Les Bohèmes de la mer (Aimard)/VIII

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Roy (p. 55-62).
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VIII

LA PRÉSENTATION

À l’heure où les exigences de notre récit nous conduisent de nouveau à l’auberge du Saumon couronné, c’est-à-dire vers midi, maître Kornic, propriétaire dudit établissement, se tenait mélancoliquement sur le seuil de sa porte, contemplant d’un air effaré les irréparables désastres causés par l’ouragan de la nuit précédente.

Le digne aubergiste avait eu grand soin de demeurer clos et couvert dans sa maison barricadée et fermée à triples verrous, et avait passé la nuit tout entière à suer et à trembler de peur, de sorte que le spectacle qu’il avait en ce moment devant les yeux, non seulement l’émerveillait, mais encore l’épouvantait lorsqu’il songeait aux terribles dangers qu’il aurait pu courir s’il ne s’était pas si prudemment tenu coi dans sa demeure.

La demie après midi sonna ; presque au même instant, cinq ou six marins entrèrent ou, plutôt, firent irruption dans l’auberge avec tant d’impétuosité, que maître Kornic fut bousculé et faillit être renversé par eux.

Cependant il ne se fâcha pas ; au contraire, il éclata d’un gros rire, et, après avoir repris à grand’peine son équilibre :

— Allons, vivement, dit-il à trois ou quatre garçons faméliques qui erraient comme des ombres dans la salle ; du vin à ces messieurs !

Les messieurs en question étaient des gaillards à faces patibulaires, aux gestes brusques et avinés, dont les costumes étaient en lambeaux, mais dont les poches rendaient à chaque mouvement de leurs propriétaires un son argentin tout à fait réjouissant.

Maître Kornic ne s’était pas trompé sur le compte des nouveaux venus ; en les voyant, il s’était frotté les mains joyeusement, en murmurant entre ses dents :

— Bon, voilà les caïmans qui commencent à accoster ; tout à l’heure nous allons rire.

Les matelots s’étaient assis à une table et avaient commencé à boire en criant à tue-tête et en parlant tous à la fois.

Après ceux-ci, il en arriva d’autres encore, si bien qu’une heure plus tard la salle était pleine de buveurs et qu’il s’y faisait un tapage et un brouhaha au milieu duquel on n’aurait pas entendu le bon Dieu tonner.

Plus de cent cinquante aventuriers étaient ainsi réunis dans un espace où une soixantaine tout au plus auraient pu tenir à l’aise ; mais ils s’étaient si intelligemment arrimés, selon leur pittoresque expression, autour des tables et du comptoir, qu’il restait encore au milieu de la salle un espace suffisant pour la circulation du cabaretier et de ses garçons.

Ceux-ci couraient incessamment de l’un à l’autre et ne savaient auquel entendre.

Maître Kornic débouchait lui-même les bouteilles et ne dédaignait pas de remplir les verres de ses pratiques.

Bientôt la foule devint si grande dans la salle que, comme une mer qui monte, le flot des consommateurs, après avoir peu à peu reflué vers le fond, déborda et envahit les pièces adjacentes,

Martial et maître Aguirre, peu accoutumés encore, le premier du moins, aux façons tant soit peu excentriques des aventuriers, s’étaient frayé à grand’peine un passage et étaient parvenus à s’établir tant bien que mal à l’extrémité d’une longue table occupée déjà par une douzaine de flibustiers qui, les traits avinés et la pipe aux dents, jouaient au passe-dix des poignées d’or qu’incessamment ils puisaient sans compter dans leurs poches profondes comme des gouffres.

Martial examinait curieusement le spectacle singulier qu’il avait devant les yeux, laissant, malgré les observations de son compagnon, son verre plein devant lui sans songer à le vider.

Cependant la gaieté devenait de plus en plus bruyante, le vin et l’eau-de-vie échauffaient les têtes, des cris de colère et de défi commençaient à se mêler aux rires et aux chansons joyeuses ; çà et là éclataient des rixes que Kornic et ses garçons parvenaient de plus en plus difficilement à étouffer.

Sur ces entrefaites, un grand et beau jeune homme de vingt-sept à vingt-huit ans au plus, aux traits hautains, à la physionomie railleuse et à la démarche leste et dégagée entra dans la salle.

Ce nouveau venu était habillé avec une extrême élégance ; une fanfaronne[1] de fin or entourait la forme de son chapeau garni de plumes de prix et outrageusement posé sur l’oreille. Sa main droite, blanche et aristocratique, presque ensevelie sous un flot de riches dentelles, reposait sur la garde de son épée.

En entrant, il jeta un regard superbe autour de lui, comme s’il eût cherché quelqu’un ; puis il marcha résolument vers la table où Martial et Aguirre étaient assis, en écartant brusquement tous ceux qui se rencontraient sur son passage, et qui, rendons-leur cette justice, se hâtaient de s’éloigner à sa première injonction.

Arrivé près de la table, le jeune homme se pencha sur les joueurs.

— Eh ! dit-il, on s’amuse ici, il me semble ; vive Dieu ! j’en veux être.

— Ah ! ah ! firent plusieurs aventuriers en relevant joyeusement la tête, te voilà, chevalier ; sois le bienvenu !

— Depuis quand es-tu ici ? demanda un autre.

— Depuis une heure. J’ai laissé mon navire au Port-Margot, et me voici.

— Bravo ! as-tu fait une bonne expédition ?

— Parbleu ! les Gavachos ne sont-ils pas nos banquiers à nous autres ? dit-il en riant.

— Ainsi, tu es riche ?

— Comme quatre fermiers généraux.

— Alors tu arrives bien ; le moment est bon pour faire une rafle, dit un des joueurs. Ce démon de Nantais a juré de nous mettre à sec. Regarde, mon beau capitaine, ce qu’il a devant lui.

— Bah ! fit le Nantais avec un gros rire, en éparpillant négligemment le monceau d’or étalé devant lui, ce n’est rien encore, j’espère bien tripler cela.

— C’est ce que nous allons voir, mon gars, répondit le jeune homme auquel on avait donné le titre de chevalier et de capitaine.

— Quand entres-tu, capitaine ? reprit le Nantais.

— Pardieu ! tout de suite ! fit-il, et posant doucement les mains sur l’épaule de Martial : Ôtez-vous de là, camarade, lui dit-il.

Le jeune homme tressaillit à cet attouchement, mais il ne bougea pas. Le capitaine attendit un instant.

— Ah ça ! reprit-il en lui posant de nouveau la main sur l’épaule, mais plus fort cette fois, est-ce que vous êtes sourd, camarade ?

Martial se retourna à demi et regardant son interlocuteur bien en face :

— Non, répondit-il seulement.

— Bon, fit le capitaine en frisant sa moustache, vous n’êtes pas sourd ? J’en suis bien aise pour vous ; alors, puisqu’il en est ainsi, pourquoi ne vous levez-vous pas ?

— Parce que cela ne me plaît point, probablement, dit sèchement Martial.

— Hein ? fit le capitaine dont les sourcils se froncèrent, ceci est bien plus drôle que je ne le supposais.

— Vous croyez ?

— Pardieu ! Et se retournant vers les matelots qui, attirés par le bruit de cette altercation, s’étaient groupés derrière lui : Démasquez la porte, dit-il.

— Pourquoi démasquer la porte ? demanda Martial, toujours calme en apparence.

— Parce que, cher monsieur, répondit le capitaine d’un ton courtoisement railleur, si vous ne vous levez pas, je vais avoir le déplaisir de vous jeter dehors.

— Vous êtes fou ! dit le jeune homme en haussant dédaigneusement les épaules et en vidant son verre.

Le capitaine, surpris malgré lui de l’attitude ferme et résolue de son interlocuteur, l’examina un instant avec une surprise mêlée de curiosité,

— Voyons, lui dit-il, ne soyez pas enfant, jeune homme ; il est évident pour moi que vous ignorez à qui vous avez affaire.

— Je l’ignore en effet, répondit Martial, et je ne m’en soucie que fort médiocrement. On vous appelle capitaine et on vous donne le titre de chevalier, cela ne vous autorise aucunement, à mon avis, à être grossier avec moi.

— Ah ! ah ! fit-il en ricanant, eh bien ! sachez donc, monsieur, que je suis le chevalier de Grammont.

— Je ne connais pas de chevalier de Grammont et je vous répète que peu m’importe.

À ces paroles nettement et fièrement articulées, un frémissement de terreur courut dans toute la salle.

Le chevalier de Grammont[2], doué, d’une force herculéenne et d’une adresse sans égale dans le maniement des armes, était redouté de tous ces hommes qui cependant se vantaient avec raison de ne rien craindre, mais qui en maintes occasions lui avaient vu donner des preuves d’une vigueur surhumaine et d’un courage féroce.

— Eh bien ! mon ami, reprit lentement le chevalier en ôtant son chapeau et le posant sur une table, puisque je vous ai dit mon nom et mon titre, il ne me reste plus qu’à vous apprendre ce dont je suis capable, et cela, vous le saurez bientôt, vive. Dieu !

Martial se leva pâle et calme.

— Prenez garde, lui dit-il, vous n’avez aucun motif pour me chercher querelle, nous sommes inconnus l’un et l’autre, vous m’avez insulté sans raison ; je veux bien l’oublier, il en est temps encore, retirez-vous, car je jure Dieu que ma patience est à bout et que si votre main se lève pour me toucher, je vous brise, comme je brise ce verre. Et il fit voler en éclats le verre qu’il tenait à la main.

Les aventuriers éclatèrent d’un rire homérique.

— Bravo ! dit le capitaine d’un air railleur, fort bien prêché, sur mon âme, mais cela m’ennuie, allons, videz la place !

Il s’élança brusquement sur le jeune homme.

Celui-ci surveillait tous les mouvements du chevalier ; il bondit de côté, un éclair passa dans son regard, et se ruant comme un tigre sur son adversaire, il le saisit à la nuque et à la ceinture, le balança un instant au-dessus de sa tête, malgré ses efforts désespérés pour se dégager, et le lança dans la rue, où il alla tomber comme une masse.

Après avoir donné aux aventuriers, stupéfaits cette preuve de vigueur prodigieuse, le jeune homme s’appuya nonchalamment contre une table et croisa les bras sur sa poitrine.

Mais presque aussitôt le chevalier s’était relevé et s’était précipité, l’épée à la main, dans la salle en poussant des rugissements de fureur.

Il était livide ; une écume sanglante marbrait le coin de ses lèvres crispées par la colère.

— Sa vie ! il me faut sa vie ! s’écriait-il.

— Je suis sans armes ; voulez-vous donc m’assassiner ? répondit railleusement Martial sans faire un mouvement pour éviter le coup dont il était menacé.

Le capitaine s’arrêta.

— C’est vrai, murmura-t-il d’une voix étranglée. Cependant il faut qu’il meure ! Qu’on lui donne une épée, un poignard, n’importe quoi.

— Je ne veux pas me battre en ce moment, dit-il froidement.

— Oh ! il a peur, le lâche ! s’écria le chevalier.


La foule réunie sur la plage poussa un cri de terreur et d’admiration.

— Je n’ai pas peur et je ne suis pas un lâche, reprit-il, seulement j’ai pitié de vous ; si nous nous battions, je vous tuerais, car la colère vous rend ivre et vous aveugle.

En ce moment un nouveau personnage qui, à la faveur du tumulte occasionné par cette rixe, était entré en compagnie de plusieurs personnes sans être remarqué, s’interposa brusquement en frappant sur l’épaule du capitaine.

Celui-ci se retourna comme si un serpent l’avait piqué ; mais à la vue de l’inconnu qui se tenait froid et digne devant lui, son exaltation tomba subitement ; et baissant la pointe de son épée, bien qu’un tressaillement nerveux agitât tout son corps :

— Montbars ! murmura-t-il d’une voix étouffée.

C’était en effet le célèbre flibustier. Il jouit un instant de son triomphe sur cette nature indomptable, puis il reprit la parole.

— Ton adversaire a raison, Grammont, dit-il d’une voix incisive, tu n’es pas en état de te battre.

— Ah ! fit-il avec ressentiment, toi aussi, tu te mets contre moi.

— Tu es fou, reprit-il en haussant imperceptiblement les épaules, je ne veux que t’empêcher de faire une sottise.

À la vue de Montbars, les aventuriers s’étaient respectueusement reculés, laissant un large espace vide au milieu de la salle.

— Cet homme m’a déshonoré, il faut qu’il meure ! reprit le capitaine en frappant du pied avec rage.

Martial fit deux pas en avant.

— Non, monsieur, dit-il avec un accent de dignité qui surprit tous les spectateurs de cette scène singulière, c’est vous qui vous êtes déshonoré vous-même par l’insulte brutale et grossière dont vous vouliez me flétrir ; je n’ai fait que me défendre, prévenir une voie de fait indigne de vous et de moi ; je ne conserve contre vous aucune colère, aucune animosité ; je vous tiens, et je le dis hautement devant tous, pour un homme d’honneur ; ce qui s’est passé entre nous ne signifie rien : j’ai été plus adroit que vous parce que j’étais plus calme, voilà tout !

Pendant que le jeune homme parlait ainsi d’une voix douce et sympathique, Montbars l’examinait attentivement ; ses traits sévères prenaient une expression de bienveillance, et lorsqu’il se tut, il murmura en regardant le capitaine :

— Voilà qui est bien dit, qu’en penses-tu, chevalier ? n’est-ce pas un brave garçon ?

Le capitaine demeura un instant immobile, les yeux fixés à terre, en proie à une émotion que, malgré toute sa puissance sur lui-même, il ne parvenait pas à maîtriser ; enfin il releva la tête, une rougeur fébrile colora son visage, et, s’inclinant devant le jeune homme debout devant lui :

— Oui, vive Dieu ! vous êtes un brave garçon, dit-il, et un grand cœur, qui plus est ; quant à moi, je suis une bête féroce ; j’ai mérité la rude leçon que vous m’avez donnée ; pardonnez-moi donc, monsieur, car je reconnais mes torts.

— Monsieur, ceci est de trop, répondit Martial.

— Non, monsieur, ceci est bien, au contraire, dit Montbars.

— Maintenant, une dernière grâce, monsieur, reprit le capitaine.

— Je suis à vos ordres, monsieur.

— Consentez à me faire l’honneur de croiser l’épée avec moi.

— Monsieur…

— Oh ! ne me refusez pas, je vous en prie, monsieur, dit-il avec insistance ; je ne conserve plus de colère contre vous, mais mon honneur exige que vous m’accordiez cette réparation, ne serait-ce, ajouta-t-il avec un sourire triste, que pour enlever la poussière dont mes vêtements sont souillés.

— Vous le voyez, je suis sans arme.

— C’est vrai, monsieur, dit Montbars en tirant son épée du fourreau et la lui présentant, consentez à vous servir de celle-ci ; le capitaine a raison, vous ne sauriez lui refuser la réparation qu’il demande.

— Je ne songe pas à le faire, monsieur, j’accepte votre épée ; mais où nous battrons-nous ?

— Ici même, si vous le voulez bien, dit le capitaine.

— Soit, monsieur.

Les deux adversaires ôtèrent leurs pourpoints et se mirent en garde.

La salle de l’auberge offrait en ce moment un aspect étrange.

Les aventuriers s’étaient peu à peu reculés à droite et à gauche et, pour donner plus de place aux combattants, ils étaient montés sur les tables, gardant un silence funèbre, mais avançant anxieusement la tête sur l’épaule les uns des autres, afin de mieux suivre les péripéties du duel.

Après s’être courtoisement salués, les deux adversaires engagèrent les épées.

Dès les premières passes, les assistants comprirent que les deux hommes étaient de force supérieure. Malgré la rapidité des passes et des feintes du capitaine, Martial, immobile comme s’il eût été cloué à la place qu’il avait prise, maintenait toujours la pointe au corps ; son poignet semblait de fer.

De son côté, le chevalier de Grammont, rompu à tous les exercices du corps, et dont la vigueur naturelle était encore surexcitée par la honte de sa première défaite, opposait à son adversaire une résistance inébranlable.

Le capitaine avait repris tout son sang-froid, et, comme en se jouant, maniait son épée avec une élégance et une habileté extrêmes.

Deux ou trois minutes s’écoulèrent pendant lesquelles on n’entendit dans cette salle, cependant remplie de monde, d’autre bruit que celui de la respiration haletante des deux adversaires et le froissement sinistre du fer contre le fer.

Seul peut-être de tous les spectateurs, Montbars paraissait deviner la supériorité du jeu souple et serré à la fois de Martial, sur celui du capitaine.

Une fois, le chevalier ayant attaqué sur les armes, Martial vint à la parade en prime et riposta par un coup droit si rapide, que s’il n’avait pas retenu le fer, le capitaine aurait été traversé de part en part.

Montbars, intéressé malgré lui par cette scène, et ne comprenant rien à la façon de combattre du jeune homme, suivait avec une anxiété qui, malgré lui, se peignait sur son visage, toutes les péripéties de ce duel singulier ; il se demandait tout bas comment cela allait finir, lorsque tout à coup le capitaine fit un pas en arrière et, abaissant son épée :

— Vous êtes blessé ? dit-il.

— C’est vrai, répondit Martial en imitant son mouvement.

La pointe de l’arme du chevalier lui avait effleuré l’épaule, sur laquelle paraissaient quelques gouttes de sang.

— Messieurs, c’en est assez, dit Montbars en se plaçant entre eux.

— Parbleu ! fit le capitaine, je ne me soucie nullement de recommencer, je me reconnais doublement battu ; monsieur s’est juré d’avoir tout l’honneur de cette affaire : s’il l’avait voulu, dix fois il m’aurait tué.

— Oh ! monsieur, fit le jeune homme.

— Bah ! dit-il gaiement, je ne suis pas dupe de votre blessure, je ne suis qu’un écolier près de vous ; voici ma main, monsieur, serrez-la franchement, c’est celle d’un ami.

— J’accepte avec joie, monsieur, répondit Martial ; croyez bien que rien ne saurait me causer un plus vif plaisir.

— Allons, allons, dit en riant Montbars, tu as été plus heureux que sage, mon brave Grammont ; monsieur est un fort galant homme, tu ne t’es pas trompé ; il t’aurait certes tué s’il l’eût voulu.

— Ne parlons plus de cela, je vous en conjure, dit en souriant le jeune homme.

— Parlons-en, au contraire, reprit le capitaine avec une brusque franchise. Je suis un brutal ; j’avais besoin de cette leçon, je le répète ; mais soyez tranquille, camarade, je m’en souviendrai. Quel malheur qu’un aussi charmant compagnon que vous ne soit pas marin !

— Pardon, monsieur, je le suis

— Vrai, vous êtes marin ? fit-il avec joie.

— Certes, dit alors Vent-en-Panne, qui avait entendu toute cette conversation et s’était rapproché, et la preuve, c’est que monsieur est mon second lieutenant : c’est même en partie à lui que je dois le salut de mon navire.

— Pardieu ! voilà qui se rencontre à merveille, s’écria le capitaine ; si cela vous convient, nous naviguerons de compagnie à la côte, et nous jouerons de bons tours à ces scélérats de Gavachos.

— Eh ! mais, un instant, dit Vent-en-Panne, laissez-moi au moins le présenter à Montbars. C’est dans cette intention que je l’avais prié de se rendre ici.

— Il s’est, pardieu, bien présenté lui-même, répondit en riant le flibustier ; maintenant, mon vieux matelot, il peut se passer de toi, car c’est moi qui le cautionne.

Martial, flatté de cet éloge si délicat, salua Montbars, en rougissant de plaisir et d’orgueil.


  1. On nommait ainsi une pesante chaîne d’or que les riches aventuriers portaient au chapeau.
    G. Aimard.
  2. Il se nommait réellement ainsi, et appartenait à cette ancienne famille.
    G. Aimard