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Les Aventures de Télémaque/Fables/26

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Didot (p. 497-499).
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XXVI. Chasse de Diane.




Il y avait dans le pays des Celtes, et assez près du fameux séjour des druides une sombre forêt dont les chênes, aussi anciens que la terre, avaient vu les eaux du déluge, et conservaient sous leurs épais rameaux une profonde nuit au milieu du jour. Dans cette forêt reculée était une belle fontaine plus claire que le cristal, et qui donnait son nom au lieu où elle coulait. Diane allait souvent percer de ses traits des cerfs et des daims dans cette forêt pleine de rochers escarpés et sauvages. Après avoir chassé avec ardeur, elle allait se plonger dans les pures eaux de la fontaine, et la Naïade se glorifiait de faire les délices de la déesse et de toutes les Nymphes. Un jour Diane chassa en ces lieux un sanglier plus grand et plus furieux que celui de Calydon. Son dos était armé d’une soie dure, aussi hérissée et aussi horrible que les piques d’un bataillon. Ses yeux étincelants étaient pleins de sang et de feu. Il jetait d’une gueule béante et enflammée une écume mêlée d’un sang noir. Sa hure monstrueuse ressemblait à la proue recourbée d’un navire. Il était sale et couvert de la boue de sa bauge, où il s’était vautré. Le souffle brûlant de sa gueule agitait l’air autour de lui, et faisait un bruit effroyable. Il s’élançait rapidement comme la foudre ; il renversait les moissons dorées, et ravageait toutes les campagnes voisines ; il coupait les hautes tiges des arbres les plus durs, pour aiguiser ses défenses contre leurs troncs. Ses défenses étaient aiguës et tranchantes comme les glaives recourbés des Perses. Les laboureurs épouvantés se réfugiaient dans leurs villages. Les bergers, oubliant leurs faibles troupeaux errants dans les pâturages, couraient vers leurs cabanes. Tout était consterné ; les chasseurs mêmes, avec leurs dards et leurs épieux, n’osaient entrer dans la forêt. Diane seule, ayant pitié de ce pays, s’avance avec son carquois doré et ses flèches. Une troupe de Nymphes la suit, et elle les surpasse de toute la tête. Elle est dans sa course plus légère que les zéphyrs, et plus prompte que les éclairs. Elle atteint le monstre furieux, le perce d’une de ses flèches au-dessous de l’oreille, à l’endroit où l’épaule commence. Le voilà qui roule dans les flots de son sang : il pousse des cris dont toute la forêt retentit, et montre en vain ses défenses prêtes à déchirer ses ennemis. Les Nymphes en frémissent. Diane seule s’avance, met le pied sur sa tête, et enfonce son dard ; puis se voyant rougie du sang de ce sanglier, qui avait rejailli sur elle, elle se baigne dans la fontaine, et se retire charmée d’avoir délivré les campagnes de ce monstre.