Les Avadânas, contes et apologues indiens/83

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Traduction par Stanislas Julien.
Paris B. Duprat (2p. 35-37).


LXXXIII

L’HOMME STUPIDE ET LE PAVILLON À TROIS ÉTAGES.

(Rien ne se fait que par degrés.)


Il y avait jadis un homme riche qui était fort stupide et ne comprenait rien. Étant allé dans la maison d’un autre homme, également riche, il vit un pavillon à trois étages, qui étaient hauts, élégants, et ornés de balustrades à claire-voie. Il éprouva un sentiment d’admiration et d’envie, et se dit en lui-même : « Ma fortune n’est pas inférieure à la sienne ; pourquoi ne ferais-je pas construire tout de suite un pavillon semblable ? »

Il appela aussitôt un charpentier et lui dit : « Êtes-vous capable de me faire un bâtiment aussi beau que celui-là ?

— Sans doute, dit l’ouvrier, puisque c’est moi-même qui l’ai construit.

— Eh bien ! dit-il, faites-moi, sans tarder, un pavillon absolument pareil. »

Le charpentier mesura le terrain, amassa des briques, et se mit à construire le pavillon. Mais l’homme stupide lui dit : « Je ne veux pas des deux étages inférieurs ; faites-moi d’abord l’étage supérieur.

— Cela est impossible, répondit l’ouvrier. Comment pourrait-on faire les deux étages supérieurs sans construire celui qui est le plus bas ? Si l’on ne fait pas d’abord les deux premiers étages, comment construire le troisième ? »

Mais l’homme stupide, persistant dans son idée, lui dit : « Je n’ai pas besoin des deux étages inférieurs, et je veux absolument que vous vous borniez à me construire le plus élevé des trois. »

(Extrait de l’ouvrage intitulé : Pe-yu-king, ou Livre des cent comparaisons, partie I.)