Les Éléments principaux de la représentation, par O. Hamelin

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ÉTUDES CRITIQUES


ESSAI SUR

LES ÉLÉMENTS PRINCIPAUX DE LA REPRÉSENTATION

PAR O. HAMELIN


« Le processus par lequel nous nous sommes élevés de la relation à la finalité n’est pas autre chose que les premières articulations d’une preuve ontologique[1] ». Ainsi parle notre auteur, lorsqu’approchant du terme, il jette un regard sur le chemin déjà parcouru. Cette remarque éclaire, semble-t-il, justement comme il faut, la marche dialectique que nous avons d’abord à présenter en raccourci. On sait que la preuve ontologique a pour objet de nous conduire de l’essence à l’existence ; et il n’est personne qui n’ait senti quelque force dans cet argument tant de fois ruiné. Pourtant, et même sans s’arrêter à des subtilités de dialectique, il est difficile de ne pas faire à ce sujet deux remarques, qui prépareront certainement le lecteur à mieux saisir le sens du livre assez obscur que nous avons à lui présenter. La première est que ce passage du suprême abstrait au suprême concret est trop brusque, et qu’on y voudrait des degrés. Car ce qui est, de quelque façon qu’on le conçoive, enferme certainement toute la variété et toute la richesse possibles, et notre entendement ne supporte pas ce miracle, qui transforme comme d’un coup de baguette la notion la plus pauvre et la plus nue en la plus compliquée des notions, et l’être dont on nie tout en l’être dont il faut affirmer tout. La seconde est que l’être concret, c’est-à-dire réel, auquel on arrive, n’est concret qu’en paroles, et reste à déterminer ; et il semble bien que cette détermination devrait résulter de la preuve même, de façon que deux vérités apparaissent en même temps, ce que c’est positivement que perfection, et que l’être parfait existe ; faute de quoi on sera condamné à enrichir après coup et par des méthodes détournées la notion pourtant la plus pleine de toutes, puisqu’il n’y doit rien manquer.

Il s’agit donc, pour notre auteur, de passer de l’essence à l’existence, mais en allant au détail, depuis l’essence la plus simple et la plus abstraite de toutes, jusqu’à l’être même, et en cherchant, à chaque degré, et qui manque à notre essence, ce en quoi elle est imparfaite, ce dont elle a besoin pour être connue. « Conférer la primauté ontologique à l’abstrait, et par conséquent commencer par lui attribuer, au lieu de son caractère de fragment et d’élément, le caractère de se suffire à soi-même ; le représenter comme attendant avec patience que la réalité s’ajoute à lui du dehors absolu et après coup, comme un supplément dont il n’aurait pas en lui le besoin, c’est renverser la raison[2] », Ainsi n’oublions pas qu’abstrait veut dire exactement séparé ; que l’abstrait ne peut être pensé sans autre chose ; et que ce qui ne peut être pensé en soi ne peut être dit exister en soi. Chercher done ce qui manque à l’abstrait, et enrichir peu à peu la notion la plus abstraite, en y ajoutant ce dont elle a besoin pour être conçue, c’est un moyen infaillible d’arriver comme par degrés au concret, c’est-à-dire au réel, tout en définissant au passage les abstraits principaux qui sont les éléments de toute pensée réelle.

Pensons donc l’être parfaitement pur et vide ; pouvons-nous le penser seul ? Non, pas plus que nous ne pouvons penser le néant seul : « l’être exclut le néant et le néant exclut l’être, mais il est impossible de trouver aucun sens à l’un ou à l’autre en dehors de cette fonction d’exclure son opposé ». Et puisque les deux opposés n’ont de sens que l’un par l’autre, il faut qu’ils soient pensés ensemble. Cette pensée des deux opposés ensemble, c’est la Relation. Ainsi l’Être n’est pas pensé en soi, mais dans la Relation ou le Rapport.

Le Rapport peut-il être pensé en soi ? Non. Il n’a de sens, lui aussi, qu’avec son opposé. Qu’est-ce que Rapport ? C’est impuissance d’être l’un sans l’autre ; l’opposé du Rapport, c’est la nécessité d’être, en quelque façon, l’un sans l’autre. Ce nouveau Rapport, car c’est encore un Rapport que d’être l’un sans l’autre, c’est le Nombre. Mais la Relation et le Nombre sont des opposés qui s’appellent et qui n’ont de sens que s’ils sont pensés ensemble de quelque façon. Il y a donc nécessairement un Rapport qui est à la fais et invinciblement liaison et dispersion ; liaison, c’est-à-dire continuité ; dispersion, c’est-à-dire négation de toutes les parties par celle qui se pose ; et ce Rapport mouvant, où chaque terme repousse tous les autres dans le néant, n’est autre que la série successive, unique et irréversible qu’on appelle Temps. Ces caractères peuvent-ils être pensés en soi ? Non. Ils ne se comprennent, à leur tour, que par leur opposition à des contraires ; il faut donc que nous pensions aussi le contraire du continu temporel, c’est-à-dire des séries simultanées, multiples et réversibles ; et voilà l’Espace. Observons bien comment notre être abstrait s’enrichit peu à peu. Le ressort de notre dialectique, c’est qu’une notion en suppose une autre avec laquelle il faut la penser, si on la pense ; ainsi nous pensons nécessairement l’Être, le Rapport, le Nombre, le Temps et l’Espace, tout cela ensemble. L’Être est donc déjà moins abstrait, plus plein, plus près du réel, qu’il n’était tout à l’heure.

Il faut maintenant voir comment nous penserons ensemble les deux opposés Temps et Espace ; car aucun d’eux ne pouvant être pensé sans l’autre, il faut bien quelque rapport dont ils soient les éléments inséparables ; ce rapport, c’est le Mouvement ; c’est dans la pensée du mouvement que le Temps et l’Espace sont réellement noués ; le mouvement est donc un abstrait moins abstrait, qui nous conduit vers le réel, ou plus exactement qui, en s’ajoutant au Nombre, au Temps et à l’Espace pour déterminer l’Être, y ajoute un élément nécessaire, et nous rapproche de l’Être complet ou parfait.

Le mouvement est, par excellence, la chose composée, puisqu’il « multiplie l’une par l’autre la composition temporelle et la composition spatiale ». Composé est corrélatif de simple ; si donc nous voulons penser le composé il faut que nous pensions en même temps le simple, mais le vrai simple, « ce qui est indifférent à la juxtaposition sous toutes ses formes, Temps, Espace ou Mouvement ». Il faut donc que le simple, une fois donné, se retrouve tout entier dans toute partie aussi petite que l’on voudra ; et telle est la qualité, car un bleu n’est pas moins bleu sur une petite surface que sur une grande, et un bleu qui dure peu n’est pas moins bleu qu’un bleu qui dure longtemps. Le simple ainsi défini, à sa place, et comme le corrélatif du composé, s’ajoute donc nécessairement au composé, le complète et l’enrichit. Et, comme le composé c’est le Mouvement, il nous faut maintenant une synthèse du mouvement et de la qualité ; il faut donc quelque variation de la qualité qui recouvre, sans perdre le caractère qualitatif, la variation du mouvement ; et l’union de ces deux variations, c’est l’Altération. Comme l’Altération consiste dans la transformation d’une qualité en son contraire, nous devons, par opposition, concevoir du même coup « un processus dont l’essence soit précisément de conserver l’état qualitatif pris pour point de départ ». Ce changement qui est alors addition ou enrichissement nécessaire d’une qualité d’abord posée, c’est la Spécification : le genre appelle la différence, qui fera du genre une espèce.

Il importe de considérer avec attention la Spécification, moment remarquable de cette dialectique, si l’on veut comprendre comment et en quel sens l’Être réel va naître quand nous l’aurons construit. Jusqu’ici la dialectique disperse au lieu de réunir et de concentrer, errant à travers les Nombres, le long du Temps, et au delà de toute limite dans l’Espace ; suivant le Mouvement, afin de ne pas s’évanouir dans le néant de l’instant et du point. La dialectique assigne des places pour l’être qui existera, trace des trajectoires pour l’être qui agira ; mais rien ne se cristallise, rien ne se pose ; l’instant et le point sont tout nus ; la qualité est poussière ; et le changement, parce qu’il n’est que changement, est à peine changement. « La spécification nous apporte un lien pour les qualités qui, sans cela, se dissolvent et se mêlent au hasard. Grâce à elle les étendues qualifiées vont s’intégrer en assemblages définis, et un grand pas sera fait vers la constitution du monde »[3]. Il suffit donc de penser avec application des notions nécessaires, et pourtant impossibles à penser en elles-mêmes, pour en voir naître une autre, l’inhérence de la différence au genre, et déjà se former des astres dans cette nébuleuse.

L’Altération et la Spécification s’opposent, donc se supposent ; il faut que nous les pensions ensemble dans quelque notion synthétique dont elles soient les éléments. Mais comment réunir le changement et la stabilité, sinon en concevant la composition de tout ce qui change, autrement dit la liaison réciproque de toutes les parties de l’étendue qualifiée, liaison quant à leurs changements, d’où la nécessité, pour chaque partie, « d’être, par le fait de ce qui est hors d’elle, autre qu’elle ne serait si elle était seule »[4] ; et telle est la causalité, dont le mécanisme, fondé sur cette relation que l’on appelle force, est l’expression la plus claire.

Au point de vue de la causalité, les phénomènes sont présentés comme des résultats ; ils sont ce qu’ils peuvent être et ce qu’ils se trouvent être, « à l’exclusion de toute considération d’ordre et de bonté quelconque[5] »., Résultat et but sont deux opposés, qui, eux aussi, ne peuvent avoir de sens que l’un par l’autre. Ainsi l’on ne peut penser réellement la cause sans penser en même temps la fin. C’est seulement par la Finalité qu’achève de se constituer le déterminisme des phénomènes. Un système de causes peut être conçu et construit sans aucune idée de fin, au moyen d’une abstraction légitime ; mais un système de causes n’est qu’une abstraction ; il ne peut pas être en soi : car il faut une raison qui fasse que tel système de causes existe : les causes n’agissent qu’une fois données ; elles peuvent toutes être également données ; et la raison d’être tirée d’une cause de ces causes est extrinsèque au système, et réclame à son tour une cause. Il faut que ce qui est soit déterminé autrement et par raison intrinsèque, et les vues profondes de Leibniz sont d’accord avec notre dialectique. Toutefois il faut se garder ici d’aller trop vite, et comme dit notre auteur, de monter « d’un degré de trop dans l’échelle dialectique[6] »; car la finalité touche de si près à la conscience que l’on est tenté de ne pas l’en séparer, et d’aller tout de suite aux dernières conditions de l’existence. Mais le jeu même de la dialectique nous met en garde contre ces intuitions précipitées qui confondent les notions : il faut conserver aux abstraits, à tous leurs degrés, le genre d’existence qui leur convient. Or, la finalité se pose comme faisant antithèse au mécanisme. Les idées, elles-mêmes corrélatives, de fin, de moyen et de système, ne sont donc pas moins nécessaires que leurs opposées, cause, effet, action ; la pensée de celles-ci n’est donc pas complète sans la pensée de celles-là. Et c’est en partant de là qu’il faut définir la finalité, non comme une cause, ou comme un résultat à venir agissant à la manière d’une cause, mais comme une détermination d’un genre original, qui est la détermination, dans un concept, des parties par le tout ; à cette condition seulement il y a des essences, c’est-à-dire réellement des possibles ; car le mécanisme, par l’indéterminisme qu’il enferme, n’est même pas complètement possible[7]. Ce que nous pensons, c’est toujours un mécanisme déterminé et limité, c’est-à-dire un système ; et il n’y a point système si le tout ne détermine en quelque façon ses parties. La causalité, réduite à elle-même, n’était donc pas apte à recevoir l’existence ; il y manquait plus d’une condition. En la déterminant par la définition de la finalité, nous sommes, en quelque sorte, sur le bord du possible et tout près de l’existence, nous ne pouvons pas faire la synthèse de ces opposés sans produire par là une dernière raison d’être. Unir la causalité et la finalité, cela n’est pas possible dans l’abstrait ; la liberté seule peut contenir ces deux opposés, et elle se définit par leur union. Il faut que le possible soit fait être, et, « ce qui fait réellement, c’est la synthèse de la cause et de la fin, la volonté[8] ».

Mais construisons avec un peu plus de précautions cette notion synthétique, où toutes les raisons d’être sont enfin réunies. L’union de la causalité et de la finalité se définit aisément comme système agissant[9], mais système agissant formant un tout complet, c’est-à-dire concret, qui existe sans avoir son existence dans autre chose, corrélation pourtant et rapport, comme tout ce qui est pensé, mais rapport qui ne nous renvoie pas à autre chose, rapport, donc, de soi avec soi. Mais aussi le système agissant ne doit être défini par aucun caractère extrinsèque ; il doit « manifester son indépendance et sa suffisance par un caractère interne ». Or cela, c’est se faire, c’est-à-dire posséder la Liberté ; non une ombre de Liberté définie par des causes ou des fins, mais une Liberté qui dépasse le système des causes et des fins ; car ce qui n’est que par causes et fins n’est pas réellement : exister, c’est quelque chose de plus, qui définit la Liberté autant qu’elle peut être définie. Et comme cet être libre consiste dans un rapport de soi avec soi, l’être libre sera pour soi. La conscience, ou existence pour soi, telle est la pensée complète, ou, ce qui est la même chose, l’être parfait, qui existe par soi. On pourrait dire « exister, c’est être voulu[10] », être consciemment voulu. Seulement il faut amener cette notion à son rang, après les autres, et comme complétant les autres ; sans quoi l’on ne comprendrait pas que l’être ainsi construit ait quelque solidité, si l’on peut ainsi dire, enferme en lui le déterminisme en face de la contingence, et soit réellement la synthèse du moi et du non-moi.

Que notre marche dialectique soit maintenant achevée, c’est ce qui apparaît clairement si nous cherchons quelque opposé à l’être concret ; l’opposé c’est maintenant ce qui nest pas du tout : nous passons de la corrélation à la contradiction ; aucune synthèse n’est plus possible entre ce qui contient tout et ce qui nest que la négation de tout. Notre preuve ontologique s’arrête donc ici. Ce qui est par soi, c’est l’Esprit conscient. Nous ne pouvons plus faire, après cela, que des conjectures sur Dieu, la multiplicité des consciences et la communication des consciences[11].

Tel est le squelette de cette œuvre. Si dénudée que suit cette dialectique, lorsqu’on la sépare, et il le fallait bien, des développements riches et pleins qui l’éclairent à chacun de ses moments, le lecteur pressent peut-être que celle méthode de définir est de nature à rendre aux problèmes leur vrai sens et leur vraie place aux spéculations trop dispersées des rationalistes de notre temps. Si le lecteur a une telle idée, qu’il laisse là notre étude et qu’il coure au livre. Mais si, comme on peut le craindre, il pense que cette dialectique est inutilement aride, et aboutit, en somme, comme toute dialectique, là où elle voulait aller, qu’il lise encore ce qui suit.

Il n’est sans doute pas utile de faire voir qu’il y a intérêt à enchaîner les idées fondamentales selon un ordre nécessaire. Tout le monde avouera qu’il faut le faire, si c’est possible ; seulement peu de philosophes croiront que c’est possible ; et presque tous jugeront qu’ils ont fait, une fois pour toutes, son procès à la dialectique. C’est donc la dialectique qu’il faudrait réhabiliter. Beaucoup sont disposés à n’y voir qu’un jeu de paroles, et cette apparence suffit à détourner de Platon beaucoup de jeunes lecteurs, au grand dommage de la philosophie : peu d’hommes ont lu sérieusement le Parménide jusqu’au bout. Il nous arrive pourtant quelquefois de soupçonner dans ce jeu quelque chose qui vaut mieux qu’un jeu ; parfois nous rencontrons de ces articulations solides qui rendent nécessaire une affirmation après une autre, et nous nous sentons mieux pris, à ce qu’il nous semble, que nous ne le serions par un discours imprudent. Quand les Éléates posent l’Être, il faut bien dire avec eux qu’il est unique, indivisible et immuable. Lorsque Leibniz raisonne ainsi : puisqu’il y a des composés il existe des simples, sans quoi il n’y aurait rien, que pourrait-on bien répondre à cela ? De même, lorsqu’il argumente comme on sait : si Dieu est possible, Dieu est, or Dieu est possible ; et l’argument ontologique lui-même n’est pas sans force ; en vérité il est plus facile de le réfuter convenablement pour les autres, que de se prouver à soi-même qu’il n’est qu’un sophisme grossier. Toutefois, il est assez clair que des raisonnements de cette espèce ne sont point de ceux qui donnent communément bonne opinion de la philosophie. Trop de jeunes sophistes les imitent et entendent dépasser de bien loin leurs maîtres dans l’art de construire des tours dans les airs. Et surtout, si peu que l’on ait goûté à la Critique de Kant, on se croit en mesure d’expliquer le mécanisme de cette prétendue nécessité dialectique, en faisant voir que la conclusion était déjà cachée dans les prémisses, si du moins elle n’y est pas ajoutée subrepticement grâce à l’ambiguïté des termes. De toute façon les meilleurs esprits, dès qu’ils ont usé le feu de la première jeunesse, n’aspirent plus qu’à ne pas s’élever, et, bien plus, à descendre sur la terre, et à se perdre dans les détails de l’expérience, en méprisant désormais ouvertement toute définition et tout principe. Aussi voyons-nous qu’ils ressemblent assez à cet Héraclite, selon Platon, qui ne pouvait ni rien dire, ni même rien penser, et qui devait littéralement s’endormir dans l’instant ; car, si rien n’est construit, il n’y a même plus de durée, ni, par suite, de conscience.

Mais pour retomber si bas, il n’est pas nécessaire que l’on se soit livré, pour son compte ou à la suite des maîtres, à des pensées d’aventure. On peut voir, par le mouvement des esprits en ce temps, que la pratique de la Mathématique suffit souvent à détourner un homme de la Raison et des Idées. Car, dans la Mathématique, l’autorité des auteurs et l’autorité de l’expérience, tout s’accorde pour nous donner confiance dans l’enchaînement rigoureux de notions qui nous est présenté, tout, excepté cet enchaînement lui-même. Il suffit d’avoir lu Kant en bon écolier pour savoir distinguer deux choses dans une déduction mathématique, un raisonnement de forme syllogistique, et une expérience d’une certaine espèce, que nous pouvons appeler intuition, et qui est le véritable ressort de cette dialectique. Dès lors il faut, ou bien que nous reconnaissions à cette intuition le caractère d’une nécessité invincible, quoique inexplicable, ce qui revient à poser la Raison comme un fait humain, ou bien que, nous mettant à l’école de Hume, nous rattachions cette perception simplifiée à des expériences concordantes suggérées par les plus pressants besoins et unifiées par l’industrie humaine, l’invention des sciences suivant alors l’invention des outils. De toute façon nous sommes ramenés à l’empirisme ; il n’y a plus ni nécessité ni Raison ; et la dialectique, dans la Mathématique comme ailleurs, n’est plus qu’un langage. Telle est la pente où sont entraînés les esprits en ce temps, même ceux qui, dans la pratique des mathématiques, restent rationalistes et usent avec confiance de ce mécanisme, qu’ils disent purement verbal, comme si nécessité était vérité. Aussi voyons-nous que les plus puissants esprits luttent perpétuellement contre eux-mêmes, et tantôt sont empiristes contre les rationalistes, tantôt au contraire, pensant par bonds ; tantôt dans les airs comme des génies, tantôt par terre et jouant avec des cailloux, comme de tout petits enfants ; tantôt revenant aux théories comme à leur patrie préférée, tantôt se condamnant à ne rien apprendre que de l’expérience ; mais, pour finir, retombant toujours dans le ciel.

Il fallait pourtant chercher où est le ressort caché de cette dialectique si justement et si inutilement décriée ; il fallait voir, en d’autres termes, si la géométrie sans figures est condamnée à n’être qu’un langage, et si les concepts ne peuvent décidément être reliés les uns aux autres que par des faits et dans l’expérience. Or, la dialectique de notre auteur a cela de nouveau, comme on a pu déjà l’entrevoir, qu’elle échappe à la critique de Kant, puisqu’elle prétend être à la fois purement logique et réellement synthétique. Par dialectique, nous voulons toujours entendre déduction, c’est-à-dire analyse[12] ; au contraire par dialectique il faut entendre construction, c’est-à-dire progrès véritable, passage véritable d’une notion à une autre notion. D’une marche dialectique de ce genre, la géométrie devait nous donner quelque idée, car il y a dans la géométrie deux dialectiques très différentes, et qui sont continuellement mêlées l’une à l’autre. L’une n’est qu’analyse des notions, et, par conséquent, discours cohérent, sans rien de plus ; lorsque le parallélogramme est posé, toutes les propriétés du parallélogramme sont posées implicitement[13], et il n’y a plus, en concédant à la dialectique toute la rigueur que l’on voudra, qu’à les mettre en évidence, et comme le mot le dit si bien, à les expliquer. Mais il y a dans la géométrie une autre dialectique, vraiment constructive, vraiment progressive ; à chaque instant le géomètre passe d’une idée à une autre idée, qui contient comme éléments les précédentes, mais est pourtant quelque chose de nouveau. Seulement, ici, le secours de l’intuition, c’est-à-dire au fond de l’expérience, peut cacher le véritable ressort logique qui nous conduit pen à peu à des notions d’une extrême richesse, et qui ressemblent assez aux formes réelles pour exprimer correctement les résultats des mesures les plus précises. Or un tel ressort peut être aperçu, et M. Hamelin en donne quelque idée lorsqu’il construit le concept d’espace[14] : c’est toujours par la corrélation nécessaire des opposés que nos idées s’enrichissent et se construisent ; seulement, avant de l’apercevoir dans la géométrie, où l’intuition dispense du raisonnement, il fallait essayer cette méthode sur des concepts purs. Le principe en est que toute notion suppose son opposée, et doit être pensée avec son opposée. Cette liaison invincible conduit à construire une troisième notion avec les deux autres, et de proche en proche toutes les notions fondamentales, jusqu’à la finalité et à la conscience. Il faut reconnaître que le penseur qui s’est avisé d’appliquer cette méthode nouvelle, en la poussant aussi loin qu’il le pourrait, s’est lancé dans une belle aventure ; il faut avouer aussi qu’à mesure qu’il reconnaissait et apprenait à nommer la notion qu’il venait de construire, il a dû éprouver la plus haute joie humaine en voyant le Mouvement, la Cause, la Fin, se présenter à leur rang, et la Conscience où Liberté se définir elle-même par les autres, et achever l’œuvre en lui donnant l’être. Il faut encore montrer, et on peut montrer, que cette Mathématique des concepts, si l’on peut ainsi dire, n’est pas moins utile que la Mathématique des formes, attendu qu’elle permet de concevoir et de nommer des notions qui resteraient, autrement, sans forme et presque sans nom.

Informes et presque sans nom, ce n’est pas trop dire, si l’on parle des notions auxquelles on arrive, lorsque, dominé par ce préjugé que toute déduction est analytique, on remonte de notion en notion, en purifiant toujours le concept, mais sans précaution, ramenant peu à peu le plus riche au plus pauvre, pour se perdre enfin en des identités sans portée. Tous ceux qui se refusent à admettre comme un pis-aller l’histoire imaginaire des empiristes, attendu qu’elle ne peut faire un pas sans supposer ce qui est en question, tous ceux-là connaissent bien les pièges de la dialectique. Ce n’est certes pas trop demander à soi-même que de vouloir savoir ce que l’on pense exactement lorsque l’on dit : ce bateau à vapeur est cause que le chaland qu’il remorque se meut en divisant l’eau : et ce chaland à son tour est cause que l’eau est soulevée en vagues et vient battre la rive. Or, si l’on se demande en quoi consiste cette relation, que nous retirons d’abord des circonstances de la perception pour l’y remettre ensuite peu à peu, il arrive, presque toujours, au cours de cette recherche philosophique qui veut purifier le concept, que le rapport causal, bien distinct justement et du rapport avant après, et du rapport de réciprocité simultanée, se perd pourtant soit dans l’un soit dans l’autre, et plus souvent dans la réciprocité ; car on n’a pas de peine à prouver que la cause ne peut pas être, si elle est cause suffisante, antérieure à son effet. D’où il suit que la cause vient se confondre avec l’effet et se définir par l’effet ; par exemple une force se trouve définie par une accélération et n’est plus autre chose qu’une accélération. Quelque maniable que soit un concept ainsi purifié, il est assez clair qu’il ne répond pas à ce que nous cherchions, puisque le rapport causal se trouve alors affranchi du temps, si l’on peut dire, et réduit à la nécessité géométrique qui fait dépendre de la définition les propriétés du défini. On pourrait dire que l’analyse à trop bien réussi, et que nous arrivons à une notion trop pauvre et trop abstraite pour que nous puissions jamais l’appliquer au bateau et au fleuve.

La dialectique de notre auteur ne laisse pas ainsi les notions se perdre en l’air ; son principal avantage est qu’elle laisse les notions distinctes, et, en les présentant à leur rang, leur conserve leur caractère original, et ainsi les rapproche peu à peu de la conscience et de la vie. C’est dans l’exposition du concept de temps qu’apparaît pour la première fois nettement la vertu propre de cette dialectique en mouvement. Le temps est un de ces concepts qui se perdent à l’analyse ; car dans le temps, rien n’existe, mi le passé, ni l’avenir, ni le présent. Mais si on le construit comme la synthèse de la relation et du nombre, alors il s’étale, on oserait dire qu’il foisonne sous notre regard ; car l’instant repousse sous les autres instants ; mais cette fonction de repousser est un rapport qui ne peut être pensé sans tous ses termes, et ainsi « les parties du temps, précisément parce qu’elles s’excluent, sont solidaires[15] » ; ce qui s’exclut dans la pensée est ensemble dans la pensée ; dans le temps se retrouve la nature du Rapport, qui est corrélation d’opposés, c’est-à-dire à la fois répulsion et union. Tel est le temps ; le passé, le présent et l’avenir sont, puisqu’ils s’excluent, pensés tout de même ensemble ; et c’est cette manière d’être qui définit l’être pensé, si du moins on ne se repose pas dans une pensée abstraite et quasi verbale.

Même remarque à faire au sujet du mouvement. Le mouvement, lui non plus, ne se laisse pas analyser ; si on le réduit en parties, il disparaît ; et c’est ce qui a fait croire à Kant que le mouvement n’est pas un concept, pas plus que le temps et l’espace. Cette méprise vient de ce que l’on n’a pas assez considéré la nature du concept abstrait par excellence, le Rapport ; on y aurait vu une multiplicité d’éléments qui s’excluent et en même temps se supposent ; le pur Rapport est aussi bien indivisible déjà que le temps et le mouvement : « le Rapport est précisément ce quelque chose de défini et de subtil à la fois qui ne se laisse pas emprisonner comme une pierre dans les limites d’une surface rigide[16] ». Ainsi le plus simple des. concepts, si abstrait qu’il fût, était déjà capable de tout contenir, sans rien déformer ni emprisonner ; et le mouvement apparaissait, justement comme concept, avec ce caractère d’enfermer comme tout concept deux opposés pensés ensemble ; c’est en ce sens que notre auteur peut écrire : « prenant la notion pour ce qu’elle est, il faut avouer que tout mouvement est continu par essence[17] » ; et, plus clairement encore : « le quelque chose d’intermédiaire qui est enveloppé dans la notion du mouvement est intermédiaire à titre définitif[18] ». Un peu plus loin nous trouvons à dire quelque chose d’analogue au sujet de l’altération, ou changement de la qualité : la substance n’explique rien, car elle ne change point ; et c’est en vain que l’on veut composer le changement avec des concepts rigides ; au contraire, « par sa nature mobile et comme fluide, le Rapport fournit de lui-même le moyen de rendre, sans contradiction, au devenir de la qualité, la liaison indispensable de son commencement et de sa fin[19] ».

On comprend peut-être maintenant comment la causalité risque cette fois d’être construite comme elle est, avec le rapport de temps qui lui est essentiel, et même avec cette idée de progrès véritable et de production que le sens commun y attache, et qu’il fallait seulement purifier, non supprimer, sous peine de mutiler le concept. Notre dialectique nous fournit des matériaux et une définition ; elle nous donne même par surcroît un avertissement ; car elle a été jusqu’ici essentiellement progressive, et nous savons maintenant qu’on peut être conduit nécessairement d’une notion à une autre, sans que la première soit pourtant à la seconde comme le contenant est au contenu.

Considérons done de près nos matériaux et notre définition. La causalité est pour nous la synthèse de l’altération et de la spécification ; avant la causalité, on peut concevoir telle altération ou telle spécification, mais abstraitement ; la causalité exprime de plus ceci, que toutes les altérations et spécifications doivent former un monde lié. Que fait alors la cause ? Elle prononce simplement que telle altération ou telle spécification ne se fera pas comme elle se ferait si elle était seule ; l’effet est quelque chose de plus ; l’effet c’est cette même altération ou spécification, telle qu’elle se fait réellement ; ainsi l’effet est quelque chose de nouveau par rapport à la cause quoiqu’il suppose la cause, et ne soit intelligible qu’après la cause. Et ce rapport d’antériorité ne suppose pas une succession de fait ; car il exprime une dépendance rationnelle, et, même quand la cause et l’effet sont contemporains, comme par exemple s’il y a équilibre, il y a encore lieu de dire que la cause est antérieure à l’effet. On saisit peut-être en quel sens l’auteur peut écrire : « la réalité, au sens conceptuel, de ce qui fait que la cause est cause et qu’il y a passage à l’effet, constitue précisément à nos yeux et qu’il faut affirmer avant tout, quand on prétend admettre et reconnaître la notion causale »[20].

Ce qui fait qu’on laisse trop souvent échapper l’essentiel de la notion de cause, c’est qu’on ne la pense point à son rang. Elle vient, comme on a pu voir, après l’altération et la spécification ; donc, si l’on veut concevoir la cause comme il faut, il est nécessaire que l’on pose d’abord quelque changement défini et explicable par des raisons ; car la notion de raison précède la notion de cause. Qu’une essence définie enferme des propriétés nécessaires, cela n’est vrai que dans l’abstrait : une telle relation est trop loin de l’existence pour qu’on puisse dire qu’elle représente un possible au sens plein du mot ; elle ne contient rien qui ressemble à un événement ; rien n’y est accident ; rien n’y succède à rien ; tout y est en même temps ; tout y à sa raison, mais rien n’y dépend d’une cause. Pour que quelque chose arrive à l’essence, comme parle Aristote, il faut quelque action extrinsèque, quelque relation non essentielle qui pose un problème nouveau ; une telle relation peut seule réellement remplir le temps, et permettre à la cause et à l’effet de s’unir en s’opposant ; pour donner quelque réalité au mouvement et au changement, il faut affirmer que tous les mouvements et changements forment un univers plein ; en d’autres termes, ils ne peuvent être pensés comme réels que dans un univers plein. Il faut done dépasser la notion de changement essentiel, parce que le changement essentiel, comme par exemple les vicissitudes d’une masse soumise à une force, ne peut pas être un changement réel ; mais, pour dépasser cette notion, il faut d’abord la poser. Une fois que l’on connaît bien ce que serait le changement s’il était seul, on joint à ses conditions une où plusieurs autres conditions, elles-mêmes définies, sous l’idée de cause, c’est-à-dire sous l’idée que notre changement est lié réciproquement à ces autres, comme à tout autre, et n’est réel avec les autres qu’à cette condition. Dès lors, et ces précautions une fois prises, on distingue très bien la pensée de la cause de la pensée de l’effet ; car la cause est ce qui joint un changement à l’autre, et l’effet est ce qui résulte de cette union ; d’où l’on pourrait tirer une règle pour la recherche des causes, quelque définition et quelque tracé simplifié de ma causalité devant toujours précéder l’expérience. Au reste, c’est bien ainsi, c’est bien eu joignant réciproquement ensemble des notions spécifiées, que les mathématiciens construisent la mécanique ; et l’on parlerait bien en disant qu’ils procèdent par supposition de systèmes clos, qu’ils composent ensuite les uns avec les autres : par exemple il faudra considérer quelque bateau simplifié, dans un fluide simplifié, si l’on veut approcher peu à peu du problème réel que nous posions tout à l’heure : et ce système clos était fait déjà de systèmes clos, chacun étant alors modifié du dehors par les autres, et l’accident résultant, en quelque sorte, du heurt des essences. Seulement notre dialectique nous fait penser que les essences elles-mêmes, hors de cette relation qui les fait se heurter les unes aux autres, sont à peine des essences ; instruits par la méthode même que nous avons suivie, nous savons que la causalité ne se pose pas à côté des notions qui la précèdent, mais au contraire va les pénétrer toutes, au point qu’on la retrouvera, si l’on cherche bien, dans les systèmes clos les plus simplifiés, et jusque dans les premières définitions, en sorte qu’après les avoir confrontées à d’autres, ou s’apercevra, par un retour de réflexion inévitable, que chacune d’elles enfermait déjà une relation extrinsèque, sans quoi les raisons tirées de l’essence n’auraient même pas pu être exposées. Telle est la marche nécessaire de l’esprit : avant de saisir l’action et la réaction entre toutes choses dans un Univers plein, il faut qu’il construise des essences séparées ; mais il arrive ensuite que l’on retrouve le jeu de la causalité jusque dans les essences séparées. Qu’est-ce que découvrir des postulats, sinon apercevoir jusque dans l’essence les rapports extrinsèques qu’on y avait d’abord négligés ? C’est ainsi que chacune des sciences réagit sur la précédente, qu’elle suppose pourtant avant elle, tant il est vrai que l’abstrait, tout en gardant son rang, ne peut pourtant me suffire[21]. C’est ainsi que la dialectique nous conduit au centre même des problèmes réels. Comment s’étonner, alors, si notre auteur, pour illustrer sa définition de la causalité, nous trace l’esquisse d’une mécanique ? Il est impossible de résumer ici les vues profondes de M. Hamelin sur la force, « rapport posé entre deux termes » et qui « n’émane pas de l’intérieur de l’un d’eux, mais est entre eux[22] ; » on voit, par cette formule, que le « Rapport » se retrouve dans les notions fondamentales de la Mécanique. Ne décidons pas si la dialectique apporte, ici encore, quelque lumière ; il suffit qu’elle puisse aborder, qu’elle aborde comme de plain-pied un tel problème, pour que son rapport à la pensée réelle apparaisse comme aussi étroit qu’ait jamais pu être le rapport d’une idée à un fait.

Nous en avons assez dit, puisque notre tâche n’est pas de transcrire ici l’ouvrage lui-même, nous en avons assez dit, sans doute, pour dissiper encore un autre préjugé contre la dialectique, et qui conduirait à condamner d’avance tout essai de construction du genre de celui que nous résumons ici. On a assez montré en ce temps, et avec une rigueur peu commune, que la dialectique la plus ingénieuse est à la pensée ce que la mécanique est au mouvement. Comme la mécanique n’étudie que des mouvements faits et, pourrait-on dire, des trajectoires immobiles du mouvement, ainsi la dialectique ne peut exposer que la pensée faite, et comme décrire la trajectoire du jugement, autrement dit le jugement dans les idées. Or, il faudrait, si l’on voulait présenter quelque image de la pensée telle qu’elle se fait, saisir les idées au moment où elles naissent, et dans le jugement même qui les fait ; et, si la dialectique semble impuissante quelque part, c’est bien ici. Car la dialectique définit des essences ; mais il faut pourtant que le jugement crée ; il faut que le jugement force, pour ainsi parler, au delà de l’essence ; cela se devine dès que l’on analyse la connaissance, et jusque dans l’arithmétique, où l’on voit bien que les éléments d’un nombre ne donnent point le nombre ; comme Kant l’a fortement montré, nulle nécessité de pure dialectique, au moins de la dialectique comme on la prend communément, ne nous fera passer de à , ni de à , ni même de à . Il faut ici quelque création que l’expérience révèle, mais que la dialectique ne peut expliquer. C’est pourquoi la déduction analytique échoue plus visiblement que partout ailleurs dans l’explication du changement. Qu’il s’agisse de mouvement d’altération ou de causalité, inévitablement elle sera amenée à poser qu’une chose est elle-même, c’est-à-dire qu’il n’y a au fond ni causalité, ni changement, ni même mouvement : et nous sommes rejetés au monde des Éléates par la force invincible de leurs arguments, ou par d’autres que l’on calquera sur ceux-là. Or, M. Hamelin connaît bien ces difficultés, insurmontables d’apparence : on pourrait même dire que sa dialectique tout entière est comme une réponse à Zénon d’Élée, car toujours il pose le tout abstrait avant son contenu ; et, par le jeu de la corrélation des opposés, il maintient l’idée comme distendue, mais ce n’est pas assez dire, comme se distendant tout en restant une, par la vertu de sa loi essentielle. Ce qui est original dans cette construction de la conscience ce n’est pas tant ce passage d’une notion à une notion nouvelle, ni même cet enrichissement graduel des notions qui vient de ce que chacune d’elles est conservée dans les autres, l’abstrait étant matière et élément par rapport au concret : ce qui est surtout nouveau c’est l’allure de cette dialectique, qui, par la corrélation des opposés, unis essentiellement en même temps qu’ils se distinguent essentiellement, donne justement cette continuité, cette fluidité, cette action, pour tout dire, de la pensée que le psychologue démêle mal, mais qu’il sent très bien. La dialectique, en ce sens, s’accorde avec l’observation. Si l’on veut bien réfléchir à ce qu’est cette dialectique du jugement, — ainsi pourrait-on la caractériser par opposition à la dialectique des idées — on jugera peut-être que cette tentative de reconstruire les notions, des plus abstraites aux plus concrètes, jusqu’à la conscience même, est moins téméraire qu’on n’aurait voulu le croire.

On peut ne rien dire de la conscience. Être au monde, percevoir soi et le monde, ce n’est assurément pas peu de chose. Ce fait, qui est sans doute le seul fait où s’unissent en s’opposant l’univers entier et le moi en même temps que le connaître et le sentir, ce fait, aucun discours ne l’égalera, aucun discours ne l’exprimera comme il faudrait. Mais si pourtant l’on veut en dire quelque chose, il faudra bien, car elle est composée en un sens, nommer ses parties ou éléments, et les ajuster ensemble ; de toute façon il faudra reconstruire la conscience ; et, quand cette reconstruction ne serait qu’une manière de dire, encore faut-il bien reconnaître qu’il y a des manières de dire qui sont plus satisfaisantes que d’autres. Ainsi former la conscience de sensations juxtaposées et comme d’un chaos d’éléments indivisibles, qui ne sont au fond même pas des faits, mais seulement des abstractions, c’est une tentative qui a été bien des fois recommencée, mais que la critique n’a point respectée, et non sans raison ; car, outre que la sensation pure est un abstrait, il fallait encore supposer d’autres abstractions où les sensations pussent être rangées, et c’est d’une telle reconstruction que l’on pouvait dire à juste titre que c’était une « philosophie pipée ». Encore bien moins était-il permis de rétrécir le problème en faisant de la conscience une partie seulement de l’univers représenté, une partie qui, d’ailleurs, doublait le tout, et correspondait au tout élément pour élément, événement pour événement : c’est là une conception dont la critique de ce temps a fait bonne justice ; mais notre auteur avait certainement, dès les premières démarches de sa dialectique, et même avant, posé correctement le problème, et il était sans doute le seul, parmi nos philosophes, auquel le célèbre mémoire de M. Bergson sur le parallélisme ne pouvait rien apprendre[23].

Mais après avoir remarqué que la conscience enferme tout l’être et tout le possible, se borner à dire que les idées abstraites ne peuvent la représenter, parce que, en ce sens encore, la partie ne peut représenter le tout, c’est sans doute trop peu dire. D’autant qu’alors cette Liberté, dont il faut bien rendre compte, se trouve en quelque façon trop prouvée, on dirait presque trop libre, et réellement sans appui. Si peu que l’on considère la conscience, on voit assez que la Liberté n’y est pas seule en jeu et que l’action s’y prend à des conditions dont on ne peut pourtant pas, maintenant, aller chercher la source hors de tout connaître, et, pour tout dire, hors de l’Univers. La conscience est certainement à ce point de vue une union d’opposés, et le déterminisme ne lui est pas moins essentiel que la liberté ; mais c’est encore trop simplifier que d’opposer ainsi deux termes, dont l’un au moins est évidemment fait de plusieurs notions opposés encore les unes aux autres. Et si l’on voulait commencer par une analyse sommaire qui fût capable de donner une idée satisfaisante du problème à résoudre, on ne parlerait pas mal en disant que la conscience à pour fonction d’unir en opposant. La conscience, en fait, consiste à faire tenir beaucoup de choses ensemble, toutes choses ensemble, en les laissant distinctes. Et, sans doute, il y a dans la conscience un total de faits et un fleuve d’impressions ; mais ce n’est pas tout dire. Il y a dans ce mouvement qui emporte tout, un autre mouvement qui retient tout, une activité d’un genre inimitable, qui est proprement activité ou pensée. Le cours des saisons, voilà un changement ; mais quand je passe de l’axe incliné de la terre au cours des saisons, voilà un autre genre de changement que le premier suppose ; car le cours des saisons lui-même n’est saisi que s’il est construit : en fait il n’existe à la fois qu’une saison, ou plutôt un instant de saison ; il faut, pour que je perçoive le cours des saisons, qu’il y ait dans la conscience à la fois souvenir et prévision ; il faut que le passé et l’avenir soient en un sens dans le présent et en même temps soient, d’une certaine façon, rejetés hors du présent. Qu’est-ce que percevoir un mouvement, sinon le faire bien des fois en pensée pendant qu’il se fait, allant sans cesse en avant et en arrière, comme le bon chien de berger, et posant en un sens le tout du mouvement comme présent, pour nier aussitôt le tout comme présent. À ce point de vue la conscience suppose une espèce de lutte de soi avec soi et comme une oscillation perpétuelle entre des incompatibles qui sont néanmoins inséparables. Toutes les notions supposent un jeu d’oppositions de ce genre, et non pas seulement des notions abstraites comme être et néant, unité et nombre, cause et effet, point et espace, ligne et surface, surface et volume, mais encore des notions concrètes, dont on peut presque dire qu’on les voit et qu’on les touche, comme droite et gauche, loin et près, grand et petit, chaud et froid. Supposons chaque chose à part, et non unie à son opposé ; supposons la conscience fixée, en quelque sorte, et, autant que nous pourrions concevoir cela, nous irions alors à un sommeil plus profond que le sommeil, chaque lieu n’étant alors qu’en lui et pour lui, chaque instant n’ayant que sa durée ; ce serait le pur néant ; ou plutôt, car c’est comme une magie, ce néant même s’anime, ces mondes sans conscience se heurtent, tourbillonnent, se repoussent et s’attirent, forment enfin un monde ; monde sans soleil, monde baigné dans une lueur crépusculaire et sans ombres, monde qui, semble-t-il, n’est plus pour personne, parce qu’il n’intéresse plus personne, mais qui est pourtant dans la conscience encore, et opposé en elle au monde présent, si vivement éclairé par nos désirs. Ainsi la conscience ne peut pas se nier sans s’affirmer : elle contient et dépasse toute conception d’elle-même. Il faut, comme disait Kant, qu’originairement elle soit unité synthétique absolue, plus vaste à son premier moment supposé que tout ce que l’on voudra y mettre. Des remarques de ce genre, quoique faites sans ordre et sans fil conducteur devaient pourtant conduire à cette idée que le ressort de toute construction possible était ici cette union et séparation des opposés, er il était naturel après cela de chercher le cas le plus simple de l’union des opposés, et de partir de là pour y joindre peu à peu les autres. On pouvait même sans doute prévoir que cette construction s’arrêterait à la conscience, et apercevoir que le jeu des opposés laisserait une place à des concepts comme finalité et liberté, en même temps qu’il fournirait un moyen de les définir. Sans doute notre philosophe, après des méditations de ce genre, aperçut-il dans un éclair la route à suivre, du commencement à la fin[24].

Il faut insister sur les raisons spéciales qu’il pouvait avoir d’attendre que la liberté vint se définir en son rang et à sa place. Il n’en fallait pas moins pour donner l’être à un tissu d’abstraction. Joignons la cause et la fin, mettons ensemble toutes les raisons d’être ; il reste que tout cela est encore abstrait et simplement possible ; aucune théorie ne peut faire être un individu déterminé, et ce n’est point l’Humanité qui fait être tel homme, ni l’idée d’un système de forces qui fait agir tel système de forces. Dira-t-on que tout être existe par raisons extrinsèques, et, que, par exemple, dans un mécanisme, toutes les parties font exister chaque partie. Cela n’est qu’abstrait. Ce n’est vrai que d’un mécanisme donné ; il faut que tel mécanisme soit donné. À vrai dire nous sommes renvoyés d’un problème à d’autres problèmes, et d’un non-être à un non-être. Je conçois bien que des êtres une fois donnés se conservent les uns les autres dans l’existence ou se chassent les uns les autres de l’existence, mais il faut d’abord que ces êtres existent. L’essence, qui n’est qu’un possible, ne se suffit pas à elle-même ; il faut que l’existence s’y ajoute, mais non du dehors ; de sorte qu’il faut qu’en un sens l’existence soit inexplicable, sans quoi elle serait seulement possible, et ce n’est pas être du tout qu’être seulement possible ; mais il faut aussi qu’en un sens l’existence soit explicable ; et comment peut-elle l’être, sinon en ce sens qu’elle s’ajoute enfin au système des autres notions en vertu d’une nécessité dialectique, quoiqu’en gardant toujours son caractère propre. Or, dans notre méthode de construire les essences, nous voyons qu’à chaque degré l’essence s’enrichit réellement. On ne peut pas dire qu’elle développe peu à peu ses replis ; bien plutôt disons qu’elle se complète, parce qu’elle ne peut se définir elle-même sans définir quelque chose qui lui manque encore. « Partir de soi, restant en soi, et partir de Dieu », cette formule d’un interprète de Descartes, citée par notre auteur[25] donne, si on l’entend, la clef de toute sa dialectique. Car, bien loin que cette construction de l’Univers représenté soit, pour parler comme Aristote, une succession d’épisodes, tout au contraire ; et s’il y a quelque condition qui puisse être dite interne, c’est par dessus tout la dernière, qui pénètre et vivifie les autres. Si l’on ne comprend pas cette manière de définir, c’est que l’on veut construire avec les idées comme si c’étaient des choses ; tout est alors extérieur à tout, en sorte que rien ne peut impliquer rien ni même exclure rien si un tout des choses n’est pas d’abord absolument posé. Mais, dans la pensée, tout est ensemble : toute pensée est à la fois distinction et union, raisonnement et intuition[26]. Ce qui est défini par rapports extrinsèques ne peut être qu’un point, et le matérialisme veut faire de l’être avec du non-être ; ce qui est défini par rapports intrinsèques ne peut être que tout pour quelqu’un. Mais ce tout pour quelqu’un ne peut être par raisons tirées de quelque chose hors de lui ; car le hors de lui est encore en lui ; il faut done quelque chose d’arbitraire dans cette existence, et qui se joigne coûte que coûte au tissu des rapports nécessaires, nombre, temps, espace, genres, causes et fins, qui font qu’un monde est représenté. Voilà ce que la réflexion errante devait au moins pressentir, qu’il doit y avoir quelque contingence au cœur même de l’existence, et quelque liberté qui fasse être la nécessité. Le difficile était d’expliquer en quel sens, et la dialectique synthétique devait, mieux que toute autre méthode, y conduire. À vrai dire, et bien avant qu’on puisse lui donner son nom, l’action fait sentir sa présence dans tout ce travail de construction ; on y voit, si l’on regarde bien, la Liberté à l’œuvre, la Liberté créant la Nécessité, et non pas en paroles, puisqu’elle va d’un opposé à l’autre, séparant et unissant les contraires, tissant les idées en quelque sorte en une trame serrée, dans laquelle pourtant l’ouvrière n’est jamais prise. Tous ceux qui ont analysé la pensée sont arrivés à défaire et à recomposer sous nos yeux un tissu de rapports nécessaires ; mais il restait toujours à dire que la pensée actuelle n’était plus dans ces rapports immobiles ; ils représentaient bien plutôt pour elle un poids à trainer, un objet hors d’elle ; car la connaissance de la nécessité était alors la vraie pensée, et celle-là, bien loin de pouvoir être reconnue et nommée parmi ces formes entrelacées, au contraire s’opposait comme sujet à cet objet ; ou bien, alors, cette pensée elle-même, considérée comme terme du rapport sujet-objet, devenait objet à son tour, la vraie pensée, la pensée en acte, consistant à penser ce rapport, en s’opposant à lui. Ainsi il fallait bien admettre que la conscience n’est possible que si, à la nécessité, quelque chose s’oppose en acte, qui n’est pas encore nécessité, et cela sans fin. Cette construction de la conscience, entendez qu’elle se poursuit d’instant en instant, et que, par sa nature, elle n’est jamais et ne peut jamais être faite une fois pour toutes. Tout acte libre refait cette construction tout entière, édifie des possibles dans l’abstrait, et fait exister quelques-uns d’entre eux. Voilà ce que signifie cette théorie de la liberté. La conscience se fait sans cesse ; la Liberté continuellement s’enchaîne et se délivre, jetant ses chaînes sur ses chaînes. Lorsqu’un penseur, en poursuivant patiemment sa marche dialectique, fait sortir à son rang chaque conception du monde, et est amené à poser enfin, en la liant étroitement à tout le reste, la condition dernière que la réflexion errante avait pressentie, ne peut-il pas dire qu’il a tiré de la Raison tout ce qu’elle peut donner ? Oui, jusqu’à cette action inexprimable qu’elle suppose et sent en quelque sorte derrière elle, et qui après avoir mis en ordre et comme nourri toutes les idées, se montre à la fin. Voilà un beau poème.

Mais comment donc se pose et en même temps s’explique cette Liberté et cette conscience ? Ici il faut résumer, si l’on ne veut citer. Une étude du genre de celle-ci aura assez fait si elle dispose le lecteur à prendre en main le livre lui-même, où l’on peut dire qu’il n’y a pas un mot de trop. Disons seulement en gros comment se présentent ces concepts derniers. Causalité et Finalité, jointes à tout ce qui précède, nombre, temps, espace, mouvement, qualité, altération, spécification, définissent un système, c’est-à-dire la nécessité. Mais la nécessité n’a de sens que par son opposé, la contingence. Or, la contingence, c’est toujours l’égale possibilité d’être et de n’être pas ; la contingence implique des futurs ambigus, dont chacun sera, s’il est, à l’exclusion de l’autre. Voilà une opposition qui ne ressemble point à celles que nous avons maniées jusqu’ici ; considérons le couple de tels opposés et cherchons Île support qu’il lui faut. Une chose est évidente, c’est que les possibles ambigus ne peuvent s’expliquer adéquatement par le déterminisme. « Et pourtant à leur manière, ils sont[27] ». Ainsi «un suprême mode d’existence parait, qui correspond à la liberté. Ce mode d’existence suprême, c’est précisément l’existence pour soi ou conscience, la synthèse de l’objet et du sujet »[28]. Ceux qui, analysant et pesant après coup les motifs, croient pouvoir accabler la pensée sous-le poids de la nécessité ne devraient point oublier que l’existence est la synthèse de la nécessité et de la contingence, synthèse qui définit, justement, la Liberté. Vous pesez des motifs, vous construisez un système agissant sous les idées de cause et de fin : mais vous oubliez qu’un tel système n’est encore qu’un possible, et que ce qui n’est que possible ne peut peser à la manière de ce qui existe. C’est justement parce que la synthèse de la cause et de la fin ne donne pas un être qui existe par soi, c’est justement pour cela qu’il faut poser la Liberté. Une action motivée réalise toute la marche dialectique qui vient d’être exposée ; la même raison, qui fait que même un système de causes et de fins n’est pas encore un être, fait qu’aucun motif n’est déterminant ; le motif ne devient réel que dans l’action motivée. « Le motif n’est ni cause ni fin, ou plutôt il est l’un et l’autre avec quelque chose de plus. Il est la cause et la fin ramenées à l’unité dans la notion de système agissant, mais en même temps revêtues de l’aspect conscient et rapportées à un sujet ; et, dans cette relation, la nécessité expire ; ce qui restait de fatal dans la cause et même dans la fin est surmonté[29] ».

En somme, dire qu’un être est libre, c’est dire quoi ? c’est dire que, des innombrables possibles, quelques-uns arrivent à la réalité ; ce passage du possible à l’être, c’est la liberté telle qu’elle s’offre à l’observation. Si d’un autre côté le passage du possible à l’être n’est pas concevable sans quelque arbitraire, et si, avec cela, la dialectique exige, pour que le déterminisme soit pensé, la pensée de son opposé la contingence ; si, enfin la synthèse des deux nous donne la définition de la Liberté telle justement que nous la sentions, faut avouer que voilà un imposant concours de preuves. C’est pourquoi on peut penser que ces vues profondes ajoutent quelque chose au patrimoine déjà riche légué par les penseurs. On oserait dire que pour la première fois la Liberté entre dans la philosophie par la grande porte, sans coup d’état, avec tous les honneurs dus au souverain.

Peut-être le lecteur soupçonne-t-il, d’après ce tracé trop simplifié, de quels riches commentaires l’auteur a pu l’éclairer, et comment il a ainsi déterminé la part du fait dans toute existence. « Exister, c’est être voulu ». Il n’y a point d’autre élément empirique que l’acte libre dans la conscience de l’agent ; et, si l’on pose une pluralité de consciences, il faut y joindre, pour une conscience, l’acte libre qui s’est accompli dans une autre[30]. Mais nous en venons alors aux conjectures. La dialectique nous laisse à la conscience. Nous pouvons nous élever jusqu’à Dieu et jusqu’à la cité des consciences en considérant le possible et le probable ; tout au plus peut-on dire, et nous venons d’en donner un exemple, que nos conjectures sont limitées par ce que nous savons. Le lecteur se retrouvera sans peine dans ce système monadologique que notre auteur propose seulement comme vraisemblable[31]. Aussi bien nous n’exigeons plus ici de preuve à la rigueur. Le monde s’affirme assez pour que nous n’allions pas nous croire seuls ; et nous sentons assez vivement deux choses, une loi sans exceptions dans le monde, et des actions et réactions d’êtres pensants autour de nous, pour que nous n’éprouvions pas Le besoin de pousser encore plus loin notre preuve ontologique. Un besoin plus pressant, c’était de savoir ce que lon pense lorsqu’on pense ; si ardue que soit la tâche, on ne peut la remettre, et, comparée à la réflexion, la religion est une espèce de luxe. Encore faut-il dire qu’il est beau, à l’exemple de Platon, de se reposer d’arides recherches sur les concepts par quelques conjectures poétiques, qui sont comme le sourire de la pensée après un long enfantement. Et ici encore notre auteur, sans se méprendre sur la portée des arguments qu’il propose, renouvelle en quelques lignes la Théodicée, qu’il appelle bien Noodicée. « Si mauvais que soit le monde, au moins tel que l’humanité le connaît, un fait éclatant y domine tous les autres, c’est qu’il n’y a pas d’intervention étrangère au déterminisme qui vienne briser le résultat de nos efforts… de sorte que le succès final de l’entreprise à laquelle travaille l’humanité est assuré, c’est-à-dire que le plein et entier épanouissement de la personne humaine sera obtenu ». Ce serait beau, disait Socrate, si c’était vrai. M. Hamelin n’est inférieur à personne, lorsqu’il refait, avec d’autres mots, la même prière : « l’existence par soi, lorsqu’on la prend au sens absolu, l’univers avec son organisation si éperdûment vaste et profonde, ce sont là de prodigieux fardeaux. Ce n’est pas trop de Dieu pour les porter ».

E. Chartier.
  1. P. 400.
  2. P. 401.
  3. P. 171.
  4. P. 206.
  5. P. 263.
  6. P. 321.
  7. P. 324.
  8. P. 321.
  9. P. 326.
  10. P. 396.
  11. P. 453-468.
  12. P. 19-24.
  13. P. 349.
  14. P. 74
  15. p. 220.
  16. p. 266.
  17. p. 115.
  18. p. 114.
  19. P. 166
  20. P. 222
  21. Si l’on veut saisir, par exemple, en quel sens l’astronomie peut réagir sur la mécanique, et donner un sens plus plein à ses premières définitions, que l’on consulte le beau mémoire communiqué à la Société de philosophie par M. Painlevé. (Les axiomes de la mécanique et le principe de finalité, 1905, no 2.)
  22. P. 229.
  23. Voir Hamelin, p. 344 et note.
  24. Au sujet de la conscience, nous n’insistons que sur l’idée principale, qui est aussi, semble-t-il, la plus difficile à saisir. Pour donner une idée de la richesse de cet ouvrage, disons que l’auteur expose en cent pages (344-444) une théorie du connaître, (Représentation théorique : objective, subjective, logique. — Représentation pratique : technique, esthétique, morale), à laquelle il faudrait consacrer un long article. Il était sans doute plus utile d’étudier le système comme tel.
  25. Hamelin, p. 455.
  26. P. 368.
  27. P. 394.
  28. P. 393.
  29. P. 384.
  30. P. 373.
  31. P. 450-468.