Les Actes des Apôtres/10

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 38-41).

X

ANANIE ET SAPHIRE.



Grand’mère. Or, un certain homme nommé Ananie et Saphire sa femme, qui s’étaient faits Chrétiens, vendirent un champ. Ananie, d’accord avec sa femme, cacha une partie de l’argent qu’on leur avait payé pour ce champ ; et Ananie, apportant l’argent qui restait, le déposa devant les Apôtres. Saint Pierre, inspiré de Dieu, lui dit :

« Ananie, pourquoi as-tu laissé Satan entrer dans ton cœur ? Pourquoi as-tu menti à l’Esprit-Saint ? Pourquoi as-tu gardé une partie de l’argent de ton champ ? Ce champ était à toi ; personne ne t’obligeait à le vendre : et lorsque tu l’as vendu, l’argent était à toi. Pourquoi ne le gardais-tu pas, au lieu de faire semblant de tout donner, de te dépouiller de tout ce que tu possédais ? Tu l’as fait pour avoir l’air d’un homme
Mort d’Ananie
généreux, bienfaisant, détaché des biens de ce monde. En le faisant, tu n’as pas menti aux hommes, mais à Dieu. »

Entendant ces paroles, Ananie tomba et mourut.

Élisabeth. Ah ! mon Dieu ! quelle terrible punition pour un mensonge !

Grand’mère. Ce n’était pas un mensonge ordinaire, chère enfant ; c’était une tromperie mêlée d’orgueil et d’hypocrisie. Il voulait se faire passer pour un saint homme, plus parfait que les autres ; car on n’était pas obligé, en se faisant Chrétien, de donner ses biens ; cela était tout à fait volontaire et provenait d’un détachement complet des biens de ce monde. De plus, il mentait à saint Pierre, au chef de l’Église, et par conséquent, au Saint-Esprit, dont saint Pierre était rempli. La punition fut terrible, comme tu dis, mais le crime était grand. Et puis, dans ces premiers temps du Christianisme, il fallait de grandes punitions et de grandes récompenses pour établir l’autorité des Apôtres.

Il y eut une grande crainte parmi ceux qui virent et entendirent ces choses. Des jeunes hommes de l’assemblée s’approchèrent, et voyant qu’Ananie était réellement mort, ils enlevèrent son cadavre, l’emportèrent et l’ensevelirent.

Environ trois heures après, sa femme, ignorant ce qui s’était passé, entra, et saint Pierre lui dit :

« Dis-moi si tu as vendu ton champ tel prix ? » Et Pierre lui dit le compte de l’argent qu’Ananie avait apporté.

« Oui, répondit Saphire, c’est le prix que vous dites.

— Pourquoi vous êtes-vous concertés ensemble ? » lui répondit saint Pierre.

Armand. Qu’est-ce que c’est : concerté ?

Grand’mère. Se concerter veut dire s’arranger ensemble, convenir ensemble de quelque chose.

« Pourquoi, lui dit saint Pierre, vous êtes-vous concertés ensemble pour mentir et tromper l’Esprit-Saint ? Voilà des hommes qui ont enseveli ton mari ; ils attendent à la porte pour t’emporter à ton tour. »

Et aussitôt Saphire tomba aux pieds de saint Pierre et mourut. Les jeunes gens qui rentraient, la trouvant morte, l’emportèrent et l’ensevelirent auprès de son mari.

Ce second châtiment augmenta encore la crainte qu’avait causée la mort d’Ananie et inspira un respect plus profond pour la parole des Apôtres. Ils firent beaucoup de miracles au milieu du peuple. Les douze Apôtres, tous unis ensemble, se tenaient habituellement dans le portique du Temple.

Armand. Comment, les Apôtres étaient tous attachés l’un à l’autre ?

Grand’mère, souriant. Mais non, cher petit, ils étaient unis de cœur et non par des cordes. Je crois que cette fois-ci tu as réellement dit une petite bêtise.

Armand. C’est vrai, Grand’mère ; je n’ai pas réfléchi.

Grand’mère. Bon, une autre fois tu réfléchiras un peu. Les Apôtres se tenaient donc tous les douze dans le portique du Temple, où ils faisaient beaucoup de miracles et de guérisons. Le peuple accourait en foule et le nombre des Chrétiens augmentait de jour en jour.

On apportait des malades en foule sur les places publiques, les posant par terre ou sur des grabats.

Louis. Qu’est-ce que c’est : grabat ?
Mort de Saphire

Grand’mère. Un grabat est un lit de pauvre. On portait donc ainsi les malades sur les places publiques, pour que saint Pierre venant à passer, son ombre pût les guérir.

On accourait même des villes voisines de Jérusalem, apportant des infirmes et des possédés ; et tous étaient guéris.

Louis. Comment ? l’ombre seule de saint Pierre guérissait tous les malades ? Mais, Grand’mère, on ne dit pas même cela de Notre-Seigneur dans l’Évangile !

Grand’mère. Non, mais Notre-Seigneur l’avait prédit expressément en disant à ses disciples : « Ceux qui croiront en moi, feront les miracles que je fais et de plus grands encore. »