Les Assemblées provinciales en France avant 1789/05

La bibliothèque libre.


V.

PROVINCES DU CENTRE ET DU MIDI.


I. — LIMOUSIN.

C’est dans les provinces du centre de la France que nous avons à suivre maintenant l’établissement des assemblées provinciales. Déduction faite du Berri et de la Haute-Guienne, le centre se partageait en trois généralités : Limoges, Riom et Moulins. La généralité de Limoges comprenait les deux départemens actuels de la Haute-Vienne et de la Corrèze, avec une partie de la Creuse et de la Charente ; elle se divisait en cinq élections, Limoges, Tulle, Brives, Bourganeuf et Angoulême, qui forment aujourd’hui dix arrondissemens[1].

L’assemblée provinciale dont le siège était à Limoges devait se composer de 36 membres. Dans les 18 nommés par le roi se trouvaient, pour le clergé, l’évêque de Limoges (M. d’Argentré), l’évêque d’Angoulême (M. de Castelnau), et l’évêque de Tulle (M. de Saint-Sauveur) ; pour la noblesse, le duc d’Ayen, président, et le marquis de Lasteyrie du Saillant ; pour le tiers-état, M. de Roulhac, maire de Limoges et lieutenant-général de la sénéchaussée, depuis député aux états-généraux. La réunion préparatoire pour les nominations complémentaires avait été fixée au 11 août 1787, mais le 8 survint l’arrêt du parlement de Bordeaux qui défendait à l’assemblée de se réunir. L’intendant de Limoges était alors M. Meulan d’Ablois, qu’on a vu en 1782 intendant de la Haute-Guienne[2], et si malmené par l’évêque de Rodez, M. de Colbert, pour avoir voulu s’opposer à la publication des procès-verbaux. Dès qu’il reçut signification de l’arrêt du parlement, il suspendit la réunion de l’assemblée et demanda des instructions : on hésita d’abord à Versailles, mais le président choisi par le roi, le duc d’Aven, s’étant déjà rendu sur les lieux, on se décida à passer outre, et la session s’ouvrit le 20 août par le discours habituel de l’intendant, commissaire du roi[3]. M. de Roulhac, qui, comme lieutenant de la sénéchaussée, avait reçu du parlement l’ordre de veiller à l’exécution de l’arrêt, protesta en cette qualité contre la constitution de l’assemblée ; cette formalité accomplie, il assista à toutes les séances. La session préliminaire ne dura que trois jours. Après avoir pourvu à toutes les nominations exigées par le règlement, l’assemblée se sépara en séjournant au 25 novembre. Cette seconde session n’eut pas lieu, et l’assemblée provinciale du Limousin ne se réunit que pour la forme. Outre l’opposition du parlement de Bordeaux, qui la frappait d’illégalité, on peut supposer que la mauvaise volonté de l’intendant y fut pour quelque chose. Dans une lettre adressée au ministre, M. Meulan d’Ablois insinuait que la pauvreté et les habitudes laborieuses des Limousins leur permettraient difficilement de quitter leurs travaux pour s’occuper d’intérêts publics, et il tint sans doute à prouver qu’il ne s’était pas trompé.

Parmi les membres désignés pour faire partie du tiers-état se trouvait le procureur du roi du bureau des finances. Cette charge étant de celles qui donnaient la noblesse, le bureau tout entier se réunit pour réclamer. Beaucoup de nouveaux anoblis avaient consenti, dans toutes les provinces, à se laisser ranger dans le tiers-état : il en eût été certainement de même à Limoges, si le gouvernement avait insisté ; mais, cette petite difficulté étant venue s’ajouter à la grande, on laissa pour le moment tomber le tout. Une dernière circonstance achevait de compliquer ces embarras. L’ancien duché d’Angoulême avait été fort maltraité lors de la formation des généralités. Il se divisait en trois fractions ; le Haut-Angoumois appartenait à la généralité de Limoges, le Bas-Angoumois à celle de La Rochelle, et l’élection de Confolens à celle de Poitiers. La province se plaignait vivement de cette dispersion. Angoulême surtout souffrait dans ses intérêts comme dans les souvenirs de sa réunion à Limoges et demandait à s’en séparer, ce qui lui fut bientôt accordé. En 1789, l’Angoumois fut appelé à former un seul tout, sous le nom de sénéchaussée d’Angoulême, pour élire ses députés aux états-généraux, et l’assemblée constituante lui donna pleine satisfaction en l’érigeant en département.

Ainsi fut réduite à l’impuissance la bonne volonté du duc d’Ayen, qui avait pris fort à cœur son titre et ses devoirs de président. Fils aîné du maréchal de Noailles et lieutenant-général, le duc d’Ayen avait mérité, par des travaux sérieux de physique et par son dévouement à tous les grands intérêts nationaux, le double titre de membre de l’Académie des Sciences et de la Société d’agriculture de Paris. Une de ses filles avait épousé le jeune marquis de La Fayette. La petite ville d’Ayen, siège de son duché, est aujourd’hui un chef-lieu de canton du département de la Corrèze. Le marquis de Lasteyrie du Saillant, qui avait épousé une sœur de Mirabeau, appartenait aussi au Bas-Limousin ; son fils est bien connu par ses nombreux travaux sur l’agriculture et l’industrie, et surtout par l’importation de la lithographie en France. Cet avortement de l’assemblée provinciale du Limousin, le second que nous ayons eu à signaler jusqu’ici, était d’autant plus à regretter, qu’aucune province n’en avait un plus grand besoin. Turgot avait été treize ans, de 1761 à 1774, intendant de cette généralité ; mais son administration n’avait pu en si peu de temps guérir les plaies d’une longue oppression. On peut difficilement se faire une idée de l’état affreux où il trouva ce pays, naturellement ingrat ; la rudesse des institutions y rivalisait avec celle de la nature pour étouffer toute activité et tout bien-être.

En Limousin, comme dans tous les pays d’élection, la taille était originairement arbitraire et personnelle. Vers le même temps qu’en Champagne, c’est-à-dire en 1745, on avait essayé de la tarifer, c’est-à-dire de l’asseoir sur une espèce de cadastre ; mais cette opération difficile, faite avec trop de précipitation, présentait un tel désordre, que la province elle-même réclamait le rétablissement de l’ancien usage. Turgot lutta contre ces tendances irréfléchies, et parvint, à force de travail et de soin, à corriger les irrégularités les plus choquantes. Il fut soutenu dans cette entreprise par Malesherbes, alors président de la cour des aides de Paris. Il fut moins heureux dans ses efforts pour faire diminuer le montant de la taille. Le Limousin, qui ne payait que 1,400,000 livres de taille en 1700, payait 700,000 livres de plus en 1761, sans qu’aucune augmentation de population et de richesse justifiât ce surcroît d’impôt. Il faut lire les avis annuels de Turgot pour comprendre l’énormité de cette charge. Il prouvait, pièces en main, que, le revenu net du sol étant extrêmement bas dans la province, l’impôt en prenait la moitié, et quelquefois les deux tiers. Le peuple ne se nourrissait que de blé noir et de châtaignes. La condition des propriétaires ne valait pas beaucoup mieux, et ce qui le prouvait, c’était la multitude des domaines abandonnés par l’impossibilité de payer l’impôt. Le gouvernement accordait de temps en temps aux instances de Turgot une faible remise, mais en refusant de céder sur le principe. Ce ne fut que quand il devint ministre lui-même que Turgot accorda au Limousin une réduction sur la taille. Avant de rendre pour toute la France son édit sur la suppression de la corvée pour les chemins, il avait fait, comme intendant, l’essai de ce système. Aidé par l’ingénieur en chef de la province, il entreprit de substituer aux corvées les travaux à prix d’argent. Il rencontra de grandes difficultés dans la résistance des paysans, qui ne pouvaient pas croire qu’on songeât réellement à les soulager. Fort de l’exemple de M. de Fontette à Caen, il réussit à vaincre ces préjugés, et put bientôt se rendre ce témoignage, « qu’il avait fait plus d’ouvrage en dix ans qu’on n’en avait fait auparavant en trente-cinq ans de corvées. » Le Limousin touchant au Berri, c’est sur ce modèle que se régla, quelques années après, la première des assemblées provinciales.

Nous avons déjà vu ce qu’il avait fait pour la milice, cet autre fléau des campagnes. En confiant à la maréchaussée la poursuite des réfractaires, au lieu de l’abandonner aux habitans, il mit fin à la guerre civile qui armait les paysans les uns contre les autres dans ce pays entrecoupé de rochers et de bois. En autorisant, malgré les ordonnances, la cotisation volontaire, ou ce qu’on appelait la mise au chapeau, pour payer des remplaçans, il engagea gravement sa responsabilité, mais il dépouilla le tirage au sort de ce qui contribuait le plus à le faire détester. En même temps il supprima l’usage destructeur des corvées pour les transports militaires, en les remplaçant par des entrepreneurs aux frais de la province, et il fit construire des casernes pour dispenser les habitans du logement des gens de guerre, servitude non moins nuisible à la discipline des troupes qu’à la sécurité des particuliers. Ces violens procédés de l’ancienne administration monarchique avaient généralement disparu en 1789, sur l’exemple donné en Limousin ; la révolution les rétablit sous le nom deréquisitions.

Les efforts de Turgot pour développer l’agriculture et l’industrie ne méritent pas moins la reconnaissance de la postérité. La société d’agriculture de Limoges venait de se fonder quand il arriva ; il la présida et l’anima de son esprit. Il supprima la taxe sur les bestiaux, qui mettait obstacle à la seule industrie agricole un peu profitable, encouragea la destruction des loups, introduisit la culture du trèfle et, ce qui vaut mieux encore, celle de la pomme de terre, véritable trésor de ces contrées montagneuses. Le haras de Pompadour fut créé sous son administration, en 1763, du vivant même de la fameuse favorite, qui prêtait l’oreille depuis quelque temps aux idées économiques de son médecin Quesnay. En industrie, il abolit bon nombre de règlemens pernicieux, et il dirigea les premiers essais pour la fabrication de la porcelaine. Enfin, quand survint l’effroyable disette de 1770, il préserva la province des derniers malheurs en établissant partout des bureaux et des ateliers de charité, avec le concours actif des curés et des autres membres du clergé.

Ceci se passait dans les dernières années de Louis XV. On a souvent reproché aux économistes de ce temps d’avoir cherché leur point d’appui dans l’autorité absolue du roi. Pouvaient-ils agir autrement ? Turgot se servait, pour faire le bien, des pouvoirs dont il était revêtu, mais il ne se dissimulait nullement qu’un homme, quel qu’il fût, n’y suffisait pas, et dès qu’il devint ministre, il proposa au nouveau roi de substituer des assemblées électives à l’administration despotique des intendans. Rien de pareil n’était possible sous Louis XV. L’intendant du Limousin ne pouvait que se renfermer dans sa province, pour y mettre en pratique ses principes. Dix ans avant les premières assemblées provinciales de Necker, vingt ans avant l’édit de 1787, un homme qui réunissait le génie et la vertu essayait, dans un des coins les plus obscurs et les plus abandonnés du territoire, ce qui devait un jour transformer la France entière. Ce qu’il avait commencé, l’assemblée du Limousin l’aurait certainement poursuivi, si elle avait pu s’établir et durer.


II. — AUVERGNE.

La généralité de Riom, comprenant l’ancienne Auvergne, ou les deux départemens actuels du Puy-de-Dôme et du Cantal, avec une fraction de la Haute-Loire, se divisait en sept élections, qui forment aujourd’hui dix arrondissemens : Riom, Brioude, Mauriac, Clermont, Aurillac, Saint-Flour et Issoire[4]. L’assemblée provinciale ne fut pas convoquée à Riom, capitale de la généralité, mais à Clermont, ville plus importante et un peu plus centrale. Riom fit valoir ses antiques privilèges, mais sans succès ; déjà commençait ce déplacement qui a doublé depuis un siècle la population de Clermont et qui a réduit au contraire celle de Riom. L’assemblée se composait de 48 membres ; le président nommé par le roi, M. de Montagu, vicomte de Beaune, petit-fils par sa mère du maréchal duc de Berwick, appartenait à une des plus anciennes familles du pays, qui avait fourni au XIIIe siècle un grand-maître de l’ordre du Temple, et sous le roi Jean un chancelier de France. L’évêque de Saint-Flour siégeait en tête du clergé, l’évêque de Clermont s’étant excusé sur sa mauvaise santé ; dans la noblesse siégeaient le marquis de Laqueuille et le marquis de La Fayette, nommés plus tard tous deux aux états-généraux, où ils figurèrent dans des rangs opposés ; dans le tiers-état, des avocats, des négocians, les maires des principales villes. Les procureurs-syndics élus furent, pour les deux premiers ordres, le comte de Lastic-Lescure, et pour le tiers-état M. Reboul, maire de Clermont.

Né en 1757, La Fayette avait alors trente ans. Revenu depuis deux ans seulement de la guerre d’Amérique, vainqueur de Cornwallis et ami de Washington, il était dans tout l’éclat de sa gloire et de sa popularité. Brave, spirituel, généreux, aventureux jusqu’au romanesque dans ses discours comme dans ses actes, peu d’hommes ont réuni à ce point les qualités brillantes qui charment les Français. La cour et la ville, comme on disait alors, raffolaient de ce jeune marquis républicain, qui parlait avec tant de grâce un langage si neuf et qui osait dire tout haut ce qu’on pensait tout bas. Le roi s’était empressé de le nommer maréchal-de-camp, la reine le comblait des attentions les plus délicates. Le gouvernement l’avait appelé, malgré son âge et son grade, à faire partie de l’assemblée des notables, où il traita d’égal à égal avec les princes du sang. « Comment, monsieur ! s’était écrié le comte d’Artois, vous demandez des états-généraux ? — Oui, monseigneur, et même mieux encore. » De pareils mots enflammaient les esprits en leur ouvrant des perspectives infinies. Même aujourd’hui, après tant d’expériences, on se laisse séduire malgré soi par l’entraînement de ces souvenirs, et cependant, lorsqu’on examine de sang-froid l’influence de La Fayette sur la révolution, on est bien près de se demander s’il n’a pas’fait autant de mal que de bien à ses propres idées. Nul ne pouvait prévoir alors les tristes journées du 6 octobre et du 10 août ; on s’abandonnait sans réflexion à l’ivresse de l’espérance. Nommé par le roi membre de l’assemblée provinciale d’Auvergne et allié d’assez près à la famille du président[5], La Fayette y exerça une influence dominante.

Les procès-verbaux de l’assemblée préliminaire du mois d’août n’ont pas été imprimés, mais on sait par les mémoires de La Fayette lui-même ce qui s’y passa. Cette réunion n’avait, comme partout, d’autre but que de compléter par voie d’élection le nombre des membres ; on ne s’en tint pas là, et sur la proposition de La Fayette on adopta la délibération suivante dont il est inutile de faire remarquer le ton hardi et agressif : « L’assemblée a unanimement arrêté que son président est prié de faire parvenir à sa majesté l’hommage de notre profonde reconnaissance pour l’établissement salutaire et vraiment patriotique d’une assemblée provinciale, ainsi que de celles qui lui sont subordonnées, et particulièrement pour le principe équitable et bienfaisant qui doit régénérer les assemblées par une députation de représentans librement élus par leurs concitoyens. En même temps que nous recevons avec empressement une forme d’administration aussi désirée qu’avantageuse, nous espérons que le règlement qui nous est annoncé donnera un libre essor à notre zèle, à nos assemblées une dignité convenable ; nous prenons la liberté d’observer que notre province est une de celles qui ont cessé le plus tard d’exercer leur droit de s’assembler en états, et, considérant la différence des fonctions qui semblent destinées à l’assemblée avec les prérogatives sacrées de nos états, nous croyons devoir supplier sa majesté de daigner déclarer à la province, comme nous le faisons ici nous-mêmes, que l’exécution de ce nouveau règlement ne portera aucune atteinte aux droits primitifs et imprescriptibles de l’Auvergne. »

Les états d’Auvergne, rassemblés sous Charles VII, n’avaient eu qu’une existence obscure dans les siècles suivans et avaient achevé de s’éteindre sous Louis XIV ; le droit primitif et imprescriptible de l’Auvergne sommeillait donc depuis longtemps. En excitant ainsi toutes les provinces à réclamer leur ancienne constitution, on ne pouvait que provoquer une confusion générale. Rappeler les prérogatives sacrées des états, c’était afficher la prétention de les rendre souverains, et tant de souverainetés ne pouvaient se concilier avec l’unité de la monarchie[6]. L’assemblée de novembre se réunit sans que la question fût décidée, le ministre s’étant borné à répondre qu’il prendrait les ordres du roi ; mais on verra bientôt que la même agitation se produisit ailleurs avec plus de succès. Les provinces en bien plus grand nombre qui accueillirent avec reconnaissance l’édit de Louis XVI, et qui se bornèrent à l’exécuter, montrèrent un plus juste sentiment de leur intérêt.

Un des premiers actes de la session de novembre fut de choisir trois avocats pour examiner les contestations qui pouvaient s’élever entre les communes. Parmi eux se trouvait M. Couthon, alors avocat à Clermont, et qui devait quelques années plus tard partager la sanglante dictature et la mort tragique de Robespierre. L’assemblée se livra ensuite aux occupations ordinaires. Comme membre du bureau du bien public, La Fayette présenta un rapport curieux sur l’agriculture et le commerce. Après un aperçu général, qui révélait un état assez avancé, le rapporteur entrait dans l’examen des moyens à prendre pour développer les diverses industries. « Nous ne parlerons ici des blés que pour en remarquer l’engorgement actuel et rendre grâce à la loi qui en permet l’exportation ; elle aurait plus d’effet, si la province n’avait pas été tellement oubliée dans la distribution des routes qu’à l’inspection de la carte des postes on serait tenté de croire que cette partie du royaume n’est pas habitée. Au seul mot de douanes, chacun de vous a dénoncé nos plus cruels ennemis. Placés à l’entrée de la province, l’un sur la route de Paris, l’autre sur la rivière d’Allier, les deux postes de Gannat et de Vichy ne nous laissent que le choix entre deux écueils. Notre communication avec le Berri, la Touraine et l’Orléanais est interceptée par l’établissement d’un autre poste à Combronde. Il nous est doux, en nous élevant contre ces établissemens monstrueux et destructeurs, de vous rappeler le beau projet qui honore le règne du roi et qu’il a scellé de sa parole sacrée[7]. La destruction de toutes les barrières, du moins jusqu’à la frontière de la Lorraine et de l’Alsace, est une opération aussi facile que désirée. L’esprit fiscal n’a pu y prévoir qu’une perte très légère, et l’esprit d’administration y a trouvé un profit immense. »

L’amélioration des troupeaux, si généralement recherchée alors, ne pouvait manquer de trouver sa place dans le programme de La Fayette. « Les races de moutons, disait-il, varient beaucoup en Auvergne, et sont toutes mauvaises. Les assemblées du Berri et de la Haute-Guienne ont tiré des béliers de Flandre et de Roussillon ; nous nous bornons à vous proposer une souscription pour des béliers et brebis du Rouergue et du Quercy, au choix de chaque élection. » Le rapporteur ne montrait pas moins de sollicitude pour la culture du chanvre et la fabrication de la toile, pour la confection des fromages, qu’il s’agissait déjà d’adapter aux usages de la marine, pour la réduction du prix du sel. Une question qui est encore aujourd’hui à l’ordre du jour, celle du reboisement, avait occupé l’attention de plusieurs bureaux. « La disette de bois dans la province est d’autant plus fâcheuse qu’elle tourne rarement au profit de la culture. Il est reconnu que des territoires de montagne aujourd’hui inutiles pourraient se couronner d’arbres. » Le rapport se terminait par quelques détails sur les mines de charbon et sur la navigation : « Les mines de charbon, qui abondent dans le centre de la province, n’ont besoin que des soins des exploiteurs pour les garantir du feu, des inondations et des éboulemens. Ces charbons s’embarquent à Brassac, sur l’Allier, où la navigation est taxée par des péages et retardée par des obstacles dont il paraît essentiel de s’occuper. Il se construit annuellement, aux environs de Brassac, deux mille bateaux destinés pour Paris. »

La grande affaire, en Auvergne comme partout, était l’augmentation demandée pour les vingtièmes. Le rapport sur cette question fut présenté encore par La Fayette au nom d’une commission spéciale que présidait l’évêque de Saint-Flour. Les vingtièmes payés par la province s’élevaient à 1,441,000 liv. ; mais le gouvernement avait estimé que cet impôt, régulièrement perçu, devait produire 2,038,000 livres, sauf à en déduire 231,000 livres, qui paraissaient pouvoir être mises à la charge des biens ecclésiastiques, et c’est sur ce pied qu’il avait annoncé l’intention d’accorder un abonnement. La réponse était nette et péremptoire : au lieu des 1,807,000 livres demandés, la province n’en offrait que 1,298,000, c’est-à-dire le revenu existant, déduction faite des frais de perception, « se réservant en outre de prouver par la suite que non-seulement un surcroît de taxes serait physiquement impossible, mais que la continuation des impôts actuels de l’Auvergne serait évidemment injuste et destructive. » A l’appui de ce refus, les calculs qui avaient servi au gouvernement pour évaluer le produit probable des vingtièmes étaient discutés en termes hautains et méprisans.

Louis XVI fit faire à cette délibération une réponse sévère. « Si l’assemblée d’Auvergne, y était-il dit, s’était bornée, comme elle le devait, à présenter au roi le tableau de la situation de la province et des faibles ressources qu’elle trouve dans son sol par le défaut de débouchés, le roi eût écouté avec bonté ces représentations, et sans croire entièrement à des détails exagérés que leur motif eût justifiés à ses yeux, il eût pesé dans sa sagesse jusqu’à quel point il pouvait être juste d’accorder à cette généralité une faveur qui ne tirerait point à conséquence vis-à-vis des autres ; mais que l’assemblée provinciale, oubliant le seul objet de sa mission, se permette, après que le roi lui a fait connaître les bases constitutives d’une imposition, de douter de la validité des dispositions, d’en détourner le véritable sens, c’est ce que sa majesté a dû voir avec autant de surprise que de mécontentement, et ce qu’elle ne tolérera jamais. Sa majesté connaît les classes de ses sujets qui, dans la province d’Auvergne, ont su se soustraire à une partie de la contribution qu’ils auraient dû acquitter ; elle fera exécuter la loi à l’égard de tous les propriétaires indistinctement ! Le commissaire du roi fera connaître enfin à l’assemblée qu’elle s’est écartée des fonctions que le roi lui avait permis d’exercer sous son autorité, et qu’elle doit désormais s’occuper avec plus de soin et de mesure de justifier sa confiance et celle de la province. »

L’assemblée ne se laissa pas intimider par la lettre ministérielle. Le 22 décembre, La Fayette lui présenta un nouveau projet de délibération ainsi conçu : « L’assemblée provinciale d’Auvergne, encouragée jusqu’à la fin de ses travaux par le doux espoir d’obtenir l’approbation du roi, n’a pu recevoir les marques inattendues de son mécontentement sans être frappée d’une profonde consternation. Il ne lui resterait, dans sa vive douleur, aucune consolation, si chacun de ses membres, en adoptant la délibération du 23 du mois dernier, n’avait pas uniquement suivi la voix de sa conscience. L’assemblée abjure toute expression qui aurait pu déplaire à sa majesté ; mais elle doit à la patrie, au roi lui-même, de persister dans les sentimens qui ont formé le fond de sa délibération. Elle ose espérer que sa majesté, touchée de la situation particulière de cette province, daignera ne pas rejeter sa première proposition ; elle la réitère avec confiance aux pieds d’un roi chéri, dont elle tient une existence qu’elle s’empressera de consacrer à la gloire et à la satisfaction de sa majesté, essentiellement liées au bonheur de ses peuples. « Après ce vote, l’assemblée se sépara. Ainsi se termina, par une rupture qui laissait tout en suspens dans la province, une session commencée sous de plus favorables auspices : triste récompense des efforts du roi, fatal prélude de ce qui devait arriver aux états-généraux. Toutes les assertions du rapport étaient réellement exagérées ; alors comme aujourd’hui, plus riche et plus peuplée que les deux tiers du territoire national, l’Auvergne devait ces avantages à la fertilité prodigieuse de ses plaines et à l’industrie pastorale de ses montagnes. Dans la répartition générale des impôts, elle ne payait pas plus que sa part. il appartenait d’ailleurs à La Fayette moins qu’à tout autre de marchander le faible secours que demandait le roi, car le déficit des finances tenait surtout à la guerre d’Amérique, qui avait dévoré un milliard.

L’idée des anciens états ne fut pas abandonnée après la clôture de l’assemblée provinciale. Le président continua à s’en occuper, il écrivit à ce sujet un mémoire détaillé qui fut mis sous les yeux du roi. Nous trouvons dans les procès-verbaux imprimés de l’assemblée du département de Riom[8], tenue en octobre 1788 de nouvelles preuves pour démontrer l’existence des états ; on y donna, d’après Savaron, Belleforêt et un grand nombre de titres, la liste de vingt-huit sessions, de l’année 940, où remontait leur origine, à l’année 1662, où ils s’étaient tenus pour la dernière fois. Cette délibération et plusieurs autres émanées de la même assemblée, comme les vœux émis en faveur d’un impôt territorial unique, de la liberté indéfinie du commerce, de la réforme des lois civiles et criminelles, méritent d’autant plus l’attention que l’assemblée de Riom était présidée par le marquis de Laqueuille, qui allait devenir un des chefs de la droite aux états-généraux et donner sa démission de député au mois de mai 1790. À Aurillac, on adopta aussi avec empressement le grand mot d’états, mais en demandant que la Haute-Auvergne en eût de particuliers. La digue une fois rompue, toutes les prétentions se produisaient à la fois.

Parmi les membres de l’assemblée provinciale se trouvait le marquis de Capponi, seigneur de Combronde, issu de l’illustre famille des Capponi de Florence, dont une branche était venue s’établir en Auvergne pendant les révolutions de l’Italie. Il mourut en 1788, et des témoignages extraordinaires suivirent sa perte. « Vous avez vu, dit M. de Laqueuille à l’assemblée de Riom, avec quel zèle le respectable marquis de Capponi s’occupait de tout ce qui pouvait avoir trait au bien. La perte d’un homme vertueux et éclairé est une calamité pour son siècle. Quels traits pourrais-je ajouter à son éloge qui ne soient connus de vous ? » L’assemblée voulut consigner au procès-verbal l’expression de ses regrets unanimes pour la perte inappréciable qu’elle venait de faire. Le bureau intermédiaire s’exprima en termes non moins significatifs : « Livrés à des travaux communs, nous avons admiré l’étendue de ses connaissances, la justesse de ses opinions, sa grande facilité à traiter les objets les plus minutieux, mais intéressans pour le peuple, enfin cette envie dévorante de faire le bien. » Le nom du marquis de Capponi est probablement oublié en Auvergne ; il a paru juste de consigner ici cet hommage de toute une province.

Quant au président de l’assemblée de 1787, M. de Montagu, il ne resta pas longtemps sous l’influence de La Fayette. Il ne fut point nommé aux états-généraux, émigra un des premiers et commanda un des corps de l’armée de Condé qu’on appelait la coalition d’Auvergne, parce qu’il se composait d’officiers et de soldats de cette province. La coalition d’Auvergne fut bientôt dissoute, et son vieux commandant réduit à errer d’asile en asile, presque sans ressources. Il fut rejoint par son fils et sa belle-fille, qui adoucirent pour lui les douleurs de l’émigration. Une main pieuse a recueilli ces souvenirs dans une notice sur Mine de Montagu, qu’on ne peut lire sans une émotion profonde. Cette jeune femme forcée à vingt-cinq ans de quitter son pays, perdant ses enfans l’un après l’autre dans les angoisses de l’isolement, apprenant d’un seul coup la mort de sa sœur, la vicomtesse de Noailles, de sa mère, la duchesse d’Ayen, et de sa grand’mère, la maréchale de Noailles, exécutées le même jour sur le même échafaud, tenant tête à tant de malheurs avec la résignation d’une piété fervente, créant au milieu de sa propre détresse l’Œuvre des Emigrés, et parvenant à force de zèle à secourir bien des infortunes : il n’y a pas de récit plus triste et plus consolant à la fois. Deux autres figures se détachent dans ce tableau de famille : l’une est sa sœur, Mme de La Fayette, si héroïque et si simple dans son dévouement à son mari ; l’autre est le général La Fayette lui-même, toujours calme, intrépide, inaltérable, assistant à la révolution comme à un naufrage qui ne doit pas dégoûter de la navigation, et conservant, sous les reproches ouverts ou tacites de ses compagnons d’exil, cette bonté affectueuse qui le rendait si séduisant dans l’intimité.


III. — BOURBONNAIS, NIVERNAIS ET MARCHE.

La généralité de Moulins[9], instituée en 1587 par Henri III, comprenait l’ancien Bourbonnais avec une partie du Nivernais et de la Marche ; elle se divisait en sept élections, qui aujourd’hui forment huit arrondissemens : Moulins, Gannat et Montluçon en Bourbonnais, Nevers et Château-Chinon en Nivernais, Guéret et Evaux dans la Marche[10]. De toutes les généralités, c’était peut-être la moins homogène ; le Nivernais ne lui appartenait pas tout entier, puisque l’élection de Clamecy dépendait de la généralité d’Orléans, et celle de La Charité-sur-Loire de la généralité de Bourges. L’élection de Gannat avait été démembrée de l’Auvergne en 1630. La Marche était coupée en deux, l’élection de Bourganeuf appartenant à la généralité de Limoges. Evaux était la capitale d’un petit pays particulier qu’on appelait la Combraille. Ce n’est pas sans raison que Guy Coquille qualifiait le Bourbonnais un pays composé en marqueterie et comme en mosaïque de plusieurs pièces rapportées.

Cette organisation bizarre, qui avait succédé d’assez près à la confiscation des états du connétable de Bourbon sous François Ier, avait eu probablement pour but de dissoudre l’agglomération formée au centre de la France des domaines de cette puissante maison. L’ancienne unité avait péri, mais il ne s’en était pas formé une nouvelle ; les parties qui la composaient n’avaient rien de commun ; le système d’impôts n’était pas le même, le Nivernais et le Bourbonnais étant soumis à la grande gabelle, tandis que la Marche était rédimée de l’impôt du sel ; des coutumes différentes les régissaient, et même sous le rapport religieux elles se partageaient entre quatre diocèses, ceux d’Autun, de Bourges, de Clermont et de Nevers ; Moulins n’avait pas d’évêché. L’ensemble avait fort peu prospéré sous l’administration monarchique ; la généralité de Moulins était plus pauvre encore que celle de Limoges.

On sait que Necker, qui cherchait à émanciper d’abord les provinces les plus malheureuses, avait créé une assemblée provinciale à Moulins pendant son premier ministère, en 1780. La résistance de l’intendant et du parlement fit échouer ce projet, qui avait reçu cependant un commencement d’exécution. L’assemblée instituée par Necker s’était réunie sous la présidence de l’évêque d’Autun, M. de Marbeuf : elle avait nommé sa commission intermédiaire et ses procureurs-syndics. La commission intermédiaire s’occupa, entre autres choses, de plusieurs desséchemens de marais, et fit faire une carte de la généralité, divisée en vingt-six arrondissemens ou districts ; elle se sépara sur la signification qui lui fut faite de l’arrêt du conseil du 29 juillet 1781 qui suspendait ses pouvoirs. Le succès qu’obtinrent dans les années suivantes les deux assemblées provinciales du Berri et de la Haute-Guienne ne put qu’exciter des regrets particuliers dans cette généralité voisine, qui avait un moment joui des mêmes droits. L’édit du mois de juin 1787 y fut accueilli avec joie ; mais, par une fatalité nouvelle, il n’y fut pas exécuté sur-le-champ. Ce qui amena ce retard fut la demande que fit le Nivernais d’une assemblée spéciale. Appuyée par l’évêque de Nevers, M. de Seguiran, et par le duc de Nivernais, qui était alors ministre, cette prétention finit par réussir ; mais les négociations ne durèrent pas moins d’un an. Ce ne fut qu’au mois d’août 1788 que parurent les règlemens qui instituaient dans la généralité deux assemblées provinciales, l’une pour le Nivernais, l’autre pour le Bourbonnais et la Marche.

Celle du Nivernais se réunit la première, le 16 août 1788, dans la bibliothèque des révérends pères récollets, à Nevers, sous la présidence de l’évêque. Elle devait se composer de 24 membres. Parmi les douze nommés par le roi, on peut remarquer, dans le clergé, l’abbé de Damas, doyen de l’église de Nevers, parent du duc de Damas-Crux, pair de France, et du baron de Damas, ministre des affaires étrangères sous la restauration ; dans la noblesse, le comte de Langeron, qui prit, pendant l’émigration, du service en Russie, et devint gouverneur d’Odessa ; dans le tiers-état, des avocats, des maîtres de forges, les maires des principales villes. M. Foullon de Doué, qui venait d’être nommé intendant de la province, ouvrit la session en qualité de commissaire du roi. « Le roi, dit-il, a calculé dans sa sagesse que communiquer son autorité n’était pas l’affaiblir ; il a pensé que les émanations de la puissance royale, par l’effet d’une heureuse réaction, après avoir porté la vie aux extrémités du corps politique, reviendraient bientôt à leur propre foyer pour renouveler le principe de force et d’activité qui entretient l’harmonie entre toutes les parties d’un vaste empire. Vous vous rappellerez toujours avec reconnaissance que le roi vous a donné un témoignage particulier de son affection en divisant cette province de la généralité du Bourbonnais. J’ai pour garant du succès de votre administration, outre vos lumières et votre zèle pour la province, les connaissances et les vertus du ministre citoyen (le duc de Nivernais) qui s’honore de son nom et qui la gouverne. Et quel augure plus favorable pour le succès de vos travaux que de voir à votre tête un prélat auquel rien ne doit être étranger dans l’administration, depuis qu’à ses propres lumières, dont une province voisine (le Berri) a déjà éprouvé l’heureuse influence, il a réuni celles qu’il a puisées au sein d’une illustre assemblée présidée par le monarque lui-même ! »

Cette allusion à l’assemblée des notables, où M. de Seguiran avait exercé une sérieuse influence, contenait plus qu’un compliment banal. L’évêque répondit par un discours qui témoigne des idées alors régnantes parmi les chefs du clergé. « Si jamais, monsieur, cette province a pu concevoir des espérances de prospérité, c’est dans le moment où son administration vous est confiée. Ses vœux s’étaient portés avec ardeur sur l’établissement d’une assemblée provinciale, et vous lui en apportez le bienfait. Elle désirait, avec le reste de la nation, qu’il plût au roi de convoquer les états-généraux de son royaume dans la situation actuelle des affaires publiques, et l’annonce de cette faveur nouvelle nous arrive avec vous. Le choix qui vous a placé dans cette généralité a été dicté par le vœu habituel du roi pour le bonheur de ses peuples. Nous en apercevons le gage dans votre amour connu pour la justice, dans l’esprit de conciliation qui vous distingue, dans la qualité de grand propriétaire du Nivernais que vous partagez avec nous. » Le nouvel intendant possédait en effet dans la province le riche marquisat de La Tournelle, et cette circonstance semblait annoncer dans le gouvernement l’intention de choisir désormais des intendans attachés par leurs intérêts aux provinces qu’ils administraient.

Quoiqu’il ne soit rien resté de M. de Seguiran, tous les souvenirs de cette époque attestent son esprit supérieur. Quand le premier évêque de Nevers nommé sous la restauration prêta serment entre les mains de Louis XVIII, le roi lui dit : « Vous allez succéder à un homme bien remarquable. Si nous avions suivi les avis de M. de Seguiran, nous aurions évité les horreurs de la révolution. » Malheureusement, au moment où il présidait l’assemblée provinciale, il était bien près de sa fin : il mourut le 3 août 1789, à l’âge de cinquante ans, d’une fluxion de poitrine, en allant présider les élections aux états-généraux. Il fut remplacé par l’évêque de Sisteron, M. de Suffren-Saint-Tropez, frère du célèbre bailli de Suffren et auteur du canal qui fertilise encore les environs de Sisteron.

L’assemblée nomma au scrutin les douze membres qui devaient la compléter, ainsi que la commission intermédiaire et les procureurs-syndics. Elle divisa la province, pour l’organisation des assemblées secondaires, en six arrondissemens, dont les chefs-lieux furent Nevers, Château-Chinon, Saint-Pierre-le-Moutier, Decize, Moulins-Engilbert et Saint-Saulge, après quoi elle se sépara en s’ajournant au mois de novembre ; mais cette seconde réunion, la seule qui dût être complète, n’a jamais eu lieu, tout ayant été mis bientôt en suspens par les préliminaires des états-généraux. Les opérations de la session préparatoire ne furent cependant pas tout à fait inutiles. La commission intermédiaire se réunit régulièrement jusqu’au 24 juillet 1790, sous la présidence de l’abbé de Damas, et dans le désordre qui suivit les premiers votes de l’assemblée constituante, elle fut la seule autorité reconnue dans la province.

Avant tout, l’assemblée avait voté des remerciemens au duc de Nivernais, à qui elle devait son existence ; elle ne pouvait faire moins pour reconnaître un pareil service. Le duché de Nevers n’appartenait plus depuis longtemps à la maison de Gonzague ; l’héritier de cette maison l’avait vendu au cardinal Mazarin, qui le laissa à son neveu, Julien Mancini, dont le petit-fils le possédait alors. Ce fief n’avait jamais été réuni à la couronne, de sorte que le duc y exerçait encore une partie de l’autorité féodale. Il en tirait de grands revenus qu’on évaluait à 350,000 livres, et qui provenaient surtout d’immenses étendues de forêts ; il entretenait à ses frais une chambre des comptes du domaine et duché-pairie de Nivernais et Donziais, dont le procureur-général était investi de grandes attributions. Cette charge, remplie autrefois par le célèbre Guy-Coquille, appartenait alors au jurisconsulte Parmentier, auteur d’écrits estimés sur l’histoire locale, et qui rédigea en 1789 le cahier des remontrances des officiers de la chambre des comptes, un des plus remarquables par la vigueur des idées et du langage. En choisissant un pareil homme pour son fondé de pouvoirs, le duc avait montré la même générosité qu’en provoquant l’établissement de l’assemblée provinciale, qui ne pouvait manquer de mettre des bornes à son autorité et peut-être à ses revenus.

C’est qu’en effet Jules Mancini-Mazarin, duc de Nivernais, ministre d’état, pair de France, grand d’Espagne de première classe, l’un des quarante de l’Académie française, membre honoraire de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, était un des plus bienfaisans et des plus éclairés dans ce groupe de grands seigneurs libéraux qui formait le cortège du roi Louis XVI. Dès l’âge de dix-huit ans, il avait fait bravement la guerre ; il remplit ensuite avec éclat trois grandes ambassades, à Rome, à Berlin et à Londres, où il négocia et signa la paix de 1763. Ce n’était toutefois ni vers la vie des camps ni vers les splendides exils de la diplomatie que le portait sa pente naturelle. Poète aimable et homme du monde accompli, il aimait mieux vivre à Paris, dans cette société polie où il brillait par la grâce exquise de son esprit et de ses manières. Il composait des fables et des poésies fugitives dans ce style facile et négligé, mais plein d’aisance et d’enjouement, que Voltaire avait porté à sa perfection, et il les lisait admirablement. Comme son ami le maréchal de Beauvau, que Marmontel appelait un excellent académicien, il prenait fort à cœur ses devoirs académiques. Les recueils du temps sont pleins de ses discours et de ses lectures ; ce fut lui qui reçut Condorcet, l’abbé Maury, Target et plusieurs autres. Né en 1716, il avait alors soixante-douze ans et portait légèrement le poids des années. De cruelles épreuves assaillirent sa vieillesse. Sans héritiers mâles, il avait vu mourir le premier de ses gendres, le comte de Gisors, sur le champ de bataille de Crevelt ; il vit finir plus misérablement le second, le duc de Brissac, gouverneur de Paris, assassiné à Versailles au mois de septembre 1792. Comme le duc de Charost, il refusa d’émigrer. Dépouillé de ses biens, jeté en prison et destiné à l’échafaud, il consolait sous les verrous, par des vers pleins d’une douce philosophie, ses compagnons de captivité. Rendu à la liberté après le 9 thermidor, le citoyen Mancini, car c’est ainsi qu’on l’appelait alors, fut nommé président du collège électoral de la Seine et faillit être élu au corps législatif. Il mourut en 1798, à quatre-vingt-deux ans, après avoir fait sur lui-même ce dernier quatrain :

Je verrai Minos sans effroi ;
Que peut-il reprendre en ma vie ?
Le devoir fut ma seule loi,
Être aimé fut ma seule envie.

Le Nivernais ne formait que le tiers de l’étendue totale de la généralité ; l’assemblée qui devait représenter le reste se réunit le 1er septembre 1788 dans la bibliothèque des doctrinaires, à Moulins. Le roi, se rendant aux vœux anciennement exprimés, venait de créer un évêché dans cette ville ; mais la procédure canonique n’était pas encore terminée, et en attendant l’érection définitive, le roi avait nommé au futur évêché l’abbé Des Gallois de La Tour, doyen de l’église royale et collégiale de Moulins. C’est cet abbé de La Tour, évêque nommé de Moulins, qui fut désigné pour présider l’assemblée provinciale ; il était fils du premier président du parlement de Provence, et avait été lui-même conseiller au parlement avant d’entrer dans les ordres. Les autres membres de l’assemblée furent pris autant que possible parmi ceux qui avaient fait partie de la première en 1780. Ils devaient être au nombre de 32. Le comte de Douzon, commandant de la province, figurait en tête de la noblesse. Comme celle du Nivernais, l’assemblée pourvut aux places vacantes dans son sein, nomma la commission intermédiaire et les procureurs-syndics, divisa la province en quatre départemens, dont les chefs-lieux étaient Moulins, Montluçon, Gannat et Guéret, et se sépara en s’ajournant au mois de novembre. Elle aussi ne devait plus se réunir ; mais, comme en Nivernais, la commission intermédiaire resta en 1789 la seule autorité locale. On conserve aux archives de Moulins les procès-verbaux de cette commission, qui se réunit sous la présidence de l’abbé de La Tour jusqu’au 22 juillet 1790.

Quand on sut que le Dauphiné avait réclamé et obtenu, au lieu de l’assemblée instituée par le roi, des états provinciaux, cette nouvelle prit feu comme une traînée de poudre dans tout le royaume. La commission intermédiaire du Bourbonnais partagea l’entraînement général : elle écrivit aux assemblées de département pour les inviter à provoquer des états provinciaux sur le modèle du Dauphiné. L’assemblée du département de Moulins se réunit sous la présidence du marquis Des Gouttes, chef d’escadre des armées navales, le même à qui Arthur Young voulut un moment acheter le château et la terre de Riau. Le rapport fut présenté par le comte de Tracy, colonel du régiment de Penthièvre, déjà membre de l’assemblée provinciale du Berri, et qui siégeait à Moulins comme seigneur de Paray-le-Frésil. » Nous avons reconnu, dit-il, que le changement le plus utile que l’on pût faire à cette administration, c’était de faire en sorte qu’elle fût composée de véritables représentais de la nation, élus librement et légitimement par elle, au lieu de simples délégués du gouvernement tels que nous le sommes. N’ayant point dans ce moment cette qualité précieuse de fondés de pouvoirs de vos compatriotes, vous ne pouvez présenter vos délibérations comme la volonté des habitans de cette province ; mais en qualité de citoyens notables, animés de l’amour du bien public et soutenus par l’opinion publique, vous pouvez présenter vos vœux pour la constitution et l’administration qui vous paraissent les plus désirables pour cette province, et supplier le roi de former une assemblée des trois ordres où les idées préliminaires données par vous soient débattues, confirmées ou changées, et prennent le caractère sacré d’une volonté nationale. »

Un pareil langage réduisait à néant la constitution des assemblées provinciales. Suivait tout un plan d’organisation pour les états du Bourbonnais et de La Marche, une véritable charte en quarante-huit articles. Ces états devaient se composer de 96 députés au lieu de 32, dont 16 pour le clergé, 32 pour la noblesse et 48 pour le tiers-état. Tous les députés devaient être élus par des assemblées d’arrondissement, où les ordres seraient confondus. Les états devaient s’assembler de plein droit tous les ans dans la ville de Moulins, au mois de septembre, et élire eux-mêmes leur président. On se passait complètement de l’autorité royale, et le nom même de l’intendant n’était pas prononcé. Une réunion générale des citoyens des trois ordres se tint spontanément pour appuyer ce projet avec enthousiasme. À Montluçon, à Gannat, l’adhésion ne fut pas moins unanime. À Guéret, on vota le principe des états provinciaux, mais, comme à Aurillac, avec cette restriction que La Marche aurait ses états particuliers. La Marche avait eu en effet des états dans d’autres temps, et le seul aspect de cette contrée presque sauvage témoignait assez qu’elle n’avait pas gagné à sa réunion au Bourbonnais. La commission intermédiaire essaya de lutter contre ces tendances séparatistes, elle entreprit même de ramener le Nivernais ; mais dès ce moment la généralité se partagea de fait entre les trois provinces qui ont formé les départemens actuels de l’Allier, de la Nièvre et de la Creuse.

L’abbé de La Tour ne prit jamais possession de son siège épiscopal. Ce n’était pas une petite affaire que la création d’un évêché sous l’ancien régime, puisqu’on ne pouvait lui constituer des revenus qu’aux dépens des sièges existans. Tout venait à peine de se terminer, quand survint la constitution civile du clergé. L’abbé de La Tour refusa de prêter serment, et cet évêché, dont la préparation lui avait coûté tant de peines, fut donné à un autre. Il émigra d’abord en Angleterre, puis en Italie, où il devint aumônier de Mesdames de France, tantes de Louis XVI. Après la restauration, il fut chargé d’aller chercher à Trieste les restes de ces princesses et de les ramener en France. Il fut nommé archevêque de Bourges au retour de ce pieux voyage.


IV. — BASSE-GUIENNE.

Presque tout le midi étant pays d’états, l’édit sur les assemblées provinciales ne pouvait y recevoir son exécution que dans les trois généralités de Bordeaux, d’Auch et de Perpignan. Nous arrivons ici à la province où l’institution rencontra dès son début l’opposition la plus vive et la plus inattendue.

La généralité de Bordeaux comprenait les quatre départemens actuels de la Gironde, la Dordogne, Lot-et-Garonne et les Landes, avec une partie du Gers ; elle se divisait en six élections, dont les chefs-lieux étaient Bordeaux en Guienne, Périgueux et Sarlat en Périgord, Agen en Agenais, Condom en Condomois, Mont-de-Marsan dans les Landes ou Lannes. Chacune de ces élections avait une étendue extraordinaire ; elles forment aujourd’hui dix-huit arrondissemens, tandis que, dans la plupart des provinces, le nombre des arrondissemens excède très peu celui des anciennes élections. Les trois quarts de la généralité n’offraient qu’un vaste désert ; mais la ville de Bordeaux disputait à Lyon et à Marseille le second rang parmi les villes du royaume, et passait avec raison pour une des plus belles de l’Europe. Quand Arthur Young vint en France pour la première fois, il fut émerveillé de l’aspect de Bordeaux. « Malgré, dit-il, tout ce que j’avais lu ou entendu sur le commerce, les richesses et la magnificence de cette ville, elle surpassa beaucoup mon attente. Paris ne m’avait pas satisfait, car il n’est pas comparable à Londres ; mais on ne saurait mettre Liverpool en parallèle avec Bordeaux. »

M. de Tourny, intendant de cette généralité pendant quinze ans, de 1743 à 1758, avait commencé d’immenses travaux, qui n’avaient d’autre défaut que de consacrer à de stériles embellisse-mens une trop grande part des ressources locales. Les Jurats ou magistrats municipaux avaient fini par s’en inquiéter, et après une lutte assez vive l’intendant avait été rappelé et nommé conseiller d’état pour dissimuler sa disgrâce ; mais l’impulsion donnée se continuait après lui. Le maréchal de Richelieu, gouverneur de Bordeaux, y tenait une cour presque royale, dont le faste donnait le ton. Les plus beaux monumens de cette ville datent de cette époque, entre autres le palais archiépiscopal, aujourd’hui hôtel de la mairie, et le fameux théâtre, chef-d’œuvre de l’architecte Louis ; ce dernier édifice fut achevé en 1780. Louis XV avait cédé à la ville, à l’instigation du maréchal, 9,000 mètres de terrain sur l’esplanade du château Trompette, pour y construire la nouvelle salle, avec permission de vendre l’excédant du terrain pour subvenir aux frais de construction. Cette vente avait produit 850,000 livres, elle fournit environ le tiers de la dépense. Les terrains achetés servirent à bâtir des hôtels qui font encore l’ornement de Bordeaux.

Un immense commerce rendait possible tout ce luxe. La seule île de Saint-Domingue, la plus riche des colonies, alimentait un va-et-vient annuel de 200 millions, dont Bordeaux prenait la plus grande part. Le récent traité avec l’Angleterre venait de donner un nouvel essor à cette prospérité. En 1789, l’exportation totale des vins atteignit 120,000 tonneaux. Le port était sans cesse sillonné de navires. Louis XVI venait même d’y établir une ligne de paquebots transatlantiques ; un arrêt du conseil, du 16 juillet 1786, portait que vingt-quatre bâtimens, nommés paquebots du roi, feraient à l’avenir un service régulier entre la France et les deux Amériques ; les deux ports désignés pour les recevoir étaient Bordeaux et Le Havre. Les premiers partirent dans les premiers mois de 1787, et les départs se succédèrent tous les quinze jours jusqu’au moment où tout s’arrêta.

Pour célébrer ces nouveaux progrès, on avait projeté des embellissemens nouveaux. Le fort du château Trompette, cette bastille de Bordeaux, venait d’être cédé par le roi à une compagnie de spéculateurs qui le démolissaient pour mettre à la place un vaste et magnifique quartier. « J’ai vu les plans, dit Arthur Young, et si on les exécute, ce sera le plus beau développement qu’ait reçu aucune ville en Europe. » Dans le discours prononcé par M. de Calonne à l’ouverture de l’assemblée des notables, le ministre citait avec orgueil cette entreprise parmi celles qui devaient illustrer le règne : « La superbe place qui s’érige à Bordeaux, sur les ruines d’une inutile forteresse, procurera un des plus beaux points de vue de l’univers. » Ces mots n’avaient rien d’exagéré ; le plan, dû encore au génie de l’architecte Louis, consistait en une place demi-circulaire de cent cinquante toises de diamètre, où treize rues, dont chacune portant le nom d’un des nouveaux états de l’Amérique du Nord, devaient déboucher par treize arcs de triomphe ; au milieu devait s’élever une colonne de cent quatre-vingts pieds de haut, surmontée de la statue du roi et nommée la colonne Ludovise en souvenir de la colonne Trajane[11]. Cet ensemble monumental, se déployant le long du port, en face du fleuve chargé de navires, aurait présenté en effet un coup d’œil sans rival.

Devant ces splendeurs de sa capitale, le reste de la province disparaissait un peu. On ne peut pas dire cependant que tout y fût négligé. La culture de la vigne se répandait rapidement, et le temps n’était plus où M. de Tourny lui-même, trompé par de faux systèmes, demandait au gouvernement d’empêcher de planter des vignes. Dans les landes, de grandes entreprises de défrichement et de culture se tentaient, et l’ingénieur Brémontier imaginait, pour arrêter le flot envahissant des dunes, les plantations de pins qui ont immortalisé son nom ; la première se fit en 1786. De grands travaux, entrepris par ordre du roi, avaient pour but d’améliorer la navigation du fleuve ; le célèbre phare de Cordouan, à demi détruit par les vents et les flots, sortait de ses ruines pour s’élever plus haut encore. Un puissant esprit d’indépendance locale se développait sous l’influence de la richesse ; l’éloquence s’unissait aux autres arts, et le barreau de Bordeaux renfermait des talens qui ont éclaté plus tard à la tribune nationale. Il semble donc que l’institution d’une assemblée provinciale dût y être très bien reçue. Ce fut le contraire qui arriva.

Diverses causes amenèrent cet échec. La principale fut l’attitude inquiète et séditieuse que prenait depuis quelque temps le parlement de Bordeaux. Ce corps aurait dû avoir pour Louis XVI des sentimens de reconnaissance, car il venait d’être rappelé de l’exil dont l’avait frappé Louis XV ; mais il avait conservé de sa lutte et de sa victoire un excès d’orgueil. Aucun acte de l’autorité royale ne pouvait plus obtenir son approbation. Par l’article 6 de l’édit sur les assemblées provinciales, le roi se réservait le droit de déterminer par des règlemens particuliers la composition et les fonctions de chacune de ces assemblées. C’est à cet article que s’attacha le parlement de Bordeaux pour refuser l’enregistrement ; il prétendit ne pouvoir juger les nouvelles institutions en pleine connaissance de cause, et demanda que le roi lui fît connaître préalablement ces règlemens particuliers, comme si l’expérience du Berri et de la Haute-Guienne ne suffisait pas. Le parlement de Paris, qu’on ne pouvait accuser d’une déférence excessive, n’y avait pas mis tant de façons, et presque toutes les cours du royaume avaient également enregistré l’édit sans élever cette difficulté.

Le roi ne fit aucune réponse au parlement de Bordeaux, et se contenta de faire publier dans chaque généralité le règlement qui la concernait. Cette publication ne satisfit pas le parlement ; le 8 août il rendit son arrêt pour défendre à l’assemblée du Limousin de se réunir. Quatre jours après, le conseil d’état cassait cet arrêt comme attentatoire aux droits du roi et contraire au bien de ses peuples, et le 18 le parlement en rendait un autre qui confirmait le premier en des termes encore plus forts : » Considérant que les ennemis de l’état chercheraient en vain à calomnier les vues du parlement, que sa justification est dans sa conduite ; que les peuples de ce ressort, accablés sous le poids des impôts, ne se méprendront pas sur les vrais motifs qui attirent au parlement sa disgrâce ; qu’il n’aurait pas eu la douleur de voir son zèle noirci aux yeux de la nation, si un administrateur infidèle (M. de Calonne) n’eût épuisé le trésor de l’état, et si, pour opérer la ruine des peuples, il ne se fût efforcé d’enlever au parlement la confiance publique et l’estime du seigneur roi ; que, dans l’état déplorable où se trouvent les finances, tous les projets des ministres, même ceux qui paraissent les plus avantageux aux peuples, semblent n’avoir pour but que la fiscalité et l’augmentation de l’impôt ; qu’à l’aspect des malheurs qui menacent la propriété, malheurs que l’assemblée des états-généraux peut seule prévenir, chaque citoyen porte des regards inquiets sur le parlement, la cour, ne voyant dans l’arrêt du conseil qui casse l’arrêt du parlement aucun caractère légal, puisqu’il n’est pas revêtu de lettres patentes, a persisté et persiste, sous le bon plaisir du roi, dans son arrêt du 8 du présent mois. »

Cette fois la longanimité de Louis XVI fut poussée à bout : il fit délivrer des lettres patentes portant translation du parlement à Libourne ; mais la cour, qui avait refusé de reconnaître l’arrêt du conseil, sous prétexte qu’il n’était pas revêtu de lettres patentes, ne respecta pas davantage sous cette nouvelle forme l’autorité du roi, et, tout en se rendant à Libourne, elle protesta. Il fallut que le comte de Brienne, commandant de la province sous le maréchal de Richelieu absent, se rendit à Libourne pour faire enregistrer militairement les lettres patentes. Ce coup d’autorité souleva une vive irritation, l’opinion locale prit parti pour le parlement. Les jurats de Bordeaux adressèrent les premiers une plainte au roi, la cour des aides vint ensuite, le parlement lui-même renouvela ses doléances le 31 octobre. Des événemens qui auraient dû le calmer s’étaient pourtant accomplis dans l’intervalle ; les assemblées provinciales se réunissaient dans toute la France, et les membres les plus considérables des autres cours avaient généralement consenti à en faire partie. Le roi venait de révoquer ses deux édits pour l’établissement d’une subvention territoriale et de l’impôt du timbre. Il ne s’agissait donc plus d’enregistrer de nouveaux impôts ; tout se bornait à l’augmentation des vingtièmes demandée aux assemblées provinciales et qu’elles pouvaient refuser ; le ministère avait d’ailleurs annoncé l’intention d’adresser aux parlemens les règlemens des assemblées provinciales, quand ils seraient devenus définitifs. Ces concessions ne firent que rendre le parlement de Bordeaux plus arrogant dans ses exigences.

Ce même parlement avait demandé dans d’autres temps l’institution des assemblées provinciales. Voici ce qu’on lisait dans ses remontrances au roi en 1779 : « Qu’il soit permis, sire, à votre parlement de Bordeaux de présenter à votre majesté un plan qui réunirait tous les ordres de l’état, qui simplifierait l’administration intérieure du royaume, qui ramènerait l’agriculture, le commerce et les arts, qui élèverait l’âme par le sentiment intérieur de la liberté, qui mettrait dans les impositions une répartition juste et proportionnelle, qui anéantirait la corvée, et qui, en faisant la félicité des particuliers, ferait la gloire, le bonheur et la force des rois. Ce plan, sire, est celui que votre majesté a fait exécuter dans quelques provinces ; c’est le rétablissement de l’ordre municipal et des pays d’états dans l’étendue de ce ressort. Si la France tient compte au grand prince qui a donné le jour à Louis XV du projet qu’il avait formé de mettre toute la France en pays d’états, quels seraient les sentimens de toute la nation pour le roi qui réaliserait ce projet ! » En 1784, à propos d’un mémoire publié par l’intendant, M. Dupré de Saint-Maur, où il accusait le parlement d’avoir voulu maintenir la corvée pour les chemins, la cour de Bordeaux était revenue à la charge. « Dans les remontrances que vous fîtes en 1779, disait le magistrat qui porta la parole, vous suppliâtes le roi d’établir dans votre ressort les administrations provinciales. Une des premières opérations de ces assemblées eût été sans doute l’abolition de la corvée et la répartition sur tous les ordres de citoyens des sommes nécessaires pour la construction et l’entretien des chemins ; vous l’aviez même annoncé dans vos remontrances. » Et trois ans seulement après cette dernière délibération, quand le roi accordait ce qu’on avait réclamé avec tant d’instance, cette même cour se déclarait avec violence contre sa propre demande ! Et par un entraînement plus déraisonnable encore la cour des aides, le corps municipal, la ville presque entière, l’appuyaient dans sa résistance !

Il semble, quand on lit aujourd’hui les pièces de ce singulier débat, qu’il s’agisse d’un coup de despotisme qui viole et confisque tous les droits, et on a besoin de se redire à tout moment que c’est bien à propos des assemblées provinciales qu’éclate ce débordement, c’est-à-dire de l’acte le plus sage, le plus libéral, le plus utile, de la concession la plus décisive qu’ait jamais faite aucun gouvernement absolu. Pour se mettre à l’abri derrière un vœu national, le parlement réclamait les états-généraux, mais l’un n’empêchait pas l’autre ; les assemblées provinciales étaient au contraire la plus sûre préparation aux états-généraux, accordés en principe par le roi, et qui ne pouvaient tarder longtemps. C’est ce que le garde des sceaux, M. de Lamoignon, ne manqua pas de faire remarquer dans sa réponse au parlement. « Perdant de vue l’objet principal de la formation des assemblées provinciales, vous faites regarder les règlemens qui doivent les diriger comme devant émaner de l’assemblée de la nation. La nation sera assemblée, elle le sera par la volonté du roi, elle le sera au plus tard en 1791[12], d’après sa parole sacrée, et sa majesté recevra de la nation le témoignage de reconnaissance qu’elle lui doit pour le grand bienfait dont vous révoquez en doute l’utilité. Quand nos rois ont établi les parlemens, ils ont voulu instituer des officiers chargés de la distribution de la justice, et non pas élever dans leurs états une puissance rivale de l’autorité royale. Vous vous plaignez de la forme et de l’effet de votre translation ; vous prétendez que c’est contrevenir au traité passé entre Charles VII et les états de Guienne en 1451, et vous taisez qu’en 1462, lors du rétablissement du parlement de Cordeaux par Louis XI, il est dit dans les lettres que la résidence serait à Bordeaux tant qu’il plairait au roi, quamdiu nostrœ placuerit voluntati. Si la justice est interrompue, vous ne pouvez en accuser que vous-mêmes. Vous n’avez rempli à Libourne aucun de vos devoirs. Vous invoquez le serment que vous avez fait d’observer les ordonnances ; elles vous enjoignent de rendre sans interruption la justice aux sujets du roi. »

La cour riposta avec une nouvelle violence ; les avocats s’en mêlèrent et signèrent une adresse au roi pour demander le rappel du parlement. Il n’y eut pas jusqu’aux étudians de l’université qui ne se crussent autorisés à envoyer au garde des sceaux leur protestation. Pour vaincre cette opposition, le gouvernement eut recours aux vieilles armes du pouvoir absolu : il exila les deux syndics de l’ordre des avocats. Les protestations redoublèrent.

Les nouvelles remontrances du parlement, en date du 4 mars 1788, contenaient de nobles principes exprimés en termes solennels. On y disait qu’en France tout, jusqu’au nom de la nation, rappelait l’idée de la liberté, que de tous les hommes les rois étaient ceux qui avaient le plus besoin de l’autorité des lois, que les ordres arbitraires et les lettres de cachet étaient incompatibles avec l’exercice de la justice, etc., vérités éclatantes sans doute, mais qui n’étaient guère à leur place. C’était à Louis XV, en plein despotisme, qu’il fallait tenir ce langage ; sous son successeur, il fallait plutôt ménager l’autorité royale, battue en brèche de tous les côtés et travaillant elle-même à se désarmer. Les autres parlemens n’en vinrent pas moins au secours du parlement de Bordeaux, et Louis XVI vit partout ses intentions méconnues par ceux qui auraient dû lui servir d’appui. Alors survinrent les fameux édite de mai 1788 sur la formation des grands bailliages, sur la suppression des tribunaux d’exception, sur la réforme de la procédure criminelle, sur l’établissement de la cour plénière, qui avaient pour but de réduire l’autorité des cours souveraines[13]. Le parlement de Bordeaux refusa naturellement de les accepter. Le comte de Fumel, commandant de la province après M. de Brienne, se rendit à Libourne pour les faire enregistrer de force ; cette formalité accomplie, le roi permit au parlement de rentrer à Bordeaux, où l’attendait une réception triomphale.

Ainsi finit cette triste querelle ; mais le moment de former l’assemblée provinciale était passé. Il ne paraît pas qu’on ait seulement essayé de la convoquer. L’archevêque de Bordeaux, qui aurait dû la présider, était M. Champion de Cicé, disciple de Turgot et ami de Necker, qui avait déjà présidé avec tant d’éclat l’assemblée de la Haute-Guienne. Ce prélat venait de faire partie de l’assemblée des notables, il allait bientôt être élu aux états-généraux, dont il fut pendant les six premiers mois un des membres les plus importans ; personne n’avait l’esprit plus libre et plus éclairé, et nul doute que, sous sa direction, l’assemblée provinciale de la Basse-Guienne n’eût rendu les plus grands services.

On pouvait aisément en juger par ce qu’avait déjà fait M. de Cicé depuis qu’il occupait son siège archiépiscopal. À Bordeaux comme à Rodez, il déployait une rare activité. Parmi les établissemens fondés par lui se trouvait l’école des sourds-muets, dirigée par le célèbre abbé Sicard. C’est avec les secours et d’après les conseils de l’archevêque que l’abbé Sicard avait fait le voyage de Paris pour apprendre de l’abbé de l’Épée son ingénieuse méthode. L’école qu’il institua à son retour s’ouvrit au mois de janvier 1786. Appelé plus tard à Paris pour succéder à l’abbé de l’Épée, il n’oublia jamais ce qu’il devait à son premier appui. En politique, M. de Cicé ne donnait pas moins l’exemple d’une résolution hardie et intelligente. En revenant de l’assemblée des notables, où il prit une grande part à la constitution des assemblées provinciales, il avait réuni tout son clergé, et là, dans des termes fort nets, il n’avait pas dissimulé que le moment était venu pour les deux premiers ordres de renoncer à leurs privilèges. Il fit plus encore en 1789 : il se mit, avec l’archevêque devienne, à la tête de la majorité du clergé qui se réunit au tiers-état.

Quand on eut ainsi manqué l’occasion d’avoir une représentation locale, on se prit à le regretter. La noblesse de la province se réunit au mois de juin 1788, et signa une adresse au roi pour demander le rétablissement des anciens états, suivant le mot. d’ordre donné par l’Auvergne et le Dauphiné. Dans ce mémoire, mélange bizarre de souvenirs féodaux et de théories radicales, on parlait de tout, de la cour plénière, des parlemens, des justices seigneuriales, des états-généraux, et enfin des états provinciaux. « La Guienne en particulier, sire, a toujours joui de l’avantage d’accorder librement des aides à ses souverains. En 1355, le prince de Galles assembla les états d’Aquitaine à Bordeaux, pour délibérer sur les secours qu’on pouvait accorder au roi de Castille. En 1367, il réunit les états-généraux de cette province à Niort, en Poitou. Peu de temps après, il les assembla encore à Angoulême. On lui accorda l’aide qu’il demandait, mais à condition qu’il reconnaîtrait tous les privilèges de la Guienne, ce qu’il fit par lettres patentes. En réunissant la Guienne à la couronne, Charles VII n’anéantit point ces privilèges ; le traité de 1451 les confirma au contraire dans les termes les plus forts. En conséquence, nos rois ont souvent assemblé les états-généraux de la province. Le prince Charles, frère de Louis XI, les tint à Bordeaux en 1469. En 1521, ils furent réunis pour la rédaction de la coutume ; en 1589, le maréchal de Matignon les assembla encore à Moissac : de sorte que la Guienne a toujours joui, comme le reste du royaume, et par conséquent doit jouir encore du droit inaliénable et imprescriptible de s’imposer elle-même. »

Ce langage laisse percer les prétentions qui. avaient poussé les Bordelais à la résistance. L’étendue de la généralité de Bordeaux paraissait trop petite à l’orgueil local ; on voulait reconstituer l’ancienne Aquitaine, en y comprenant le Poitou, l’Angoumois, la Saintonge, la Gascogne, la Haute-Guienne, le Limousin, c’est-à-dire le ressort entier du parlement, et les délibérations des assemblées provinciales étant soumises à l’approbation du roi, on ne se trouvait pas assez libre, assez indépendant, assez souverain. On ne se contentait même pas du nom d’états provinciaux, on voulait ressusciter les états généraux de la Guienne[14]. Importées en Auvergne par La Fayette, ces idées n’étaient pour lui qu’une fantaisie d’esprit, inspirée par le souvenir de la fédération américaine, et qu’il abandonna bientôt. À Bordeaux, elles avaient une réalité bien autrement vivante. Telles que Louis XVI les avait constituées, les assemblées provinciales conciliaient admirablement les droits des provinces avec l’unité de la monarchie. Tels qu’on les demandait à Bordeaux en 1788, les états provinciaux conduisaient tout droit à une fédération de dix ou douze grandes provinces, et personne ne reculait devant cette conséquence.

On sait ce que Bordeaux a gagné à un pareil rêve. La révolution venue, tout son commerce disparut ; ces quais si animés sont devenus déserts, la population a reculé, la vie s’est éteinte. Le sang de ces hardis parlementaires, de ces éloquens avocats qui traitaient si mal le gouvernement réformateur de Louis XVI, a coulé par la hache ou par le suicide. Sous l’empire, le blocus continental a fini de tout étouffer. Cette ville, qui avait tant contribué par ses députés à l’établissement de la république et à la guerre contre l’Europe, a salué une des premières d’acclamations enthousiastes le retour de la royauté et de la paix. Depuis 1815, elle a reconquis à peu près son ancienne activité, mais sans regagner le temps perdu. La population n’y a pas tout à fait doublé : elle a passé de 90,000 à 150,000, tandis qu’à Liverpool elle a décuplé (de 60,000 à 600,000). C’est maintenant le tour de la ville française de ne pouvoir supporter la comparaison avec le port anglais qu’elle dépassait en 1787, et quant au reste de la généralité, d’immenses solitudes incultes s’étendent toujours jusqu’aux portes de la splendide cité.


V. — GASCOGNE.

La généralité d’Auch comprenait à peu près les deux départemens actuels du Gers et des Hautes-Pyrénées, avec des fractions des départemens voisins. Elle se divisait en cinq élections, Auch, Lomagne, Rivière-Verdun, Comminges et Astarac, qui forment aujourd’hui huit arrondissemens, Auch, Mirande, Lectoure et Lombez dans le département du Gers, Castel-Sarrasin dans le département de Tarn-et-Garonne, Muret et Saint-Gaudens dans la Haute-Garonne, Saint-Girons dans l’Ariège. Le reste, comprenant la Bigorre, les Quatre-Vallées et le petit pays du Nébouzan, enclavé dans le Comminges, c’est-à-dire le département actuel des Hautes-Pyrénées, avec une petite partie de la Haute-Garonne, était pays d’états, et par conséquent s’administrait à part. Formée, dans son ensemble de contrées montagneuses et complètement délaissée par le gouvernement central, cette généralité passait pour la plus pauvre et la moins peuplée ; elle ne contenait, d’après Necker, que 603 habitan3 par lieue carrée.

On fut plus sage à Auch qu’à Bordeaux, et on s’en trouva bien. Quoique la généralité appartînt au ressort du parlement de Bordeaux, il n’y fut tenu nul compte de l’arrêt de défense. L’assemblée provinciale répondit avec empressement à l’appel du roi. Elle se composait de 40 membres. L’archevêque d’Auch, M. de La Tour-du-Pin-Montauban, la présidait. Après lui venaient, dans le clergé, l’évêque de Lescar (M. de Noé) comme abbé de Simorre, l’évêque de Lectoure (M. de Cugnac), l’évêque de Comminges (M. d’Osmont) et l’évêque de Couserans (M. de Lastic) ; dans la noblesse, le marquis d’Angosse, gouverneur et grand-sénéchal d’Armagnac, nommé plus tard aux états-généraux, le comte de Noé, le comte de Montesquiou-Fezensac, frère aîné de l’abbé de Montesquiou, un président du parlement de Toulouse et un avocat-général au même parlement, M. de Catelan, dont l’arrestation et la captivité allaient bientôt faire tant de bruit. L’intendant de la généralité, M. Bertrand de Boucheporn, était commissaire du roi. Les procureurs-syndics élus furent, pour les deux premiers ordres, l’abbé d’Arrêt, grand-vicaire d’Audi, et pour le tiers-état M. Boubée, avocat au parlement et juge-général de l’archevêché.

Cette généralité n’en formait qu’une autrefois avec celle de Montauban ; on les avait séparées en 1710. Quand M. d’Étigny en fut nommé intendant en 1751, il la trouva dans l’état le plus misérable. Sans routes, sans industrie, sans commerce, réduite aux seules ressources d’une agriculture sans débouchés, elle ne parvenait qu’avec des efforts inouïs à réunir le numéraire suffisant pour payer l’impôt. L’administration de M. d’Étigny dura seize ans ; il mourut en 1667. Ce fut un des précurseurs de Turgot. Il provoqua l’établissement d’une société d’agriculture à Auch, une des premières qui furent fondées après celle de Paris. Il traça un grand système de routes qui traversaient la province dans tous les sens, et en fit exécuter une partie avec le seul secours des corvées. Grâce à lui, le pays put exporter une quantité croissante de ses produits pendant les dernières années de Louis XV. Comme M. de Tourny à Bordeaux, mais dans un cadre plus étroit, il dota son modeste chef-lieu de nombreux embellissemens. La ville d’Auch lui a érigé une statue.

Les principaux soins de l’assemblée d’Auch se portèrent sur les travaux des chemins, si importans pour une contrée qui n’avait point de rivières navigables, et où de nombreuses chaînes descendant des Pyrénées interceptaient les communications. Reprenant l’œuvre de M. d’Étigny, elle poursuivit le réseau commencé, mais sans engouement et sans précipitation. On sent dans ses délibérations qu’elle est avant tout préoccupée du désir d’aggraver le moins possible les charges publiques. Elle n’entendit pas moins de huit rapports du bureau des chemins sur tous les détails de ce service. Le nouvel édit, qui ordonnait la conversion de la corvée en une prestation en argent, excitait une certaine rumeur dans la province, où l’argent était rare ; elle demanda au roi l’autorisation de substituer au rachat forcé l’option volontaire.

Encore aujourd’hui, le département du Gers n’a véritablement que deux produits, les blés et les vins, mais il possède la plus grande culture de blé qu’il y ait en France, et il occupe le quatrième rang pour l’étendue de ses vignobles ; il n’a avant lui que l’Hérault, la Charente-Inférieure et la Gironde. Il peut jeter, année commune, dans la circulation générale, déduction faite de sa propre consommation, 500,000 hectolitres de blé et un million d’hectolitres de vin, soit en nature, soit converti en eau-de-vie. Ces énormes masses des denrées les plus encombrantes exigent les moyens de transport les plus perfectionnés, et il n’a eu longtemps que les plus défectueux. On peut dire sans exagération que, s’il avait été placé sur le bord de la mer ou seulement traversé par quelque grand fleuve, la richesse totale y aurait au moins quadruplé. Il pourrait aisément récolter le double de sa production actuelle, et en 1787 il en récoltait à peine la moitié, faute d’un écoulement suffisant. Le vin surtout, qui semble destiné à faire de plus en plus sa richesse, n’y atteignait qu’un prix illusoire ; de nos jours même, on l’a vu souvent à 5 francs l’hectolitre.

D’un autre côté, cette région a toujours été sujette, par sa position au pied des montagnes, à deux grands fléaux, la grêle et l’inondation, et de fréquentes épizooties, résultat inévitable des brusques alternatives dans la production des fourrages, la désolaient périodiquement. L’assemblée provinciale s’occupa de ces diverses questions avec cette prudence pratique qui cherche les véritables remèdes. L’élection d’Astarac, la plus exposée à la grêle, ayant sollicité des secours extraordinaires qui ne pouvaient être demandés qu’à l’impôt ou à l’emprunt, non moins fâcheux l’un que l’autre, l’assemblée les ajourna ; elle se borna à voter des remises de taille en faveur des plus pauvres cultivateurs atteints par le fléau. Toujours animée du même esprit d’économie, elle n’hésita pas à demander la suppression des haras et de la pépinière royale fondée par M. d’Étigny[15]. « Multiplier les chevaux de belle race ou corriger les défauts de l’espèce dominante, disait le bureau du bien public, tel est depuis longtemps l’objet des dépenses et des règlemens des haras. Tant d’efforts n’ont produit aucune amélioration bien sensible. Colbert lui-même, ce ministre habile, ne put mettre cette partie dans un état florissant. En vain fit-il venir des étalons de toutes les parties de l’Europe connues par la beauté de leurs chevaux, tout ce zèle n’eut qu’un succès passager. Le haras créé au Rieutord en faveur de cette province en est une preuve non équivoque : il est tombé quelques années après son établissement, sans nous avoir procuré un avantage réel. Cette partie est administrée, sous l’autorité du directeur-général, par deux inspecteurs, dont l’un a 1,200 livres d’appointemens et l’autre 1,000 livres, et dont les fonctions consistent à faire deux fois par an une revue générale de leurs départemens respectifs. Il y a de plus deux gardes-haras, dont les appointemens sont de 600 livres, et cinquante-cinq gardes-étalons, qui n’ont point de gages, mais qui reçoivent de chaque propriétaire de jument 3 livres et un boisseau d’avoine pour chaque saut, et qui jouissent encore de plusieurs privilèges et exemptions. Malgré la vigilance et le zèle de ceux qui sont préposés à l’exécution des règlemens, nous ne pouvons nous dissimuler que l’espèce des bons chevaux diminue et dépérit tous les jours. Contens des exemptions et des distinctions attachées à leur état, les gardes se mettent peu en peine d’entretenir leur étalon et le font servir à des travaux trop fâtigans. Une liberté indéfinie serait plus avantageuse que ces règlemens, dont il est si aisé d’abuser. Qui sait si le roi ne consentirait pas à détruire ce privilège exclusif, dont l’effet a été d’anéantir la reproduction des bons chevaux ? »

Des raisons analogues étaient invoquées contre la pépinière. « L’objet du gouvernement, disait le même bureau, en établissant la pépinière publique, est de procurer les moyens de multiplier les plantations en fournissant gratuitement des plants de la meilleure qualité. La pépinière d’Auch coûte annuellement 3,370 livres : son objet principal est de fournir des arbres pour planter sur les grands chemins ; mais l’expérience a démontré que les règlemens faits à ce sujet n’ont jamais eu d’exécution, et plusieurs pensent qu’ils seraient aussi préjudiciables au bon état des routes que nuisibles aux propriétés riveraines. Quant aux arbres fruitiers, l’expérience a fait encore reconnaître aux particuliers que les plants les moins chers étaient ceux qu’un marchand avait intérêt de fournir de bonne qualité. L’administration du Languedoc a jugé les pépinières inutiles au progrès des plantations ; celle de la Haute-Guienne a sollicité vivement la suppression de cet établissement. Nous pensons aussi que le commerce libre des arbres procurera tout ce qui sera nécessaire, et que les fonds employés pour l’entretien de la pépinière royale d’Auch peuvent recevoir une destination plus utile. »

Jusqu’en 1775, le privilège des messageries et voitures publiques, réuni à la ferme générale des postes, ne s’était pas étendu à la province ; on y jouissait d’une liberté qui avait facilité l’établissement de moyens de transport à bon marché. Introduit depuis 1775, le privilège avait amené ses conséquences ordinaires. Armés de règlemens vexatoires, les fermiers prétendaient prélever des droits et empêcher la circulation sur les routes où ils n’avaient pas établi de voitures. L’assemblée supplia le roi de rendre à la province son ancienne liberté pour les transports, et, en attendant l’expiration des engagemens pris, d’ordonner que les droits ne seraient perçus au profit des fermiers que sur les routes où ils auraient établi un service régulier. Comme moyen de parer aux inondations, elle prépara le redressement et le curage des rivières ; mais là encore elle refusa de s’engager dans des dépenses précipitées : elle demanda aux communes riveraines de s’imposer elles-mêmes, promettant d’accorder de son côté des secours, soit sur les fonds des ateliers de charité, soit sur ceux affectés à la navigation. À propos de ce dernier service, elle remarqua les frais excessifs de l’administration, qui absorbaient en appointemens 7,400 livres par an sur 37,000, et annonça l’intention d’en économiser une partie.

Pour les vingtièmes, elle accepta avec empressement l’offre d’un abonnement, en demandant une réduction de 200,000 livres sur le chiffre. La taille était réelle dans la province, c’est-à-dire que les biens roturiers y étaient seuls assujettis. Le cadastre de 1669, qu’elle avait en commun avec la Haute-Guienne, devenant tous les jours plus défectueux, la Haute-Guienne en avait fait faire un autre sous la direction de M. de Richeprey. L’assemblée d’Auch hésita à suivre cet exemple, qui entraînait d’assez grands frais ; elle commença par adopter tous les autres moyens mis en usage dans la province voisine pour améliorer la perception de la taille et de ses accessoires, pour diminuer les frais de contrainte, pour alléger le fardeau de la capitation et de ce qu’on appelait les droits réservés. Dans aucune de ces délibérations, elle ne manquait de rappeler au gouvernement que cette généralité, la plus pauvre de toutes, méritait des ménagemens particuliers, et qu’elle payait déjà plus que sa part dans la levée générale des impôts.

Cette épargne scrupuleuse de l’argent des contribuables, cette aversion éclairée pour toute espèce de monopole, comme pour tout gaspillage administratif, font d’autant plus d’honneur à l’assemblée provinciale d’Auch, qu’il ne s’y mêlait jamais aucun mot amer. La portion de la France qui aurait eu le plus le droit de se plaindre donnait l’exemple de la plus entière confiance dans les intentions paternelles du roi. Cette généralité a beaucoup perdu en cessant de s’administrer elle-même. Le concordat a supprimé les quatre évêchés qui formaient cortège au siège archiépiscopal d’Auch, et deux des villes qui les renfermaient, Saint-Bertrand-de-Comminges et Saint-Lizier-de-Couserans, ne sont plus que des villes mortes. Le département du Gers n’a gagné que bien peu d’habitans depuis 1787 malgré ses ressources naturelles. On n’a fait, pour améliorer le régime de ses rivières, que des efforts tardifs et bien vite interrompus, et il a été complètement oublié jusqu’ici dans la distribution des voies ferrées, tandis que d’autres parties du territoire abondent en canaux et en chemins de fer exécutés aux frais de la communauté.


VI. — ROUSSILLON.

La généralité de Perpignan avait longtemps compris le Roussillon et le comté de Foix, le comté de Foix en avait été détaché en 1783, et elle n’embrassait plus que le Roussillon avec ses annexes ordinaires, la Cerdagne et le Contient, c’est-à-dire le département actuel des Pyrénées-Orientales. Réunie à la France par Richelieu, cette ancienne possession espagnole n’avait pas conservé d’administration provinciale indépendante ; mais l’esprit municipal y était très puissant comme dans tous les pays autrefois soumis à la domination romaine. Institutions et mœurs, tout y avait un caractère fortement démocratique. L’importance de Perpignan comme ville frontière y avait fait établir un gouvernement militaire, et le gouverneur, le maréchal de Mailly, avait conquis une grande popularité par l’éclat de son administration.

L’assemblée provinciale du Roussillon se composait de 28 membres pour une population totale d’un peu plus de 100,000 âmes ; elle avait pour président l’évêque d’Elne. Dans le clergé siégeaient encore don Louis de Campredon, grand-sacristain de l’abbaye de Saint-Michel de Cuixa, et dom de Gispert, prieur claustral de l’abbaye d’Arles ; dans la noblesse, don Pierre de Margarit, marquis d’Aguilar, et don Abdon-Sennen de Ros, comte de Saint-Feliu ; dans le tiers-état, des consuls, des négocians, des propriétaires. Les procureurs-syndics élus furent don Raymond de Matheu-Bou, chevalier, pour les deux premiers ordres, et M. de Llucia, citoyen noble, pour le tiers-état. Tous ces noms portent l’empreinte de la langue catalane ; mais les procès-verbaux sont en français[16], et tout ce qu’ils contiennent montre que les idées françaises avaient complètement gagné le Roussillon. L’assemblée se réunit à Perpignan le 15 décembre 1787. L’intendant, M. de Saint-Sauveur, remplissait les fonctions de commissaire du roi.

Les délibérations n’offrent d’intérêt qu’en ce qui concerne les travaux publics. Pays montagneux et brûlant, le Roussillon est sujet à des violences de climat, qui rendent ces travaux à la fois plus nécessaires et plus difficiles qu’ailleurs. « Dans d’autres provinces, disait le rapport de la commission intermédiaire, les assemblées peuvent fixer leurs yeux sur des routes perfectionnées ; pour nous, c’est sur des ruines que nous devons arrêter votre attention. Les montagnes qui nous ceignent donnent naissance à une infinité de torrens qui joignent à un volume d’eau très considérable l’impétuosité d’une chute presque perpendiculaire : de là la nécessité de multiplier sur les routes les ouvrages d’art, de là la stabilité si précaire de ceux qui existent. Les chaussées elles-mêmes, entamées par des ravins ou percées par des rivières, sont plutôt des monumens de nos désastres que des témoins des dépenses employées à leur confection. »

Le principal de ces travaux était la digue Orry, ainsi nommée du nom de l’intendant qui l’avait fait construire ; élevée pour contenir les eaux de la Tet, elle défendait la route du Languedoc en Espagne par Perpignan, la principale artère de la province. Cette digue avait été rompue en 1777, et il devenait nécessaire, pour la fortifier, d’en doubler la longueur. De tous côtés se présentaient des ponts à construire ou à relever, des routes à réparer ou à ouvrir, et l’assemblée ne pouvait disposer que d’un fonds annuel de 218,000 livres, y compris 39,000 livres pour le rachat des corvées et 75,000 livres de secours extraordinaires donnés par le roi. On calculait qu’avec ces ressources les ouvrages les plus urgens pouvaient être faits dans un délai de vingt ans. L’assemblée exagéra, suivant l’usage, ses besoins et sa pauvreté, pour obtenir autant que possible de nouveaux secours ; elle demanda en outre au maréchal de Mailly, vu la rareté des bras, 300 hommes choisis dans les régimens sous ses ordres pour être employés aux travaux publics.

Le principal intérêt du Roussillon était alors, comme aujourd’hui, la grande entreprise de Port-Vendres. Vauban avait le premier appelé l’attention sur ce port, isolé à l’extrémité du territoire ; mais ses plans n’avaient reçu aucune exécution jusqu’à Louis XVI. Le maréchal de Mailly n’eut pas de peine à exciter l’intérêt du jeune roi, dont la sollicitude pour la marine était bien connue, en faveur de cette crique déserte où n’abordaient que quelques bateaux pêcheurs, mais qui pouvait devenir à peu de frais un port de commerce et de guerre important. Il fut aidé par l’intendant, M. de Saint-Sauveur, qui a raconté lui-même en ces termes, dans un mémoire écrit en 1789, les résultats de leurs efforts communs : « Les travaux de Port-Vendres ont occupé toute l’attention de M. le maréchal de Mailly, à qui on doit la création de ce port, établi en quinze années avec moins de 1,600,000 l. de dépenses, dont les fonds de la marine et de la guerre ont fourni plus de la moitié. L’ouvrage est à sa fin, et la province a un port de la plus grande sûreté, capable de recevoir des frégates avec plus de deux cents navires marchands de toute grandeur. Ce port est embelli avec toute la décoration possible et défendu par des batteries et par un fort qui le rendent pour ainsi dire inattaquable. Il est en activité entière, et les droits du roi, plus que décuplés en 1788, ont déjà prouvé combien il sert à l’accroissement du commerce du Roussillon. Il fallait peupler ce lieu : le roi acheta, sur ma proposition, des terrains autour du port pour bâtir des maisons, et ces terrains furent donnés à ceux qui se soumettaient à les construire. »

L’assemblée provinciale n’eut à s’occuper de Port-Vendres que pour demander la continuation des travaux, car l’intendant forçait un peu le tableau, et si tout était très bien commencé, rien n’était précisément fini. Au milieu des quais nouvellement construits s’élevait un obélisque dédié au roi, témoignage à la fois de reconnaissance et d’espérance. Le maréchal de Mailly jouissait toujours du même crédit auprès de Louis XVI, qu’il défendit de sa personne au 10 août malgré ses quatre-vingt-quatre ans. Pendant la révolution, tout fut abandonné ; l’obélisque reçut en 1793 de barbares outrages, le maréchal de Mailly mourut sur l’échafaud. Il a fallu attendre jusqu’à la loi de 1845, c’est-à-dire près de soixante ans, pour reprendre cette œuvre utile, qui n’est pas encore arrivée à son terme, et que doit prochainement compléter l’ouverture d’un chemin de fer. La situation de Port-Vendres au milieu d’une côte inhospitalière en fait un lieu de refuge précieux, et son importance s’est fort accrue depuis la conquête de l’Afrique.

Le Roussillon n’acquittait pas de tailles, et les impôts y étaient fort modérés, puisqu’on n’y payait en tout, d’après Necker, que 13 livres 15 sols par tête. La prospérité s’y développait rapidement. De grandes plantations de vignes, de nombreux défrichemens datent de cette époque. La province était déjà abonnée pour les vingtièmes ; l’assemblée consentit en principe à l’augmentation demandée, mais en réduisant son offre à la modique somme de 20,000 livres, « non comme une preuve de ses forces réelles, mais comme un gage de sa fidélité et de son obéissance. » Quand il fut question d’attribuer au clergé sa part d’impôts, l’évêque d’Elne, président, dit qu’une assemblée générale du clergé devant se réunir au mois de mars suivant pour délibérer sur ce sujet, il demandait un sursis jusque-là, se déclarant d’avance prêt à se soumettre à la décision du roi, ce qui fut accepté sans discussion.

La société royale d’agriculture de la province ayant tenu pendant la session une séance publique, l’assemblée tout entière voulut y assister. Elle entendit en outre un rapport du bureau du bien public sur les besoins de l’agriculture locale. Le bureau y insistait sur la nécessité de reboiser les montagnes et de couvrir de plantations les bords des torrens jusqu’à leur embouchure, pour rompre la violence de leurs eaux. Rappelant les merveilleux effets des anciens canaux d’arrosage qui fertilisaient depuis neuf siècles une partie du Roussillon, il proposait d’en ouvrir de nouveaux et d’y consacrer, outre les souscriptions particulières, les fonds des ateliers de charité. Il réclamait la suppression ou l’adoucissement du droit perçu sur les huiles, qui mettait obstacle à la culture de l’olivier. Recherchant la cause du bas prix où étaient tombés les vins, il se demandait s’il ne serait point possible d’ouvrir des souscriptions pour envoyer directement des bâtimens chargés de vin en Angleterre et en Amérique. Enfin, le pays produisant des laines qui avaient alimenté autrefois un grand commerce de draperie, il proposait, pour les améliorer, l’achat de deux cents béliers des meilleures races d’Afrique et d’Espagne. Ce projet ne put recevoir de réalisation immédiate ; mais, exécuté douze ans après par l’administration départementale, il a doté le Roussillon d’une race ovine justement estimée.

Pour la formation des assemblées secondaires, la province était divisée en deux districts, subdivisés eux-mêmes en sept arrondissemens, chefs-lieux Perpignan, Elne, Thuir, Arles, Vinça, Olette et Saillagousse. Ces bourgs ne sont aujourd’hui que des chefs-lieux de canton. La seconde ville du département et la plus riche en souvenirs, Elne, dont le nom vient de l’impératrice Hélène, mère de Constantin, n’est plus même un chef-lieu de canton.

Nous avons passé en revue vingt généralités sur vingt-six, dont se composaient les pays d’élection. Dans toutes, excepté trois, les assemblées provinciales s’étaient constituées, et dans celles où elles n’avaient pu s’organiser complètement, la Saintonge, le Limousin et la Guienne, elles ne rencontraient qu’un obstacle passager. Elles n’avaient reçu une véritable atteinte qu’en Auvergne, et là ce n’était pas la résistance du passé, mais l’impatience de l’avenir qui mettait en question leur existence. Il nous reste à étudier les six généralités de l’est de la France. Dans quatre d’entre elles, celles de Nancy, de Metz, de Strasbourg et de Lyon, nous trouverons encore les assemblées provinciales en pleine activité et en plein succès. Deux seulement, celles de Besançon et de Grenoble, nous présenteront un spectacle différent ; c’est surtout dans le Dauphiné que nous verrons reparaître et grandir, à la faveur de circonstances historiques, le mouvement dont l’Auvergne avait donné le signal, et qui, se répandant de proche en proche, finit par faire tout échouer. Ce ne sera plus une réforme, mais une révolution.

  1. Les nouveaux chefs-lieux sont Bellac, Rochechouart, Saint-Yrieix, Ussel et Ruffec.
  2. Livraison du 15 janvier 1862.
  3. Les procès-verbaux de l’assemblée du Limousin n’ont pas été imprimés ; j’ai eu recours à l’obligeance de M. Maurice Ardant, archiviste de la Haute-Vienne.
  4. Les nouveaux chefs-lieux sont Thiers, Ambert et Murat.
  5. Le marquis de Montagu, fils du vicomte de Beaune, venait d’épouser une des cinq filles du duc d’Ayon et par conséquent une sœur de Mme de La Fayette.
  6. Dans une lettre de La Fayette à M. de Latour-Maubourg, écrite vers la fin de 1789 et publiée pour la première fois par M. Mortimer-Ternaux dans les notes de son Histoire de la Terreur, on trouve le passage suivant, qui montre qu’il avait réfléchi depuis l’assemblée provinciale d’Auvergne : « Faites les assemblées provinciales très dépendantes du pouvoir exécutif, et multipliez les provinces jusqu’au nombre de soixante ou même de quatre-vingts, pour leur ôter l’idée de faire des états fédératifs. »
  7. Allusion à ce qui venait de se passer a l’assemblée des notables, où M. de Calonne et après lui M. de Brienne avaient annoncé la suppression des douanes intérieures.
  8. 1 vol. in-4o, imprimé à Riom.
  9. Il n’existe aucun document imprimé sur les assemblées provinciales de cette généralité. M. de Magnitot, préfet de la Nièvre, et M. Genteur, préfet de l’Allier, ont bien voulu m’ouvrir les archives de leurs départemens ; je dois aussi des remerciemens à MM. Alary et Clairefond, membres de la Société d’émulation de Moulins.
  10. Evaux n’est plus aujourd’hui qu’un chef-lieu de canton ; les deux nouveaux arrondissemens sont La Palisse dans l’Allier et Aubusson dans la Marche.
  11. La colonne de la place Vendôme, élevée plus tard, n’a que cent trente pieds.
  12. Ce délai avait paru nécessaire pour laisser aux assemblées provinciales le temps de s’asseoir ; l’impatience générale fit avancer de deux ans la convocation.
  13. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner en détail ces édits, qui précipitèrent la révolution en voulant la prévenir. Disons seulement que l’institution des grands bailliages est devenue plus tard celle des cours d’appel. Ils devaient être au nombre de 47.
  14. Recherches sur le droit public et les états-généraux de Guienne, par l’avocat Lumière, Bordeaux 1788.
  15. Il est à remarquer que le nom de M. d’Étigny n’est jamais prononcé dans les procès-verbaux ; son administration passait sans doute pour dépensière.
  16. 1 vol. in-4o, imprimé à Narbonne, chez la veuve Besse, imprimeur des états du Languedoc. Ce sont les seuls procès-verbaux qui n’aient pas été imprimés dans la province même ; Perpignan ne possédait pas sans doute d’imprimerie suffisante.