Les Actes des Apôtres/34

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XXXIV

SUITE DES VOYAGES DE SAINT PAUL ET DES PERSÉCUTIONS DES JUIFS.

Grand’mère. Ils vinrent à Thessalonique, ville de la Macédoine ; Paul y prêcha pendant trois semaines, le jour du sabbat. Quelques-uns crurent et se joignirent à saint Paul et à ses compagnons.

Les Juifs zélés prirent avec eux quelques hommes méchants, et, selon leur habitude, ils les excitèrent contre Paul et contre les Chrétiens, ce qui amena une émeute dans la ville. La foule se dirigea vers la maison de Jason, où demeuraient saint Paul et saint Luc, saint Silas et les autres Disciples. Ils entourèrent la maison, pour y entrer de force en brisant tout. Ils cherchèrent saint Paul et Silas, et ne les trouvèrent pas ; alors ils se saisirent du maître de la maison, qui était chrétien et qui s’appelait Jason ; et ils l’emmenèrent devant les magistrats, ainsi que quelques fidèles qu’on avait trouvés avec lui. Ils criaient :

« Ces hommes troublent la ville. Ils attaquent l’autorité de César, en disant qu’il y a un autre Roi, qu’ils appellent Jésus. »

En entendant ces paroles, les magistrats et le peuple s’effrayèrent ; mais Jason leur ayant donné de l’argent pour répondre de lui et des Chrétiens, ils les laissèrent aller.

Dans la nuit, les fidèles firent partir saint Paul pour Béroée, ville de la Macédoine.

Aussitôt après leur arrivée, saint Paul et ses compagnons allèrent prêcher à la synagogue.

Louis. Mais, Grand’mère, pourquoi allaient-ils donc dans les synagogues ? C’était là qu’étaient toujours leurs ennemis.

Grand’mère. C’est vrai ; mais les Juifs connaissant déjà le vrai Dieu et les prophéties touchant le Messie, la moitié de la besogne était faite quand saint Paul leur parlait de la religion chrétienne. Ceux qui étaient de bonne foi n’avaient plus grand’chose à faire pour devenir chrétiens. Chez les pauvres païens, au contraire, il fallait tout expliquer. Les Juifs de Béroée étaient bien meilleurs que ceux de Thessalonique ; ils écoutèrent avec beaucoup d’empressement les enseignements de saint Paul ; tous les jours ils examinaient les prophéties et les Saintes-Écritures pour voir si elles s’accordaient avec ce que leur disaient les Apôtres. Et plusieurs d’entre eux crurent. Parmi les païens, il y en eut aussi qui se firent chrétiens, et quelques-uns même appartenaient à des familles riches et honorables.

Jeanne. Est-ce que les premiers Chrétiens étaient donc ordinairement des pauvres gens ?

Grand’mère. Pas tous, mais la plupart. Le bon Dieu le voulait ainsi pour faire bien voir que les âmes des pauvres étaient aussi précieuses que celles des riches, et qu’il n’avait besoin, pour établir son Église, ni des grands personnages, ni des riches, ni des savants.

Quand les Juifs de Thessalonique surent que saint Paul prêchait la parole de Dieu à Béroée, ils y vinrent en grand nombre pour exciter et soulever le peuple.

Jacques. Oh ! les méchants hommes ! Pourquoi cette haine contre les excellents Chrétiens, qui ne leur faisaient aucun mal ?

Grand’mère. Cher enfant, c’est la haine du démon contre Notre-Seigneur Jésus-Christ et contre sa douce et bienfaisante doctrine ; c’est le désir ardent qu’a toujours eu et qu’aura toujours Satan d’empêcher les hommes par tous les moyens possibles d’aller à leur Sauveur ; c’est toujours la même haine contre ceux qui cherchent à connaître et à démontrer la beauté et la bonté de la sainte et consolante doctrine du Sauveur.

Valentine. En quoi est-elle consolante, Grand’mère ?

Grand’mère. En ce que toutes les douleurs, toutes les peines y trouvent une grande consolation.

Valentine. Comment cela ?

Grand’mère. Voici comment. La foi nous apprend à offrir au Seigneur nos souffrances comme expiation de nos fautes, comme acte de soumission à sa volonté. — Elle remplit nos cœurs d’espérance dans l’avenir éternel. — Elle nous donne la certitude d’une protection continuelle. — Elle nous apporte, pour ce Dieu si bon, cet ami si fidèle, un amour plein de douceur, qui nous donne la force de tout souffrir pour lui. — Elle nous apporte l’assurance d’une réunion éternelle avec ceux que la mort nous a enlevés, mais que nous retrouverons, pour ne plus jamais nous en séparer.

Camille. C’est vrai, Grand’mère ! Et combien sont à plaindre les pauvres gens qui se privent de toutes ces consolations !

Grand’mère. Et que mettent-ils à la place, ces pauvres aveugles ! Des plaisirs qui passent bien vite et qui sont presque toujours mêlés de peines. Des satisfactions de vanité aussi ridicules que coupables. Ils vivent sur la terre comme des étourdis, sans réfléchir à ce qu’il y a de plus sérieux, de plus important. Ils sont comme des fous qui se mettent en voyage sans savoir où ils vont, et sans vouloir s’en occuper. Aussi, quand ils ont des peines (et tout le monde en a sur la terre), ils n’ont aucune vraie consolation. Et puis la jeunesse et la santé passent vite ; la vieillesse et ses infirmités viennent rappeler la mort, dont la pensée seule épouvante, et à laquelle il faut bien arriver pourtant. Et puis on meurt, et on comparaît devant Dieu, qu’on a oublié, méprisé, offensé toute sa vie. Maintenant, Dieu est le Sauveur bon et miséricordieux ; après la mort, il sera le juge sévère et inexorable dans sa justice.

Élisabeth. Oh ! Grand’mère ! c’est terrible ce que vous dites !

Grand’mère. Ce n’est pourtant que la simple vérité, chère enfant. Elle n’est terrible que pour les coupables ; et j’espère qu’aucun de vous n’aura à redouter ainsi le jugement de Dieu.

Revenons à saint Paul et aux méchants Juifs qui ont fait tout exprès le voyage de Thessalonique à Béroée pour satisfaire leur haine contre saint Paul, Disciple fidèle de Jésus.

Les frères, craignant pour Paul, le firent partir bien vite du côté de la mer, où il pouvait facilement s’embarquer. Mais Silas, et Timothée, le disciple bien-aimé de saint Paul, restèrent, à Béroée.

Ceux qui accompagnaient saint Paul le conduisirent jusqu’à Athènes, grande ville au midi de la Grèce ; ils repartirent de suite pour porter a Silas et à Timothée un ordre de l’Apôtre de venir le rejoindre immédiatement. Ils obéirent sans retard.

Pendant que Paul les attendait à Athènes, il réfléchissait aux moyens de faire connaître la vérité aux Athéniens, qui étaient idolâtres comme tous les Gentils, et aux Juifs qui demeuraient dans la ville. Il discutait avec les Juifs dans la synagogue, et avec les païens sur la place publique, où il les rencontrait. Quelques savants, qu’on appelait des philosophes, discutaient aussi avec lui ; et plusieurs disaient : « Que veut dire ce semeur de paroles ? » Et d’autres disaient : « Il paraît annoncer des dieux nouveaux. » Parce que Paul leur parlait de Jésus et de sa Résurrection.

Ayant pris Paul, ils le conduisirent devant l’Aréopage.

Louis. Qu’est-ce que c’est : l’Aréopage ?

Grand’mère. L’Aréopage était une assemblée de gens instruits, d’Anciens, qui discutaient et décidaient les questions difficiles.

Ils dirent à Paul : « Pouvons-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine dont tu parles ? Car tu dis des choses étranges, que nos oreilles n’ont jamais entendues. Nous voudrions bien savoir ce que cela peut être ? »

Paul, debout au milieu d’eux, leur dit :

« Habitants d’Athènes, je vous vois tous religieux, plus religieux même peut-être que vous ne le croyez. Car en passant devant vos idoles, j’ai vu un autel où il est écrit : Au Dieu inconnu. Ce Dieu qui vous est inconnu, que vous adorez sans le connaître, c’est celui que je vous annonce. »

Alors il leur raconta comment le seul vrai Dieu, vivant et éternel, avait fait le monde et le premier homme ; comment de cet homme étaient venus tous les hommes habitant sur la terre. Il leur expliqua les prophéties, la venue du Messie, qui est Jésus-Christ, Notre-Seigneur et le vrai Fils de Dieu. Il leur parla des miracles de Jésus, de sa Passion, de sa mort, de sa Résurrection, et enfin du Jugement dernier et de la résurrection des morts. Lorsqu’ils l’entendirent parler de la résurrection des morts, quelques-uns se moquèrent de lui ; d’autres dirent : « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. »

Marie-Thérèse. Pourquoi lui disent-ils cela ?

Grand’mère. Pour lui faire comprendre qu’il était inutile qu’il continuât, parce qu’ils ne le croyaient pas, et ne voulaient pas le croire.

Alors Paul se retira d’au milieu d’eux.

Quelques-uns pourtant crurent à sa parole, entre autres Denys l’Aréopagite.

Valentine. Qu’est-ce que c’était que Denys l’Aréopagite ?

Grand’mère. C’était un très-savant homme qui présidait alors le tribunal de l’Aréopage. Après avoir été converti à la foi par saint Paul, il fut nommé par lui Évêque d’Athènes, puis Évêque de Paris ; il écrivit plusieurs livres très-estimés ; et à l’âge de 110 ans, il eut la tête tranchée à Montmartre près de Paris, pendant une persécution contre les Chrétiens.

Jeanne. C’est horrible d’avoir coupé la tête à un vieillard ! Comment les anciens Français Gaulois ont-ils été aussi cruels ?

Grand’mère. C’étaient plutôt des soldats romains que des Gaulois, et puis rien ne rend aussi cruel que les haines religieuses. Dans les nombreuses persécutions qu’ont subies les Chrétiens, ils ont été soumis aux tortures les plus atroces et à la mort la plus cruelle. J’ai vu à Rome, dans une des galeries du Vatican, palais du Pape, beaucoup d’instruments de torture inventés contrôles Chrétiens ; c’est horrible à regarder. Et il y a une quantité d’armoires pleines de ces divers instruments.

Jeanne. Faut-il être méchant pour tourmenter de pauvres gens qui ne font mal à personne !

Grand’mère. Comme nous l’avons déjà dit, c’est le démon qui y poussait les persécuteurs pour faire apostasier saint Denis et les nouveaux Chrétiens, mais presque tous sont morts dans les supplices, plutôt que de renoncer à leur foi.

Saint Paul convertit aussi ce jour-là, à Athènes, une femme nommée Damaris et plusieurs autres encore.