Les Anacréontiques/Portrait de Bathylle

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Les AnacréontiquesAlphonse Lemerre, éditeurPoésies d’Auguste Lacaussade, tome 1 (p. 100-101).

XXIX

PORTRAIT DE BATHYLLE


 
Écoute et reproduis sur la cire ductile,
Reproduis-moi les traits de mon aimé Bathylle.
Fais-lui des cheveux bruns, d’essence tout lustrés ;
Que noirs à la racine et par le bout dorés,
Ils flottent librement. Dans sa blancheur rosée,
Montre un front virginal plus frais que la rosée.
Pour peindre ses sourcils d’un bleu sombre et luisant,
Emprunte ses lueurs à l’azur du serpent.
D’une clarté divine inonde sa paupière.
Que ses yeux noirs, foyer d’où jaillit la lumière,
Aient l’éclair du regard et la sérénité,
De Cypris la douceur et de Mars la fierté :
Qu’ils inspirent la crainte et laissent l’espérance.
Donne à sa joue en fleur la rose transparence
D’un beau fruit que Phoibos mûrit à son ardeur,
Et répands-y le rouge aimé de la pudeur.
Pour sa lèvre, peins-la persuasive et belle,

Au silence parlant, si ton art est fidèle.
Son cou, fais-le plus blanc que celui d’Adonis.
Fais ouverte et placide et grande sa figure.
Donne-lui la poitrine et les mains de Mercure,
Les cuisses de Pollux, le ventre aux flancs unis
De Bacchus. Montre aussi sa puberté naissante,
Où couve de Paphos la flamme incandescente.
Mais rebelle est ton art à montrer le contour
De son dos modelé par les doigts de l’Amour.
Que dire de ses pieds dans leur grâce célère ?
Et maintenant, quel prix te faut-il, quel salaire ?
Demande, et tu l’auras des mains d’Anacréon…
Peins donc cet Apollon que tu vois en Bathylle,
Et si jamais tu vas à Samos, peintre habile,
Fais de Bathylle un Apollon !