Les écoles en Russie

La bibliothèque libre.
Revue pédagogique1, premier semestre (p. 109-120).

LES ÉCOLES EN RUSSIE.

La Russie est à l’ordre du jour. On étudie ses progrès avec un intérêt d’autant plus vif que pendant longtemps on a mis plus d’obstination à les méconnaître. Les préjugés que le souvenir d’un régime absolutiste et parfois barbare nous avait légués, ont fait place à une curiosité sympathique : il se passera de longues années avant que cette curiosité soit pleinement satisfaite : la Russie n’a pas encore atteint l’âge adulte où la croissance d’un peuple s’arrête : depuis l’émancipation des serfs elle se transforme chaque jour, et sa marche ascendante est d’autant plus rapide qu’elle met à profit l’expérience des nations aînées et qu’elle peut s’épargner dans une certaine mesure les tâtonnements et les épreuves par où nous avons dû passer.

De-toutes les manifestations de l’activité humaine il n’en est aucune qui atteste autant que le développement de l’instruction publique, l’énergie et la vitalité d’un peuple. Ce développement s’accomplit dans l’empire des tsars avec un, succès et une ténacité qui honore à la fois la nation et le gouvernement. Aucun État n’aura eu d’aussi redoutables obstacles à vaincre pour s’élever au niveau moyen de la culture européenne. Il faut lutter à la fois contre le temps et contre l’espace : contre le temps ; car il s’agit d’accomplir en quelques années les progrès que le long travail des siècles a élaborés dans les États de l’Occident : contre l’espace ; car dans des provinces plus grandes que des royaumes, et où les voies de communication font le plus souvent défaut, les rapports entre les hommes sont difficiles, parfois impossibles. Faut-il rappeler ici ce qu’un climat impitoyable dans les rigueurs de ses hivers comme dans les ardeurs de ses étés exige d’énergie physique et de vigueur morale dans la « lutte pour l’existence » ? Loin de nous étonner que la Russie soit encore en retard sur nous, nous devons au contraire signaler et saluer avec sympathie tous les efforts qu’elle fait pour nous atteindre et nous égaler. Sur certains points d’ailleurs, elle nous a peut-être dépassés. Nulle part l’enseignement secondaire et supérieur des femmes n’a été constitué dans d’aussi vastes proportions qu’en Russie, dit avec raison M. Hippeau dans l’intéressant volume qu’il vient de consacrer à ce pays[1]. Nous aurions beaucoup à faire pour mettre nos pensions de jeunes filles à la hauteur des instituts ou gymnases moscovites. Gardons-nous donc de trop nous réjouir de notre supériorité actuelle en matière d’instruction primaire. Il y a peu de temps sans doute que cette instruction est organisée en Russie ; mais elle a déjà donné d’excellents résultats.

I

Pierre le Grand quand il entreprit « de transformer en hommes son troupeau d’ours », comprit toute l’importance de la science comme instrument de civilisation. Il fonda des écoles spéciales et une Académie ; l’un de ses successeurs, l’impératrice Élisabeth, ouvrit en 1758 l’université de Moscou ; il fallait évidemment commencer par instruire l’élite de la nation et il était plus facile d’attirer des physiciens ou des géomètres que des maîtres d’école. L’instruction populaire qui semble devoir être la base de la civilisation n’en est en réalité que le couronnement. Catherine, imbue des principes de nos philosophes, ouvrit un certain nombre d’écoles laïques : celles qui existaient auparavant dépendaient des paroisses ou des monastères. « Il faut, disait le général Betzky, l’ami de Diderot, le protecteur éclairé des sciences, ’il faut au moyen d’une bonne éducation former une génération nouvelle, de nouveaux pères et mères qui puissent greffer sur leurs enfants une éducation basée sur les véritables principes. »

L’empereur Alexandre Ier fonda en 1802 le Ministère de l’Instruction publique ; Nicolas, par esprit d’absolutisme et par crainte de la contagion révolutionnaire, tint l’enseignement et les professeurs en suspicion. Son successeur le souverain actuel comprit que c’était peu d’émanciper les serfs s’il ne leur assurait le moyen de devenir des citoyens utiles et intelligents. Il créa près le Ministère de l’instruction publique, sous le nom de Comité scientifique, un corps analogue à notre Conseil supérieur et qui a comme lui réalisé plus d’une mesure importante. Ce comité commença par élaborer un règlement général dont l’exposé des motifs présente quelques passages fort remarquables.

« Il faut avant tout, disait le règlement, donner pour but réel et effectif à nos écoles inférieures et moyennes de former des hommes, c’est-à-dire de produire chez la jeunesse ce développement égal et complet des forces intellectuelles, morales et physiques avec lequel seulement sont possibles, d’une part, une vue sûre et rationnelle de la vie, de l’autre, la faculté de savoir user de la vie… Il est indispensable de développer dans les masses la conscience de leurs droits, d’éveiller l’amour du travail intellectuel et d’inspirer à chacun le respect de lui-même et le respect de l’humanité en général. »

Le Comité qui crée pour ainsi dire de toutes pièces l’enseignement primaire, n’a point, comme dans les pays plus avancés, à tenir compte de la routine et des traditions : parmi les méthodes pédagogiques il n’hésite pas à choisir et à imposer celle qui lui semble la meilleure. Les maîtres nouveaux qu’il s’agit d’improviser n’auront évidemment aucune répugnance à l’adopter. On recommande donc de commencer l’éducation de l’enfant par les leçons de choses : « Cette méthode, dit encore l’exposé des motifs, a une importance considérable ; elle sert de transition entre le procédé de développement naturel à chaque homme et le procédé artificiel de l’école. L’enfant rencontre un contraste pénible lorsque une fois entré à l’école on lui présente, non plus ce qu’il voit, ce qu’il entend, mais ce que le maître juge à propos de lui communiquer. Pour adoucir ce brusque passage qui souvent dégoûte dès le début l’enfant de l’étude, l’enseignement intuitif offre un grand secours. »

Ces considérations si justes ne sont pas restées lettre morte : nous avons suivi pendant plusieurs mois à Moscou (en 14872) une exposition où la pédagogie occupait une place importante : nous avons pu nous convaincre que le matériel de Frœbel jouait un grand rôle dans les écoles rurales et qu’il ne manquait pas d’instituteurs habiles à s’en servir. Toutefois il ne faut pas s’attendre à trouver dans tous les gouvernements de la Russie le même degré de luxe ou de confort scolaire ; il est évident que l’école de Viatka ou d’Arkhangel ne saurait rivaliser avec celle de Moscou ou de Saint-Pétersbourg.

Le Comité, fidèle aux idées généreuses qui ont inspiré son règlement, a décidé que les punitions corporelles seraient absolument bannies des écoles. Cette mesure est d’autant plus remarquable que les coups de bâton sont encore admis dans la législation russe, et fort goûtés des paysans, qui les préfèrent à l’amende et à la prison.

L’instruction primaire est donnée en Russie dans les écoles paroissiales (ou de villages) et les écoles de districts (enseignement primaire supérieur). Ces écoles sont entretenues soit par l’État, soit par les conseils des villes, _districts ou gouvernements, soit par de riches particuliers. Il suffit pour fonder une école de s’engager à subvenir à son existence ; le gouvernement se réserve d’imposer les programmes, d’exercer un contrôle ; il fournit les maîtres qu’il a formés dans ses écoles normales (séminaires), il perfectionne ceux qui n’ont pas passé par ces utiles établissements dans des congrès pédagogiques dont nous dirons plus loin quelques mots.

Le grand mérite du ministre actuel, le comte Dimitri Tolstoï, est d’avoir définitivement acclimaté en Russie l’Institution des Écoles normales. Catherine en avait créé une dès 1783 ; mais elle n’avait pas tardé à tomber en décadence. Celle de Dorpat, établie en 1828, ne fournissait d’instituteurs qu’aux provinces baltiques. À partir de 1864 on se mit sérieusement à l’œuvre : des cours pédagogiques furent institués auprès de certaines écoles de districts pour initier les maîtres aux bonnes méthodes ; mais dans la pensée du gouvernement ces cours n’étaient qu’une institution provisoire et devaient peu à peu faire place à des séminaires définitifs. De 1864 à 1872, vingt-cinq séminaires furent ouverts aux frais du gouvernement ou des états provinciaux ; seize s’ouvrirent en 1872 : chaque année a été marquée depuis par de nouvelles fondations. Le comte Tolstoï, dans les rapports qu’il adresse annuellement à l’empereur, n’a cessé d’insister sur l’importance de ces fondations. M. Hippeau a fait avec raison de nombreux emprunts à ces intéressants documents. Il n’a pu mettre à profit celui qui à paru au mois d’août, septembre et octobre dernier dans la Revue du Ministère de l’Instruction publique[2].

« Les séminaires, dit le Ministre dans ce document, sont au nombre des institutions scolaires dont le besoin se fait le plus vivement sentir. Une expérience de plus de dix années a démontré que c’est à eux que nous devons les meilleurs maîtres. Si insuffisant que soit le nombre de nos écoles, il s’élève au chiffre de 23,936. Ce nombre nous oblige à augmenter chaque jour celui de nos séminaires. »

Le Ministre annonce ensuite que durant l’année 1875 il a ouvert huit nouveaux établissements. Le total était à la fin de cette année de cinquante-huit, dont 45 entretenus par le gouvernement, 11 par les conseils généraux, 2 par des donations particulières. Les esprits les plus imbus des préjugés hostiles à la Russie, devront reconnaître que ces chiffres font honneur au souverain actuel et à son ministre. Parmi ces écoles normales un certain nombre ont pour objet de donner des instituteurs bilingues aux peuples tatares, bouriates, votiaks etc…, Ces établissements ont pour nous un double intérêt ; ils assurent de nouveaux adeptes à la civilisation européenne et réalisent sans bruit des conquêtes pacifiques.

Les 58 séminaires dont nous venons de parler comptaient au 1er janvier 1876 — c’est la date où s’arrêtent les documents officiels — 3,851 élèves dont 562 femmes. Sur ces élèves 47 % étaient des fils de paysans. Ainsi à peine sortie du servage et de l’ignorance, la classe rurale fournit déjà la moitié des maîtres qui instruiront la nouvelle génération. Le Ministre s’est efforcé d’assurer à ces écoles normales tous les instruments de travail nécessaires : en 1875 il leur a distribué 12,903 volumes qui ont coûté 19,604 roubles. Dans toutes, les élèves ont dû consacrer une partie de leurs moments de loisir à l’étude d’un art mécanique : la reliure, la menuiserie, la serrurerie, l’horticulture. L’entretien des écoles normales n’a pas coûté en 1875 moins de 1,013,587 roubles.

Le chiffre des écoles primaires dépendant du ministère de l’instruction publique était au 1er janvier 1876 de 33,936 ayant 955,499 élèves dont 785,465 garçons et 170,034 filles. Ces chiffres constituaient un accroissement sérieux, par rapport à ceux de l’année précédente : 1,547 nouvelles écoles avaient été ouvertes, soit un accroissement de 6.4 % ; 35,592 nouveaux élèves les fréquentaient, soit une augmentation de 3.7 %. Le Ministre signale l’influence que les nouvelles institutions militaires de l’empire exercent déjà sur les paysans ; ils envoient leurs enfants à l’école pour leur assurer les avantages réservés aux soldats qui arrivent avec un certificat d’école primaire.

Cependant, si d’une part le nombre des écoliers s’accroît, de l’autre, celui de la population augmente. En estimant à 77 millions la population répartie dans les dix cercles. académiques de l’empire, on trouve qu’il y a une école pour 3,216 habitants, et un élève sur 86. En admettant que les enfants de 7 à 14 ans constituent 15 % de la population totale, ils devraient fournir 11,550,000 élèves ; c’est-à-dire douze fois plus d’élèves qu’il n’y en à actuellement dans les écoles. Or, pour le moment, il y a à l’école un garçon sur 7, une fille sur 35.

II

Le Ministre ne se dissimule pas l’indifférence du paysan russe vis-à-vis de l’école. Avec une louable franchise, il n’hésite pas à reconnaître que beaucoup d’écoles ne répondent pas encore à leur but : il n’entre pas dans des détails qui seraient assez affligeants. La Russie est immense et dans certaines provinces éloignées le contrôle de l’école et de l’instituteur ne s’exerce qu’avec de grandes difficultés. M. Hippeau qui n’a eu sous la main que les documents officiels n’a pu signaler ces misères ; le respect de la vérité nous fait un devoir d’en dire quelques mots à nos lecteurs. Croyez-vous, par exemple, que les écoles du gouvernement de Viatka soient aussi bien organisées que celles de Saint-Pétersbourg ou de Moscou ? Non, assurément ; mais songez que ce gouvernement de Viatka occupe une étendue de 135,000 verstes carrées, c’est-à-dire autant d’espace que les royaumes de Belgique, de Hollande et de Grèce réunis, que la population en est de 2,500,000 âmes, c’est-à-dire qu’elle est quatre ou cinq fois moins dense que celles de ces États, que les moyens de communications sont rares et souvent difficiles. Faut-il s’étonner que dans ces conditions on trouve des écoles sans élèves ou des maîtres sans talent et sans probité ? Une publication russe qui a paru récemment à Saint-Pétersbourg sous ce titre : le Mémorial de Viatka nous fournit à ce sujet des renseignements significatifs.

Un personnage important a un jour l’idée d’aller visiter à Taldmansk une école modèle du gouvernement : il arrive ; l’instituteur lui montre une salle sombre qui suinte la pourriture et l’humidité : point de mobilier scolaire ; la bibliothèque consiste en quelques livres poudreux et non coupés. « Combien avez-vous d’élèves, demande le visiteur étonné ? — Je n’en ai plus ; ils sont tous en Sibérie. » Quelques années auparavant un certain nombre d’habitants du village étaient partis comme colons pour la Sibérie ; depuis ce temps il n’y avait plus d’écoliers ; mais l’école existait toujours. — « N’avez-vous pas au moins quelques registres relatifs à la tenue de l’école ? — Je ne sais pas, je chercheraï. » En cherchant bien on trouva quelques paperasses qui dataient de 1869 ! Certains instituteurs n’échappent pas au vice dominant du paysan russe, à l’ivrognerie. On les frappe quand on apprend leur mauvaise conduite : mais il n’est pas toujours facile de leur trouver des remplaçants. Voici encore un fait que nous empruntons au Mémorial de Viatka.

Un instituteur sérieux est envoyé dans un village pour remplacer un prédécesseur destitué qui a bu jusqu’au mobilier de l’école. Voici en quel état il la trouve en arrivant : une maison basse à quatre fenêtres, dont deux bouchées par des planches, les autres avec des carreaux cassés ou remplacés par du papier ; une classe de cinq ou six mètres de long, sombre et noire, un poêle noirci, une armoire boiteuse, des bancs cassés, un tableau par terre, des ordures partout : l’armoire qualifiée de bibliothèque renfermait à coté de trois ou quatre volumes un cahier indiquant les doses de tabac et d’eau-de-vie consommées par l’instituteur. Le papier, les plumes, les ardoises, tout avait été bu… Mais, dira-t-on, n’y a-t-il pas des inspecteurs ? Sans doute, mais ils sont en nombre insuffisant : dans ces provinces éloignées, les inspecteurs eux-mêmes sont loin d’offrir une moralité irréprochable : tel se présente ivre dans l’école qu’il est chargé de contrôler ; tel autre demande avant tout à « inspecter les carafons ». Quis custodiat ipsos custodes ?

Revenons au rapport du ministre. Les écoles normales n’ont pas suffi à alimenter les écoles primaires qui se sont ouvertes pendant l’exercice de 1875 : elles n’ont fourni que 542 élèves maîtres pour plus de 1,500 écoles nouvelles ; pour remédier à cette insuffisance, les instituteurs qui n’ont point passé par l’école ont suivi des cours pédagogiques. Ces cours ont eu lieu dans vingt-cinq localités différentes sous la direction des directeurs de séminaires, des inspecteurs primaires ou de personnages désignés par le ministre. Ces cours, dont la durée se borne à quelques semaines, ont eu pour objet d’initier les auditeurs aux meilleures méthodes d’enseignement. Les réunions d’instituteurs qui ont lieu pendant les vacances à l’occasion de ces cours sont de véritables congrès scolaires.

Les frais généraux pour l’entretien des écoles primaires se sont élevés à 5,906,803 roubles ; ce chiffre constitue sur celui de l’année précédente une augmentation de 779,325 roubles.

Le ministre constate qu’un grand nombre d’enfants ne suivent pas l’école assidûment ou la quittent à la fin de l’année. Pour remédier à cet inconvénient il propose, comme il l’a déjà fait dans bien des rapports précédents, d’introduire l’enseignement obligatoire, Voici ses propres paroles ;

« Profondément convaincu de l’utilité de cette mesure, j’estime d’autre part que, vu l’insuffisance des écoles et des maîtres, il n’y a lieu de l’appliquer que progressivement, en prenant l’avis des conseils généraux, des municipalités et en commençant par les arrondissements où il y a de bonnes écoles et de bons instituteurs. Vu l’importance de la question, j’ai l’intention de la faire soumettre à un examen attentif. »

C’est parler sagement. Le comte Tolstoï a tenu parole et dans le courant de l’année 1876, il a fait imprimer et distribuer à tous les membres des conseils scolaires une brochure d’une vingtaine de pages sous ce titre : « Recueil de questions relatives à l’introduction de l’enseignement obligatoire dans les écoles primaires. » Ces questions, au nombre de vingt-neuf, sont chacune accompagnées d’un commentaire explicatif. Le Ministre ne veut pas seulement imposer l’instruction : il veut en démontrer les avantages. Il demande, par exemple, quelles mesures on pourrait prendre pour faire comprendre aux paysans le profit qu’ils retireront de l’éducation des enfants : il prie qu’on lui signale les moyens d’intéresser le clergé rural à la cause de l’enseignement primaire et d’entretenir le souvenir des choses apprises chez ceux qui sont sortis de l’école. Il demande comment-on peut concilier les travaux rustiques des élèves avec l’obligation scolaire. Cet appel n’est pas resté sans écho ; l’opinion publique s’en est émue et les conseils électifs ont longuement délibéré non-seulement dans les grands centres, mais dans des bourgades obscures dont le nom difficile à prononcer ne figure même pas sur nos cartes.

La conclusion à laquelle les meilleurs esprits se sont rattachés est celle que M. Hippeau signale comme la seule pratique et la seule raisonnable. Il faudrait établir en Russie des écoles ambulantes analogues à celles qui existent déjà en Suède et en Norwége. Dans ces deux royaumes qui sont au point de vue pédagogique les plus avancés peut-être de l’Europe, il existe actuellement 3,550 écoles ambulantes qui instruisent un total de 360,000 enfants. Chacune d’elles réclame par an trois mois au maximum, au minimum sept semaines. Ce système conviendrait certainement mieux que tout autre à la Russie dont le climat est à peu près identique à celui des États scandinaves ; un bon instituteur pourrait faire dans une année la besogne de cinq de ses confrères. Il sera fort intéressant de voir expérimenter à l’est de la Baltique un procédé qui a donné de si bons résultats sur la rive occidentale. Toutefois il ne faut pas oublier que la lecture de la Bible, chère aux familles protestantes, est inconnue aux orthodoxes. Les enfants moscovites seront moins faciles à instruire que les jeunes Scandinaves et oublieront plus vite qu’eux les leçons de leurs maîtres.

En résumé, malgré les misères que nous avons signalées, malgré des lacunes auxquelles le temps seul permettra de remédier, l’enseignement primaire, eu égard aux circonstances, est en Russie dans une situation florissante et fait honneur au gouvernement qui dans un délai si court a su réaliser tant de progrès.

Louis Léger,
Professeur à l’École des langues orientales.

  1. L’Instruction publique en Russie, 1 vol. in 12, librairie Académique Didier.
  2. Ce recueil, l’un des plus remarquables de l’Europe, paraît chaque mois aux frais du ministère, en un volume in-8° de cinq ou six cents pages. Il renferme, outre les actes officiels, des articles scientifiques et une partie pédagogique très-développée. Il est regrettable que M. Hippeau ne l’ait pas mentionné dans son intéressant volume.