Les épis (LeMay)/22

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Les épisLa Cie J.-Alfred Guay (p. 88-89).


À une jeune amie


Sur les prés gris, les pâles chaumes,
L’hiver étend ses voiles blancs,
Les fleurs et les plantes, sans baumes,
Ont incliné leurs fronts tremblants.

Des rameaux, des flocons de mousse
Tombent des arbres souffreteux ;
Ils s’en vont où le vent les pousse,
Et nulle trace reste d’eux.

Un souffle a dépouillé mes branches,
Et mon feuillage est dispersé…
Vieillard, où sont donc les revanches
Et les rêves qui t’ont bercé ?

Je me penche dans l’amertume,
Mon printemps ne peut revenir…

C’est l’hiver que rien ne parfume,
Rien, si ce n’est le souvenir !

Parfois, dans les reflets des ondes
Un nuage met un point noir ;
Le soleil met des gerbes blondes,
Parfois, dans les ombres du soir.

Mais pourquoi devenir morose,
Des jours heureux souvent ont lui,
Et l’amitié met un point rose
Dans le voile noir de l’ennui ?