Les Châtiments/Le Bord de la mer
XV
LE BORD DE LA MER
HARMODIUS.
La nuit vient. Vénus brille.
L’ÉPÉE.
Harmodius, c’est l’heure !
LA BORNE DU CHEMIN.
Le tyran va passer.
HARMODIUS.
J’ai froid, rentrons.
UN TOMBEAU.
Demeure.
HARMODIUS.
Qu’es-tu ?
LE TOMBEAU.
Je suis la tombe. — Exécute, ou péris.
UN NAVIRE À L’HORIZON.
Je suis la tombe aussi, j’emporte les proscrits.
L’ÉPÉE.
Attendons le tyran.
HARMODIUS.
J’ai froid. Quel vent !
LE VENT.
VOIX DANS L’AIR.
Némésis ! Némésis ! lève-toi, vengeresse !
L’ÉPÉE.
C’est l’heure. Profitons de l’ombre qui descend.
LA TERRE.
Je suis pleine de morts.
LA MER.
LA TERRE.
Les morts saignent pendant qu’on adore son ombre.
UN FORÇAT.
Je suis forçat, voici la chaîne que je porte,
L’ÉPÉE.
Ne frappe pas au cœur, tu ne trouverais rien.
LA LOI.
J’étais la loi, je suis un spectre. Il m’a tuée.
LA JUSTICE.
De moi, prêtresse, il fait une prostituée.
LES OISEAUX.
Il a retiré l’air des cieux et nous fuyons.
LA LIBERTÉ.
Je m’enfuis avec eux ; — ô terre sans rayons,
UN VOLEUR.
LE SERMENT.
Dieux puissants ! à jamais fermez toutes les bouches !
LA PATRIE.
Mon fils, je suis aux fers ! Mon fils, je suis ta mère !
HARMODIUS.
Quoi ! le frapper, la nuit, rentrant dans sa maison !
LA CONSCIENCE.
Tu peux tuer cet homme avec tranquillité. |