Les Bigarrures/Chapitre 9

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Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords (1572)
chez Loys Du Mesnil (p. 136-152).


DES
ANAGRAMMATISMES
OU ANAGRAMMES.

CHAP. IX.


TU as peu cy-devant voir la façon des Équivoques, Amphibologies & Antistrophes : desquelles conséquemment nous viendrons aisément aux Anagrammes, qu'on dit autrement, Noms renversez. Parce que ce sont inversions de lettres, tellement transposées, que sans aucune adjonction, répétition ou diminution d’autres, que celles qui sont au nom & surnom d’une personne, on en fait quelque devise ou periode accomplie d’un sens parfaict. Et faut bien adviser que l’orthographe y soit bien observé, si ce n’est que pour l’excellence de quelqu’un, on se puisse dispenser de ceste reigle. Comme en celuy rapporté par Jacques Peletier, au livre plaisant de ses Contes (qu’ils a faict mectre en lumiere sous le nom de Bonaventure des Periers) d’un nommé Jean Gidoen, qui trouva, Angin d’oye. Isaac Tzetzes, Interprete de Lycophron, nous tesmoigne que les anciens Grecs en faisoient cas : Car il dit que non seulement Licophron estoit en estime pour la poésie, mais aussi pource qu’il faisoit heureusement des Anagrammes. Comme pour exemple il trouva sur Ptolomée Roy d’Égypte,

Πτολεμαΐς,  από μέλιτς.

c’est à dire, Emmiellé.

Et sur la Royne Arsinoc sa femme,

Αρσινοή, Ηραφιον.

Violette de Junon.

Pour monstrer encor que ceste science estoit recommandee anciennement, Artemidore en son livre de l’interpretation des songes, dit ces mots : Il faut bien noter que les Anagrammatismes donne grande ouverture à l’intelligence des songes.

Du temps du grand Roy François, avec les bonnes lettres, ceste invention se resuscita en France ; & fut trouvé sur son nom :

François de Valois.

De Façon suis royal.

Sur sa femme, sœur de l’Empereur Charles le Quint,

Alienor,

La Royne.

Sur le Roy Henry, celuy qui a fait le Bouclier de la Foy ainsi heureusement trouvé,

Henry de Valois,

Roy es de nul hay.

Sur la Royne sa femme, estant jeune Escholier à Paris, au College de Bourgongne l’an 1574. je trouvay en Latin ce suyvant,

Catharina è Medicis,

Henrici mei casta dea.

Duquel ceste excellente Princesse devroit honorer quelque coing de sa superbe Tuillerie : car je croy qu’on ne luy sçauroit rien trouver de mieux à propos, ny plus digne d’elle.

Le Poëte Gantois trouva,

Catharina Medices,

CLARA DIIS HAC MENTE.

L’autheur du Bastion des Dames, que l’on dit avoir eu grande recompense de son livre, n’en a pas approché, avec tout son commentaire, à cent lieuës pres, quand il dit ainsi grossierement, & avec peu de sel,

Catherine de Medicis.

D’AMY SE DICT RICHE NEE.

Sur Madame Marguerite, fille de France, Duchesse de Berry, bien versee aux bonnes lettres, & tres-recommandee à la posterité pour ses rares vertus, on se trouva,

Marguerite de valois,

DE VERTUS L’IMAGE ROYAL.

Sur le Roy Charles,

Carolus Valesius,

SOL CUI VERA SALUS.

VER CUI SOLA SALUS,

Carlus, CLARVS.

En François,

CHASSE LA DURE LOY.

Sur ledit Roy Charles & Elizabet d’Austriche sa femme, ensemblement furent trouvez ces deux.

Charles de Valois, Elisabet d’Austriche.

DU RICHE LIS D’OR AS BEAUTE CHASTE ALLIEE,

DE CHASTE ARDEUR LE BEAU LIS T’A CHOISIE.

Sur nostre Roy, à present regnant.

Henricus tertius Valesius,

VITIS LUTHERANIS ES VERUS.

VICTIS LUTHERANIS SLUERUS,

Et valesius,

LAUS IESU.

Ce suyvant est, à mon advis, quasi miraculeux,

Louyse de Lorraine,

L’OR DE HENRY VALLOIS,

HENRY VALLOIS ROÉ.

Car Roé selon nostre prononciation & ortographe nouveau de Loys Megret & Ramus signifie Roy.

Sur ce grand Mars de la France, feu Monsieur de Guyse.

François de Lorraine,

CRAINDRE FERAS LIONS.

Sur son frere, Monsieur le Cardinal de Lorraine,

Charles de Lorraine.

LORS ENCHRE DELAIRRAY.

Charles Utenhouë, Gantois, a fait ce suivant Latin.

Carolus Lotaringus,

ORATOR GALLICUS UNUS.

Vivant encor le feu Roy Charles ix, sous lequel monsieur le grand Escuyer de France fut fait Lieutenant general en Bourgongne, je luy fis ces trois Anagrammes Latins :

ELEONOR CHABOTIUS

Heros ito tuce bona.

Cæli honor beatus,

It Carolo suo bene.

Lesquels j’ay compris en cest Acrostiche, suivant, que je n’ay pas voulu changer, quoy qu’il sente son aage.

E ffet opus quamuis divino vate perennet
L audes tuas que solveret,
E n ntamen arbitrio divorum sicut ad aras
O mnis adoret munus suum :
N itar ubique tuas, vir prestantissime, laudes
O rnare nostro carmine.
R espicies intor populi suffragia forsan
C amœna quod canesmea.
H EROS ITO LUCE BONA, & fælicie fata,
A cte te digna ducito.
B urgunde patriæ sis dudum primus alumnus,
O pem tuam fac sentiat.
T e duce qui suberunt, fac dicant hoc duce semper
I T CAROLO SUO BENE,
U ltra mortales tibi quos trademus honores.
S ic COELI HONORA BEATUS est.

Sur son beau-frere Monsieur d’Aumont, depuis faict Mareschal de France,

Jean d'Aumont,

Ament de Juno.

Sur l’un des fils de feu Monsieur le Grand Escuyer de Boissy, un sien compagnon d’estude trouva ce suyvant, qu’il m’a donné.

Claudius Confierius,

Clarus vivo regi fidus.

Entre les livres qu’on a fait de l’histoire des Troubles passez, j’ay remarqué, que lors que le Seigneur d’Acier menoit une troupe de Reistres, il portoit peint en sa cornette, un Hercule qui combattoit un Hydre, la quelle au lieu de ses serpes, avoit des testes d’Evesques, Cardinaux, Moynes, & Prestres, avec le mot, Qui casso crudeles, qui estoit l’Anagramme de son nom François, Jacques de Crussol.

Je preveu à Monsieur l’Archevesque de Lyon, sa fortune prospere, dont il est tres-digne, par cest Anagramme que je luy fis, quand il sollicitoit son Archevesché :

Petrus Depinas,

Prudens capiet.

Je pensois un jour donner ce suivant à Monsieur de Bissy, Evesque de Chalon, comme chose nouvelle :

Pontus de Tiard,

Tu as don d’esprit.

Mais il m’asseura que desjà d’Aurat, le Poëte vrayement Royal, & Jaques Peletier luy avoient donné le mesme, qu’ils avoient chacun trouvé sur son nom, dont je fus fort esmerveillé.

Sur Monsieur Jeannin, President celebre en Bourgongne, j’ay trouvé ces suivans.

Pierre Jeanin,

En bien n’ai pris.

Petrus Janius,

Tu vir sapiens.

Tu es pan juris.

Spinea virtus.

Sperans vivit,

Jus pura sinet.

Sur un Conseiller audit Parlement,

Hieraume Saumaire,

Yo heur amy me sera,

Vray homme seray.

Et en Latin,

Hieronymus Saumaire,

Sum veri herois anima.

Sur le Sieur Desbatty, Greffier en iceluy Parlement.

Joannes Gonterius,

En gravis honos in fe.

Unis in honore gesta.

J’ay mis ces deux, pour la gentille rencontre du Latin en François, sur un honneste Seigneur,

Joannes Tongerius.

Venis argenti sono.

Jean Tongier,

Joy en arcent.

Un nommé, Jacques Paris, trouva ainsi sur le sien :

Acquiers pais,

Et en Latin,

Jacobus Parisius,

Jus pacis observa.

Sur le Chancelier Poyet, qui estoit grand practicien, tesmoing l’Ordonnance de l’an 1539. on trouva,

Guillaume Poyet.

Mot ! vive pillage.

Sur le nom François de Pierre Liset, jadis premier President à Paris, & depuis faict Abbé de sainct Victor, on trouva ces deux Anagrammes Latins :

Lites reperi,

Perire telis.

Sur lesquels on fit ce Phaleuce, que me donna le gaillard Gohory :

Olim Caussidicus Forisupremi,
Qui lites reperi, petiti, amaui
Prases innumeris eas Arestis
Dum fugo fugior : capútque nostrum
Oblitem malelitigantis unam
Sensi sub niveo dari cucullo,
Et sic me proprius Perire telis,

Du Bellay a trouvé cestuy-cy sur le feu President Minar.

Antonius Minarius,

Natus rima minois.

Un Seigneur que j’ayme & honore bien, a trouvé sur son nom :

Jean Toruobat.

Bon haire a tout,

Or ha a tout bien,

Un de ces nepveux luy donna ce Latin suyvant ;

Joannes Toruobatius.

Astabis in honore tuo.

Lequel trouva sur nom,

Theodects Toruobat.

Ta bouche te dore tout.

Et je trouvay sur le mesme nom, lors qu’il fit un heureux voyage vers son oncle, duquel il obtint ce qu’il demandoit, & à grand peine avoit-il osé esperer :

Theodectes Toruobatius.

Ito te doctus beat Aeros.

En recompense dequoy, il me donna cestuy-cy, qu’il trouva sur le nom de son frere, que j’ayme uniquement.

Stephanus Toruobatius.

Tu stas vir phoebo natus,

Et je fis en François,

Estienne Toruobat,

Touvt en bonte seray.

Je me suis autrefois tellement exercé en ceste invention, que sur le nom d’une gentille Damoiselle, nommee Gabrielle & surnomee de Monpaste ou Monparé, j’ay trouvé quarante sept Anagrammes entiers. Et combien qu’en chacun il n’y eust pas un sens parfaict, ou periode accomplie, je luy fis une Epistre, où tous estoient si bien adaptez, qu’il sembloit que ce fust une oraison coulant, sans aucune recherche affectee. Entre les plus parfaicts, j’ay colligé pour plaisir ces suivans :

Elle m’a dit bon presage.
Par belle image donte.
Bel ange dore me plaist.
Ô perle d’estimable gain.
Bel parangon deslite.
Bel ange la demy porte.
Parle de ton bel image.
Digne parole te blasme.
Mon idé agreable plet.

Et de ces deux derniers Anagrammes, ce suivant est basty.

Liee tout ensemble à toy par egale bonté.

Utenhouë en ses Allusions a fait celuy Grec de la Royne Elizabet d’Angleterre,

Ελιαβήθ’ή βασιλλίσσά.
Ζαθεν βασιλιάς λιβας.

C’est à dire, La divine fontaine du Royaume.

Sur d’Aurat, cest excellent Poëte & duquel, comme d’un cheval Troyen, sont sortis des meilleurs esprits de nostre France :

Ioannes Auratus.

Ars en nova vatis.

Le mesme Aurat, tres-heureux à la rencontre de ceste invention, à trouvé sur,

Pierre de Ronsard,

Rose de Pindare.

J’avoy trouvé sur le mesme nom, avec mesme liberté, retranchant deux r,

Arrosé De Pinde :

Qui est une fontaine en Thessalie, sortant d’une montaigne de mesme nom, qu’on disoit estre le sejour d’Apollon & des Muses.

Loys de Masures.

Las soucy me dure.

On dit que luy-mesme treuva sur Remy Belleau ce doucereux & gentil Poëte,

Remy Belleau.

Abrevé de miel.

Nicolas Denisot s’est tousjours surnommé de son Anagramme, qui est :

Conte Dalsinois.

Sur Estienne Jodelle luy-mesme trouva,

Io le delien est né.

Le Secretaire Nicolas a fait ces suyvans sur son nom.

Simon Nicola.

La non soucy.

Item,

Mal n’y François.

Sur le sieur de Montculot, President des Comptes à Dijon, je fis ce suivant,

Claudius Saive,

Laus dea cuivis.

Le sçavant Coras, Conseiller à Tholoze, a trouvé sur son nom,

Jean de Coras,

Cede a raison.

Le mal-fortuné Jean Brinon, qui pour sa liberalité envers les personnes doctes, devint en fin si necessiteux, qu’il mourut tout juste. Mais avec une memoire celebre, eternisée par d’Aurat, Ronsard, & les premiers de nostre siecle, trouva luy-mesme sur son nom,

Jean Brinon,

Rien bon n’ya.

Janus Brino,

Ruina bonis.

Le sçavant Cuias, qui a trouvé Caius, sur son nom, se gaussant du bon Antonius Contius, trouva c’est autre Anagramme :

Si non tactus.

Et sur un Joannes Robertus Orleannoir, qui s’est voulu attaquer à luy,

Sero in orbe natus.

Pierre Boistuau, un des plus net & pur François qui ait escrit de nostre siecle, à ma fantasie se fit peindre en un tableau à genoux, devant une image nostre Dame, & y avoit ces deux Anagrammes, Mira rogavi, de Virgo Maria : & de Petrus Boisteau, Est vitæ probus.

Celle de Madame Loyse de Savoye, le fait par ordre, sans changer une seule lettre, à sçavoir,

Loy se des-avoye.

Aujourd’huy cest invention est si commune, que chacun s’en mesle, voire y en a qui en font marchandise : Qui fera cause que je ne m’espancheray plus avant à rapporter des exemples. Car chacun adjoustera ceux qu’il luy plaira à ce papier blanc, que j’ay fait laisser expressément à la fin de ce Chap. Seulement t’advertyray, que comme l’esprit, est plus prompt à mal qu’à bien ordinairement on fait des Anagrammes plustost sur le vice, que sur la vertu. Comme de jeunes Escholiers, qui payerent leur hostesse Tholofsane, nommée Françoise, Proutet, de ce bel Anagramme.

Noc prest ay ertvof.

Fatidicque devise certainement, & selon le Proverbe qui couroit d’elle,

Madona Proutetis nunquam satiata Priapis.

Sur Marie Menedant, on trouva ce folastre & sale,

Merde en ta main.

Trois bons Theologiens s’esbattant un soir, sur le nom de Calvin, trouverent :

Culina,  lucian.

Et en Latin,

Calvinus. Lucianus.

Ledit Calvin trouva luy mesme Alcuinus, qui fut autresfois un docte & sçavant Anagnoste de Charlemagne : sous le nom duquel il a semé plusieurs opinions erronnées, qui ont esté depuis descouvertes fort aysément.

Je ne veux pas fouiller mon papier d’avantage de noms, à fin de n’offenser personne : & mesme que Proutetis, Menedant, & Gidoen, sont surnoms de lettres transposées, dont aucun ne se pourroit scandaliser. Dequoy je t’ay bien voulu advertir, afin que tu sçaches que je ne suis de ceux que dit Quintilian, Qui malant amicum, quam dictum perdere.

ADJONCTION DE
l’Autheur.

Ce qui s’ensuit est extraict d’une Epistre envoyée à l’Autheur par un sien amy. Voyant qu’au Chapitre des Anagrammes vous faictes les Grecs autheurs de ceste subtile invention, je n’ay peu moins, pour le devoir de notre amitié, que vous advertir, comme les plus doctes és langues en attribuent l’invention aux Cabalistent Hebreux : Desquels il pourroit bien estre que les Grecs ont tiré la façon, aussi bien que plusieurs de leurs inventions, & mesmes les characteres des lettres, comme avez remarqué en vostre premier chapitre. Dont pour exemple vous prendrez ce beau passage de Petrus Galatinus en son œuvre des Secrets de la verité Catholique, liv. 7. chap. 13. qui monstre par transposition mystique des lettres, le nom de la sacree mere du vray Messie. Rabbinus Haccados, c’est à dire nostre sainct Maistre, en la troisiesme demande du livre intitulé, Gale Razeia, c’est à dire, Revelateur des secrets, dit que voulant satis-faire aux curieux interrogats que luy faisoit Antonio Consul de Rome, entre autres il luy demanda quel estoit le nom de la mere de Dieu : Lors ce Juif dit ouvertement que ce seroit Marie, ainsi qu’il luy avoit esté revelé par Isaye, en un spelonque, lors qu’il estoit sur ce passage dudit Isaye au 9. chapitre où tous les Thalmudites conviecnnent au Thalmud, au livre Sabbat, & au traicté Sanhedrin : comme aussi tous les Docteurs Chrestiens que expressément il est parlé de l’advenement de Christ, nom. 6. Car le petit enfant nous est nay & le fils nous est donné, &c. & au nombre 7. suivant y a en Hebreu ces mots, לםךבח חםשךח le marbe hamisra, c’est à dire, de l’augmentation de son Empire. Desquels mots les lettres transposees sont מרים שרה Miriam sara, c’est à dire, Maria domina. Et pource qu’on void qu’il y a plus de characteres en lemarbe hamisra, que non pas en Miriam sara, cela est faict avec un sainct & solemnel mystere de la Cabale : comme aussi du ם mem clos, qui est en lemarbe, lequel ne se treuve jamais ainsi clos, sinon à la fin d’une diction. Dont Antonin ayant demandé raison, elle luy fut ainsi donnée, & les lettres anagrammatisees de ceste sorte, Prenez, dit-il, ל lamech ם men & ר res, assemblées d’ordre elles feront lemar : Puis prenant ח he de lemarbe & he de hamisra lesquelles trois valent chacune cinq au lieu du iod de Miriam, lequel iod vaut dix, vous aurez מרים Miriam, composé desdits mots. Et quant au ם mem clos, qui n’est qu’en ce seul passage en tout le vieil Testament, ny autres livres Hebraïques, cela est une intelligence du nombre de 600. que signifie telle lettre, qui est le temps escouru depuis la Prophetie d’Isaye, jusques à l’advenement du Messie ; qui se rapporte à autant d’annees, que depuis le temps du Prophete sont escourues, jusques au temps de nostre Sauveur Jesus-Christ. Il y a encor ב beth tiree de lemarbe, qui sert de note aux Hebrieux, pour signifier bethulam, c’est à dire vierge ; pour monstrer que la mere du Messie seroit Vierge d’action & de pensee. Il luy fit entendre encor que י iod mis en deux lettres, descouvroit d’admirables secrets. Comme ה he se compose de ד daleth & ב beth, aussi le Messias est composé de la divinité & de l’humanité : Et tout ainsi qu’un ה he fait deux ד daleth, desquels deux ו vau sont formez, comme deux fils, qui procedent de luy : ainsi en la substance du Messie y aura deux filiations : l’une de divinité parce qu’il est fils de Dieu : l’autre d’humanité, parce qu’il est fils de Marie Prophetise. Et comme encor ces deux lettres ד daleth & ו vau font un ה he, ainsi les deux Substances, divine & humaine, seront jointes au Messie. Voilà, Monsieur, ce que ce brave Docteur à mis en avant, à la confusion des fuifs, qui merite bien estre cogneu, Toutesfois je me remets à ce qu’en voudrez dis poser.

Encor que ce ne soit mon dessein d’alonger ce Chapitre d’autant de noms qui me viennent à cognoissance, si ne puis-je celer ces suivans pour leur grace & gentillesse, dont on m’a fait part : priant ceux qui seront denommez, ne le trouver mauvais, si c’est à leur insceu. Et d’autres qui m’en avoient envoyé si je les ay obmis, parce que je louë leur labeur, mais je n’y voy pas l’heur & bon genie qui y seroit requis : & pensé qu’à la fin ils se repentiroient de m’avoir importuné, si je satisfaisois à leur volonté. Theodore Pasquier, fils & heritier des vertus & doctrine de ce grapd Advocat, Estienne Pasquiert son pere, luy donna, estanț jeune Escolier, au boue d’un vers, cest Anagramme,

Thesauros pacis sudo,

Theodorus Paschasius :

Dont le pere s’appercevant, comme il a l’esprit adextre à toute spirituelle invention, tout aussi-tost il le remua en ceste sorte,

Thesauro pacis duos :

& les enferma en ce tetrastique.

Thesauros pacis verso mihi nomine sudo,
Dicis, dum libris, mi Theodore, Vacas.
Si non mentiris, iam te Theodore, pairemque
Atque Thesauros pacis
amice duos.

Sur le nom François de Claude Bourgeois, Seigneur de Crespy, & digne President au Parlement de Bourgongne, lors qu'estant jeune il füst esleu Capitaine de la jeunesse Dijonnoise, en l’an 1570. je fis cest Anagramme,

Claude Bourgeois.

Sub eo duce gloria.

Alexandre Torvobat, Sieur de Bricon, mon singulier amy, m’a donné cestui-cy, de sa façon,

Alexander Torvobatius,

Virtus ex labore donata.

Le docte & laborieux Juret, Chanoine Langrois, porte pour la devise, cest Anagramme, propre à son humeur,

Franciscus Juretus,

Cura finis Certus.

Le gentil Official Langrois, son oncle, lụy fit cestuy-cy, fort ingenieux,

Unus sic ferit arcus.

Il a trouvé sur le nom du Sieur Juret, son pere,

Antonius Juretus,

Jutus non variet.

Et en François,

Anthoine Juret,

En vie nay tort.

Cestuy-cy est digne de son autheur, qui est tousjours en quelque action honneste,

Ioannes Cotenotius.

In actu esse non otio.

Le discoureur des heures m’a faict part de ces trois suyvans, trouvez sur trois germains, chacun par eux mesmes, en un mesme jour sans avoir peu jamais rencontrer autre sens, du moins qui fust si parfaict. Surquoy un bon Artemidoriste diroit qu’il y auroit de la fatalité. L’aisné addressant sa parole à son puisné, dit ainsi :

Antonius Serosomis,
ou Ioannes Turosomis,
INSANUS ESTO MORIO :

Auquel le puisné rencontra aussi soudain,

Ianus Eurosamis,
Antonius Serosomis.

Ut insanus morio sto :

Et le dernier, qui ne fit jamais rien de bon, que ceste rencontre, trouva sur son nom, ainsi qu’en François & Latin il a coustume de l’orthographier.

Bartelemæus Turosonis,
Lætate sum moros ebrius.

Certainement voilà trois ames gentilles, & semble que les deux dernieres soient aptenees selon si heureuse rencontre. Or sus, qui les dementiroit, n’auroit-il pas tort ?