Les Chapelles (Verhaeren)
LES CHAPELLES
Revivent toutes à la fois,
Quand les roses s’éveillent ;
Les saints du paradis se fêtent tour à tour,
Et la Vierge s’entoure
D’une humble Cour
L’ont habillée avec un manteau vieux
Plein de dorures,
Et, pour qu’elle ait plus jeune allure,
Lavé ses mains, lavé ses traits
Gercés de froid, mordus d’usure,
Oh ! son collier étincelant
Et l’épingle de métal blanc
Dans son voile piquée,
Et ses souliers en cuir mollet,
Et sa ceinture à chapelet,
Et sa petite crinoline
Dame jolie et naïve poupée,
Qu’un soin charmant tient occupée
Et qui regarde l’aube et regarde la nuit.
Au coin des bois, au cœur des plaines,
Benoîte amie et séculaire image,
Te prient et ne te cachent rien,
Puisque tu es de leur ménage.
Or, c’est en mai qu’ils ont besoin de toi
Tous à la fois ;
Un mois de mai hostile et noir
Fait basculer et fait descendre
Vers le néant l’espoir
Naissent à peine et ont besoin de nuits
Sans gel et sans grands vents rebelles :
Et l’on te pare en ta chapelle,
Pour t’honorer, d’abord,
Et puis encor
Pour qu’à cette heure autoritaire,
Ton geste d’aide et de secours
Soit vêtu d’or et de velours,
Revivent toutes à la fois.