Les Apotres/X. Conversion de saint Paul

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Michel Lévy (p. 163-190).


CHAPITRE X.


CONVERSION DE SAINT PAUL.


Mais l’an 38 valut à l’Église naissante une bien autre conquête. C’est dans le courant de cette année[1], en effet, qu’on peut placer avec vraisemblance la conversion de ce Saül que nous avons trouvé complice de la lapidation d’Étienne, agent principal de la persécution de l’an 37, et qui va devenir, par un mystérieux coup de la grâce, le plus ardent des disciples de Jésus.

Saül était né à Tarse, en Cilicie[2], l’an 10 ou 12 de notre ère[3]. Selon la mode du temps, on avait latinisé son nom en celui de « Paul »[4]. Il ne porta néanmoins ce dernier nom d’une manière suivie que lorsqu’il eut pris le rôle d’apôtre des gentils[5]. Paul était du sang juif le plus pur[6]. Sa famille, originaire peut-être de la ville de Gischala en Galilée[7], prétendait appartenir à la tribu de Benjamin[8]. Son père était en possession du titre de citoyen romain[9]. Sans doute quelqu’un de ses ancêtres avait acheté cette qualité, ou l’avait acquise par des services. On peut supposer que son grand-père l’avait obtenue pour avoir aidé Pompée lors de la conquête romaine (63 ans avant J.-C). Sa famille, comme toutes les bonnes et anciennes maisons juives, appartenait au parti des pharisiens[10]. Paul fut élevé dans les principes les plus sévères de cette secte[11], et, s’il en répudia plus tard les dogmes étroits, il en garda toujours la foi ardente, l’âpreté et l’exaltation.

Tarse était, à l’époque d’Auguste, une ville très-florissante. La population appartenait, pour la plus grande partie, à la race grecque et araméenne ; mais les juifs y étaient nombreux, comme dans toutes les villes de commerce[12]. Le goût des lettres et des sciences y était fort répandu, et aucune ville du monde, sans excepter Athènes et Alexandrie, n’était aussi riche en écoles et en instituts scientifiques[13]. Le nombre des hommes savants que Tarse produisit ou qui y firent leurs études est vraiment extraordinaire[14]. Mais il ne faudrait pas conclure de là que Paul reçut une éducation hellénique très-soignée. Les juifs fréquentaient rarement les établissements d’instruction profane[15]. Les écoles les plus célèbres de Tarse étaient les écoles de rhétorique[16]. La première chose qu’on apprenait en de telles écoles était le grec classique. Il n’est pas croyable qu’un homme qui eût pris des leçons même élémentaires de grammaire et de rhétorique eût écrit cette langue bizarre, incorrecte, si peu hellénique par le tour, qui est celle des lettres de saint Paul. Il parlait habituellement et facilement en grec[17] ; il écrivait ou plutôt dictait[18] en cette langue ; mais son grec était celui des juifs hellénistes, un grec chargé d’hébraïsmes et de syriacismes, qui devait être à peine intelligible pour un lettré du temps, et qu’on ne comprend bien qu’en cherchant le tour syriaque que Paul avait dans l’esprit en dictant. Lui-même reconnaît le caractère populaire et grossier de sa langue[19]. Quand il pouvait, il parlait « l’hébreu », c’est-à-dire le syro-chaldaïque du temps[20]. C’est en cette langue qu’il pensait ; c’est en cette langue que lui parle la voix intime du chemin de Damas[21].

Sa doctrine ne trahit non plus aucun emprunt direct fait à la philosophie grecque. La citation d’un vers de la Thaïs de Ménandre, qu’on trouve dans ses écrits[22], est un de ces proverbes monostiques qui étaient dans toutes les bouches et qu’on pouvait très-bien alléguer sans avoir lu les originaux. Deux autres citations, l’une d’Épiménide, l’autre d’Aratus, qui figurent sous son nom[23], outre qu’il n’est pas certain qu’elles soient de son fait, s’expliquent aussi par des emprunts de seconde main[24]. La culture de Paul est presque exclusivement juive[25] ; c’est dans le Talmud, bien plus que dans la Grèce classique, qu’il faut chercher ses analogues. Quelques idées générales que la philosophie avait partout répandues et qu’on pouvait connaître sans avoir ouvert un seul livre des philosophes[26], parvinrent seules jusqu’à lui. Sa façon de raisonner est des plus étranges. Certainement il ne savait rien de la logique péripatéticienne. Son syllogisme n’est pas du tout celui d’Aristote ; au contraire, sa dialectique a la plus grande ressemblance avec celle du Talmud. Paul, en général, se laisse conduire par les mots plus que par les idées. Un mot qu’il a dans l’esprit le domine et le conduit à un ordre de pensées fort éloigné de l’objet principal. Ses transitions sont brusques, ses développements interrompus, ses périodes fréquemment suspendues. Aucun écrivain ne fut plus inégal. On chercherait vainement dans toutes les littératures un phénomène aussi bizarre que celui d’une page sublime, comme le treizième chapitre de la première épître aux Corinthiens, à côté de faibles argumentations, de pénibles redites, de fastidieuses subtilités.

Son père le destina de bonne heure à être rabbi. Mais, selon l’usage général[27], il lui donna un état. Paul était tapissier[28], ou, si l’on aime mieux, ouvrier en ces grosses toiles de Cilicie qu’on appelait cilicium. A diverses reprises, il exerça ce métier[29] ; il n’avait pas de fortune patrimoniale. Il eut au moins une sœur, dont le fils habita Jérusalem[30]. Les indices qu’on a d’un frère[31] et d’autres parents[32], qui auraient embrassé le christianisme, sont très-vagues et très-incertains.

La délicatesse des manières étant, selon les idées de la bourgeoisie moderne, en rapport avec la fortune, nous nous figurerions volontiers, d’après ce qui précède, Paul comme un homme du peuple mal élevé et sans distinction. Ce serait là une idée tout à fait fausse. Sa politesse, quand il le voulait, était extrême ; ses manières étaient exquises. Malgré l’incorrection du style, ses lettres révèlent un homme de beaucoup d’esprit[33], trouvant dans l’élévation de ses sentiments des expressions d’un rare bonheur. Jamais correspondance ne révéla des attentions plus recherchées, des nuances plus fines, des timidités, des hésitations plus aimables. Une ou deux de ses plaisanteries nous choquent[34]. Mais quelle verve ! quelle richesse de mots charmants ! quel naturel ! On sent que son caractère, dans les moments où la passion ne le rendait pas irascible et farouche, devait être celui d’un homme poli, empressé, affectueux, parfois susceptible, un peu jaloux. Inférieurs devant le grand public[35], ces hommes ont, dans le sein des petites Églises, d’immenses avantages, par l’attachement qu’ils inspirent, par leurs aptitudes pratiques et par leur habile manière de sortir des plus grandes difficultés.

La mine de Paul était chétive et ne répondait pas, ce semble, à la grandeur de son âme. Il était laid, de courte taille, épais et voûté. Ses fortes épaules portaient bizarrement une tête petite et chauve. Sa face blême était comme envahie par une barbe épaisse, un nez aquilin, des yeux perçants, des sourcils noirs qui se rejoignaient sur le front[36]. Sa parole n’avait non plus rien qui imposât[37]. Quelque chose de craintif, d’embarrassé, d’incorrect, donnait d’abord une pauvre idée de son éloquence[38]. En homme de tact, il insistait lui-même sur ses défauts extérieurs, et en tirait avantage[39]. La race juive a cela de remarquable qu’elle présente à la fois des types de la plus grande beauté et de la plus complète laideur ; mais la laideur juive est quelque chose de tout à fait à part. Tel de ces étranges visages, qui excite d’abord le sourire, prend, dès qu’il s’illumine, une sorte d’éclat profond et de majesté.

Le tempérament de Paul n’était pas moins singulier que son extérieur. Sa constitution, évidemment très-résistante, puisqu’elle supporta une vie pleine de fatigues et de souffrances, n’était pas saine. Il fait sans cesse allusion à sa faiblesse corporelle ; il se présente comme un homme qui n’a qu’un souffle, malade, épuisé, et avec cela timide, sans apparence, sans prestige, sans rien de ce qui fait de l’effet, si bien qu’on a eu du mérite à ne pas s’arrêter à de si misérables dehors[40]. Ailleurs, il parle avec mystère d’une épreuve secrète, « d’une pointe enfoncée en sa chair, » qu’il compare à un ange de Satan, occupé à le souffleter, et auquel Dieu a permis de s’attacher à lui pour l’empêcher de s’enorgueillir[41]. Trois fois il a demandé au Seigneur de l’en délivrer ; trois fois le Seigneur lui a répondu : « Ma grâce te suffit. » C’était, apparemment, quelque infirmité ; car l’entendre de l’attrait des voluptés charnelles n’est guère possible, puisque lui-même nous apprend ailleurs qu’il y était insensible[42]. Il paraît qu’il ne se maria pas[43] ; la froideur complète de son tempérament, conséquence des ardeurs sans égales de son cerveau, se montre par toute sa vie ; il s’en vante avec une assurance qui n’était peut-être pas exempte de quelque affectation, et qui, en tout cas, a pour nous quelque chose de déplaisant[44].

Il vint jeune à Jérusalem[45], et entra, dit-on, à l’école de Gamaliel le Vieux[46]. Gamaliel était l’homme le plus éclairé de Jérusalem. Comme le nom de pharisien s’appliquait à tout Juif considérable qui n’était pas des familles sacerdotales, Gamaliel passait pour un membre de cette secte. Mais il n’en avait pas l’esprit étroit et exclusif. C’était un homme libéral, éclairé, comprenant les païens, sachant le grec[47]. Peut-être les larges idées que professa saint Paul devenu chrétien furent-elles une réminiscence des enseignements de son premier maître ; il faut avouer toutefois que ce ne fut pas la modération qu’il apprit d’abord de lui. Dans cette atmosphère brûlante de Jérusalem, il arriva à un degré extrême de fanatisme. Il était à la tête du jeune parti pharisien, rigoriste et exalté, qui poussait l’attachement au passé national jusqu’aux derniers excès[48]. Il ne connut pas Jésus[49] et ne fut pas mêlé à la scène sanglante du Golgotha. Mais nous l’avons vu prenant une part active au meurtre d’Étienne, et figurant en première ligne parmi les persécuteurs de l’Église. Il ne respirait que mort et menaces, et courait Jérusalem en vrai forcené, porteur d’un mandat qui autorisait toutes ses brutalités. Il allait de synagogue en synagogue, forçant les gens timides de renier le nom de Jésus, faisant fouetter ou emprisonner les autres[50]. Quand l’Église de Jérusalem fut dispersée, sa rage se répandit sur les villes voisines[51] ; les progrès que faisait la foi nouvelle l’exaspéraient, et, ayant appris qu’un groupe de fidèles s’était formé à Damas, il demanda au grand prêtre Théophile, fils de Hanan[52], des lettres pour la synagogue de cette ville, qui lui conférassent le pouvoir d’arrêter les personnes mal pensantes, et de les amener garrottées à Jérusalem[53].

Le désarroi de l’autorité romaine en Judée, depuis la mort de Tibère, explique ces vexations arbitraires. On était sous l’insensé Caligula. L’administration se détraquait de toutes parts. Le fanatisme avait gagné tout ce que le pouvoir civil avait perdu. Après le renvoi de Pilate et les concessions faites aux indigènes par Lucius Vitellius, on eut pour principe de laisser le pays se gouverner selon ses lois. Mille tyrannies locales profitèrent de la faiblesse d’un pouvoir devenu insouciant. Damas, d’ailleurs, venait de passer entre les mains du roi nabatéen Hartat ou Hâreth, dont la capitale était à Pétra[54]. Ce prince, puissant et brave, après avoir battu Hérode Antipas et tenu tête aux forces romaines commandées par le légat impérial Lucius Vitellius, avait été merveilleusement servi par la fortune. La nouvelle de la mort de Tibère (16 mars 37) avait subitement arrêté Vitellius[55]. Hâreth s’était emparé de Damas et y avait établi un ethnarque ou gouverneur[56]. Les juifs, dans ces moments d’occupation nouvelle, formaient un parti considérable. Ils étaient nombreux à Damas et y exerçaient un grand prosélytisme, notamment parmi les femmes[57]. On voulait les contenter ; le moyen de les gagner était toujours de faire des concessions à leur autonomie, et toute concession à leur autonomie était une permission de violences religieuses[58]. Punir, tuer ceux qui ne pensaient pas comme eux, voilà ce qu’ils appelaient indépendance et liberté.

Paul, sorti de Jérusalem, suivit sans doute la route ordinaire, et passa le Jourdain au « pont des Filles de Jacob ». L’exaltation de son cerveau était à son comble ; il était par moments troublé, ébranlé. La passion n’est pas une règle de foi. L’homme passionné va d’une croyance à une autre fort diverse ; seulement, il y porte la même fougue. Comme toutes les âmes fortes, Paul était près d’aimer ce qu’il haïssait. Était-il sûr après tout de ne pas contrarier l’œuvre de Dieu ? Les idées si mesurées et si justes de son maître Gamaliel[59] lui revenaient peut-être à l’esprit. Souvent ces âmes ardentes ont de terribles retours. Il subissait le charme de ceux qu’il torturait[60]. Plus on les connaissait, ces bons sectaires, plus on les aimait. Or, nul ne les connaissait aussi bien que leur persécuteur. Par moments, il croyait voir la douce figure du maître qui inspirait à ses disciples tant de patience, le regarder d’un air de pitié et avec un tendre reproche. Ce qu’on racontait des apparitions de Jésus, conçu comme un être aérien et parfois visible, le frappait beaucoup ; car, aux époques et dans les pays où l’on croit au merveilleux, les récits miraculeux s’imposent également aux partis opposés ; les musulmans ont peur des miracles d’Élie, et demandent, comme les chrétiens, des cures surnaturelles à saint Georges et à saint Antoine. Paul, après avoir traversé l’Iturée, était entré dans la grande plaine de Damas. Il approchait de la ville, et s’était probablement déjà engagé dans les jardins qui l’entourent. Il était midi[61]. Paul avait avec lui plusieurs compagnons, et, ce semble, voyageait à pied[62].

La route de Jérusalem à Damas n’a guère changé. C’est celle qui, sortant de Damas dans la direction du sud-ouest, traverse la belle plaine arrosée à la fois par les ruisseaux affluents de l’Abana et du Pharphar, et sur laquelle s’échelonnent aujourd’hui les villages de Dareya, Kaukab, Sasa. On ne saurait chercher l’endroit dont nous parlons, et qui va être le théâtre d’un des faits les plus importants de l’histoire de l’humanité, au delà de Kaukab (quatre heures de Damas)[63]. Il est même probable que le point en question fut beaucoup plus rapproché de la ville, et qu’on serait dans le vrai en le plaçant vers Dareya (une heure et demie de Damas), ou entre Dareya et l’extrémité du Meidan[64]. Paul avait devant lui la ville, dont quelques édifices devaient déjà se dessiner à travers les arbres ; derrière lui, le dôme majestueux de l’Hermon, avec ses sillons de neige, qui le font ressembler à la tête chenue d’un vieillard ; sur sa droite, le Hauran, les deux petites chaînes parallèles qui resserrent le cours inférieur du Pharphar[65], et les tumulus[66] de la région des lacs ; sur sa gauche, les derniers contre-forts de l’Anti-Liban, allant rejoindre l’Hermon. L’impression de ces campagnes richement cultivées, de ces vergers délicieux, séparés les uns des autres par des rigoles et chargés des plus beaux fruits, est celle du calme et du bonheur. Qu’on se figure une route ombragée, s’ouvrant dans une couche épaisse de terreau, sans cesse détrempée par les canaux d’irrigation, bordée de talus, et serpentant au travers des oliviers, des noyers, des abricotiers, des pruniers, reliés entre eux par des vignes en girandole, on aura l’image du lieu où arriva l’événement étrange qui a exercé une si grande influence sur la foi du monde. Vous vous croyez à peine en Orient dans ces environs de Damas[67], et surtout, au sortir des âpres et brûlantes régions de la Gaulonitide et de l’Iturée, ce qui remplit l’âme, c’est la joie de retrouver les travaux de l’homme et les bénédictions du ciel. Depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, toute cette zone qui entoure Damas de fraîcheur et de bien-être n’a eu qu’un nom, n’a inspiré qu’un rêve, celui du « paradis de Dieu ».

Si Paul trouva là des visions terribles, c’est qu’il les portait en son esprit. Chaque pas qu’il faisait vers Damas éveillait en lui de cuisantes perplexités. L’odieux rôle de bourreau qu’il allait jouer lui devenait insupportable. Les maisons qu’il commence à apercevoir sont peut-être celles de ses victimes. Cette pensée l’obsède, ralentit son pas ; il voudrait ne pas avancer ; il s’imagine résister à un aiguillon qui le presse[68]. La fatigue de la route[69], se joignant à cette préoccupation, l’accable. Il avait, à ce qu’il paraît, les yeux enflammés[70], peut-être un commencement d’ophthalmie. Dans ces marches prolongées, les dernières heures sont les plus dangereuses. Toutes les causes débilitantes des jours passés s’y accumulent ; les forces nerveuses se détendent ; une réaction s’opère. Peut-être aussi le brusque passage de la plaine dévorée par le soleil aux frais ombrages des jardins détermina-t-il un accès dans l’organisation maladive[71] et gravement ébranlée du voyageur fanatique. Les fièvres pernicieuses, accompagnées de transport au cerveau, sont dans ces parages tout à fait subites. En quelques minutes, on est comme foudroyé. Quand l’accès est passé, on garde l’impression d’une nuit profonde, traversée d’éclairs, où l’on a vu des images se dessiner sur un fond noir[72]. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’un coup terrible enleva en un instant à Paul ce qui lui restait de conscience distincte, et le renversa par terre privé de sentiment.

Il est impossible, avec les récits que nous avons de cet événement singulier[73], de dire si quelque fait extérieur amena la crise qui valut au christianisme son plus ardent apôtre. Dans de pareils cas, au reste, le fait extérieur est peu de chose. C’est l’état d’âme de saint Paul, ce sont ses remords, à l’approche de la ville où il va mettre le comble à ses méfaits, qui furent les vraies causes de sa conversion[74]. Je préfère beaucoup pour ma part l’hypothèse d’un fait personnel à Paul et senti de lui seul[75]. Il n’est pas invraisemblable cependant qu’un orage[76] ait éclaté tout à coup. Les flancs de l’Hermon sont le point de formation de tonnerres dont rien n’égale la violence. Les âmes les plus froides ne traversent pas sans émotion ces effroyables pluies de feu. Il faut se rappeler que, pour toute l’antiquité, les accidents de ce genre étaient des révélations divines, qu’avec les idées qu’on se faisait alors de la Providence, rien n’était fortuit, que chaque homme avait l’habitude de rapporter à lui les phénomènes naturels qui se passaient autour de lui. Pour les Juifs, en particulier, le tonnerre était toujours la voix de Dieu ; l’éclair, le feu de Dieu. Paul était sous le coup de la plus vive excitation. Il était naturel qu’il prêtât à la voix de l’orage ce qu’il avait dans son propre cœur. Qu’un délire fiévreux, amené par un coup de soleil ou une ophthalmie, se soit tout à coup emparé de lui ; qu’un éclair ait amené un long éblouissement ; qu’un éclat de la foudre l’ait renversé et ait produit une commotion cérébrale, qui oblitéra pour un temps le sens de la vue, peu importe. Les souvenirs de l’Apôtre à cet égard paraissent avoir été assez confus ; il était persuadé que le fait avait été surnaturel, et une telle opinion ne lui permettait pas une conscience nette des circonstances matérielles. Ces commotions cérébrales produisent parfois une sorte d’effet rétroactif et troublent complètement les souvenirs des moments qui ont précédé la crise[77]. Paul, d’ailleurs, nous apprend lui-même qu’il était sujet aux visions[78] ; quelque circonstance insignifiante aux yeux de tout autre dut suffire pour le mettre hors de lui.

Au milieu des hallucinations auxquelles tous ses sens étaient en proie, que vit-il, qu’entendit-il ? Il vit la figure qui le poursuivait depuis plusieurs jours ; il vit le fantôme sur lequel couraient tant de récits. Il vit Jésus lui-même[79], lui disant en hébreu : « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? » Les natures impétueuses passent tout d’une pièce d’un extrême à l’autre[80]. Il y a pour elles, ce qui n’existe pas pour les natures froides, des moments solennels, des minutes qui décident du reste de la vie. Les hommes réfléchis ne changent pas ; ils se transforment. Les hommes ardents, au contraire, changent et ne se transforment pas. Le dogmatisme est comme une robe de Nessus qu’ils ne peuvent arracher. Il leur faut un prétexte d’aimer et de haïr. Nos races occidentales seules ont su produire de ces esprits larges, délicats, forts et flexibles, qu’aucune illusion momentanée n’entraîne, qu’aucune vaine affirmation ne séduit. L’Orient n’a jamais eu d’hommes de cette espèce. En quelques secondes, se pressèrent dans l’âme de Paul toutes ses plus profondes pensées. L’horreur de sa conduite se montra vivement à lui. Il se vit couvert du sang d’Étienne ; ce martyr lui apparut comme son père, son initiateur. Il fut touché à vif, bouleversé de fond en comble. Mais, en somme, il n’avait fait que changer de fanatisme. Sa sincérité, son besoin de foi absolue lui interdisaient les moyens termes. Il était clair qu’il déploierait un jour pour Jésus ce même zèle de feu qu’il avait mis à le persécuter.

Paul entra à Damas avec l’aide de ses compagnons, qui le tenaient par la main[81]. Ils le déposèrent chez un certain Juda, qui demeurait dans la rue Droite, grande rue à colonnades, longue de plus d’un mille et large de cent pieds, qui traversait la ville de l’est à l’ouest, et dont le tracé forme encore aujourd’hui, sauf quelques déviations, la principale artère de Damas[82]. L’éblouissement[83] et le transport au cerveau ne diminuaient pas d’intensité. Pendant trois jours, Paul, en proie à la fièvre, ne mangea ni ne but. Ce qui se passa durant cette crise dans une tête brûlante, affolée par une violente commotion, se devine facilement. On parla devant lui des chrétiens de Damas et en particulier d’un certain Hanania, qui paraît avoir été le chef de la communauté[84]. Paul avait souvent entendu vanter les pouvoirs miraculeux des nouveaux croyants à l’égard des maladies ; l’idée que l’imposition des mains le tirerait de l’état où il était, s’empara de lui. Ses yeux étaient toujours fort enflammés. Parmi les images qui se succédaient en son cerveau[85], il crut voir Hanania entrer et lui faire le geste familier aux chrétiens. Il fut persuadé dès lors qu’il devrait sa guérison à Hanania. Hanania fut averti ; il vint, parla doucement au malade, l’appela son frère, et lui imposa les mains. Le calme, à partir de ce moment, rentra dans l’âme de Paul. Il se crut guéri, et, la maladie étant surtout nerveuse, il le fut. De petites croûtes ou écailles tombèrent, dit-on, de ses yeux[86] ; il mangea et reprit des forces.

Il reçut le baptême presque aussitôt[87]. Les doctrines de l’Église étaient si simples qu’il n’eut rien de nouveau à apprendre. Il fut sur-le-champ chrétien et parfait chrétien. De qui d’ailleurs aurait-il eu à recevoir des leçons ? Jésus lui-même lui était apparu. Il avait eu sa vision de Jésus ressuscité, comme Jacques, comme Pierre. C’était par révélation immédiate qu’il avait tout appris. La fière et indomptable nature de Paul reparaissait ici. Abattu sur le chemin, il voulut bien se soumettre, mais se soumettre à Jésus seul, à Jésus qui avait quitté la droite de son Père pour venir le convertir et l’instruire. Telle est la base de sa foi ; tel sera un jour le point de départ de ses prétentions. Il soutiendra que c’est à dessein qu’il n’est pas allé à Jérusalem aussitôt après sa conversion se mettre en rapport avec ceux qui étaient apôtres avant lui ; qu’il a reçu sa révélation particulière et qu’il ne tient rien de personne ; qu’il est apôtre comme les Douze par institution divine et par commission directe de Jésus ; que sa doctrine est la bonne, quand même un ange dirait le contraire[88]. Un immense danger entra avec cet orgueilleux dans le sein de la petite société de pauvres en esprit qui a constitué jusqu’ici le christianisme. Ce sera un vrai miracle si ses violences et son inflexible personnalité ne font pas tout éclater. Mais aussi que sa hardiesse, sa force d’initiative, sa décision vont être un élément précieux à côté de l’esprit étroit, timide, indécis des saints de Jérusalem ! Sûrement, si le christianisme fût resté entre les mains de ces bonnes gens, renfermé dans un conventicule d’illuminés menant la vie commune, il se fut éteint comme l’essénisme sans presque laisser de souvenir. C’est l’indocile Paul qui fera sa fortune, et qui, au risque de tous les périls, le mènera hardiment en haute mer. À côté du fidèle obéissant, recevant sa foi sans mot dire de son supérieur, il y aura le chrétien dégagé de toute autorité, qui ne croira que par conviction personnelle. Le protestantisme existe déjà, cinq ans après la mort de Jésus ; saint Paul en est l’illustre fondateur. Jésus n’avait sans doute pas prévu de tels disciples ; ce sont eux peut-être qui contribueront le plus à faire vivre son œuvre, et lui assureront l’éternité.

Les natures violentes et portées au prosélytisme ne changent jamais que l’objet de leur passion. Aussi ardent pour la foi nouvelle qu’il l’avait été pour l’ancienne, saint Paul, comme Omar, passa en un jour du rôle de persécuteur au rôle d’apôtre. Il ne revint pas à Jérusalem[89], ou sa position auprès des Douze aurait eu quelque chose de délicat. Il resta à Damas et dans le Hauran[90], et, pendant trois ans (38-41), y prêcha que Jésus était fils de Dieu[91]. Hérode Agrippa Ier possédait la souveraineté du Hauran et des pays voisins ; mais son pouvoir était sur plusieurs points annulé par celui du roi nabatéen Hâreth. L’affaiblissement de la puissance romaine, en Syrie, avait livré à l’ambitieux Arabe la grande et riche ville de Damas, ainsi qu’une partie des contrées au delà du Jourdain et de l’Hermon, qui naissaient alors à la civilisation[92]. Un autre émir, Soheym[93], peut-être parent ou lieutenant de Hâreth, se faisait donner par Caligula l’investiture de l’Iturée. Ce fut au milieu de ce grand éveil de la race arabe[94], sur ce sol étrange, où une race énergique déployait avec éclat son activité fiévreuse, que Paul répandit le premier feu de son âme d’apôtre[95]. Peut-être le mouvement matériel, si brillant, qui transformait le pays, nuisit-il au succès d’une prédication tout idéaliste et fondée sur la croyance à une prochaine fin du monde. On ne trouve aucune trace, en effet, d’une Église d’Arabie fondée par saint Paul. Si la région du Hauran devient, vers l’an 70, un des centres les plus importants du christianisme, elle le doit à l’émigration des chrétiens de Palestine, et ce sont justement les ennemis de saint Paul, les ébionites, qui ont de ce côté leur principal établissement.

À Damas, où il y avait beaucoup de juifs[96], Paul fut plus écouté. Il entrait dans les synagogues, et se livrait à de vives argumentations pour prouver que Jésus était le Christ. L’étonnement des fidèles était extrême ; celui qui avait persécuté leurs frères de Jérusalem et qui était venu pour les enchaîner, le voilà devenu leur premier apologiste[97] ! Son audace, sa singularité, avaient bien quelque chose qui les effrayait ; il était seul ; il ne prenait conseil de personne[98] ; il ne faisait pas école ; on le regardait avec plus de curiosité que de sympathie. On sentait que c’était un frère, mais un frère d’une espèce toute particulière. On le croyait incapable d’une trahison ; mais les bonnes et médiocres natures éprouvent toujours un sentiment de défiance et d’effroi à côté des natures puissantes et originales, qu’elles sentent bien devoir un jour leur échapper.


  1. Cette date résulte de la comparaison des chapitres ix, xi, xii des Actes avec Gal., i, 18 ; ii, 1, et du synchronisme que présente le chapitre xii des Actes avec l’histoire profane, synchronisme qui fixe la date des faits racontés en ce chapitre à l’an 44.
  2. Act., ix, 11 ; xxi, 39 ; xxii, 3.
  3. Dans l’épître à Philémon, écrite vers l’an 61, il se qualifie de « vieillard » (v. 9). Act., vii, 57, il est qualifié de jeune homme, pour un fait relatif à l’an 37, à peu près.
  4. De la même manière que les « Jésus » se faisaient appeler « Jason » ; les « Joseph », « Hégésippe » ; les « Éliacim », « Alcime », etc. Saint Jérôme (De viris ill., 5) suppose que Paul prit son nom du proconsul Sergius Paulus (Act., xiii, 9). Une telle explication paraît peu admissible. Si les Actes ne donnent à Saül le nom de « Paul » qu’à partir de ses relations avec ce personnage, cela tient peut-être à ce que la conversion supposée de Sergius aurait été le premier acte éclatant de Paul comme apôtre des gentils.
  5. Act., xiii, 9 et la suite ; la suscription de toutes les épîtres ; II Petri, iii, 15.
  6. Les calomnies ébionites (Épiphane, Adv. hær., hær. xxx, 16 et 25) ne doivent pas être prises au sérieux.
  7. Saint Jérôme, loc. cit. Inadmissible comme la présente saint Jérôme, cette tradition semble néanmoins avoir quelque fondement.
  8. Rom., xi, 1 ; Phil., iii, 5.
  9. Act., xxii, 28.
  10. Act., xxiii, 6.
  11. Phil., iii, 5 ; Act., xxvi, 5.
  12. Act., vi, 9 ; Philo, Leg. ad Caium, § 36.
  13. Strabon, XIV, x, 13.
  14. Ibid., XIV, x, 14-15 ; Philostrate, Vie d’Apollonius, 7.
  15. Jos., Ant., dernier paragraphe. Cf. Vie de Jésus, p. 33-34.
  16. Philostrate, loc. cit.
  17. Act., xvii, 22 et suiv. ; xxi, 37.
  18. Gal., vi, 11 ; Rom., xvi, 22.
  19. II Cor., xi, 6.
  20. Act., xxi, 40. J’ai expliqué ailleurs le sens du mot ἐϐραϊστί. Hist. des lang. sémit., II, i, 5 ; III, i, 2.
  21. Act., xxvi, 14.
  22. I Cor., xv, 33. Cf. Meinecke, Menandri fragm., p. 75.
  23. Tit., i, 12 ; Act., xvii, 28. L’authenticité de l’épître à Tite est très-douteuse. Quant au discours rapporté au chapitre xvii des Actes, il est l’ouvrage de l’auteur des Actes bien plus que de saint Paul.
  24. Le vers cité d’Aratus (Phaenom., 5) se retrouve, en effet, dans Cléanthe (Hymne à Jupiter, 5). Tous deux l’empruntaient sans doute à quelque hymne religieux anonyme.
  25. Gal., i, 14.
  26. Act., xvii, 22 et suiv., en tenant compte de la note 2, ci-dessus.
  27. Voir Vie de Jésus, p. 72.
  28. Act., xviii, 3.
  29. Ibid., xviii, 3 ; I Cor., iv, 12 ; I Thess., ii, 9 ; II Thess., iii, 8.
  30. Act., xxiii, 16.
  31. II Cor., viii, 18, 22 ; xii, 18.
  32. Rom., xvi, 7, 11, 21. Sur le sens de συγγενής en ces passages, voir ci-dessus, p. 108, note 6.
  33. Voir surtout l’épître à Philémon.
  34. Gal., v, 12 ; Phil., iii, 2.
  35. II Cor., x, 10.
  36. Acta Pauli et Theclae, 3, dans Tischendorf, Acta Apost. apocr. (Leipzig 1851), p. 41 et les notes (texte ancien, lors même qu’il ne serait pas l’original dont parle Tertullien) ; le Philopatris, 12 (ouvrage composé vers l’an 363) ; Malala, Chronogr., p. 257, édit. Bonn ; Nicéphore, Hist. eccl., II, 37. Tous ces passages, surtout celui du Philopatris, supposent d’assez anciens portraits. Ce qui leur donne de l’autorité, c’est que Malala, Nicéphore et même l’auteur des Actes de sainte Thècle veulent, malgré tout cela, faire de Paul un bel homme.
  37. I Cor., ii, 1 et suiv. ; II Cor., x, 1-2, 10 ; xi, 6.
  38. I Cor., II, 3 ; II Cor., x, 10.
  39. II Cor., xi, 30 ; xii, 5, 9, 10.
  40. I Cor., ii, 3 ; II Cor., i, 8-9 ; x, 10 ; xi, 30 ; xii, 5, 9-10 ; Gal., iv, 13-14.
  41. II Cor., xii, 7-10.
  42. I Cor., vii, 7-8 et le contexte.
  43. I Cor., vii, 7-8 ; ix, 5. Ce second passage est loin d’être démonstratif. Phil., iv, 3, ferait supposer le contraire. Comp. Clément d’Alexandrie, Strom., III, 6, et Eusèbe, Hist. eccl., III, 30. Le passage I Cor., vii, 7-8, a seul ici du poids.
  44. I Cor., vii, 7-9.
  45. Act., xxii, 3 ; xxvi, 4.
  46. Ibid., xxii, 3. Paul ne parle pas de ce maître à certains endroits de ses épîtres où il eût été naturel de le nommer (Phil., iii, 5). Il n’est pas impossible que l’auteur des Actes ait mis d’office son héros en rapport avec le plus célèbre docteur de Jérusalem dont il savait le nom. Il y a contradiction absolue entre les principes de Gamaliel (Act., v, 34 et suiv.) et la conduite de Paul avant sa conversion.
  47. Voir Vie de Jésus, p. 220-221.
  48. Gal., i, 13-14 ; Act., xxii, 3 ; xxvi, 5.
  49. II Cor., v, 16, ne l’implique nullement. Les passages Act., xxii, 3 ; xxvi, 4, portent à croire que Paul s’est trouvé à Jérusalem en même temps que Jésus. Mais ce n’est pas une raison pour qu’ils se soient vus.
  50. Act., xxii, 4, 19 ; xxvi, 10-11.
  51. Ibid., xxvi, 11.
  52. Grand prêtre de 37 à 42. Jos., Ant.,. XVIII, v, 3 : XIX, vi, 2.
  53. Act., ix, 1-2, 14 : xxii, 5 ; xxvi, 12.
  54. Voir Revue numismatique, nouv. série, t. III (1858), p. 296 et suiv., 362 et suiv. ; Revue archéol., avril 1864, p. 284 et suiv.
  55. Jos., B. J., II, xx, 2.
  56. II Cor., xi, 32. La série des monnaies romaines de Damas offre, en effet, une lacune pour les règnes de Caligula et de Claude. Eckhel, Doctrina num. vet., pars 1a, vol. III, p. 330. La monnaie damasquine au type d’« Arétas philhellène » (ibid.) semble être de notre Hâreth [communication de M. Waddington].
  57. Jos., Ant., XVIII, v, 1, 3.
  58. Comp. Act., xii, 3 ; xxiv, 27 ; xxv, 9.
  59. Act., v, 34 et suiv.
  60. Voir un trait analogue dans la conversion d’Omar. Ibn-Hischam, Sirat errasoul, p. 226 (édition Wüstenfeld).
  61. Act., ix, 3 ; xxii, 6 ; xxvi, 13.
  62. Act., ix, 4, 8 ; xxii, 7, 11 ; xxvi, 14, 16.
  63. C’est là que la tradition du moyen âge fixait le lieu du miracle.
  64. Cela résulte de Act., ix, 3, 8 ; xxii, 6, 11.
  65. Nahr el-Awadj.
  66. Tuleil.
  67. La plaine est, en effet, à plus de dix-sept cents mètres au-dessus du niveau de la mer.
  68. Act., xxvi, 14.
  69. De Jérusalem à Damas, il y a huit fortes journées.
  70. Act., ix, 8, 9, 18 ; xxii, 11, 13.
  71. Voir ci-dessus, p. 171, et II Cor., xii, 1 et suiv.
  72. J’ai éprouvé un accès de ce genre à Byblos ; avec d’autres principes, j’aurais certainement pris les hallucinations que j’eus alors pour des visions.
  73. Nous possédons trois récits de cet épisode capital : Act., ix, 1 et suiv. ; xxii, 5 et suiv. ; xxvi, 12 et suiv. Les différences qu’on remarque entre ces passages prouvent que l’Apôtre lui-même variait dans les récits qu’il faisait de sa conversion. Le récit Actes, ix, lui-même, n’est pas homogène, comme nous le montrerons bientôt. Comparez Gal., i, 15-17 ; I Cor., ix, 1 ; xv, 8 ; Act., ix, 27.
  74. Chez les Mormons et dans les « réveils » américains, presque toutes les conversions sont aussi amenées par une grande tension de l’âme, produisant des hallucinations.
  75. La circonstance que les compagnons de Paul voient et entendent comme lui peut fort bien être légendaire, d’autant plus que les récits sont, sur ce point, en contradiction expresse. Comp. Act., ix, 7 ; xxii, 9 ; xxvi, 13. L’hypothèse d’une chute de cheval est repoussée par l’ensemble des récits. Quant à l’opinion qui rejette toute la narration des Actes en se fondant sur ἐν ἐμοί, de Gal., i, 16, elle est exagérée. Ἐν ἐμοί, dans ce passage, a le sens de « pour moi », « à mon sujet ». Comp. Gal., i, 24. Paul eut sûrement, à un moment précis, une vision qui détermina sa conversion.
  76. Act., ix, 3, 7 ; xxii, 6, 9, 11 ; xxvi, 13.
  77. C’est ce que j’éprouvai dans mon accès de Byblos. Les souvenirs de la veille du jour où je tombai sans connaissance se sont totalement effacés de mon esprit.
  78. II Cor., xii, 1 et suiv.
  79. Act., ix, 27 ; Gal., i, 16 ; I Cor., ix, 1 ; xv, 8 ; Homélies pseudo-clémentines, xvii, 13-19.
  80. Comparez ce qui se passa pour Omar. Sirat errasoul, p. 226 et suiv.
  81. Act., ix, 8 ; xxii, 11.
  82. Son ancien nom arabe était Tarik el-Adhwa. On l’appelle aujourd’hui Tarik el-Mustekim, qui répond à Ῥύμη εὐθεῖα. La porte orientale (Bâb Scharki) et quelques vestiges des colonnades subsistent encore. Voir les textes arabes donnés par Wüstenfeld dans la Zeitschrift für vergleichende Erdkunde de Lüdde, année 1842, p. 168 ; Porter, Syria and Palestine, p. 477 ; Wilson, The Lands of the Bible, II, 345, 351-52.
  83. Act., xxii, 11.
  84. Le récit du chapitre ix des Actes semble ici composé de deux textes entremêlés ; l’un, plus original, comprenant les versets 9, 12, 18 ; l’autre, plus développé, plus dialogué, plus légendaire, comprenant les versets 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18. Le v. 12, en effet, ne se rattache ni à ce qui précède, ni à ce qui suit. Le récit xxii, 12-16, est plus conforme au second des textes susmentionnés qu’au premier.
  85. Act., ix, 12. Il faut lire ἄνδρα ἐν ὁράματι, comme porte le manuscrit B du Vatican. Comp. verset 10.
  86. Act., ix, 18 ; comp. Tobie, ii, 9 ; vi, 10 ; xi, 13.
  87. Act., ix, 18 ; xxii, 16.
  88. Gal., i, 1, 8-9, 11 et suiv. ; I Cor., ix, 1 ; xi, 23 ; xv, 8, 9 ; Col., i, 25 ; Ephes., i, 19 ; iii, 3, 7, 8 ; Act., xx, 24 ; xxii, 14-15, 21 ; xxvi, 16 ; Homiliae pseudo-clem., xvii, 13-19.
  89. Gal., i, 17.
  90. Ἀραϐία est « la province d’Arabie », ayant pour partie principale l’Auranitide (Hauran).
  91. Gal., i, 17 et suiv. ; Act., i, 19 et suiv. ; xxvi, 20. L’auteur des Actes croit que ce premier séjour à Damas fut court et que Paul, peu après sa conversion, vint à Jérusalem et y prêcha. (Comp. xxii, 17.) Mais le passage de l’épître aux Galates est péremptoire.
  92. Voir les inscriptions découvertes par MM. Waddington et de Vogüé (Revue archéol., avril 1864, p. 284 et suiv. ; Comptes rendus de l’Acad. des Inscr. et B.-L., 1865, p. 106-108). Comparez ci-dessus, p. 174-175.
  93. Dion Cassius, LIX, 12.
  94. J’ai développé ceci dans le Bulletin archéologique de MM. de Longpérier et de Witte, septembre 1856.
  95. Le lien du verset Gal., i, 16 avec les suivants prouve que Paul prêcha immédiatement après sa conversion.
  96. Jos., B. J., I, ii, 25 ; II, xx, 2.
  97. Act., ix, 20-22.
  98. Gal., i, 16. C’est le sens de οὐ προσανεθέμην σαρκὶ καὶ αἵματι. Comp. Matth., xvi, 17.