Les Aventures de Télémaque/Fables/11

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XI. L’Abeille et la Mouche.




Un jour, une abeille aperçut une mouche auprès de sa ruche. Que viens-tu faire ici ? lui dit-elle d’un ton furieux. Vraiment, c’est bien à toi, vil animal, à te mêler avec les reines de l’air ! Tu as raison, répondit froidement la mouche : on a toujours tort de s’approcher d’une nation aussi fougueuse que la vôtre. Rien n’est plus sage que nous, dit l’abeille : nous seules avons des lois et une république bien policée ; nous ne broutons que des fleurs odoriférantes ; nous ne faisons que du miel délicieux, qui égale le nectar. Ôte-toi de ma présence, vilaine mouche importune, qui ne fais que bourdonner, et chercher ta vie sur des ordures. Nous vivons comme nous pouvons, répondit la mouche : la pauvreté n’est pas un vice ; mais colère en est un grand. Vous faites du miel qui est doux, mais votre cœur est toujours amer ; vous êtes sages dans vos lois, mais emportées dans votre conduite. Votre colère, qui pique vos ennemis, vous donne la mort ; et votre folle cruauté vous fait plus de mal qu’à personne. Il vaut mieux avoir des qualités moins éclatantes, avec plus de modération.