Les Amours (Ovide)/Traduction Séguier/19
LIVRE DEUXIÈME
ÉLÉGIE I
Pourquoi il chante ses Amours, au lieu de continuer
son poème de la Gigantomachie.
C’est un nouveau recueil d’Ovide, de Sulmone,
Le chantre de ses voluptés.
Prudes, retirez-vous : ces chants, qu’Amour ordonne,
D’ennui mourraient à vos côtés.
Me lise la beauté qu’un doux regard enivre, ,
L’enfant rêveur, novice amant.
Que, frappé comme moi, tout jeune homme en mon livre
Trouve décrit son mal charmant.
Qu’il demande, étonné : « Par quel art ce poète
Sait-il ainsi nos tendres cas ? »
J’osai, je m’en souviens, assez noble interprète,
Dire les célestes combats,
L’affreux Gygès, Tellus, puis I’Ossa mis en poudre
S’écroulant avec Pélion..
Je tenais dans mes mains Jupiter et sa foudre,
Tonnant sur la rébellion.
Corinne me chassa : lors, adieu foudre et guerre,
J’oubliai le maître des Dieux.
Maître, pardonne ! en rien ne m’aidait ton tonnerre ;
Ce seuil fermé me touchait mieux.
J’ai ressaisi mes traits, la sensible Élégie ;
Sa voix chère a forcé les gonds.
Les vers courbent le front de la Lune rougie,
Domptent du Jour les coursiers blonds.
Les vers des noirs serpents arrêtent la piqûre,
De l’onde ils refoulent le cours ;
Les vers de mainte porte ont brisé la serrure,
Malgré le chêne et les fers lourds.
À quoi m’aurait servi de célébrer Achille,
Les fils d’Atrée et leurs travaux ?
Pour moi qu’eût fait Ulysse, en son vaisseau fragile,
Hector, sous le pied des chevaux ?
Mais d’une vierge aimable ai-je loué la grâce,
La belle à moi s’offre en retour.
Grande est la récompense. Adieu, héros de race,
Rien ne me tente à votre cour.
Vous, suaves beautés, aux doux vers que je trace
Souriez : l’auteur est l’Amour.