Les Avadânas, contes et apologues indiens/113

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 125-128).


CXIII

LE MÉDECIN, LA COURTISANE ET LE VOLEUR.


Un médecin, une courtisane et un voleur étant morts, se présentèrent ensemble devant le roi des enfers qui leur demanda quel métier ils avaient exercé pendant leur vie. « Votre sujet, dit le premier, pratiquait la médecine. Lorsqu’un homme était dangereusement malade je pouvais le délivrer de la mort et le ramener à la vie. »

Le roi entra dans une grande colère et dit : « J’envoyais constamment des démons pour amener ici les criminels, et toi, au contraire, tu me les reprenais, et tu résistais à mes ordres, pour ta punition tu mériterais d’être jeté dans une chaudière d’huile bouillante. »

Il interrogea ensuite la courtisane. « Pour moi, répondit-elle, par l’effet de mes caresses et de mes complaisances, j’ai ruiné une multitude d’hommes et les ai fait descendre dans votre empire.

— À merveille, s’écria le roi, je vous renvoie sur la terre et vous accorde encore douze ans d’existence. »

Le roi ayant interrogé le voleur, celui-ci répondit : « J’exerçais le métier de voleur. Si un homme faisait sécher au soleil de beaux habits, s’il laissait tramer de l’argent, je lui rendais le service de ramasser ces objets et de les mettre en lieu sûr. Beaucoup d’hommes, que j’avais dépouillés de tout, se sont dégoûtés de la vie ou sont morts de désespoir. »

Le roi fut charmé de cette réponse et s’écria : « Cet homme m’a rendu des services et a secondé mes efforts. Qu’on le renvoie sur la terre avec un supplément de dix ans de vie. »

À ces mots, le médecin se jeta aux pieds du roi et lui dit en pleurant : « Grand roi ! puisque votre majesté rend de tels jugements, je vous supplie de me renvoyer sur la terre. J’ai encore, dans ma maison, un fils et une fille. J’ordonnerai à mon fils de se mettre voleur et à ma fille d’embrasser le métier de courtisane. »