Les Belles-de-nuit ou Les Anges de la famille/Tome V/13

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Méline, Cans et Compagnie (Tome Vp. 257-274).


III

louis de penhoël.


La lutte était entre Robert et le marquis ; Blaise et Bibandier se taisaient. Macrocéphale jetait des regards effarés vers le pauvre grabat de Benoît.

— S’il ne s’agissait que du rachat de Penhoël, reprit Robert, je n’aurais pas même eu l’idée de venir vous déranger, M. le marquis… mais vous avez bien d’autres choses à craindre… Savez-vous que ce Louis de Penhoël est un rude adversaire ?…

— Vous l’avez vu ?… demanda Pontalès.

— Comme je vous vois, M. le marquis.

— Est-il toujours fort ?

— Toujours fort… toujours beau… toujours jeune !… Le jour où votre fils est tombé sous son épée, Louis de Penhoël est sorti vainqueur de quatre autres duels.

— Mon pauvre fils ! murmura Pontalès qui avait un peu oublié sa douleur paternelle ; mais vous dites qu’il n’est pas mort… et à son âge, on revient de loin… Voyons, messieurs, ajouta-t-il en donnant à son visage cette expression de bonhomie que nous lui connaissions jadis, j’ai regretté bien souvent de m’être séparé de vous… et une fois passé le premier instant de surprise, je suis plutôt joyeux que mécontent de vous revoir.

Robert lui tendit la main.

— Voilà qui est parler, Pontalès !… s’écria-t-il ; d’autant mieux que votre sincérité est à l’abri de tout soupçon ! Puisque vous le prenez ainsi, comme il faut, je vais jouer cartes sur table… D’abord, nous ramenons de Paris René de Penhoël et sa femme.

— Ah !… fit Pontalès, c’est vous qui les ramenez ?

— Naturellement… Il nous fallait bien une arme contre votre habileté grande, M. le marquis… De manière ou d’autre, Penhoël possède les fonds qui doivent servir au rachat… Or, je ne veux pas vous le cacher, M. le marquis, le jour où Penhoël rentrera dans son manoir, vous serez bien près de quitter votre beau château et tous vos magnifiques domaines…

— Comment cela ?

Robert tira sa montre.

— Dix heures !… murmura-t-il en se parlant à lui-même ; dans une demi-heure René sera ici… Pardonnez-moi si je n’entre pas dans des explications détaillées, car le temps nous presse, et c’est à peine si nous pourrons dresser les actes qu’il nous faudra signer.

Pontalès ne répondit point, mais son regard fit le tour de l’assistance.

— Sans doute… sans doute ! reprit Robert qui interprétait ce coup d’œil furtif et peureux, nous sommes trois contre un… car maître le Hivain observera la neutralité la plus absolue, en cas de guerre déclarée… Nous pourrions user de violence à notre aise… mais ne craignez rien, M. le marquis… nous n’aurons pas besoin de cela… Notre intérêt veut qu’une alliance soit conclue entre vous et nous… alliance solide, cette fois, et que votre caprice ne puisse plus rompre…

Il se tourna vers l’homme de loi, qui chauffait ses grands souliers ferrés au coin de la cheminée.

— Préparez votre plume et votre encre, M. le Hivain, reprit-il ; voici deux feuilles de papier timbré… Ayez l’obligeance de nous minuter un acte passé entre M. de Pontalès d’une part, et nous trois de l’autre, lequel acte divise en quatre portions égales les anciens domaines de Penhoël.

— Et je n’aurai qu’un quart ?… grommela le marquis.

— Chacun de nous, répliqua Robert, aura l’un des trois autres quarts.

— J’aime mieux subir le rachat.

Robert donna les deux papiers timbrés à l’homme de loi.

— Permettez ! dit-il en faisant à Pontalès un petit signe de tête amical, vous n’avez pas tout à fait le choix… Si nous ne sommes pas avec vous, nous serons contre vous… n’est-ce pas, mes braves ?

Blaise et Bibandier s’agitèrent sur leurs escabelles.

— Et si nous sommes contre vous, reprit Robert, nous ramènerons sur le tapis certaines vieilles histoires qui vous donneront bien du fil à retordre… Maître le Hivain, écrivez un peu plus vite !

— À quoi bon ?… dit tout bas Pontalès, je ne signerai pas.

— Vous signerez, mon vieil ami !… Figurez-vous que le diable s’est mêlé de nos affaires : les deux filles de l’oncle Jean ne sont pas mortes.

Pontalès tressaillit.

— Le vieux Benoît vient de vous le dire dans son langage original. Elles sont, ma foi ! pleines de vie et n’ignorent rien de votre bonne volonté à leur égard… Mais voilà le plus curieux : c’est par leur entremise que Louis de Penhoël a retrouvé sa famille… Il les aime à la folie… Et je vous promets que si jamais il passe l’Oust, à Port-Corbeau, vous aurez bien vite de ses nouvelles.

— Voici l’un des doubles…, dit Macrocéphale.

Robert y jeta un rapide coup d’œil.

— C’est parfait !… dit-il ; tirez-en la copie.

Le Hivain se remit au travail.

— Mais enfin…, murmura Pontalès qui semblait hésiter, en quoi la signature de cet acte pourrait-elle me protéger ?

— Dans un quart d’heure, répondit l’Américain, René va demander le bac… nous sommes armés sous nos manteaux, et je vous ai apporté un poignard, M. le marquis.

— À moi ?

— À vous !… car, cette fois, chacun mettra la main à l’œuvre… Nous serons cinq, en comptant maître le Hivain, qui ne nous refusera point son aide.

— Je suis un homme paisible, balbutia Macrocéphale.

— Vous ferez nombre… Et cela ne sera pas inutile… car nous aurons peut-être plus d’un adversaire à combattre.

— Louis de Penhoël ?… prononça Pontalès à voix basse.

— Louis de Penhoël…, répéta l’Américain.

Il parlait ici contre sa pensée. Selon lui, le nabab devait être encore à Paris, ou, tout au plus, sur la route de Bretagne. Mais il lui fallait un autre épouvantail que René.

Pontalès hésitait encore.

Macrocéphale venait d’achever la copie de l’acte.

M. le marquis, dit Robert, il faut vous décider… Si vous ne signez pas, nous allons faire nous-mêmes l’office de passeurs, et amener ici les deux Penhoël… Il faut que vous compreniez bien votre situation… Vous avez affaire ici à trois hommes qui n’ont plus rien à perdre, et qui, peut-être, gardent contre vous quelque petite rancune… Ces hommes sont habitués à mettre leur intérêt avant toute idée de vengeance… Profitez, croyez-moi, de leur sagesse !… car, si vous perdez l’occasion, ce soir, demain, ces hommes porteront témoignage dans l’accusation de vol et d’assassinat que les deux Penhoël comptent vous intenter.

Pontalès pressa son front chauve entre ses deux mains.

Un cri retentissant se fit entendre au dehors, dans la direction de la route de Redon.

On disait :

— Au bac !… ho !… ho !…

Le vieux passeur s’agita une seconde fois sous sa couverture, comme si ce cri eût remué son agonie.

— Le voilà !… murmura-t-il de sa voix creuse et haletante. Je le reconnais !… Mon Dieu !… donnez-moi une heure de vie, pour que le serviteur puisse saluer son maître avant d’aller vers vous.

Pontalès saisit une des copies et apposa convulsivement sa signature au bas du papier.

Tout le monde se leva. Robert souffla la résine.

La voix de l’agonisant s’éleva encore dans la nuit.

— Il a signé !… murmura-t-il mais Dieu veille !… Assassins… assassins, malheur à vous !…

La porte avait été ouverte. Bibandier, Pontalès et l’homme de loi étaient déjà dehors.

— Voilà trois mois que le vieux agonise !… grommela Blaise, et son témoignage serait terrible en cas de malheur…

— Sors !… dit Robert.

Blaise sortit.

Au lieu de le suivre, l’Américain se dirigea en tâtonnant vers le lit du mourant.

D’un geste brusque il retira l’oreiller de paille qui soutenait la tête de Benoît.

Celui-ci poussa un cri faible. Sa tête pendait maintenant renversée, et le souffle s’arrêtait dans sa gorge.

— Je l’avais dit !… balbutia-t-il en luttant contre la dernière étreinte de la mort ; je l’avais dit !… Mon corps était à toi… Que Dieu et la Vierge aient pitié de mon âme !…

Le silence régna dans la loge. Robert, dont le front pâle s’inondait d’une sueur froide, avait rejoint ses quatre compagnons. Ils entrèrent tous les cinq dans le bac. Pontalès et Macrocéphale lui-même étaient armés de couteaux apportés par Robert.

Pontalès avait un tremblement nerveux par tout le corps ; ce fut lui qui sauta le premier dans le bateau.

— Ils ont jusqu’à minuit ! murmura-t-il ; jusqu’à minuit, tous ceux qui tenteront de passer la rivière doivent mourir !

Son esprit semblait frappé violemment. La fièvre le jetait hors de cette prudence cauteleuse, qui avait été sa règle durant toute une longue vie !

Robert riait dans sa barbe à le voir prendre la tête du bac et brandir son couteau.

Bibandier avait saisi la perche. Maître le Hivain se tenait coi à l’arrière de la barque, et sentait tous les tourments d’un homme paisible, lancé tout à coup au milieu d’une bataille.

Ils atteignaient le milieu de la rivière. On n’apercevait encore rien sur la rive opposée, tant la nuit était sombre.

— Couchez-vous au fond du bac…, dit Robert ; Bibandier seul doit se montrer à découvert.

Il joignit l’exemple au précepte et l’on ne vit plus, au-dessus du bord, que la tête chevelue de l’ancien uhlan.

Au bout d’une minute, celui-ci cessa de percher.

— Il est tout seul…, murmura-t-il.

— Aborde !… répliqua Robert.

Puis il ajouta en serrant le bras de Pontalès :

— On dit qu’entre vous et Penhoël, c’est une haine de plus d’un siècle… Vous avez droit à la préséance, M. le marquis… c’est vous qui frapperez le premier.

— Soit !… répliqua Pontalès d’une voix sourde, je frapperai le premier !

Le bateau toucha, et presque aussitôt René de Penhoël sauta lourdement sur les planches vermoulues de la cale.

On ne pouvait distinguer les traits de son visage, mais tout en lui révélait une agitation extraordinaire.

— Vite !… vite ! balbutia-t-il ; il a disparu avec son grand cheval noir… mais il va revenir peut-être… Vite !… vite !… mettez la rivière entre lui et moi !…

Nos quatre compagnons s’étaient relevés, mais René de Penhoël ne les voyait même pas. Son regard restait cloué sur le rivage avec une invincible terreur.

Pontalès était en proie à une sorte de folie… Robert était obligé de le retenir pour l’empêcher de s’élancer sur son ennemi.

— Tout à l’heure !… murmurait l’Américain, tout à l’heure !…

Pontalès se débattait l’écume à la bouche.

Le bateau avait cédé au courant pendant les quelques secondes où la perche de Bibandier était restée oisive.

On se trouvait maintenant auprès d’une petite langue de terre, où croissaient des saules, ces mêmes saules qui avaient servi d’abri à Robert et à Blaise, la nuit de leur arrivée au manoir.

— Tourne !… cria l’Américain, ou nous allons chavirer.

Au moment où Bibandier, obéissant, plantait sa perche contre le rivage, une invisible main la saisit par sa garniture de fer et attira violemment le bac.

L’ancien uhlan poussa un cri de frayeur, ses mains abandonnèrent la perche. Le bateau s’était heurté contre la langue de terre, et il y avait maintenant sur l’avant un homme de grande taille, qui avait surgi là comme par enchantement.

— Louis de Penhoël !… murmura Robert qui lâcha le bras de Pontalès.

— Tu mens !… cria René, il n’y a plus qu’un Penhoël… l’autre était un lâche et un traître…

Sa voix s’arrêta dans sa gorge, parce que le vieux Pontalès, qu’on ne retenait plus, venait de le frapper par derrière.

René tomba lourdement, et resta en travers sur le bord du bateau.

Pontalès s’élança en brandissant son couteau sanglant et en criant :

— À l’autre ! à l’autre !

L’inconnu, qui était en effet Louis de Penhoël, n’avait point vu le coup qui frappait son frère. Il rejeta derrière lui son manteau et brisa sur son genou le petit bout de la perche.

Le bateau descendait à la dérive vers le milieu du marais.

Le vieux Pontalès tomba, arrêté dans sa course par un coup de massue.

Puis une lutte courte s’engagea entre le nabab et les trois autres assassins ; car Bibandier, le bon garçon, voyant que les choses tournaient au tragique, s’était coulé entre les saules et cheminait déjà sur la route de Redon.

Les poignards n’avaient pas beau jeu contre la massue du nabab.

Elle s’abaissa une fois, puis deux, puis trois.

À chaque coup, on entendait un râle.

Après le dernier coup, le silence régna sur le bateau.

Louis de Penhoël jeta son arme.

La nuit était bien sombre. Néanmoins, il voyait son frère couché contre le bord.

— René…, dit-il, nous n’avons plus d’ennemis…

Le maître de Penhoël demeura immobile.

Le nabab enjamba les cadavres pour se rapprocher de lui.

Au moment où il se baissait pour lui prendre la main, René, qui était en équilibre sur le plat-bord, fit un mouvement convulsif et glissa dans l’eau du marais, où il disparut aussitôt.

Le nabab poussa un grand cri. Son pied venait de glisser dans la mare de sang qui était sous le corps de son frère.

Il plongea tout habillé, tandis que le bac, chargé de ses quatre cadavres, continuait d’aller à la dérive vers le tournant de la Femme-Blanche.

Il resta longtemps sous l’eau, sondant les profondeurs sombres du marais. Par trois fois on eût pu le voir reparaître, et, par trois fois entendre sa voix sonore qui jetait aux deux rives du lac le nom de son frère.

Quand ces appels se taisaient, on n’entendait que le bruit sourd de l’inondation croissante, et ces vagues mugissements que jette le gouffre de la Femme-Blanche.

Louis plongea une dernière fois, et gagna ensuite la rive à la nage.

En ce moment, le bac touchait la lèvre du tournant et disparaissait sous les voiles de brouillard qui forment le vêtement fantastique de la Femme-Blanche.

Le chaland tournoya en craquant ; les cadavres soulevés se choquèrent. Le gouffre s’était refermé.

. . . . . . . . . . . . . . .

Les deux chaises de poste, que nous avons vues s’arrêter devant l’auberge du Mouton couronné, sur le port de Redon, avaient passé la rivière d’Oust au pont des Houssayes, et gagné le manoir de Penhoël, par la route praticable aux voitures.

Les portes du manoir étaient ouvertes. Pontalès semblait avoir voulu défier les événements et proclamer bien haut qu’il attendait ses adversaires de pied ferme.

À l’intérieur de la maison, rien n’avait changé depuis trois mois. Durant tout cet espace de temps, en effet, Pontalès avait continué d’habiter le grand château, ne voulant pas jouir d’un bien qui ne lui était pas encore définitivement acquis.

Une fois passé le terme du rachat, il comptait bien prendre sa revanche.

Dans le salon du manoir, les voyageurs de nos deux chaises de poste étaient réunis.

On avait couché Madame sur sa chaise longue, et tout le monde l’entourait. Elle était pâle comme une morte ; ses beaux traits, amaigris et fatigués, accusaient de longs jours de torture. Elle avait les yeux fermés ; son souffle était faible, et il semblait que la vie fût sur le point de l’abandonner.

L’oncle Jean tenait une de ses mains et cherchait les imperceptibles battements de son pouls. Diane et Cyprienne essayaient de réchauffer son autre main à force de baisers.

Blanche était à genoux sur le tapis à ses pieds.

À l’entour se rangeaient Étienne, Roger, Vincent et le bon vieux Géraud.

On entendit au loin, sur le marais, trois cris vibrants et prolongés.

Marthe eut un tressaillement faible, et ses paupières se soulevèrent à demi pour retomber aussitôt.

Elle était dans cet état de torpeur et d’anéantissement depuis son départ de Redon. Trop de souffrances avaient brisé son pauvre cœur de mère. Pendant la route, l’oncle Jean avait essayé de lui parler et de la préparer, mais ses oreilles étaient fermées.

Elle ne savait rien de ce qui s’était passé depuis quelques jours. Pour elle, il n’y avait point encore d’espoir, et son cœur restait accablé sous le malheur qui déjà n’existait plus.

Dans le salon de Penhoël tout le monde avait la même pensée, bien que personne ne songeât à l’exprimer par des paroles. Chacun se disait :

— Si elle allait mourir avant d’être heureuse !…

Car sa joue devenait à chaque instant plus pâle, et le souffle qui tombait de ses lèvres entr’ouvertes s’affaiblissait de plus en plus.

— Ma mère !… dit l’Ange qui avait des larmes dans les yeux, ne veux-tu point te réveiller ?

Marthe n’entendait pas.

Cyprienne et Diane levaient au ciel leurs beaux regards humides, et priaient Dieu de toute la puissance de leurs âmes.

Tout à coup elles se dressèrent en même temps sur leurs pieds ; l’amour avait fait naître la même pensée au fond de leurs cœurs.

Dans un coin du salon, les petites harpes à pivots se cachaient à demi sous les draperies d’une fenêtre, muettes depuis bien des jours.

Diane et Cyprienne les roulèrent, sans bruit, jusqu’au milieu de la chambre.

Puis elles préludèrent doucement.

Puis encore leurs voix fraîches et pures s’unirent en disant cette chanson bretonne que Madame aimait à entendre autrefois…

Les témoins de cette scène avaient les yeux fixés sur la malade, et retenaient leur souffle.

Le premier couplet s’acheva sans que Marthe eût fait un mouvement.

Les mains de Diane et de Cyprienne tremblaient en touchant les cordes de leurs harpes. Leurs voix étaient pleines de larmes.

Au second couplet, un soupir faible s’échappa de la poitrine de Marthe. Toutes les mains se joignirent ; la prière descendit au fond de tous les cœurs.

Diane et Cyprienne chantaient bien doucement :

Belle-de-nuit, ombre gentille,
Ô jeune fille !
Qui ferma tes beaux yeux au jour,
Est-ce l’amour ?
Dis, reviens-tu, sur notre terre,
Chercher ta mère ?

Marthe avait rouvert les yeux, et un vague sourire errait autour de sa lèvre.

Cyprienne et Diane abandonnèrent leurs harpes pour s’élancer à ses genoux.

En ce moment, la porte du salon s’ouvrit, et Louis de Penhoël parut sur le seuil.

Son beau visage était grave et triste ; ses cheveux noirs, trempés d’eau et de sueur, tombaient sur ses habits en désordre.

Le regard de Marthe se reposa d’abord sur Blanche, puis sur Diane et Cyprienne : son sourire s’imprégnait d’une tendresse heureuse.

Ses yeux se relevèrent ensuite, et parcoururent lentement le cercle d’amis qui l’entourait.

Personne n’osait ni faire un mouvement, ni prononcer une parole.

Quand les yeux de Marthe tombèrent sur Louis de Penhoël, qui demeurait immobile au seuil du salon, elle tressaillit vivement, et une nuance rosée vint colorer sa joue.

— Oh !… murmura-t-elle, vous tous que j’aimais tant !… Diane, Cyprienne, Blanche !… mes filles chéries !… Louis !… mon pauvre Louis !… vous voilà donc tous réunis et heureux !…

Une expression de doute et d’inquiétude se répandit sur son visage.

— Heureux !… reprit-elle ; c’est toujours ainsi que je vous retrouve dans mes songes…

Ses yeux se fermèrent de nouveau, et sa tête se renversa sur le coussin de la chaise longue, tandis que ses mains se joignaient avec recueillement.

— Mon Dieu ! ajouta-t-elle d’une voix si faible qu’on pouvait à peine l’entendre, si c’est encore un rêve, faites que je ne m’éveille jamais !

. . . . . . . . . . . . . . .

FIN