Les Belles Images, No 44/Guérison

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GUÉRISON

Le petit Toto Groslard a une grande admiration pour les clowns et tient leurs exercices en haute estime. Il voudrait bien paraître dans un cirque. Je veux vous conter comment il fut guéri de cette envie et, par la même occasion, d’un très vilain défaut : la gourmandise.

En effet, Toto Groslard, en plus de son admiration pour les clowns, adore la confiture. Ce n’est pas défendu mais ce qui est défendu c’est d’en voler subrepticement comme il le fait constamment.

Mme Groslard, qui ne peut soupçonner son fils, pense que c’est la bonne, et, pour la punir, elle mélange aux confitures un produit pharmaceutique destiné à donner de fortes coliques à ceux qui l’absorbent.

Toto Groslard, selon son habitude, vole des confitures, les mange et puis va faire un tour de promenade.

Mais, tout à coup, des coliques épouvantables le prennent et le voilà qui se tord en proie à d’effroyables souffrances, prenant les positions les plus extraordinaires. Le directeur d’un cirque venant d’arriver dans la ville et qui passa par là est frappé d’admiration.

— Voilà un jeune garçon qui fait l’homme serpent d’une façon admirable. Jeune homme, je vous engage à vingt francs par soirée. Toto, enchanté, suit le directeur, d’autant que les coliques commencent à se calmer.

Mais voilà bien une autre affaire ! À la répétition, Toto ne sait plus rien faire. Les exercices stupéfiants de l’après-midi, provoqués par les coliques, sont loin.

Colère du directeur. Pressé de questions, Toto finit par avouer que c’est sous l’influence de fortes coliques, causées par l’absorption de confitures qu’il faisait l’homme serpent d’une façon si extraordinaire. Le directeur comprend tout et…

… avant la représentation, il fait absorber à Toto un produit non moins pharmaceutique que celui de tantôt, mais non enveloppé de confiture.

Sous l’influence de ce produit, Toto te tord et a sur la piste, devant le public, un succès étonnant, mais qui ne le touche guère. Après la représentation, il se lamente. Ce supplice recommencera-t-il tous les soirs ? Les autres acrobates sont bien heureux. Un clown s’approche : « Ne le crois pas, petit, dit-il, nous…

… aussi, nous souffrons, ou nous avons souffert pour arriver à imposer à nos pauvres membres, peu faits pour cette besogne des exercices extraordinaires… Tous les jours, pendant des heures, nous les assouplissons, nous les domptons et si nous faisons rire les petits enfants, nous ne rions pas toujours. »

Aussi Toto se sauve-t-il à la première occasion et revient chez ses parents. Il ne considère plus les clowns comme les gens les plus heureux du monde et n’accorde plus aux confitures que l’importance qu’elles méritent, deux ou trois cuillerées après le repas, quand on a été bien sage, voilà tout.