Aller au contenu

Les Animaux historiques/20

La bibliothèque libre.

PARTICULARITÉS HISTORIQUES

Ædonéus, roi des Molosses, fit déchirer, par son chien, Pirithoüs, qui était venu pour enlever sa fille Coré.

Quand Alexandre le Grand partit pour l’Inde, il reçut du roi d’Albanie un chien d’une taille énorme. Cet animal, dont on pouvait juger que la force était extraordinaire, ayant plu à ce conquérant, il ordonna qu’on lâchât d’abord contre lui des ours, puis des daims ; mais ce chien resta couché et immobile. Alexandre, indigné de trouver tant d’indolence dans un si grand corps, le fit tuer. Le bruit en vint aux oreilles du roi d’Albanie, qui lui envoya un second chien de la même espèce, nommé Péritas, avec cette condition expresse, qu’il ne mettrait pas celui-ci à de si faibles épreuves, mais qu’il éprouverait son courage contre un lion ou un éléphant. Alexandre, sans différer, lui fit lâcher un lion qu’il vit à l’instant même mettre en pièces par le chien. Ensuite, il détacha contre lui un éléphant. D’abord les poils du chien se hérissèrent, il se mit à aboyer d’une manière terrible ; puis, tout enflé de colère, il assaillit cette redoutable bête, se dressant contre elle à droite et à gauche, joignant la ruse au courage, tantôt la provoquant et tantôt l’évitant, jusqu’à ce qu’étourdie à force de pirouettes, elle tomba à terre d’une chute si lourde que tout le sol des environs en fut ébranlé.

Hésiode, célèbre poète grec, fut tué par les Locriens, qui le jetèrent dans la mer ; mais son corps ayant été porté jusqu’à terre par des dauphins, on reconnut le meurtre. Le chien d’Hésiode s’acharna tellement contre les enfants de Ganistor-Naupactien, qu’ils furent accusés d’être les auteurs de cet assassinat ; on acquit des preuves de leur crime, et ils furent punis de mort.

Lorsque l’armée innombrable de Xerxès, roi des Perses, fondit sur la Grèce, les Athéniens, dont la ville était menacée, s’embarquèrent pour se retirer à Salamine. Xantippe, père de Périclès, imita l’exemple de ses concitoyens et abandonna sa demeure, y laissant son chien qui lui était fort attaché. Mais ce fidèle animal, ne pouvant supporter l’éloignement de son maître, se précipita dans la mer et nagea toujours près du vaisseau, jusqu’à ce qu’il aborda, presque sans force, à Salamine, et mourut incontinent sur le rivage. Plutarque rapporte que Xantippe le fit enterrer sur un cap que l’on appela dès lors Cynossema, ou le cap de la sépulture du chien.

Solin fait mention du chien d’un nommé Sulpitius, qui ne quitta point son maître en prison. Il le suivit au supplice en poussant des hurlements effroyables. Quand il vit tomber la tête sous le tranchant de la hache, et le sang ruisseler, il entra en fureur, sauta sur le bourreau, et voulut le dévisager. Le corps ayant ensuite été jeté dans le Tibre, le chien s’y précipita avec lui.

Hircan, chien du roi Lysimaque, ayant vu allumer le bûcher qui devait consumer les restes de ce monarque, se jeta dans les flammes.

Un roi des Garamanthes, exilé de ses États, y rentra de force, assisté d’un cortège de deux cents chiens qui terrassèrent tous les opposants.

Hérodote raconte que Cyrus fit rassembler un grand nombre de dogues pour la guerre ; quatre villes de la Babylonie furent exemptes d’impositions et de tributs, à condition qu’elles nourriraient ces animaux.

Les Celtes faisaient un tel cas du courage des dogues, qu’ils en avaient formé des régiments armés. Ils leur mettaient au cou une garniture hérissée de pointes de fer, leur couvraient la poitrine d’une cuirasse d’acier, et les lançaient ainsi contre les ennemis.

Les Grecs les dressaient aussi avec soin et les mettaient en garnison dans leurs forteresses. La citadelle de Corinthe n’avait pour garde qu’une troupe de barbets ; l’un d’eux, nommé Soter, se distingua tellement qu’on lui éleva un monument de marbre.

Les Colophoniens faisaient porter leurs équipages par des chiens.

Après la défaite des Cimbres, ce furent leurs dogues qui défendirent les chariots où étaient les maisons ambulantes de ces peuples.

Les Espagnols déchaînèrent contre les Indiens des légions de ces animaux ; un entre autres, nommé Bérézillo, devint célèbre par sa taille énorme, sa force prodigieuse et son courage ; on lui décerna des honneurs, et on lui assigna double ration.

Santa-Cruz, dans ses Réflexions militaires, dit qu’en 1702, Philippe V fit nourrir à Porto-Hercole, au Mont-Philippe et au fort de l’Étoile, des chiens qui surveillaient les Autrichiens en garnison à Orbitello et au fort Saint-Étienne. Si des détachements allaient en reconnaissance, ces chiens les précédaient et découvraient toutes les embuscades des ennemis.

La ville de Saint-Malo conserve encore la célébrité que lui ont acquise les dogues de sa garnison.

On présenta à Georges II, roi d’Angleterre, un lévrier, nommé Mustapha, qui, à la bataille de Fontenoy, resté seul auprès d’une pièce de canon, son maître ayant été tué, y mit le feu et renversa soixante-dix hommes qui s’avançaient pour s’en emparer. Le roi lui donna une pension alimentaire comme à un brave serviteur.

Dans son troisième Capitulaire, année 803, article 18, Charlemagne ajourne à sa cour quiconque aurait, sans sujet, maltraité un chien.

Henri II aimait tellement les petits chiens, qu’on l’a vu souvent portant une corbeille suspendue à son cou, remplie de ces animaux.

Lodbrock, roi de Danemark, fut assassiné par un certain Bern, fauconnier du roi Édouard, qui le tua et l’enterra en secret. Le meurtre fut ensuite découvert par un chien courant qui appartenait à Lodbrock, et qui ne quittait le corps de son maître que lorsqu’il était pressé par la faim et seulement pour la satisfaire. Ce chien caressait le successeur de Lodbrock et les gens de la cour, toutes les fois qu’il était forcé de les voir. Comme on le connaissait pour avoir appartenu à Lodbrock, il fut observé et suivi jusqu’à l’endroit où était le corps de son maître. Bern fut découvert pour le meurtrier du roi, par la manière dont le chien le traitait toutes les fois qu’il se trouvait en sa présence, ainsi que par beaucoup d’autres circonstances, et cet assassin fut condamné, pour punition de ce crime, à être mis à la mer dans un vaisseau sans voiles et sans rames, et être ainsi laissé à la merci des vagues.

Pope, dans ses lettres, et le chevalier de Warwick, dans ses mémoires, rapportent que Christian Ier, roi de Danemark, fut abandonné, dans un instant critique par tous ses amis et par tous ses courtisans, tandis que son chien seul, nommé Wildbrat, demeura auprès de sa personne. Ce contraste de la fidélité du chien avec l’ingratitude des hommes, dont Christian avait été le bienfaiteur, fit une telle impression sur le monarque, qu’il consacra ce fait par les lettres initiales suivantes : T. I. W. B., qui, dans la langue du pays, signifient en abrégé, Wildbrat fut fidèle.

Vers l’an 230 de l’ère vulgaire, Osten, fils d’un roi de Norwège, ayant été élu roi de Suède, et les Norwégiens ayant massacré le roi son père, qui les traitait cruellement, le fils mit tout à feu et à sang dans ce royaume, et, pour comble d’ignominie, il établit son chien, nommé Sunning, pour les gouverner.

Sur le point de consommer le schisme, le roi d’Angleterre Henri VIII, voulut faire une dernière tentative auprès du pape, afin d’obtenir qu’il approuvât son divorce avec Catherine d’Aragon. Il choisit pour ambassadeur auprès du Saint-Père, le comte de Witshire. Ce dernier avait un chien qu’il aimait beaucoup et qui ne le quittait jamais. À l’instant où Sa Sainteté avançait le pied pour que l’ambassadeur pût baiser sa mule, le chien fidèle, comme pour défendre son maître, se jeta sur le pied du pape et le mordit au talon. Aussitôt l’audience fut terminée, la négociation rompue et le schisme consommé.

Guillaume Ier, stathouder de Hollande avait un chien qui l’aimait tellement, qu’il ne put survivre à sa mort. Il refusa toute nourriture, et expira peu de jours après son maître.

Le célèbre Newton chérissait un chien appelé Diamant. L’ayant un jour laissé seul dans son cabinet, cet animal fit tomber, sur un tas de papiers, une bougie allumée, qui consuma des calculs auxquels le savant mathématicien avait employé une grande partie de sa vie. Cette perte était irréparable ; Newton se contenta de dire : « Diamant ! Diamant ! tu ne te doutes pas du tort que tu m’as fait. »

Le grand Frédéric aimait passionnément une levrette nommée Biche. Elle reçut, après sa mort, les honneurs d’un monument et d’une inscription qui se voient encore sur la grande terrasse du château de Sans-Souci. On connaît le tendre penchant qu’avait pour les chiens le poète tragique Crébillon. Il passa les dernières années de sa vie au milieu d’une meute de ces animaux, qu’il s’amusait à former à différents exercices.

J.-J. Rousseau avait un chien nommé Duc : « J’en avais fait mon compagnon, mon ami, dit-il, et certainement il méritait mieux ce titre que la plupart de ceux qui l’ont pris. »

FIN