Les Amours de Tristan/La belle malade

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Les Amours de TristanP. Billaine, A. Courbé (p. 8).


LA BELLE malade.

SONNET.


AMOVR ie t’auertis qu’vne fieure cruelle
Eſt preſte d’enuoyer Phillis dans le tombeau,
Et c’eſt vn bruit commun que tu vas perdre en elle,
Tout ce que ton Empire eut iamais de plus beau.

La neige de ſon corps ſe reſoût toute en eau ;
Tempere ſon ardeur du doux vent de ton aiſle,
Et luy ſerrant le front auecque ton bandeau,
Hauſſe de ton carquois le cheuet de la belle.

Mais s’il faut que la mort vienne pour l’aſſaillir
Amour, fais qu’elle puiſſe heureuſement faillir,
Change ſon dard funeste en vn doux traict de flame.

Afin qu’executant vn coup ſi hazardeux,
Lors qu’elle percera le beau sein de Madame
Penſant perdre vne vie, elle en conſerve deux.