Les Avadânas, contes et apologues indiens/16

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (1p. 78-80).


XVI

LE BRÂHMANE ET LA RELIGIEUSE.

(De ceux qui travaillent à leur perfection intérieure.)


Il y avait un brâhmane qui, pour se mortifier, portait constamment un vêtement grossier, et faisait subir à son corps cinq sortes de brûlures. C’est pourquoi les hommes de son temps l’avaient surnommé Bhângakadagdha[1]. À cette époque, une Bhikchoun’i (religieuse bouddhiste) l’ayant vu, lui paria ainsi : « Vous ne brûlez point ce qui doit être brûlé, et vous brûlez ce qui ne doit pas être brûlé. »

En entendant ces mots, le brâhmane fut transporté de colère, et lui dit : « Misérable tondue, qu’entendez-vous par ce qu’il faut brûler ?

— Si vous voulez savoir, lui dit-elle, l’endroit qu’il faut brûler, brûlez seulement la colère de votre cœur. Si vous pouvez brûler votre cœur, ce sera un cœur pur et sincère. Quand un bœuf est attelé à un char, si le char ne marche pas, il faut frapper le bœuf, et non le char. Le corps est comparable au char, et le cœur à ce bœuf. Il faut conclure de là que vous devez brûler votre cœur. À quoi bon torturer votre corps ? Le corps est comme une pièce de bois inerte, comme un mât de navire ; si vous le brûlez, à quoi cela vous avancera-t-il ? »

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Ta-tchoang-yen-king-lun, livre II.)
  1. En chinois Leou-ho-tchi, mot formé de Leou-ho, vêtement grossier de fil de chanvre, et de tchi, brûlé. Je ne puis garantir le nom sanscrit. J’ai tiré le mot Bhângaka, vêtement de fil de chanvre, du Dictionnaire Mahavyoutpatti, fol. 207. Dagdha est le mot sanscrit le plus usité pour dire brûlé.