Les Évangiles (Renan)/Appendice

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APPENDICE


LES FRÈRES ET LES COUSINS DE JÉSUS.


L’inexactitude des renseignements fournis par les Évangiles sur les circonstances matérielles de la vie de Jésus, l’incertitude des traditions du ier siècle, recueillies par Hégésippe, les fréquentes homonymies qui répandent tant d’embarras sur l’histoire des juifs à toutes les époques, rendent presque insolubles les questions relatives à la famille de Jésus[1]. Si l’on s’en tenait au passage des Évangiles synoptiques, Matth., xiii, 55, 56 ; Marc, vi, 3, Jésus aurait eu quatre frères et plusieurs sœurs[2]. Ses quatre frères se seraient appelés Jacques, Joseph ou José, Simon et Jude. Deux de ces noms figurent, en effet, dans toute la tradition apostolique et ecclésiastique, comme ceux de « frères du Seigneur ». Le personnage de « Jacques, frère du Seigneur », est, après celui de saint Paul, le plus clairement dessiné de la première génération chrétienne. L’épitre de saint Paul aux Galates, les Actes des Apôtres, les suscriptions des épîtres authentiques ou non attribuées à Jacques et à Jude, l’historien Josèphe, la légende ébionite de Pierre, le vieil historien judéo-chrétien Hégésippe, sont d’accord pour faire de lui le chef de l’Église judéo-chrétienne. Le plus authentique de ces témoignages, le passage de l’épître aux Galates (i, 19), lui donne nettement le titre d’ἀδελφὸς τοῦ κυρίου.

Un Jude paraît aussi avoir des droits très-réels à ce titre. Le Jude dont nous possédons une épître[3] se donne le titre d’ἀδελφὸς Ἰακώϐου. Un personnage du nom de Jacques, assez considérable pour qu’on se désignât et qu’on se donnât de l’autorité en s’appelant son frère, ne peut guère être que le célèbre Jacques de l’épître aux Galates, des Actes, de Josèphe, d’Hégésippe, des écrits pseudo-clémentins. Si ce Jacques était « frère du Seigneur », Jude, auteur vrai ou supposé de l’épître qui fait partie du canon, était donc aussi frère du Seigneur. Hégésippe l’entendait certainement ainsi. Ce Jude, dont les petits-fils (υἱωνοί) furent recherchés et présentés à Domitien comme les derniers représentants de la race de David, était pour l’antique historien de l’Église le frère de Jésus selon la chair[4]. Quelques raisons portent même à supposer que ce Jude fut chef de l’Église de Jérusalem, à son tour[5]. Voilà donc un second personnage qui rentre bien dans la série des quatre noms donnés par les Évangiles synoptiques comme ceux des frères de Jésus.

Simon et José ne sont pas connus d’ailleurs comme frères du Seigneur. Mais il n’y aurait rien de singulier à ce que deux membres de la famille fussent restés obscurs. Ce qu’il y a de beaucoup plus surprenant, c’est qu’en réunissant d’autres renseignements, fournis par les Évangiles, par Hégésippe, par les plus vieilles traditions de l’Église de Jérusalem, on forme une famille de cousins-germains de Jésus, portant presque les noms mêmes qui sont donnés par Matthieu (xiii, 55) et par Marc (vi, 3) comme ceux des frères de Jésus.

Entre les femmes, en effet, que les synoptiques placent au pied de la croix de Jésus et qui affirmèrent la résurrection, se trouve une « Marie, mère de Jacques le mineur (ὁ μικρός et de José » (Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40, 47 ; xvi, 1 ; Luc, xxiv, 10). Cette Marie est certainement la même que celle que le quatrième Évangile (xix, 25) place aussi au pied de la croix, qu’il appelle Μαρία ἡ τοῦ Κλωπᾶ (ce qui signifie sans doute « Marie, femme de Clopas[6] » ), et dont il fait une sœur de la mère de Jésus. La difficulté qui se trouve à ce que les deux sœurs se soient appelées du même nom n’arrête guère le quatrième évangéliste, qui ne donne pas une seule fois à la mère de Jésus le nom de Marie. Quoi qu’il en soit de ce dernier point, nous avons déjà deux cousins-germains de Jésus s’appelant Jacques et José[7]. Nous trouvons de plus un Siméon, fils de Clopas, qu’Hégésippe et tous ceux qui nous ont transmis les souvenirs de la primitive Église de Jérusalem présentent comme le second évêque de Jérusalem, et comme ayant été martyrisé sous Trajan[8]. Enfin, on a des traces d’un quatrième Cléopide dans ce Juda, fils de Jacques, qui paraît avoir succédé à Siméon, fils de Clopas, dans le siège de Jérusalem[9]. La famille de Clopas paraissant avoir détenu d’une façon presque héréditaire le gouvernement de l’Église de Jérusalem de Titus à Adrien, il n’y a rien de trop hardi à supposer que le Jacques, père de ce Juda, était Jacques le mineur, fils de Marie Cléophas.

Nous avons ainsi trois fils de Clopas s’appelant Jacques, José, Siméon, exactement comme les frères de Jésus mentionnés par les synoptiques, sans parler d’un petit-fils hypothétique pour lequel se serait renouvelée la même identité de nom. Deux sœurs portant le même nom, c’était déjà une forte singularité. Que dire du cas où ces deux sœurs auraient eu trois fils au moins portant le même nom ? Aucun critique n’admettra la possibilité d’une pareille coïncidence. Il faut évidemment chercher une solution pour se débarrasser de cette anomalie.

Les docteurs orthodoxes, depuis saint Jérôme, croient lever la difficulté en supposant que les quatre personnages énumérés par Marc et Matthieu comme frères de Jésus étaient en réalité ses cousins-germains, fils de Marie Cléophas. Mais cela est inadmissible[10]. Beaucoup d’autres passages supposent que Jésus eut de vrais frères et de vraies sœurs. L’agencement de la petite scène racontée par Matthieu (xiii, 54 et suiv.) et Marc (vi, 2 et suiv.) est très-significatif. Les « frères » y sont rattachés immédiatement à la « mère ». L’anecdote (Marc, iii, 41 et suiv, ; Matth., xii, 46 et suiv.) prête encore moins à l’équivoque. Enfin, toute la tradition hiérosolymitaine distingue parfaitement les « frères du Seigneur » de la famille de Clopas. Siméon, fils de Clopas, le second évêque de Jérusalem, est appelé ἀνεψιὸς τοῦ σωτῆρος[11]. Pas un seul des ἀδελφοὶ τοῦ κυρίου ne porte après son nom l’addition τοῦ Κλωπᾶ. Notoirement, Jacques, frère du Seigneur, n’était pas fils de Clopas[12] ; s’il l’avait été, il eût été aussi frère de Siméon, son successeur ; or Hégésippe ne le croyait pas ; qu’on lise les chapitres xi, xxxii du troisième livre de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, on s’en convaincra. La chronologie ne permet pas non plus de le supposer. Siméon mourut très-vieux sous Trajan ; Jacques mourut en l’an 62, fort âgé aussi[13]. La différence d’âge entre les deux frères eût donc été de quarante ans environ. Donc le système qui voit les ἀδελφοὶ τοῦ κυρίου dans les fils de Clopas est inadmissible. Ajoutons que, dans l’Évangile des Hébreux, qui a si souvent la supériorité sur les autres textes synoptiques, Jésus appelle directement Jacques « mon frère[14] », expression toute exceptionnelle et qu’on n’eût certainement pas employée pour un cousin-germain.

Jésus eut de vrais frères, de vraies sœurs. Seulement il est possible que ces frères et ces sœurs ne fussent que des demi-frères, des demi-sœurs. Ces frères et ces sœurs étaient-ils aussi fils ou filles de Marie ? Cela n’est pas probable. Les frères, en effet, paraissent avoir été beaucoup plus âgés que Jésus. Or Jésus fut, à ce qu’il paraît, le premier-né de sa mère[15]. Jésus, d’ailleurs, fut dans sa jeunesse désigné à Nazareth par le nom de « fils de Marie ». Nous avons à cet égard le témoignage du plus historique des Évangiles[16]. Cela suppose qu’il fut longtemps connu comme fils unique de veuve. De pareilles appellations, en effet, ne s’établissent que quand le père n’est plus et que la veuve n’a pas d’autre fils. Citons l’exemple du célèbre peintre Piero della Francesca. Enfin le mythe de la virginité de Marie, sans exclure absolument l’idée que Marie ait eu ensuite d’autres enfants de Joseph ou se soit remariée, se combine mieux avec l’hypothèse où elle n’aurait eu qu’un fils.

Certes la légende sait faire à la réalité toutes les violences. Il faut songer cependant que la légende dont il s’agit en ce moment s’est élaborée dans le cercle même des frères et des cousins de Jésus. Jésus, fruit unique et tardif de l’union d’une jeune femme avec un homme déjà mûr, offrait une parfaite convenance pour les opinions selon lesquelles sa conception devait avoir été surnaturelle. En pareil cas, l’action divine paraissait éclater d’autant plus que la nature avait dû sembler plus impuissante. On se plaisait à faire naître les enfants prédestinés aux grandes vocations prophétiques, Samuel, Jean-Baptiste, Marie elle-même[17], de vieillards ou de femmes longtemps stériles. Aussi l’auteur du Protévangile de Jacques[18], saint Épiphane[19], etc., insistent-ils vivement sur la vieillesse de Joseph, pour des motifs a priori sans doute, mais guidés aussi en cela par un sentiment juste des circonstances où naquit Jésus.

Les difficultés s’arrangent donc assez bien, si l’on suppose un premier mariage de Joseph[20], d’où il aurait eu des fils et des filles, en particulier Jacques et Jude. Ces deux personnages, Jacques au moins, semblent avoir été plus âgés que Jésus. Le rôle, d’abord hostile, prêté par les Évangiles aux frères de Jésus, le singulier contraste que forment les principes et le genre de vie de Jacques et de Jude avec ceux de Jésus, sont, dans une telle hypothèse, un peu moins inexplicables que dans les autres suppositions que l’on a faites pour sortir de ces contradictions.

Comment les fils de Clopas étaient-ils cousins-germains de Jésus ? Ils ont pu l’être ou par leur mère, Marie Cléophas, ainsi que le veut le quatrième évangile ; ou par leur père Clopas, dont Hégésippe fait un frère de Joseph[21] ; ou par les deux côtés à la fois ; car il est possible à la rigueur que les deux frères aient épousé les deux sœurs. De ces trois hypothèses, la seconde est de beaucoup la plus probable. L’hypothèse de deux sœurs portant le même nom est d’une suprême invraisemblance. Le passage du quatrième Évangile (xix, 25) peut renfermer une erreur. Ajoutons que, selon une interprétation pénible, il est vrai, mais cependant admissible, l’expression ἡ ἀδελφὴ τῆς μητρὸς αὐτοῦ ne tombe pas sur Μαρία ἡ τοῦ Κλωπᾶ, mais constitue un personnage distinct, innomé, comme la mère de Jésus elle-même. Le vieil Hégésippe, si préoccupé de tout ce qui touchait à la famille de Jésus, paraît avoir très-bien su la vérité sur ce point.

Mais comment admettre que les deux frères, Joseph et Clopas, eussent trois ou même quatre fils portant les mêmes noms ? Examinons la liste des quatre frères de Jésus donnée par les synoptiques : Jacques, Jude, Simon, José. Les deux premiers ont des titres bien authentiques à s’appeler frères du Seigneur ; les deux derniers n’ont, en dehors des deux passages synoptiques, aucune référence à faire valoir. Comme les deux noms de Simon ou Siméon, José ou Joseph, se trouvent d’ailleurs dans la liste des fils de Clopas, nous sommes menés à l’hypothèse suivante : c’est que les passages de Marc et de Matthieu où sont énumérés les quatre frères de Jésus renferment une inadvertance ; que, sur les quatre personnages nommés par les synoptiques, Jacques et Jude étaient bien frères de Jésus et fils de Joseph, mais que Simon et José ont été mis là par erreur. Le rédacteur de ce petit récit, comme tous les agadistes, tenait peu à l’exactitude des détails matériels, et, comme tous les narrateurs évangéliques (sauf le quatrième), était dominé par la cadence du parallélisme sémitique. Le besoin de la phrase l’aura entraîné dans une énumération dont le tour demandait quatre noms propres. Comme il ne connaissait que deux des vrais frères de Jésus, il se sera trouvé induit à leur associer deux de ses cousins germains. Il semble bien, en effet, que Jésus avait plus de deux frères. « N’aurais-je pas le droit d’avoir une femme, dit saint Paul[22], comme les autres apôtres, comme les frères du Seigneur, comme Céphas ? » Selon toute la tradition, Jacques, frère du Seigneur, ne se maria point. Jude était marié[23] ; mais cela ne suffit pas pour justifier le pluriel de saint Paul. Il faut qu’il y ait eu un nombre de frères suffisant pour que l’exception de Jacques n’empêchât pas saint Paul d’envisager en général les frères du Seigneur comme mariés.

Clopas semble avoir été plus jeune que Joseph. Son fils aîné dut être plus jeune que le fils aîné de Joseph. Il est naturel que, s’il s’appelait Jacques, on ait eu dans la famille l’habitude de l’appeler ὁ μικρός pour le distinguer de son cousin-germain du même nom. Siméon a pu avoir une quinzaine d’années de moins que Jésus et, à la rigueur, mourir sous Trajan[24]. Cependant nous aimons mieux croire que le Cléopide martyrisé sous Trajan appartenait à une autre génération. Ces données sur l’âge de Jacques et de Siméon sont du reste fort incertaines. Jacques serait mort à quatre-vingt-seize ans, Siméon à cent vingt ans. Cette dernière assertion est inadmissible en elle-même. D’un autre côté, si Jacques avait eu quatre-vingt-seize ans, comme on le prétend, en 62, il serait né trente-quatre ans avant Jésus, ce qui est peu plausible.

D’après ce qui précède, on pourrait dresser la table généalogique de la famille de Jésus ainsi qu’elle se voit à la page ci-contre :

(Voir le tableau en regard.)

Il resterait à chercher si quelqu’un de ces frères ou cousins-germains de Jésus ne figure pas dans les listes des apôtres que nous ont conservées les synoptiques et l’auteur des Actes. Quoique le collège des apôtres et celui des frères du Seigneur fassent des groupes distincts[25], on a cependant regardé comme possible que quelques personnages aient fait partie des deux. Les noms de Jacques, de Jude, de Simon, se retrouvent, en effet, dans les listes d’apôtres. Jacques, fils de Zébédée, n’a rien à faire en cette discussion, non plus que Judas Iscariote. Mais que penser de ce Jacques, fils d’Alphée, que les quatre listes des apôtres (Matth., x, 2 et suiv. ; Marc, iii, 14 et suiv. ; Luc, vi, 13 et suiv. ; Act., i, 13 et suiv.) comptent au nombre des Douze ? On a souvent identifié le nom d’Ἀλφαῖος avec celui de Κλεοπᾶς, par l’intermédiaire de חלפי. C’est là un rapprochement tout à fait faux. Ἀλφαῖος est le nom





PÈRE NON CONNU (JACOB ? HÉLI ?)


JOSEPH,

a d’un premier mariage


— — Jacques

« Frère du Seigneur », surnommé aussi le Juste ou Oblium, premier évêque de Jérusalem, martyr ; mentionné dans Matth., xiii, 55 et Marc, vi, 3 ; Gal., i, 19, ii, 9, 12 ; I Cor., xv, 7 ; Act., xii, 17 ; xv, 13 ; xxi, 18 ; Jac., i, 1 ; Jud., i, 1 ; et dans Josèphe, Hégésippe, etc.


— — Jude

(Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3 ; Jud., i, 1 ; Hégésippe dans Eusèbe, H.E., III, 19, 20, 32).


— — — Fils inconnus.


— — — —

Deux fils qui furent présentés à Domitien, et furent évêques de diverses églises. Hégésippe, dans Eus., H. E., III, 19, 20, 32.


— — D’autres fils et d’autres filles, inconnus. Matthieu, xiii, 56 ; Marc, vi, 3 ; I Cor., ix, 5.


a de son mariage avec Marie


— — Jésus


CLOPAS

(Jean, xix, 25 ; Hégésippe), épouse aussi une femme nommée Marie (Matth., xxvii, 56, 61 ; xxviii, 1 ; Marc, xv, 40, 47 ; xvi, 1 ; Luc, xxiv, 10 ; Jean, xix, 25), et a de ce mariage


— — Jacques

Surnommé Ὁ μικρός pour le distinguer de son cousin-germain du même nom né avant lui. Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40 ; xvi, 1 ; Luc, xxiv, 10 ; inconnu du reste.


— — — Juda, troisième évêque de Jérusalem, Constit. apost., VII, 46.


— — — Siméon II, selon nous quatrième évêque de Jérusalem, martyrisé sous Trajan. (V. ci-dessus, p. 466, 467, note.)


— — José

(Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40, 47 ; mis par erreur parmi les frères de Jésus : Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3 ; inconnu du reste.


— — Siméon

Deuxième évêque de Jérusalem, martyr selon l’opinion commune (Hégésipe dans Eus., H. E., III, 11, 22, 32 ; IV, 5, 22 ; Constit. apost., VII, 46, etc.) ; mis par erreur parmi les frères de Jésus. Matthieu, xiii, 55 ; Marc, vi, 3.


— — Peut-être d’autres fils ou filles, inconnus.





hébreu חלפי, et Κλωπᾶς ou Κλεοπᾶς est une abréviation de Κλεόπατρος[26]. Jacques, fils d’Alphée, n’a donc pas le moindre titre à faire partie des cousins germains de Jésus. Le personnel évangélique possède en réalité quatre Jacques, l’un fils de Joseph et frère de Jésus, un autre fils de Clopas, un autre fils de Zébédée, un autre fils d’Alphée.

La liste des apôtres donnée par Luc dans son Évangile et dans les Actes contient un Ἰούδας Ἰακώϐου, qu’on a voulu identifier avec Jude, frère du Seigneur, en supposant qu’il fallait sous-entendre ἀδελφός entre les deux noms. Rien de plus arbitraire. Ce Judas était fils d’un Jacques, inconnu d’ailleurs. Il en faut dire autant de Simon le Zélote, qu’on a voulu, sans une ombre de raison, identifier avec le Simon qu’on trouve rangé (Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3) parmi les frères de Jésus.

En somme, il ne paraît pas qu’un seul membre de la famille de Jésus ait fait partie du collège des Douze. Jacques lui-même ne comptait pas parmi eux[27]. Les deux seuls frères du Seigneur dont nous connaissions les noms avec certitude sont Jacques et Jude. Jacques ne se maria pas ; mais Jude eut des enfants et des petits-enfants ; ces derniers comparurent devant Domitien comme descendants de David, et furent présidents d’Églises en Syrie.

Quant aux fils de Clopas, nous en connaissons trois, dont un paraît avoir eu des enfants. Cette famille de Clopas fut en possession, après la guerre de Titus, de la prééminence dans l’Église de Jérusalem.

Un membre de la famille Clopas fut martyrisé sous Trajan. Passé cela, on n’entend plus parler de descendants des frères du Seigneur, ni de descendants de Clopas.



FIN.
  1. Vie de Jésus, p. 25-27, 13e édit. et suiv.
  2. Marc, qui ne connaît pas la virginité de Marie, est en cela conséquent. Pseudo-Matthieu, qui admet cette virginité (ch. i), ne remarque pas la contradiction qu’il y a entre ce qu’il copie dans Marc, au ch. xiii, et ce qu’il ajoute, au ch. i. Luc, toujours plus logique que ses devanciers, omet l’épisode embarrassant de Nazareth, et en tout cas prévient les objections par son πρωτότοκος (ii, 7).
  3. Les raisonnements que nous faisons en ce moment sont aussi forts dans le cas où les épîtres de Jacques et de Jude seraient apocryphes que dans le cas où elles seraient authentiques.
  4. Dans Eus., H.E., III, 19, 20, 32. Cf. ibid. c. 11.
  5. Voir ci-dessus, p. 54-55.
  6. Comp. τῆς τοῦ Οὐρίου. Matth., i, 6.
  7. Sur l’identité des noms José et Joseph, voir Miss. de Phén., p. 767-768, 770, 856, 871.
  8. Voir ci-dessus, p. 495 et suiv.
  9. Constitut. apost., VII, 46. Voir ci-dessus, p. 466, 467.
  10. Voir Vie de Jésus, p. 25-26.
  11. Eus., H. E., III, 11, d’après Hégésippe.
  12. Dans l’Évangile de la Nativité de Marie, prol., il est expressément appelé « fils de Joseph ».
  13. Voir l’Antechrist, p. 67 ; ci-dessus, p. 54, note.
  14. Hilgenfeld, Nov. Test, extra can. rec., IV, p. 17-18, 29.
  15. Luc, ii, 7, témoignage faible, il est vrai, puisque Luc croit que Marie était vierge quand elle conçut Jésus.
  16. Marc, vi, 3. Cf. Vie de Jésus, p. 74.
  17. Protévangile de Jacques, ch. 1 et suiv. ; Évangile de la Nativité de Marie, ch. 1 et suiv.
  18. Chap. 9.
  19. Haer. lxxviii, 13, 14, 15.
  20. C’était la tradition des chrétiens judaïsants, consignée en particulier dans l’Évangile de Pierre. Origène, In Matth., tom. x, 17 (Opp., III, 462).
  21. Dans Eus., H. E., III, 11, 32.
  22. I Cor., ix, 5.
  23. Hégésippe, dans Eus., H. E., III, 20.
  24. V. ci-dessus, p. 466, 467, note.
  25. Act., i, 14 ; I Cor., ix, 5.
  26. Corpus inscr. gr., no 4934 ; Revue archéol., 1844, p. 485-491.
  27. Gal., i, 19, ne l’implique nullement. Jac., i, 1, suppose le contraire. Dans toutes les lettres apostoliques, vraies ou supposées, l’auteur se donne dans la suscription le titre d’ἀπόστολος. Le même raisonnement s’applique à Jude, i, 1. Que, dans ces deux suscriptions, Jacques et Jude ne s’appellent pas ἀδελφὸς τοῦ κυρίου, c’est là sans doute un trait d’humilité.