Aller au contenu

Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices/09

La bibliothèque libre.
, Une Bayadère de l’opéra
A Couillopolis. 1700 [i.e. ca 1833] (p. 59-69).




CHAPITRE IX.

Madame Montessu, Jenny Colon, Mariana
et Edélinetta.


La discussion finissait par être moins animée dans la salle-voisine, voilà dit, mademoiselle Bourgoin nos messieurs qui commencent à se lasser de leur politique, je crains bien qu’ils ne viennent nous surprendre et que celles de nous qui ont encore leur confession à faire n’en puisse venir à bout.

Oh ! dit madame Théodora, il reste encore Montessu, Coton, Mariana et la petite espiègle Edélinetta, mais comme je sais d’après leur propre aveu que ces dames ont un goût de prédilection pour les plaisirs de la petite oie, leur confession peut être abrégée, il suffira qu’elles nous disent dans quelles situations elles aiment à être placées pour jouir des bagatelles de la porte.

— Oui, oui, c’est cela la description des positions seulement, dirent à la fois toutes ces dames.

Oh ! pour moi, dit mademoiselle Montessu, j’ai mieux que cela à vous conter : j’ai eu certaine aventure au bois de Romainville qui m’a laissé de bien agréables souvenirs.

J’avais toujours entendu parler du plaisir qui procurent aux petites grisettes de Paris les cavalcades de Montmorency, j’eus la fantaisie d’en essayer, j’en parlai au jeune M, qui me faisait alors la cour, il m’assura que sans me déplacer autant, Romainville m’offrirait les mêmes plaisirs, nous prîmes jour pour nous y rendre.

Après avoir déjeuné amplement de laitage et d’œufs frais, je me fis amener un roussin d’Arcadie d’une grande beauté, mais l’animal était têtu comme un âne, c’est le mot, cependant à force de coups je le décidai à prendre le galop. Oh ! alors, une fois parti il n’y eut plus moyen de le retenir, il m’emporta dans le bois à travers ravins et broussailles avec une telle rapidité, que ma robe en voltigeait et laissait à découvert jusqu’à mes cuisses, ce qui n’était pas un spectacle désagréable pour les jeunes gens que dans ma course rapide je voyais passer à côté de moi, je me tenais en selle aussi bien que possible ; tout à coup je perdis l’équilibre et j’aurais infailliblement roulé à terre, si M qui me suivait de près ne fut parvenu à me retenir d’une main, tandis que de l’autre il saisit la bride du maudit baudet, j’étais toute essoufflée, le lieu où nous nous étions arrêtés était propice au repos, M m’y fit asseoir et attacha nos montures à un arbre, puis il vint se placer auprès de moi, j’étais émue par la peur que j’avais eue ; il trouva que cette émotion lui était favorable et pour me prouver quels désirs, l’état où il me voyait excitait en lui, il déboutonna son pantalon et me mit en main son superbe Priape, je m’abandonnai nonchalamment d’abord à ses caresses ; mais bientôt il y mit tant de feu que l’incendie me gagna, il avait coulé sa main sous mes jupes et me palpait les cuisses puis jouant avec la forme de ma motte, il m’inspira je ne sais quel désir de volupté, qui ne fut satisfait que quand nous eûmes sacrifiés trois fois consécutives à l’amour sur cet autel de la nature, je puis vous jurer, mesdames, que jamais je n’eus plus de plaisir que cette fois là.

Moi, dit mademoiselle Coton, qui n’a pas d’aventures particulières à vous citer, je vous dirai que je mets ma plus grande jouissance à être assise sur les genoux d’un amant, à entourer son cou de mes bras pendant qu’il me fait les plus tendres caresses, ma passion favorite est de faire une sorte de mélange de la pudeur et du libertinage, aussi me voit-on rougir, baisser les yeux pendant l’action ; oui, j’aime à jouer la modestie pendant qu’un jeune amant dévoré de désirs sans fruit me retrousse jusqu’aux aisselles, mes cuisses fermes et blanches les écarte, introduit dans ma fente rose et vermeille un doigt libertin qu’il pose sur la petite éminence que vous savez, et le fait agir avec adresse. Combien mon bonheur est grand ! mes fesses s’agitent doucement, tout mon corps tremble de bonheur ; je serre mon aimable amant à l’étouffer et poussant de longs légers soupirs semblables aux doux gémissemens de la tourterelle, je lui mets dans la main des indices non équivoques du plaisir qu’il me fait goûter, et je me pâme enfin dans ses bras ravie au septième ciel et inondée de félicité.

Pour moi, dit mademoiselle Mariana, sont les plaisirs pris à l’improviste qui ont le plus de charmes pour moi, comme ces gens qui en se levant le matin ne savent pas comment ni où ils dîneront. Moi, je ne sais souvent quelle occasion l’amour me fournira de lui prouver mon dévouement à son culte, je n’ai pas d’amant attitré et j’attends toujours du hasard et de l’occasion des bonnes fortunes que mon heureuse étoile veut bien m’envoyer. Mon plus grand passe temps est de visiter les jardins publics et là de me placer sur une chaise attendant que quelque cavalier aimable veuille bien me remarquer et lier conversation avec moi, ce qui ne tarde pas vu l’effronterie des regards que je porte sur tous les hommes qui passent devant moi. La conversation une fois engagée j’ai l’art de la conduire sur des sujets libertins que j’aborde avec esprit, et de façon à échauffer peu à peu l’imagination de mon interlocuteur qui ne tardant pas à s’apercevoir qu’il n’a pas affaire à une Lucrèce, me propose son bras pour faire un tour de jardin ; c’est là où je l’attends au détour d’une allée qui nous cache à tous les yeux, il risque un baiser dont je ne m’offense point, sa hardiesse augmente tout en discourant ; nous nous arrêtons derrière un arbre que bordent des charmilles touffus, et je me vois bientôt troussée, et mes cuisses se sentent maniées avec une ardeur sans pareille.

— Ah ! c’était donc pour en venir là mauvais sujet, dis-je alors en riant, et le mauvais sujet se déboutonne et me met dans la main un outil que souvent je puis à peine empoigner.

Pl 60.  
Amours, galanterie et passe-temps des actrices, Pl. 60
Amours, galanterie et passe-temps des actrices, Pl. 60
Il me met dans la main un outil que j’ai de
la peine à empoigner.

— Ah ! mesdames, si vous saviez, quel charme il y a de se livrer aux caresses, aux embrassemens d’un homme aimable, d’en recevoir, de lui donner du plaisir pendant qu’à quelques pas de vous la foule tourbillonne sans se douter du mystère qui s’accomplit ; d’honneur c’est un plaisir divin.

— Ah ! ma foi, s’empressa de dire la blonde et friponne Edelinetta, aime la foule et le monde qui voudra, moi je trouve que c’est dans la solitude qu’on éprouve le plus de plaisir à faire la douce affaire, et puis, que Mad. Théodora vous a dit que la petite oie était le vrai et suprême bonheur, pour moi, je ne la démentirai pas, mais vous allez juger par le raffinement que je sais y mettre, si j’ai tort dans mon goût.

C’est ordinairement chez moi et rarement ailleurs, que je me livre à ce doux passe-temps : nous y procédons, mon amant et moi avec détails : j’approche de mon lit une chaise, puis m’asseyant sur le lit même, je pose le pied droit sur le coussin de la chaise, ensuite je mets le pied gauche sur le premier, traversant ainsi le dossier de la chaise, et j’écarte les cuisse en me retroussant jusqu’à la ceinture ; dans cette position, j’offre aux yeux de mon amant les charmes les plus secrets que produise la nature : une jambe faite au tour, que recouvre un bas blanc bien tiré, des cuisses potelées, fermes et d’une blancheur qui ne laisse rien à désirer ; puis vient le temple des plaisirs, petit portique entouré d’une mousse fine et frisant en petits anneaux légèrement bouclés. De son côté, mon amant me met en main son instrument, et d’un coup-d’œil ravissant mes doigts le pressent, et leur mouvement onduleux, que je dirige du haut en bas, puis du bas en haut ; communiquent à son porteur les plus douces sensations dont je ressens le coutre-coup par le doux frottement dont ma petite éminence est l’objet. Mon œil attentif constamment baissé, suit voluptueusement les mouvemens du doigt de mon amant, et bientôt nous sentons tous deux les approches du plaisir ; nous redoublons nos mouvemens avec une vigueur excessive ; son sperme s’élance et va tomber à quelques pieds sur le tapis, tandis que le mien coule sur sa main au milieu des plus amoureuses exclamations du plaisir, de la volupté et des jouissances infinies.



La petite Edélidetta venait à peine de terminer son récit, quand Arual, un peu chancelant, par l’effet du Champagne, entre annoncer à ces dames que le café était servi. Toutes se levèrent pour rejoindre ces messieurs : toutes étaient bien rouges, bien animées, de sorte que ces messieurs durent s’en apercevoir, et je ne répondrai pas de ce qui se passa sous la table pendant le reste de la séance ; il est probable que plus d’un attouchement tant soit peu clandestin eut lieu ; que peut-être sous l’impulsions des récits qu’elles avaient faits et entendus, plus d’une donna à son voisin rendez-vous pour la nuit suivante ; je ne puis vous en dire davantage.


FIN.