Les Bras tendus ! (Guaita)

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Rosa MysticaAlphonse Lemerre, éditeur (p. 143-144).
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Les Bras tendus !


 
L'atlantique, éveillant ses fureurs ululantes,
S’acharne au rude assaut des falaises croulantes.
Le flot bondit, et se confond
Avec le firmament qui s’effondre en nuée,
La voix rauque du ciel se mêle, exténuée,
Aux plaintes de la mer sans fond.

Sur la dune gémit un chêne séculaire,
Géant noir qui se tord dans la bise en colère
Sous l’éclaboussure du raz.

Implorant le terroir maternel, comme Antée,
Il tend — à contre-sens de l’onde tourmentée —
Vers le sol natal ses longs bras.

Ainsi souvent, mordu d’une impossible envie,
Tournant le dos aux noirs abîmes de la vie
Que j’ai vainement explorés,
Vers l’Idéal qui fait sur moi frémir son aile,
Et vers ta gloire d’or, Béatrix éternelle,
Je tends deux bras désespérés !


Février 1884.