Les Éblouissements/Quelle douceur de miel

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Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 303-304).

QUELLE DOUCEUR DE MIEL



Quelle douceur de miel dans les charmants jardins !
Comme un bruit de grenade ouverte, dont les grains
S’élancent un à un et claquent sur du marbre,
Un jet d’eau glisse et tombe à l’abri d’un bel arbre.
Le ciel est une douce haleine de bonheur.
On dirait, tant ce jour semble une fière fleur,
Que nulle ombre ce soir ne le pourra défaire…
Le soleil, choisissant les feuilles qu’il préfère
Les couvre de clartés et d’innocent désir,
Tandis que d’autres sont à l’écart, sans plaisir.
Semblable au poisson bleu sur la vague dormante,
L’hirondelle enfermée en sa petite mante
Fend d’un élan léger l’azur et ses flots d’or.
Tendres voix des oiseaux, qui ne sont pas d’accord,
Qui dans la paix du temps, des limpides minutes,
Installent leurs cris clairs et leurs chaudes disputes,
Et tombent d’arbre en arbre avec des gestes doux,
Comme un cadeau que fait le mûrier au bambou ;


Beau jour plus exaltant, plus apaisant, plus tendre
Que ce qu’une âme auprès d’une autre peut entendre,
Quelle sagesse vient de votre amour sur moi !
Mon cœur enveloppé des trente jours du mois
Est un pistil de rose au milieu de la rose !
Et voici qu’honorant le sang qui me compose
Je tends mes bras, emplis d’un souvenir divin,
Vers les cieux d’Orient, odorants comme un vin,
Où la colombe meurt du parfum de ses ailes…
Ah ! l’aurore embrasant les flots des Dardanelles !