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Les Amours (Ovide)/Traduction Séguier/13

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Traduction par Ulysse de Séguier.
(p. 44-47).

ÉLÉGIE X

À Corinne, pour qu’elle ne mette point un prix
à ses faveurs.


Comme Hélène ravie au bord de l’Eurotas,
Pour deux époux sujet de guerre ;
Comme Léda qu’un cygne, à plume mensongère,
Séduisit dans ses doux ébats ;
Comme Amymone errant dans la plaine brûlante,
Une urne en ses bras gracieux :
Je t’aimais, et pour toi craignais du roi des Dieux,
Aigle ou taureau, l’ardeur galante.

Maintenant je suis calme, étant désabusé ;
Ta beauté n’émeut plus mon âme.
Quel motif m’a changé ? L’or que ta main réclame.
À jamais le charme est brisé
Hier je t’adorais délicate et modeste ;
Le vice à présent t’enlaidit.
L’Amour est un enfant, l’Amour est sans habit,
Et sa candeur ainsi s’atteste.
Comment oserait-il tarifer ses appas ?
Il n’a ni bourse ni cassette.
Sa mère pour les camps pas plus que lui n’est faite ;
De tels dieux ne se soldent pas.

Une prostituée est fondée à tout prendre ;
Son métier accroît ses trésors.
Mais quand elle maudit les tyrans de son corps,
Libre, le tien songe à se vendre !
Vois donc ces animaux dépourvus de raison
T’apprendre, ô honte ! la morale.
De leurs bouillants époux génisse ni cavale
Jamais n’exigent de rançon.
La femme se plaît seule aux dépouilles de l’homme,
De ses nuits seule tient marché.
Elle vend un plaisir par tous deux recherché,
D’après le sien fixant la somme.
Si le plaisir d’amour n’est possible qu’à deux,
Sied-il qu’à l’un l’autre l’achète ?
Au même jeu pourquoi serais-tu satisfaite,

Moi, toujours dupe et malheureux ?

Un témoin pour de l’or ne peut mentir sans crime
Sans crime un juge être vénal
Avocat mercenaire, avide tribunal,
Sont indignes de toute estime.
C’est le sort de la femme osant avec son lit
Arrondir la dot paternelle.
Les gratuites faveurs font un amant fidèle,
Non le baiser qu’on lui vendit.
J’arrive, et je vous paye : oublions ma visite,
Je ne suis plus votre obligé.
Belles, que pour vos nuits rien ne soit exigé !
Gain mal acquis trop mal profite.
Que gagna la Vestale aux cadeaux des Sabins ?
Sous leur poids on l’écrase à terre.
our un collier reçu, dans le sang de sa mère
Un fils juste a plongé ses mains.

Sans doute il est permis de quêter maintes choses
D’un riche à loisir généreux.
Grappillez dans son champ tous les fruits savoureux ;
D’Alcinoûs cueillez les roses.
Quant au pauvre, prisez son cœur pur et constant ;
Ce qu’il possède, il l’abandonne.
Aux beautés, moi, mes vers tressent une couronne :
Qui j aime est célèbre à l’instant.
Et son nom durera, comme mon luth si tendre

Plus que la pourpre et l’or des rois.
Je hais qu’on me demande et donne toutefois ;
Je donnerai, mais sache attendre.