Les Aventures de Til Ulespiègle/C
CHAPITRE C.
lespiègle étant à Brunswick, et voyant que
tous les employés du prince étaient à leur
aise, se demandait comment il pourrait s’y
prendre lui-même pour devenir riche. Il pria le
prince de lui confier pour quelques années la garde
de ses troupeaux, ajoutant qu’il ne demandait pas
de gages. Le prince la lui accorda pour dix ans. Se
voyant à la tête de troupeaux considérables, il
écrivit à une ville du pays qu’il avait entendu dire
qu’elle avait de bons pâturages, et qu’il se proposait
d’y amener les troupeaux du prince. Les bourgeois
eurent peur qu’il ne ruinât leurs pâturages, de sorte
qu’il ne leur resterait rien pour leurs propres bestiaux,
et ils lui envoyèrent vingt florins pour l’empêcher
de venir. Ulespiègle se dit que son affaire allait bien : il écrivit à une autre ville, qui lui envoya
aussi de l’argent, et ainsi de suite ; si bien que, peu
de temps après, il était bien vêtu et pourvu d’argent.
Le prince lui demanda comment il s’y était pris.
Ulespiègle lui répondit : « Gracieux seigneur, voici
l’explication : il n’y a d’emploi si petit qui ne rapporte
quelque chose. » D’autres prétendent qu’il
répondit : « Il n’y a pas d’emploi si petit que le
diable n’y ait part. »