toilette, et se coiffe.
A la bonne heure !... (regardant Cocotte se coiffer) Est-elle gentille ! Ah ! je ne suis pas riche !... mais je donnerais cinquante mille paires de mouchettes pour un cil de ses yeux...
Ne vous impatientez pas... je finis...
Très-bien...
Est-ce tout?...
Oui... maintenant, causons... (avec sentiment) Ah ! Cocotte !...
Monsieur Anatole?...
Voulez-vous causer?...
Je veux bien, monsieur Anatole...
Vous souvient-il du jour...?
Voyou, bourgeois... faut que j'enlève le divan.
{{Personnage|Cocotte et Grandcassis|c}}
Hein ?...
Plus tard!... tu diras à cette dame que je l'autorise à le laisser ici...
Ça ne me regarde pas... On m'a dit d'enlever... j'enlève... Ouste !...
«Ouste!...» » butor, va!... (à Cocotte) Tenez !... asseyez-vous sur ce fauteuil...
Volontiers!
Et moi, sur ce pliant... (il s'assoit) tout près de vous!... je suis très-mal... mais enfin!...
Je commençais à être lasse...
Cocotte !...
Monsieur Anatole?...
Causons... Voulez-vous causer?...
Je veux bien, monsieur Anatole...
{{PersonnageD|G randcassis|c| tendrement}}
Cocotte, vous souvient-il du jour... ?
Le fauteuil, à présent!...
Encore !...
Ah! mais... c'est embêtant!...
On m'a dit d'enlever... j'enlève!... Ouste!...
Faire la cour sur une patte... comme les hérons!... ça manque de gaieté!...
Monsieur Anatole... je voudrais pourtant bien m'asseoir...
Appuyez-vous sur moi... Causons!... voulez-vous causer ?... Cocotte... vous souvient-il du jour où je vous rencontrai sur les rivages d'Argenteuil?...
Oh! oui!...
Vous étiez sur votre âne... et moi, suivant à pied... j'imitais son silence... autour de vous rangé... Tout à coup Casimir...
Butta contre une grosse pierre et fit un faux pas...
{{Personnage| Grandcassis|c}}
L'aimable enfant!...
Et vous avez eu la bonté de me relever... et de me consoler. parce que j'avais cassé mes œufs...
Elle n'a rien oublié!...
Oh ! non !... aussi, chaque fois que je rencontre un âne... je pense bien à vous, allez!...
Ah ! que vous êtes bonne!...
Ah ! mon Dieu !...
Qui est-ce qui a fourré des tambours dans ma cuisine?...
Scène IX
Et de la garde nationale encore!...
Milord est-il content?
Quoi? Milord?... d'où tombe t-il, cet- animal-là ?...
{{PersonnageD|Le Tambour|c| tendant la main}}
C'est vingt francs.
Vingt francs?... allez vous coucher !...
Ah! mais je n'entends pas ça!...
Vous, vous m'embêtez!
Scène X
Monsieur... c'est une dame .qui demande à vous parler.
Sapristi !... la veuve Mouchette !...
Non, monsieur... c'est la nouvelle locataire.
Comment?... ah que c'est bête! (à Cocotte) J'ai cru que c'était ma femme!...
Votre femme !... mais elle en train de mettre ses papillotes.
Comment?
Eh bien, oui... ses épreuves...
Quelles épreuves?
Comme moi... chez M. Bouchencœur.
Na plaisantons pas.
Elle est chez lui... comme je suis chez vous... c'est dans le programme !
Cornebœuf! ma femme!... on a beau avoir épousé une vieille... on n'est pas flatté...
Qu'avez-vous donc ?
Ah !... Et Bouchencœur qui a pris un bain de myrte !... vite ! partons ! Courons !
Qu'est-ce qui vous presse ?
Comment, ce qui me presse?... Quand je vous dis qu'il s'est trempé dans le myrte!... Sera-t-il encore temps, mon Dieu !
{{Personnage|Ensemble| c}}
AIR Ah ! quelle airnahle fête (Rossioi)
Ah!... Dépêchons, le temps presse,
Maudit jour de tracas
Ah!... La chose m'intéresse,
Partons avec ̃vitesse
Car/son l'honneur est là-bas
ACTE III
Scène I
AIR du Cabaret de Lustucru
C'est l'heure des amours,
C'est l'heure du mystère,
Et la nuit tutélaire
Nous prête son secours !
Mon Dieu ! que je suis émue ! je tremble comme une feuille de rose que l'aquilon va détacher!
Calmez-vous!...
C'est impossible! mon pauvre cœur bat!
Ce sont les trois étages...
Oh ! non ! ce ne sont pas les trois étages !... (baissant les yeux) C'est la situation !... Grandcassis va venir...
Voyons, du courage !... vous avez déjà été mariée une fois, M. Mouchette...
Mouchette ne compte pas !... je ne l'ai jamais aimé !...
Ah bah!...
Je puis le dire... maintenant qu'il n'est plus !... c'était un homme sans poésie... il ronflait comme une trompe !... (avec sentiment) Aussi, j'apporte à mon Anatole la primeur d'un cœur novice, c'est pour cela que j'ai cru pouvoir réarborer la fleur d'oranger... Écoutez !... Ah! mon Dieu !...
Qu'avez-vous donc?
Rien! il m'avait semblé reconnaître le pas d'Anatole !...
Voulez-vous que nous restions près de vous?
{{PersonnageD|Arthémise|c| vivement}}
Non !... ah ! non !...
Si vous avez peur?
J'ai peur... mais je sais me faire une raison... (les congédiant) Bonsoir, mesdemoiselles, bonne nuit!...
C'est l'heure des amours,
Etc.
Scène II
J'ai cru qu'elles ne s'en iraient pas !... (posant la main sur son cœur} Tic tac ! tic tac ! tic tac ! je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui... je suis comme une enfant!... (regardant l'ameublement) Tiens!... c'est très-gentil, ici!... quelle jolie pendule! Paul et Virginie s'abritant sous un cocotier! Paul, c'est Grandcassis, je suis Virginie... et cet appartement, c'est le cocotier! Et moi qui croyais Anatole gêné... il aurait pu vendre tout cela et me payer... il ne l'a pas fait... donc il m'aime!... Ô merci, mon Dieu ! (on entend du bruit au dehors) C'est lui!... c'est Anatolel... (mettant la main sur son cœur) Tic tac! tic tac!... dérobons-lui ma rougeur!
Scène III
Cré coquin de myrte!... cette odeur me barbouille!
Hum ! Hum !
Elle!... pauvre ! petite j'ai peur de l'effaroucher!...
Entrez !...
Mâtin!... elle a un bon creux! (haut, cherchant dans l'obscurité) C'est moi!... où es-tu?... où es-tu?
Tiens ! il est enrhumé ! (haut) Coucou !...
Elle joue à cache-cache! (appelant) Cocotte ! ma Cocotte !
Il m'appelle sa Cocotte !... Mouchette m'appelait son petit chien bleu !... quelle différence (haut) Par ici! par ici!... (rencontrant la main de Bouchencœur et la serrant avec force) Je t'attendais, enfant, je t'attendais !...
Aïe !... (à part) Quelle poigne !... je crois qu'elle sera d'une bonne santé !
Parle-moi ! parle-moi !...
Oui !... (à part) Cré coquin de myrte (haut) Si nous allumions!...
Oh non, je ne veux pas que tu me voies rougir !
C'est juste!... une rosière!...
D'ailleurs l'ombre plaît aux amants ! où es-tu?... tu te dérobes toujours !...
Voilà!
Ta main... dans la mienne!...
Aïe !...
Tu trembles, enfant?
Non ; mais vous serrez trop fort !
Parle-moi !... parle- moi !...
Oui... figurez-vous que je me suis imprégné de myrte...
{{Personnage|Art hémise|c}}
Je sais que tu aurais pu vendre tes meubles... et tu ne les as pas vendus!...
Plaît-il?...
Alors, tu m'aimes, n'est-ce pas?
Tiens! pour une rosière!... (haut) Eh bien, oui, Cocotte... oui, Cocotte!...
Oh! merci!... (l'embrassant au front avec transport) Tu es beau! tu es beau!...
Sacrebleu! est-ce qu'elles sont toutes comme ça, à Argenteuil ?...
Tiens ! voilà ma couronne ! tiens! voilà mon bouquet ! Prends !...
Si nous allumions?
Oh! non!... l'ombre! l'ombre!... où est ma chambre?
Là !... à droite... permettez-moi de vous y conduire.
Ne me suivez pas!... je vous défends de me suivre! (avant de sortir et avec grâce) Je sonnerai!
Scène IV
Elle sonnera ! diable ! (allumant une bougie sur la cheminée) Cocotte est une rose. mais une rose du Bengale qui se souvient de son soleil! (regardant autour de lui) Personne ! profitons de ce moment de solitude pour procéder à mon petit maquillage... (il s'approche de la console à gauche et s'accommode) D'abord, une couche de blanc... après, une couche de rouge... et ensuite je me dessinerai quelques veines. Le visage de l'homme est comme un appartement : il faut de temps à autre boucher les crevasses et rafraîchir les peintures !... j'ai envie de me planter un petit signe sur la lèvre... (la sonnette de gauche s'agite avec impatience) Mazette! déjà! (criant) Voilà! voilàl. où est ma crème de riz?. (La sonnette s'agite avec impétuosité) Voilà ! Voilà ! Sapristi !...est-ce qu'elles sont toutes comme ça, à Argenteuil?... Vite ! ma coiffure !...
Scène V
Enfin ! j'ai pu m'échapper !...
Hein? elle!... on n'entre pas !
{{Personnage|Cocotte| c}}
Comment, monsieur, vous portez perruque?...
Elle m'a vu! (haut) Non! je faisais ma raie... et alors... Comme c'est plus commode... Sacrebleu on n'entre pas comme ça! on frappe!
Mais je sonne depuis deux heures !
Parbleu!... je l'ai bien entendu!... je ne suis pas sourd!... Rentrez, que diable! j'ai besoin d'être seul!
Ne vous fâchez pas!... je rentre... (à part) Oh ! qu'il est laid !
Ah mais !... décidément, elles n'ont pas de patience, les rosières d'Argenteuil ! (apercevant dans la glace sa perruque à l'envers) Oh ! Saprelotte !... et ma perruque... à renvers ! (il la rajuste) Me voilà dépoétisé !... j'ai perdu mon charme !...
Scène VI
Il faut que je lui parle !... il le faut !...
Hein?... qu'est-ce?
{{PersonnageD|Grandcassis|c| entrant}}
Ah ! le voilà !
Vous chez moi! à cette heure!
Mon ami, répondez-moi franchement...
Quoi?...
Quel événement!... c'est le père Reculé... un sourd... Parlez!... la femme que vous avez trouvée ici...?
Ah mon ami !... charmante !... délicieuse !...
Ah! mon Dieu!
Quand je suis entré... elle était sans lumière...
Cristil !...
Elle m'a dit « Tu es beau! tu es beau!... » Elle m'a embrassé... elle m'a pris la tête... et...
Ah !...
Eh bien !... qu'est-ce que vous faites?... Il se trouve mal, à présent!... (le secouant) Monsieur! Monsieur! … Ah ! mais il est embêtant!... j'ai affaire !... (appelant) Catherine ! Catherine !
{{PersonnageD|La bonne|c| paraissant adroite, premier plan, avec un balai qu'elle pose près de la cheminée}}
Monsieur!...
Aide-moi à rouler ce monsieur dans l'office.
Comme il est pâle!...
Scène VII
Ah çà monsieur, vous êtes donc sourd?...
Madame Grandcassis!
Bouchencœur!
{{Personnage |Bouchencoeur|c}}
Mais expliquez-moi...
Ne me regardez pas !...
Vrai! je n'y pensais pas!...
Que venez-vous faire ici, dans ma chambre nuptiale... à une pareille heure?
Comment, dans votre chambre? mais vous êtes chez moi!...
Chez vous?... ah ! mon Dieu ! et tout à l'heure, croyant parler à Anatole... Ah!
Allons! bon!... à l'autrel ! mais ce ménage-là ne me laissera donc pas tranquille! (appelant) Catherine !... il doit rester du vinaigre!...
Monsieur, c'est un rapt!... un guet-apens!... je m'adresserai aux tribunaux !
Mais, madame...
Ne me regardez pas!...
Eh je n'y pense pas !...
{{Personnage|Arthémise| c}}
D'abord je ne vous connais pas! je ne veux pas d'un vieux mari !...
Ni moi d'une vieille femme!... j'épouse une rosière et on me livre une veuve !... c'est de la falsification!...
Insolent ! quand je pense qu'il a eu l'audace de m'embrasser !...
Vous!... c'est vous!...
Monsieur!... je vous défends de me retenir!...
Moi?... (criant) Cordon, s'il vous plaît!...
Où est Anatole? je veux aller retrouver Anatole!... que va-t-il penser ?...
Merci!... ça va mieux!...
Lui! ici? comment se fait-il? Silence, monsieur!... qu'il ignore vos vivacités!...
Les vôtres!... permettez!...
Scène VIII
{{PersonnageD|Grandcassis|c| entrant}}
Arthémise!
Lui!... toi!... Anatole!...
Arrière, madame!...
Quoi!... tu me soupçonnes ... moi?... je te jure qu'il ne s'est rien passé que d'honorable ...
Absolument rien !...
Demande à M. Bouchencœur...
Certainement!... Nous avons passé la soirée à jouer aux dominos...
Aux dominos.
Aux dominos?...
A preuve que j'ai gagné six sous... à madame...
{{PersonnageD|Arthémise|c| vivement}}
Et que je les ai perdus!...
Les voilà!... (il les montre) C'est une preuve, ça!
Deux... quatre... six!... (à part) Disent-ils vrai, mon Dieu!... (Haut) Et après?...
Et après... comme il se faisait tard... et qu'on ne pouvait pas trouver de voiture...
Madame...
S'est mise en peignoir...
Pas davantage!...
Voilà!... voilà tout!...
Mais cette femme qui vous a dit « Tu es beau! tu es beau!... ».
C'est Cocotte!...
Moi aussi... c'est-à-dire...
Comment aurions-nous pu nous tromper... rien qu'à la voix!... celle de monsieur est affreuse !...
Et la taille !... la taille de madame est monstrueuse !...
C'est juste !...
Plaît-il?...
Ainsi... ce baiser...
C'est Cocotte! …
C'est Cocotte!
Ah !... je respire !...
Monsieur Bouchencœur !
C'est elle !...
Ciel !...
Sapristi!... elle va tout déranger!...
Scène IX
Comment, monsieur, encore une perruque!
Une s'agit pas de ça !... (lui faisant des signes) N'est-ce pas, ma chère amie, que nous ne nous sommes pas quittés de la soirée?...
Vous savez bien que si, monsieur Bouchencœur...
Hum ! Hum !...
Je ne pouvais pas être ici... puisque j'étais chez M.Grandcassis...
Aïe!...
Comment?...
Qu'entends-je?... vous étiez chez M.Personnage|Grandcassis?...
Mais oui!... on m'y a conduite... de votre part...
De sa/ma part ?
{{Personnage| Grandcassis|c}}
Hum ! hum !...
Parlez!...
Vous savez bien!... les épreuves...
Quelles épreuves?
Les épreuves du mariage
Patatras !...
C'est vous qui aviez choisi M. Anatole?
Moi?...
Ah! il a été bien bon pour moi!...
Hum! hum!… (à part) La voilà partie !
Je lui ai donné mon bouquet, j'ai mis mes papillotes, et …
C'est horrible!...
C'est ignoble!...
Il m'a dit que c'était pour vous faire plaisir !...
{{Personnage|Bouch encoeur|c}}
Me faire plaisir :... Rentrez ! petite malheureuse !...
Ah ! mon Dieu !
Rentrez!... nous causerons tout à l'heure!...
Qu'est-ce qu'il a?
Scène X
Ah! je suffoque! (à Garandcassis) Monsieur, c'est une infamie !
Une ignominie!
Me tromper !
Le jour de mes noces !
C'est un petit malheur... mais convenez que c'est drôle !
Ah ! vous le prenez comme ça? vous blaguez papa?... Eh bien, nous n'avons pas joué aux dominos !...
{{Personnage|Grandcassis| c}}
Hein?...
Rendez-moi mes six sous !... (triomphant) Nous avons en aussi nos petites épreuves.
Qu'entends-je?
C'est faux !
Elle m'a dit « Tu es beau!... tu es beau!... » Elle m'a embrassé... elle m'a pris la tête. Enfin nous sommes quittes!
Quittes !
Ne le crois pas!...
Comme ça, il ne me blaguera pas.
Monsieur!... monsieur!... expliquez-vous !... je vous somme de raconter les faits!... tous les faits! ...
Vous le voulez?
Oui!
Je commence!... Le bocage était sans lumière... le rossignol était sans voix... nos deux mains se rencontrèrent dans l'ombre...
{{PersonnageD|Arthém ise|c| avec explosion}}
Anathème et malédiction !... cet homme est un monstre !... Anatole !... mon Anatole !...
Ne touchez pas, madame!... il n'y a plus rien de commun entre nous !
Où vas-tu?
Chez mon avoué !
Son avoué?...
Je vais lui commander ua bon petit procès en séparation !
Ah!...
Tiens ! c'est une idée !... je l'appliquerai à Cocotte !
Écoute-moi !
Arrière, veuve Mouchette!
Ah! c'est comme ça!... il refuse de m'écouter! (à Bonchencoeur) Et c'est toi qui es cause... Ah! nous allons voir!...
{{Personnage|Bouchenco eur|c}}
Madame !... pas de violence !...
Ah ! gueux !... ah ! Gredin !
Elle joue du bâton !... au secours ! au secours !
AIR : Cest trop d'impertinence
Il faut que je t'assomme,
Infâme suborneur !
Si je ne suis pas homme,
Du moins, j'en ai le cœur.
Mais c'est qu'elle m'assomme !
En vérité j'ai peur...
On croirait voir un homme
Qui frappe de tout cœur !
Scène XI
Il fuit, le lâche ! … (elle jette son balai et éclate es sanglots) Ah! ah! ah! pauvre faible femme !... Anatole me croit coupable !... il a parlé d'un procès !... J'irais m'asseoir sur les bancs de la police correctionnelle, entre deux gendarmes, côte à côte avec Bouchencœur !... un homme si laid !... je serais condamnée !... Jamais !... jamais !... mon parti est pris !... (elle sonne) On parlera de moi dans l'histoire !...
Madame a sonné ?
Apportez-moi du thé... et un réchaud de charbon allumé...
Un réchaud?...
C'est pour le thé.
Madame désire-t-elle du sucre ?
Non !... pas de sucre !... (à la bonne) Allez !... (la bonne sort. à part, avec amertume.) Il n'y a plus de sucre pour moi .dans ce bas monde !... Demain, on lira mon nom dans la Gazelle des Tribunaux !... (s'attendrissant) à côté de celui des petits enfants qui mangent continuellement des allumettes chimiques par imprudence !...
Voici le thé, madame; où faut-il placer le réchaud?
Donnez...
Je vais ouvrir la fenêtre...
Non !... je l'ouvrirai moi-même...
{{Personnage|La bonne|c}}
Mais, madame...
C'est bien, sortez!...
Je m'en vais... (à part) Qu'est-ce qu'elle a?...
L'heure est solennelle!... dois-je me déshabiller? ... Non!... dans ma robe de fiancée!... ma couronne sur la tète!... (par réflexion) C'est peut-être une bêtise... que je vais faire là?.. .
Voix deMadame y est?... très-bien!
Du monde !... je ne veux pas qu'on surprenne... où cacher ?... Ah !... là !... sous cette console...
Scène XII
Comment! vous ici?
M.Formose!
Je vous dérange, peut-être ?
{{PersonnageD|Arthémise|c| embarrassée}}
Non!... du tout!... c'est que... j'allais déjeuner... (à part) Comment le renvoyer ?
Moi aussi, je suis invité... Tiens ça fume ici.
C'est le thé !
Du thé? ... ah!... j'en accepterai une tasse...
Voilà qu'il s'assoit !
Non ! non ! non !... je ne signerai pas !...
Si, madame, vous signerez ! (flairant autour de lui) Quelle drôle d'odeur ! ça sent le chou !
Qu'est-ce donc?
C'est monsieur qui veut absolument me faire signer une demande en séparation !
Le sacripant!
Déjà !
Un lendemain de noce ! Qu'est-ce qu'on penserait de moi à Argenteuil ?
{{Personnage|Bouchencoeur| c}}
Il ne s'agit pas d'Argenteuil !... voici la plume, dépêchons-nous !
Non ! non ! Non !
Madame !...
Je viens de chez mon avoué !
Anatole !
Arrière, madame !... il m'a donné une consultation
Qu'est-ce qu'il a dit? parlez.
Qu'est-ce que c'est que ça ?
Une petite demande en séparation.
Jamais!
Jamais !
Prenez-y garde, madame!... si vous voulez du scandale. nous en ferons !... Nous... nous... Il bâille sans pouvoir achever sa phrase.
Oui... nous verrons si... si...
Eh bien!... eh bien!...
J'ai envie de dormir !...
Ma tête tourne !
Les meubles dansent!
Ah ! je me rappelle !... là !... un réchaud de charbon allumé !...
Un réchaud?...
Au secours!
Au secours! au secours!
{{dida scalie|Air du Miserere (il Trovatore. Verdi)|d}}
La mort m'environne !
Nous somm's flambes !
Déjà l'heure sonne !
Nous somm's flambes !
Mon âme frissonne !
Mourir, c'est affreux !
Nous somm's flambés !
Cré nom ! je succombe
Nous somm's flambés !
Je sens que je tombe !
Dormons dans la tombe !
Vivons dans les cieux !
N'ayons qu'une tombe !
Pour nous deux !
{{Personnage|Cocotte| c}}
Ah ma pauvre Cocotte,
Oui, c'en est fait de moi !
Un souvenir, un souvenir de toi !
Cocotte, bonsoir, oh! Saprelotte !
Bonsoir! bonsoir
Nous somm's flambés !
Scène XIII
Ouvrez donc!... ouvrez donc!...
Ah !... de l'air !... de l'air !...
Ah !... ça va mieux !...
Je respire !...
Il était temps !...
Mes enfants, je vous apporte la copie de vos actes de mariage...
{{Personnage|Bouchencoeur| c}}
C'est cet animal qui est cause de tout !
Vieille bruce!...
Vieux crétin!...
Merci !... j'ai pris mon café... (lisant) « Primo... Acte de mariage entre Anatole Grandcassis et Félicité Cocotte... ».
Hein?
Cocotte!...
Est-il possible!...
« Secundo... Entre Martial Bouchencœur et Arthémise, veuve Mouchette... ».
Mais non !...
Qu'est-ce qu'il chante?...
Mais ça y est !... c'est écrit... il m'a marié avec Cocotte !...
{{Personnage|B ouchencoeur|c}}
Et moi avec la veuve !....
Horreur !...
J'allais le dire...
Vous êtes contents ?
Comment se fait-il... ?
Je comprends nous étions quatorze à la mairie... il s'est trompé!...
Il s'est empêtré dans les futurs !...
Ô Providence !...
Oui, mais ça ne compte pas !...
Ce mariage est nul!...
Si le mariage est nul, nous sommes libres... alors j'épouse Cocotte!
Oh ! je veux bien !...
{{Personnage|Bouchencoeur et Arthémise|c}} Sapristi !...
D'ailleurs... ne vaut-il pas mieux rester comme le hasard... qui est aveugle... et sourd... nous a placés?
Mais permettez...
C'est infiniment plus moral!...
C'est plus moral... mais c'est moins drôle... ça n'est même pas drôle du tout !
Un petit vieux... avec une perruque !... ce n'est pas là le jeune homme que j'avais rêvé !...
Ah! Cocotte!... chère petite femme!... soyez tranquille! j'achèterai des meubles... et nous causerons de Casimir.
Allons!... chère madame Mouchette...
Ne me regardez pas!...
Ah! mon Dieu!... (à part) Est-ce que j'aurais épousé une sinécure? Cré coquin de myrte !
Air : Quadrille des Lancieris
Puisque tout est bien
Qui finit bien,
Eh bien
Soyons heureux,
Joyeux ;
Car tout est pour le mieux !