Les étudiants en droit et les facultés de lettres

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Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899, Texte établi par François PicavetSociété de l’enseignement supérieur37 (p. 130-136).

LES ÉTUDIANTS EN DROIT ET LES FACULTÉS DES LETTRES


Rapport présenté à la Faculté de droit de l’Université de Grenoble[1].

 Messieurs,

Le Conseil de l’Université de Grenoble a cté saisi d’un vœu tendant à insliluer dans les Facultés des lettres un cours spécial d’études littéraires, historiques et philosophiques préparatoire aux études juridiques. Le Conseil a renvoyé ce vœu à l’examen de la Faculté de droit ; vous en avez délibéré une première fois et vous avez chargé une commission de procéder à une étude plus complète de la question qui vous est soumise. Au nom de cette commission, j’ai l’honneur de vous exposer les raisons qui lui paraissent s’opposer à l’adoption du vœu.

I

Il importe de constater d’abord que le vœu présenté au Conseil de l’Université de Grenoble l’a été en termes très laconiques ; on n’a voulu émettre qu’un vœu de principe. Nous en connaissons le sens général par une lettre de M. le vice-président du Conseil de l’Université en date du 9 décembre 1898, invitant la Faculté de droit à donner son avis sur ce vœu : « Vœu tendant à créer auprès de la Faculté des Lettres une année préparatoire d’études littéraires, historiques et philosophiques, qui donneraient accès aux études juridiques. »

Votre commission a pensé que cette formule très générale était un peu vague pour servir de base à nos délibérations, et elle a cherché à s’éclairer davantage sur le projet soumis à son étude. La Revue internationale de l’Enseignement du 15 juillet 1898 contient précisément un article sur le projet, article signé d’une simple initiale et qui émane manifestement de l’un des auteurs du projet ; l’article est intitulé : Note sur Le recrutement des étudiants dans les Facultés des lettres. C’est dans cette Note que nous avons cherché l’exposé des motifs et la portée du projet.

II

L’auteur de la Note commence par indiquer, avec une entière franchise, la préoccupation d’où procède le projet ; il s’agit — le titre de la Note le fait assez apercevoir — d’assurer une clientèle d’élèves aux Facultés des lettres. Les candidats à la licence ont été nombreux tant que la conquète du diplome a assuré des postes dans l’enseignement public. Mais des postes sont occupés ; ils le sont par des hommes jeunes, dont la succession ne sera pas ouverte de si tôt, et l’absence de débouchés amine l’absence des candidats. Les Facultés des lettres estiment, à juste titre, que les cours publics, dont la grande utilité ne saurait être méconnue, ne peuvent cependant pas être leur seule fonction ; elles ont l’ambition, bien légitime, de posséder des élèves véritables, et elles ont pensé pouvoir « s’enrichir d’un partage d’étudiants »[2] avec les Facultés de droit.

Cette préoccupation des Facultés des lettres n’est pas seulement naturelle ; il était de leur devoir de la formuler hautement. La loi du 10 juillet 1896, en ressuscitant les Universités françaises, leur a confié le soin de leurs destinées, et leur existence ne se conçoit pas sans un personnel assuré d’élèves. Or si les Facultés de droit et de médecine ont une clientèle normale, les Facultés des sciences et des lettres sont placées dans une situation beaucoup moins favorable, par suite de l’existence des Écoles spéciales, qui drainent, en quelque sorte, ce que j’ose à peine nommer le personnel enseignable de ces deux ordres de Facultés. Elles cherchent des remèdes et font bien d’en chercher[3]. Les Facultés de droit ont double motif de s’intéresser à cette recherche : motif d’affectueuse sympathie pour les Facultés sœurs et motif de solidarité d’intérêts.

Mais si nous sommes tout acquis aux intérêts des Facultés des lettres, la considération de cet intérêt ne peut être que secondaire dans l’examen du projet qui nous est soumis. Qu’il soit de nature à procurer des élèves aux Facultés des lettres, ce nous serait une raison de plus d’y donner un avis favorable si nous avions d’autres raisons. Mais nous devons faire abstraction de toute arrière-pensée en ce sens et nous demander seulement si le projet est de nature à aider au développement des études dont nous avons la charge.

III

Aussi bien l’auteur de la Note a soin de constater que le projet dont il s’agit n’a pas été imaginé dans le seul intérêt des Facultés des lettres. L’idée de faire accomplir aux futurs étudiants en droit un stage d’une année dans les Facultés des lettres a été inspirée par les plaintes réitérées des Facultés de droit sur la décadence des études secondaires.

Cette décadence est incontestable. Les étudiants en droit, tels qu’ils nous arrivent après avoir doublé le cap redouté du baccalauréat, sont trop souvent hors d’état d’entreprendre les études nouvelles vers lesquelles ils se tournent. Pour apprendre à manier la langue juridique il faudrait qu’ils eussent l’habitude d’écrire correctement le français, et nous avons maintes fois constaté dans les compositions une ignorance du français qui ne consiste pas seulement dans l’inélégance du style ; l’orthographe même est sujette à caution. L’étude du droit romain est rendue impossible par l’ignorance de l’histoire romaine et du latin ; les erreurs chronologiques les plus grossières sont commises aux examens, et la lecture des textes juridiques dans la langue originale n’est plus possible. L’histoire du droit français est inaccessible à des élèves qui ne possèdent pas les éléments de notre histoire nationale. Le droit constitutionnel, le droit international public sont étudiés avec beaucoup de peine, faute de connaissances historiques suffisantes, et nous n’oserions pas reproduire ici les bévues monstrueuses devant lesquelles l’examinateur reste abasourdi ; elles se produisent même à propos d’événements contemporains, dont l’étude appartient pourtant au programme de la classe de philosophie, la dernière faite avant l’entrée de nos élèves à la Faculté. Enfin le mouvement général des idées philosophiques est fort mal connu et cette ignorance est un obstacle aux études de droit public général, d’économie politique et de droit pénal,

Voilà le triste aveu que votre commission n’a pas voulu ne point consigner dans ce rapport. Elle n’est pas, au reste, la première à le faire. Cet aveu, déjà fait, est l’argument principal invoqué en faveur du projet qui vous est soumis. Si la faiblesse des bacheliers ès lettres est si grande, dit-on, n’importe-t-il pas de les fortifier avant d’en faire des étudiants en droit ? Et la façon la meilleure de les fortifier n’est-elle pas de leur imposer une année d’études préparatoires dans une Faculté des lettres ?

D’accord sur les prémisses, nous ne pouvons nous associer aux conclusions. Elles nous paraissent inacceptables pour deux raisons.

En premier lieu, le mal auquel il faut porter remède est trop grave pour que le remède proposé soit efficace. Ce que les étudiants en droit ignorent et auraient besoin de savoir, c’est, avec le français, le latin, l’histoire générale et des éléments de philosophie ; en un mot, l’éducation secondaire, dans son ensemble, est à refaire. Croit-on vraiment qu’une année d’études dans une Faculté des lettres puisse combler les lacunes restées béantes après neuf ans de séjour dans un lycée ? Nous en doutons, pour notre part. L’insuffisance initiale de nos élèves vient des études secondaires et c’est dans une reforme des études secondaires que le remède doit être cherché. Où réside, d’une manière exacte, la cause du mal ? Vient-il des programmes ou des méthodes ? Le baccalauréat est-il le seul coupable, comme on l’a prétendu sérieusement ? Toutes questions très délicates, dont on n’attend pas que nous cherchions ici la solution. Nous constatons le mal ; nous n’avons pas la prétention, ni la mission d’en déterminer les causes et de préconiser un spécifique. On nous propose un remède, et celui-là nous semble inopérant. La comparaison triviale du cautère appliqué sur une jambe de bois n’est-elle pas ici vraiment de mise ? L’instruction secondaire de ceux qui frappent à la porte des Facultés de droit est à refaire ; que parle-t-on de la perfectionner en un an ?

Une seconde raison s’ajoute à celle-là. Quand même les Facultés des lettres pourraient accomplir ce sauvetage, devraient-elles se vouer à cette tâche ? Nous n’en aurions pas le désir, si nous étions à leur place. Une Faculté doit être une école de haut enseignement, de haute culture intellectuelle, et telles sont les Facultés des lettres quand elles préparent leurs : élèves aux divers examens de licence ou d’agrégation, quand elles répandent autour d’elles, par les cours publics, le trésor des idées générales. L’enseignement préparatoire, qu’elles aspirent à donner aux futurs étudiants en droit, ne serait pas digne de leurs efforts. Qu’on y prenne bien garde, en effet. Si l’on confie aux Facultés des lettres le soin de refaire l’instruction secondaire de nos élèves, on va les transformer par là-même en établissements d’enseignement secondaire. Le programme à parcourir est tellement étendu qu’il faudra quatre ou cinq heures d’exercices tous les jours ; et ces exercices ne seront pas des cours, mais de véritables classes, avec leçons à apprendre et à réciter, devoirs à faire et à corriger. N’y a-t-il pas dommage public à absorber dans une tâche aussi peu relevée les maîtres de notre enseignement supérieur ?

Il est vrai que les professeurs de Facultés des lettres n’ont pas, sans doute, l’intention de donner eux-mêmes l’enseignement préparatoire dont ils offrent de se charger ; ils se proposent de le faire donner, sous leur direction, par des maîtres spéciaux, probablement empruntés au personnel du lycée existant au siège de l’Université. Mais, si l’on procède ainsi, ce qui paraît à la fois probable et inévitable, quel avantage y a-t-il à installer dans les Facultés des lettres le nouvel enseignement ? Si les études secondaires, faites sous une discipline étroite, qui du moins devrait et pourrait l’être, ont donné des résultats si médiocres, il est peu probable que ces mèmes études donnent tout-à-coup de merveilleux résultats par la seule vertu du cadre où on les aura placées. La vice d’étudiant expose à des entraînements peu favorables au travail ; les professeurs de droit ne le savent que trop. S’il s’agit de prolonger d’une année la scolarité secondaire des futurs étudiants en droit, mieux vaudrait leur faire passer cette année comme élèves dans un lycée que comme étudiants dans une Université.

IV

En réponse aux objections qui précèdent, on ne manquera pas d’invoquer un argument d’analogie. Depuis le décret du 31 juillet 1893, dit la Note déjà citée, les futurs étudiants en médecine sont assujettis à une année d’études préparatoires dans les Facultés de sciences, année pendant laquelle ils se consacrent aux sciences physiques, chimiques et naturelles ; or le P. C. N., puisqu’il faut l’appeler par son nom, a été institué pour compléter l’éducation scientifique des lycéens avant leur entrée dans les Facultés de médecine ; les résultats obtenus sont unanimement appréciés de la manière la plus favorable, et tout permet d’espérer des résultats aussi satisfaisants de ce qu’on appelle déjà le P. C. N. littéraire ou le P. H. L. (philosophie, histoire, littérature).

Cet argument d’analogie a joué un grand rôle dans l’élaboration du projet qui vous est soumis. Les Facultés des lettres, cherchant à s’assurer une clientèle d’élèves, ont vu les Facultés des sciences s’emparer pendant un an des futurs étudiants en médecine ; l’idée de recourir à un procédé analogue était trop séduisante et trop simple pour ne pas rencontrer de nombreux partisans.

Or il importe d’observer que cette analogie est purement apparente. Entre le P.C.N. et le P. H. L., il y a des différences importantes ; l’indication de ces différences fera comprendre tout à la fois pourquoi le P. C. N. a très bien réussi, pourquoi le P. H. L. réussirait sans doute beaucoup moins bien.

Le bachelier qui se destine à la médecine est étudiant en sciences pendant un an. Mais cette année n’est pas employée à une révision hâtive et forcément vaine des études scientifiques faites au lycée ; les éléments des sciences sont supposés connus. Ce qui manque aux futurs étudiants en médecine, ce qu’ils acquièrent à la Faculté des sciences, c’est, en quelque sorte, la pratique des sciences, pratique avec laquelle ils doivent être familiarisés avant d’entrer dans une Faculté de médecine. Ils possèdent des rudiments de physique ; on leur apprend à faire une expérience, à manier les principaux instruments. Il ont des notions de chimie ; on les habitue à manipuler. Ils ont étudié l’histoire naturelle ; on les initie aux vivisections, aux herborisations, aux préparations de toute sorte que nécessite l’étude de la physiologie et de la botanique. En résumé, le P. C. N. n’est pas un recommencement des étude secondaires, un piétinement sur place ; il fait acquérir des connaissances nouvelles, intermédiaires entre celles qu’a données le lycée et celles que donnera la Faculté de médecine, indispensables pour utiliser à la Faculté de médecine ce qui a été rapporté du lycée. Un an peut y suffire, et les Facultés des sciences sont bien la place convenable pour ces études[4].

Toute autre serait la nature du P. H. L., et les développements déjà trop longs de ce rapport le font assez apparaître. Recommencement des études secondaires, il ne peut être fait en un an et n’a pas sa place dans une Faculté.

V

Telle n’est pas, d’ailleurs, la différence unique qui sépare le P. C. N. du P. H. L. ; il en est une autre sur laquelle votre commission ne saurait appeler avec trop d’insistance votre attention, car il en résulte une impossibilité radicale d’accepter le projet.

La création du P. C. N. n’a pas réellement allongé la durée des études imposées aux jeunes gens qui aspirent au diplôme de docteur en médecine. C’est un point sur lequel M. le doyen Brouardel insiste longuement dans son rapport au Conseil supérieur de l’instruction publique sur la réorganisation des études médicales en 1893[5]. Il fait observer d’abord que la durée de la scolarité et la durée des études, dans les Facultés de médecine, sont chose bien distinctes ; non seulement le nombre est infime des élèves qui consacrent seulement à leurs études le temps fixé pour la scolarité, mais les meilleurs élèves sont précisément ceux qui font durer le plus longtemps les études, à tel point que l’étudiant de dixième année est l’élève vraiment modèle. Le rapporteur observe, d’autre part, que l’obligation de passer un an dans les Facultés des sciences remplace, pour les futurs étudiants en médecine, l’obligation où ils étaient précédemment de prendre le baccalauréat ès sciences restreint ; or le temps nécessaire à la préparation de ce baccalauréat était souvent supérieur à une année, rarement inférieur, de sorte que la création du P. GC. N., qui n’allonge que légèrement la durée des études pour certains élèves, va jusqu’à l’abréger pour d’autres, On peut conclure, en résumé, que la durée reste la même.

Au contraire, la création d’un P. C. N. littéraire allongerait inévitablement d’un an la durée des études pour tous les aspirants à la licence en droit. Il est vrai que l’allongement n’irait pas sans compensation. La Note, qui sert de thème à ce rapport, subordonne expressément la réalisation du projet à un vote du Parlement qui accorderait la dispense de deux ans de service militaire aux licenciés en droit du nouveau modèle ; une année passée à la Faculté des lettres leur vaudrait l’exemption de deux années à passer sous les drapeaux.

Cette combinaison aurait l’avantage incontestable de sauver le doctorat en droit comme grade scientifique. Il est inévitable, en effet, que le doctorat, exigé à l’heure actuelle pour la dispense de deux ans de service, perde peu à peu son ancienne valeur ; qu’on le veuille ou non, la poussée des candidats médiocres, sera plus forte que la vigilance des examinateurs, et, en vingt ans de ce régime, le doctorat en droit vaudra tout juste ce que vaut aujourd’hui la licence. On nous permettra de dire qu’il aura vécu comme haut grade scientifique ! On lui conserverait sa valeur si on arrivait à obtenir la dispense des deux ans de service pour les licenciés en droit, grâce à la création du P. C. N. littéraire.

Votre commission est loin de méconnaître ce qu’il y a de séduisant dans cet aperçu. Elle est très pénétrée des dangers que la loi militaire en vigueur fait courir à la valeur du diplôme de docteur en droit et serait volontiers séduite par une combinaison rendant aux études de doctorat leur caractère purement désintéressé. Mais elle aperçoit deux difficultés qu’elle m’a donné mandat de vous signaler.

La première est d’ordre législatif ; elle échappe, par conséquent, à votre compétence et ne peut être qu’indiquée. Il est douteux que la dispense de deux ans de service militaire soit accordée aux licenciés en droit même après que la durée de leurs études aura été portée de trois à quatre ans. Les dispositions du Parlement à leur égard semblent peu favorables, s’il faut en juger par certains débats qui ont eu lieu précédemment dans les Chambres. En tout cas, la réalisation préalable de la réforme qui nous occupe pourrait seule modifier ces dispositions, et il n’est pas sans danger de réaliser d’abord la réforme pour courir ensuite la chance d’obtenir des Chambres une modification de la loi militaire. Cette difficulté, pour n’avoir trait qu’à la procédure, n’en est pas moins embarrassante.

Il en est une seconde. À supposer même que la dispense de deux ans de service soit accordée aux nouveaux licenciés en droit, la création du P. C. N. littéraire n’aurait pas moins pour effet d’allonger la durée des études imposées pour l’obtention du grade de docteur en droit. Actuellement, sauf des exceptions très rares, cette durée est de cinq ans et demi à six ans ; on peut compter six années[6]. Elles seront portées à sept par la création du P. C. N. littéraire, sans compter l’année de service militaire, ce qui fait un total de huit années. Huit ans, au bout desquels on obtient un titre d’une valeur purement platonique ne donnant directement accès à aucune carrière ; un apprentissage professionnel de plusieurs années est indispensable pour que le jeune docteur soit apte à exercer les fonctions d’avocat, d’avoué, de magistrat, de conseiller de préfecture[7], et cet apprentissage ne peut guère être fait en même temps que les études de doctorat, de sorte qu’un docteur en droit ne pourra commencer une carrière qu’environ dix ans après sa sortie du lycée. L’exagération est telle que la réforme projetée aboutirait inévitablement à écarter du doctorat toute clientèle autre que celle des aspirants à l’agrégation. Les praticiens, d’ordre judiciaire ou administratif, ont une foi médiocre dans l’utilité des études de doctorat ; ils sont déjà peu enclins à y pousser les licenciés et les détourneraient d’une manière complète si la durée des études était augmentée. Or, si les candidats au doctorat sont beaucoup trop nombreux à l’heure présente, par l’effet de la loi militaire, il demeure utile que les hautes études juridiques ne soient pas désertées d’une façon complète. Si l’augmentation du nombre des élèves en lettres doit être achetée à ce prix, la combinaison paraît désastreuse à tous égards. D’abord le P. C. N. littéraire ne remplacera pas, au point de vue de l’éducation juridique, les études de doctorat. D’autre part, le surcroît d’élèves procuré aux Facultés des lettres sera compensé par une perle correspondante pour les Facultés de droit, de sorte que la population scolaire des Universités restera la même, sans augmentation des ressources pécuniaires totales résultant du nombre des élèves.

VI

Les considérations qui précèdent semblent décisives, et votre commission croit devoir s’y tenir, sans s’attarder à l’exposé d’objections secondaires. Par exemple, elle pourrait appeler votre attention sur la situation que la réforme projetée ferait aux élèves ne commençant pas leurs études de droit au sortir du lycée, ne venant à nous qu’à un certain âge et déjà engagés dans une carrière. Sans doute ils ne forment qu’une petite part du contingent de nos élèves, mais non la moins méritante ni la moins capable. Peut-on songer à les astreindre aux études préparatoires qui nous occupent ?

Objection de détail, avons-nous déjà dit, et nous n’insistons pas. Les objections de principe sont assez graves pour que votre commission soit unanime à vous proposer le rejet du vœu qui vous est soumis.

Le Rapporteur,
R. Beudant.


  1. Le présent rapport, lu à l’Assemblée de la Faculté du 18 janvier 1899, a été approuvé à l’unanimité. La Faculté à pensé qu’il n’était pas inutile de lui donner une certaine publicité, car la question qui y est traitée n’a pas été soulevée seulement à Grenoble. Les Facultés de lettres ont, pour la plupart, délibéré déjà ; plusieurs conseils d’Université ont été ou seront saisis, et lies Facultés de droit le seront sans doute à leur tour. L’enquête ouverte a donc un caractère général et il est bon que les réponses faites soient connues du public universitaire.
  2. Note citée, p. 7.
  3. Voy. sur ce point les idées émises pur M. le professeur Collet dans son rapport sur la situation de l’Université de Grenoble pendant l’année scolaire 1896-97,
  4. Sur le caractère des études physiques, chimiques et naturelles faites dans les Facultés des sciences par les aspirants au doctorat en médecine, voy. les rapports présentés au Conseil supérieur de l’Instruction publique par MM. les Doyens Brouardel et Darboux. Ces rapports sont reproduits dans le Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur, par A. de Beauchamp, tome V, p. 273 et suiv.
  5. Loc., cit., pp. 276 et 271.
  6. Officiellement, la durée de la scolarité pour le doctorat est seulement d’une année. Mais il est pratiquement impossible de conquérir le diplôme dans ce délai. En fait, deux ans et demi sont un minimum. Le premier examen ne peut être subi qu’après la quatrième inscription, qui est prise du 1er  au 15 juin de la première année ; le second examen est subi en mars ou avril de la seconde année ; la composition de la thèse exige ensuite, dix à douze mois, d’autant plus que ce temps est coupé par les vacances entre la seconde et la troisième année, vacances qui sont un temps de repos nécessaire et pendant lesquelles les bibliothèques, indispensables pour la préparation de la thèse, sont d’un accès malaisé. Le total est bien de deux ans et demi, à condition, bien entendu, que tous les examens soient subis avec succès dès la première épreuve : or il faut observer que la moitié des candidats environ est ajournée une fois chacun des deux examens, ce qui impose des délais supplémentaires.
    Il est difficile que la durée de deux ans et demi soit réduite, car il faut aux élèves le temps matériel de suivre les cours spéciaux professés à leur usage, cours annuels qu’ils ne peuvent suivre tous la même année. Cela même fût-il possible — et c’est le cas, dans une certaine mesure, pour les aspirants au doctorat juridique — il n’est pas désirable que les études de doctorat durent moins de deux ans et demi. Ceux qui parviennent au but en un temps moindre le doivent à des qualités de mémoire et de facile assimilation ; les études de doctorat ne sont utilement faites qu’avec lenteur et réflexion, étant donné surtout la préparation juridique très faible de la plupart de ceux qui les abordent.
    Il est bien entendu que ces indications sur la durée des études de doctorat ne concernent que les candidats qui se contentent d’un seul diplôme de docteur. Les candidats aux diverses agrégations, obligés d’être docteurs in utroque, voient leurs études allongées par là de douze à dix-huit mois, délai nécessaire pour passer l’examen unique et écrire une seconde thèse.
  7. Les docteurs en médecine sont beaucoup plus favorisés. Sans doute leurs études sont longues et ont été peut-être légèrement allongées par la création de P. C. N. ; mais, dès la délivrance du diplôme, ils sont en état d’inaugurer sans délai l’exercice de leur profession.