Les Chemins vicinaux en France

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Les chemins vicinaux en France
Ph. De Bosredon


LES
CHEMINS VICINAUX
EN FRANCE

De toutes les mesures qui peuvent développer la prospérité d’une nation agricole, il n’en est peut-être pas dont l’utilité soit plus évidente que la création d’un réseau de chemins vicinaux bien percé, solidement construit, régulièrement entretenu. Depuis un demi-siècle environ, les gouvernemens qui se sont succédé dans notre pays ont fait des tentatives louables pour réaliser ce progrès, et les populations se sont imposé à cet effet des sacrifices considérables. Aujourd’hui les lignes les plus importantes sont livrées à la circulation ; mais en dehors de ces voies privilégiées qui absorbaient la presque totalité des ressources, la plupart des chemins vicinaux restaient dans un état d’abandon qui menaçait de se perpétuer indéfiniment. Une réforme sérieuse ne pouvait être opérée que par des moyens d’action extraordinaires. Aussi, pour donner une impulsion décisive à cette entreprise, la loi du 11 juillet 1868, qui a tracé un vaste programme pour l’achèvement de notre réseau vicinal, a-t-elle mis à la disposition des communes de larges subsides et créé en leur faveur un système spécial de crédit.

D’après une disposition expresse de cette loi, le gouvernement doit rendre compte chaque année au chef de l’état et aux chambres du degré d’avancement des travaux, de la quotité des ressources, de la répartition des sommes accordées aux communes soit à titre de subvention, soit à titre de prêt. Le premier de ces comptes-rendus vient de paraître sous forme d’un rapport adressé à l’empereur par le ministre de l’intérieur. Il permet d’apprécier en quoi consiste la vaste opération qui vient de commencer, quelles sont les dépenses auxquelles il faudra pourvoir et les ressources dont on dispose ; il permet aussi d’entrevoir les difficultés à surmonter, les élémens de succès qui favoriseront l’accomplissement de la tâche. La première campagne est terminée ; que fait-elle espérer, que fait-elle craindre pour l’avenir ?


I

On ne saurait se faire une idée exacte des premiers résultats obtenus sans les rapprocher du plan qui a servi de base à la loi du 11 juillet 1868, et ce plan lui-même ne peut être bien compris que si l’on se reporte à la législation antérieure, et notamment aux dispositions de la loi du 21 mai 1836, à laquelle notre vicinalité est redevable de si grandes améliorations. Déjà d’autres lois avaient établi ce principe que les chemins vicinaux sont à la charge des communes, et affecté à ce genre de travaux des ressources normales et permanentes. En développant ces ressources, en leur attribuant un caractère obligatoire, en adoptant une nouvelle classification des lignes vicinales fondée sur leur degré d’importance, en organisant un personnel spécial pour la direction technique des travaux, la loi de 1836 a réalisé par elle-même de remarquables progrès ; elle en a préparé pour l’avenir de plus considérables encore. On peut sans doute prévoir que les distinctions qu’elle a établies, nécessaires au début, s’effaceront peu à peu, et que les diverses catégories de chemins se confondront dans un système plus large ; mais on ne saurait méconnaître qu’elle était appropriée aux besoins de l’époque, et il est vraisemblable qu’elle restera longtemps encore la base de notre législation vicinale.

D’après la loi de 1836, les chemins vicinaux se divisent en deux catégories principales. La première comprend, sous la dénomination de chemins vicinaux de grande communication, les lignes qui, se développant sur un long parcours, mettent en relation un grand nombre de communes et quelquefois même plusieurs cantons. Dans la seconde sont rangés les chemins vicinaux ordinaires, c’est-à-dire les chemins destinés à desservir l’intérieur de chaque commune. Une catégorie intermédiaire, qui était à peine indiquée dans la loi de 1836, a pris depuis une grande extension : c’est celle des chemins d’intérêt commun, qui pourvoient aux relations d’un certain groupe de communes limitrophes. La loi a donc constitué trois réseaux correspondant à la grande, à la moyenne, à la petite vicinalité. L’étendue de ces trois réseaux est de 551,000 kilomètres[1], longueur qui représente treize fois environ celle du méridien terrestre. Si on la rapproche de la superficie du territoire français (54 millions d’hectares) et du chiffre de la population (38 millions d’habitans), on voit qu’elle correspond à 10 mètres par hectare et à 10 mètres par habitant. En n’envisageant que la longueur parvenue à l’état d’entretien, on obtient 6 mètres par hectare, 8 mètres par habitant ; mais ces moyennes générales présentent des différences très sensibles, si l’on compare entre eux les divers départemens. Pour ne parler que des chemins à l’état d’entretien, on voit varier la longueur de moins de 1 mètre par hectare (Basses-Alpes, Corse, Pyrénées-Orientales, Savoie), à plus de 10 mètres (Eure, Seine-Inférieure, Somme), et ce rapport concorde en général avec le degré de développement de la richesse agricole. Les variations ne sont pas moindres, mais elles donnent lieu à des rapprochemens beaucoup plus inattendus, quand on compare la longueur des chemins construits avec le chiffre de la population ; c’est ainsi que l’on rencontre des rapports presque identiques (3 mètres environ par habitant) dans deux départemens aussi dissemblables que la Haute-Savoie et le Nord, le premier n’ayant qu’un réseau très limité avec un nombre d’habitans très restreint, et le second possédant un réseau qui présente un développement cinq fois supérieur, mais qui correspond à une population beaucoup plus dense.

Indépendamment des lignes auxquelles un acte de l’autorité publique attribue le caractère de chemins vicinaux, et auxquelles la loi affecte les ressources que nous indiquerons tout à l’heure, nos campagnes sont sillonnées d’une multitude de voies de communication secondaires, et, si le sujet que nous traitons comportait de telles images, la question des chemins pourrait être comparée à ces vastes plaines qui permettent au voyageur de découvrir, au-delà des premiers plans, des perspectives presque indéfinies : elle ouvre à l’administrateur des horizons qui s’agrandissent sans cesse. A peine l’achèvement des chemins vicinaux est-il décidé, qu’on commence à se préoccuper des chemins ruraux, c’est-à-dire de ces petits chemins qui dépendent du domaine communal, mais ne desservent qu’un certain village ou un certain groupe d’exploitations agricoles. Une loi récente permet aux communes d’affecter aux chemins ruraux les ressources vicinales lorsqu’il a été préalablement pourvu aux dépenses qu’exigent les autres chemins ; mais ce ne sera là qu’un fait très exceptionnel. Le code rural aujourd’hui en délibération nous paraît avoir admis un système plus pratique, en organisant, pour le cas très fréquent où la commune sera hors d’état d’intervenir, des associations syndicales qui comprendront les propriétaires spécialement intéressés, et les appelleront à subvenir aux frais de réparation ou d’entretien.

Ces associations seront le dernier terme de la gradation que la loi établit entre les diverses voies. Au sommet de l’échelle, la dépense des routes impériales est supportée par le budget de l’état, c’est-à-dire par l’universalité des contribuables ; celle des routes de second ordre incombe au département, celle des chemins de grande communication et de moyenne vicinalité à une collection de communes, celle des chemins vicinaux ordinaires à chaque commune isolément, celle enfin des chemins ruraux à une fraction de la commune représentée par une réunion d’habitans ou de propriétaires. Ainsi, à mesure que l’importance de la ligne décroît, la dépense se localise de manière que la contribution de chacun reste toujours proportionnelle à son intérêt.

Les ressources que la législation applique aux dépenses des trois catégories de chemins vicinaux sont de deux natures. Elles consistent d’abord en un certain nombre de journées de travail (prestations) mises à la charge de chaque chef de famille, propriétaire, fermier ou colon partiaire, et comprenant des journées d’hommes, ainsi que des journées de charroi, d’animaux de trait ou de bêtes de somme, calculées d’après les élémens de la propriété foncière ou de l’exploitation agricole du contribuable. Le nombre de ces journées est limité à trois[2] pour chaque sorte de prestation. Le contribuable a d’ailleurs la faculté de se libérer en argent d’après un tarif réglé par le conseil-général du département. La base de cette taxe est d’une incontestable équité : la prestation est proportionnelle à l’usage qui est fait de la voie publique, et frappe tout ce qui concourt à la détériorer. Elle repose sur le même principe que le péage et atteint le même but en évitant des frais de perception onéreux et la gêne intolérable que les barrières apportent à la circulation. A côté du produit de la prestation se place celui des centimes additionnels aux contributions directes, que les départemens et les communes sont autorisés à s’imposer pour la vicinalité[3]. La loi a ainsi posé en principe que tout individu assujetti à l’impôt direct est intéressé à la confection des chemins, principe conforme à la réalité des faits, puisque les facilités données à la circulation se traduisent par une plus-value de la main-d’œuvre, des produits du sol et des objets fabriqués.

En créant à côté des ressources en argent des ressources en travail, on a donc réalisé une combinaison ingénieuse qui a eu les résultats les plus féconds. Pour construire les chemins, pour les entretenir, il faut de l’argent et il faut des bras : de l’argent pour acquérir les terrains, pour se procurer les matériaux d’empierrement et construire les ouvrages d’art ; des bras pour niveler le sol, élever les remblais, transporter et aménager les matériaux. Un équilibre aussi parfait que possible entre les deux espèces de ressources est une condition essentielle pour l’exécution rapide et économique des travaux : c’est cet avantage qu’on a obtenu en combinant avec la prestation, qui donne la main-d’œuvre, l’impôt, qui donne le numéraire.

On a dit que la prestation n’était autre chose que l’ancienne corvée déguisée sous un nom nouveau. Il y a sans doute assez d’analogie entre l’une et l’autre pour qu’on puisse les comparer, mais comme on compare l’abus d’une institution à cette institution elle-même. Si l’on veut d’autre part se rendre compte des profondes différences qui les distinguent, on n’a qu’à relire le tableau que M. de Tocqueville a tracé des souffrances des corvéables dans son livre si curieux et si profond sur l’Ancien régime et la révolution. Tandis qu’on réserve aujourd’hui la prestation pour les chemins, et pour ceux-là seulement qui ont été classés comme présentant une utilité directe pour le prestataire, on réservait autrefois la corvée pour les routes que l’état et le département ont prises depuis à leur charge. Bien plus, on détournait la corvée de sa destination propre pour construire des casernes, pour voiturer les effets militaires, pour transporter les forçats dans les bagnes et les mendians dans les dépôts de charité. Turgot, dans le préambule de l’édit qui supprima momentanément la corvée (février 1776), Necker, dans son compte-rendu au roi Louis XVI (janvier 1778), Calonne, dans son mémoire à l’assemblée des notables (février 1787), constatent qu’on Exigeait de chaque journalier sept ou huit journées de corvée, que le corvéable était quelquefois obligé de se transporter jusqu’à dix et quinze lieues de son domicile, et que la perception était abandonnée à l’arbitraire des subalternes. Enfin, tandis que la prestation est répartie d’après des règles dont l’uniformité est absolue, la corvée, qui n’atteignait point les privilégiés, retombait de tout son poids sur le cultivateur. Celui-ci était froissé dans ses sentimens de justice en même temps que lésé dans ses intérêts matériels. Quelquefois peut-être souffrait-il moins de la charge elle-même que d’être le seul à la supporter, et il semble en effet qu’on prît alors pour la rendre plus pénible autant de soin qu’on en met aujourd’hui à l’alléger.

Telle qu’elle est organisée aujourd’hui, la prestation présente pour l’habitant des campagnes ce précieux avantage, qu’il peut se libérer soit en nature, soit en argent. Il préfère le plus souvent s’acquitter en nature[4] ; il aime mieux donner ses bras que son argent. On ne réclame d’ailleurs la prestation dans les ateliers, autant que possible, que lorsque les travaux agricoles sont en chômage ou peuvent du moins être interrompus sans préjudice trop sérieux. On s’efforce aussi de convertir les journées en taches, mesure excellente qui donné au contribuable plus de latitude et de temps pour se libérer, et qui, au point de vue technique, produit les meilleurs résultats.

En général, la prestation est acquittée en nature dans les départemens où la population est pauvre et la main-d’œuvre peu rétribuée relie est rachetée en argent dans les départemens où l’agriculture est avancée, où l’aisance est répandue, où le salaire que le journalier peut obtenir en louant ses bras est supérieur au prix de rachat, que le conseil-général fixé toujours à un taux modéré. Quelquefois le mode de libération est déterminé par des causes purement locales. C’est ainsi que dans le département de la Haute-Vienne le nombre considérable des rachats en argent dérive du colonage partiaire. La charge de la prestation en effet, d’après les coutumes ; se partage entré le propriétaire et le colon ; le premier ne peut s’acquitter en nature, parce que les instrumens et les animaux sont entre les mains du colon, et celui-ci, n’étant pas admis à faire une option partielle, acquitte nécessairement en argent.

Mais la cause qui influe le plus directement sur le mode de paiement de la prestation, c’est la destination qu’on lui donne : le contribuable l’acquitte en argent ou en nature, suivant qu’on l’oblige à l’effectuer plus loin ou plus près. Si, dans le département de la Haute-Vienne, le montant des rachats en argent s’élève à 98 pour 100, ce n’est pas uniquement à cause des usages locaux que nous avons rappelés, c’est sans doute aussi parce que les deux tiers des journées sont prélevés pour la grande et la moyenne vicinalité. Si les rachats ne dépassent pas 16 pour 100 dans le département du Nord, c’est probablement parce qu’on y emploie 84 pour 100 des journées sur les chemins ordinaires, et 16 pour 100 seulement sur les autres réseaux ; La proportion des rachats est donc un thermo mètre très sensible, dont les oscillations Indiquent là un administrateur attentif quel parti il peut tirer de telle oui telle ressource, et quels ménagemens il doit avoir pour telle ou telle tendance, des populations. En outre la prestation a ce mérite, que celui qui la supporte se rend très bien compte de l’emploi qui en est fait. Quand le paysan est mis en demeure de payer ses contributions, on a beau lui expliquer que celles-ci ne sont pas toutes absorbées par l’état, qu’elles profitent en partie au département et même à la commune, il sent très vivement le sacrifice qu’on lui impose, il ne voit pas clairement le profit qu’il en retirera. Au contraire, lorsqu’il acquitte ses journées de prestations, il sait qu’il travaille au chemin dont il se servira pour se rendre à la mairie où à l’église, pour envoyer ses enfans au catéchisme ou à l’école, pour aller cultiver son champ ou conduire sa récolte au marché. Son intérêt est palpable, son avantage évident. Aussi peut-on dire que, de toutes les charges publiques, la prestation est peut-être la mieux comprise et la plus facilement acceptée.


II

Le système général de la loi de 1836 ainsi exposé, il convient d’examiner l’état actuel des chemins de grande communication et l’intérêt commun avant d’aborder la question des chemins vicinaux ordinaires. Le réseau de la grande communication présente ainsi qu’on l’a vu plus haut, une longueur de 85,000 kilomètres. Sur ce chiffre, 80,000 kilomètres sont en état de viabilité ; le surplus est en construction ou sera prochainement entrepris. Ce magnifique réseau peut donc être considéré comme terminé, et la loi de 1868 n’a pas eu à s’en préoccuper[5]. Il sillonné dès à présent toutes les contrées de la France, et il a développé les éléments de richesse que possède notre agriculture, mais qui restent à l’état latent jusqu’au moment où des moyens de circulation faciles et économiques viennent lui ouvrir les débouchés dont elle a besoin.

La situation des lignes d’intérêt commun est aussi très satisfaisante, bien que le réseau soit un peu moins avancé. Sur 82,000 kilomètres, 63,000 sont viables, 6,000 sont en construction ; le surplus (14,000 kilomètres) est encore en lacune. On voit que la tâche est déjà aux trois quarts accomplie. En 1861, une subvention de 25 millions est venue hâter dans des proportions considérables l’achèvement de « l’œuvre ; une nouvelle allocation-de 15 miHions inscrite dans la loi de 1868 permettra de la poursuivre sans désemparer. La création de ces deux réseaux est déjà en elle-même un immense bienfait pour les populations des campagnes ; de plus, et par l’effet d’une disposition de la loi de 1836, elle se lie intimement à la construction des chemins vicinaux ordinaires. Cette loi en effet a permis de prélever au profit de la grande et de la moyenne communication une partie des ressources de la vicinalité. A mesure que l’exécution des deux premiers réseaux s’avance, ces prélèvemens deviennent inutiles, et les ressources sont reportées en masse sur les lignes d’un ordre inférieur. L’achèvement des chemins de grande communication, le développement rapide des lignes d’intérêt commun, en donnant une première et importante satisfaction au pays, préparent donc un progrès nouveau par l’accroissement du budget affecté au troisième réseau, c’est-à-dire aux chemins vicinaux ordinaires.

Le premier soin de l’administration, lorsqu’elle s’est décidée à poursuivre avec vigueur l’achèvement de cette dernière catégorie de chemins, a été de préciser le terrain sur lequel elle allait opérer. Les classemens faits à diverses époques par les conseils municipaux résultaient de mesures individuelles, prises en dehors de toute vue d’ensemble. Aussi s’étaient-ils multipliés à l’excès, englobant dans les voies vicinales tantôt de simples sentiers d’exploitation, tantôt des lignes d’un intérêt douteux ou du moins fort restreint. S’imposer l’obligation d’entreprendre cet immense réseau sans l’avoir soumis à une révision, sans distinguer ce quittait utile et urgent de ce qui pouvait être ajourné, c’eût été tenter l’impossible. Déjà, dans plusieurs départemens, cette révision s’était opérée sous la seule pression de circonstances locales ; en y procédant d’une manière générale et méthodique, on a éliminé toutes les lignes dépourvues d’intérêt véritable pour concentrer l’action sur celles qui étaient réclamées par des. besoins sérieux.

On a vu plus haut que la longueur totale des chemins ordinaires classés s’élève à 384,000 kilomètres ; mais il fallait en déduire 112,000 kilomètres de chemins déjà construits, et dont il ne restait plus qu’à assurer l’entretien. Sur les 272,000 kilomètres restans, on a réduit à 140,000 kilomètres environ, d’après les avis des conseils électifs de la commune et des départemens, la longueur à construire.

Cette opération préparatoire une fois terminée, on a dû se fixer sur le nombre d’années qui serait nécessaire pour achever le réseau ainsi constitué. Les données recueillies avaient fait concevoir l’espérance d’effectuer les travaux en dix ans ; c’est en conséquence une période décennale que la loi du 11 juillet 1868 a envisagée. La longueur du réseau étant connue et la période d’exécution déterminée, il restait à faire l’évaluation de la dépense. On devait y comprendre d’abord les frais nécessaires pour entretenir les chemins. déjà construits, puis les frais de construction des chemins nouveaux et les frais d’entretien de ces mêmes chemins pendant dix ans[6]. D’après les calculs faits par les agens voyers et contrôlés avec soin par l’administration supérieure, la dépense a été évaluée à 841 millions.

Quelles ressources pouvait-on placer en regard de ce chiffre presque effrayant au premier abord ? Par quel procédé arriverait-on à régler, dans des conditions satisfaisantes, le bilan d’une opération qui exigeait de tels sacrifices ? Les ressources normales qui constituent le budget de la vicinalité pouvaient fournir, défalcation faite des prélèvemens opérés en faveur des autres réseaux et de diverses non-valeurs, une somme de 331 millions en dix ans. On était fondé à compter en outre sur d’autres ressources qui, sans être assurées d’une manière absolue, pouvaient cependant être regardées comme acquises. On admettait que les communes, outre leurs revenus ordinaires ou les centimes affectés à la vicinalité, donneraient, à titre de sacrifices extraordinaires, un contingent de 200 millions. De plus on avait l’espoir que les conseils-généraux, qui avaient déjà fourni tant de preuves de leur sollicitude pour la vicinalité, ne refuseraient pas de venir en aide aux communes par des subventions volontaires. On évaluait à 100 millions le montant des allocations qui seraient accordées sur les budgets départementaux. Enfin l’état a pris à sa charge une autre somme de 100 millions : soit en tout 731 millions. L’écart entre l’évaluation de la dépense et celle des ressources s’est donc trouvé réduit à 100 millions environ ; mais, dans la pensée des auteurs de la loi, cette insuffisance devait être atténuée par la restitution progressive à la petite vicinalité des fonds prélevés pour les autres lignes, et en outre par les facilités qui seraient données aux communes à l’aide des moyens de crédit dont il nous reste à parler.

Pour que le concours des conseils municipaux pût répondre aux espérances qu’on fondait sur leur bonne volonté, il était indispensable de tenir compte de la situation précaire de la plupart des budgets communaux. Dans un grand nombre de cas, les sacrifices qu’on demandait aux communes exigeaient un emprunt, et l’emprunt lui-même, dans les conditions offertes par les établissemens de crédit, bien que ces conditions fussent relativement modérées, eût excédé les forces contributives des populations. Les conseils municipaux auraient donc éprouvé une hésitation fort naturelle à voter des centimes dont le produit, pour une forte partie, eût été absorbé soit par l’amortissement du capital, soit par le service des intérêts de l’emprunt. On a pourvu à cette grave difficulté par l’institution d’une caisse spéciale qui, sous le nom de Caisse des chemins vicinaux, est autorisée à faire aux communes, jusqu’à concurrence de 200 millions, des avances remboursables en trente annuités, à 4 pour 100, amortissement compris. Pour indiquer à quel degré cette combinaison est favorable aux communes, il suffira de dire que la différence entre le taux consenti par la caisse et le taux réel supporté par le trésor équivaut, pour la période décennale, à une nouvelle subvention de 36 millions ajoutée à l’allocation principale de 100 millions.

Tel est, dans son ensemble, le plan qui préside à l’achèvement des chemins vicinaux ordinaires. C’est dans le courant de 1867 qu’il a été conçu et mûri. Pendant que M. le marquis de La Valette, alors ministre de l’intérieur, en recueillait les données au point de vue administratif, et que les préfets faisaient étudier, par ses ordres la constitution du réseau et l’évaluation des dépenses et des ressources, M. Rouher, qui était momentanément chargé du portefeuille des finances, méditait le mécanisme de la caisse. La loi du 11 juillet 1868 est sortie de ces travaux préparatoires.


III

Rapprochons maintenant les prévisions de 1867 des résultats obtenus en 1869, et voyons dans quelle mesure elles sont justifiées ou déçues. — L’estimation de la dépense ne peut être sensiblement modifiée, puisque la longueur du réseau est invariable, et que le calcul des frais de construction et d’entretien a été fait d’après des données constatées par les agens les plus compétens. Quant à l’évaluation des ressources, elle présente un caractère aléatoire. Toutefois le chiffre des recettes normales de la vicinalité a pu être déterminé avec certitude d’après les exercices antérieurs ; d’autre part la réalisation de la subvention de l’état ne peut faire doute, et n’est assujettie à aucune autre formalité que l’inscription successive au budget des crédits déjà alloués en principe. Il n’y a donc de conjectural dans les prévisions que deux élémens : en premier lieu, le contingent présumé que les communes pourront fournir en dehors des ressources spéciales, et en second lieu les allocations des départemens.

Les sacrifices extraordinaires des communes, les dons et souscriptions en argent, en terrain, en travail et en matériaux, s’élèvent dès la seconde année à une somme de 75 millions. Ce chiffre est sans doute fort au-dessous des 200 millions prévus ; mais il paraîtra considérable, si l’on réfléchit qu’il représente, à la deuxième échéance de la période décennale, le tiers du contingent total, et qu’un certain nombre de conseils municipaux, ne voulant pas engager l’avenir financier de leur commune, inscrivent chaque année au budget la dépense spéciale afférente à l’exercice et la ressource correspondante plutôt que d’envisager dès le début, comme quelques autres, l’ensemble de la période. En ce qui concerne les conseils-généraux, les résultats déjà acquis répondent aux espérances les plus larges : ces assemblées, qu’anime un esprit si sage et qui sont si profondément initiées aux besoins des habitans des campagnes, ont accordé leur concours avec un empressement véritable : l’apport de 100 millions qu’on attendait des départemens est déjà fourni, et, dans le cours des années suivantes, il sera certainement dépassé. Si l’on fait la récapitulation de ces diverses ressources, on arrive à la somme de 550 millions environ[7], qui, rapprochée de l’estimation de la dépense, ferait ressortir un déficit de près de 300 millions ; mais ce déficit n’est qu’apparent, car dans le calcul on ne tient compte que des ressources déjà certaines, déjà acquises d’une manière positive à l’entreprise, sans y ajouter celles qui seront successivement créées dans le cours de la période décennale, et dont l’importance ne saurait être douteuse, bien que le montant n’en puisse encore être connu. Si, comme le fait le rapport ministériel, on appréciait l’ensemble de la période d’après l’exercice 1869, le déficit se trouverait déjà réduit à 150 millions. Ce dernier chiffre paraît encore fort au-dessus de la réalité, car les communes sont bien loin d’avoir absorbé les fonds mis à leur disposition par la caisse des chemins vicinaux. Il est manifeste qu’elles y puiseront plus largement lorsque les conseils municipaux se seront familiarisés avec le mécanisme de la caisse et avec les conditions si avantageuses qu’elle leur offre.

Les prévisions primitives, quant à la création des ressources, sont donc déjà justifiées en partie, et tout annonce qu’elles se réaliseront complètement dans le cours de la période décennale. Il nous reste à indiquer quel a été (en travaux, et au point de vue de l’avancement effectif du réseau, le résultat de la campagne de 1869. La longueur du réseau à construire avait été fixée à 140,000 kilomètres environ ; mais, pour amener à l’état complet d’entretien un assez grand nombre de ces chemins, il suffisait de quelques opérations complémentaires destinées à régulariser l’assiette ou la largeur de la voie. Ces travaux, peu compliqués et peu dispendieux, ont été exécutés, dans le courant de 1868. A la fin de cette même année, la longueur en lacune se réduisait à 108,000 kilomètres ; elle n’est plus, à la fin de 1869, que de 102,000 kilomètres. La longueur livrée à la circulation en 1869 s’élève donc à 6,000 kilomètres, et à 7,000, si l’on y comprend les chemins déjà ouverts qui ont été amenés à l’état d’entretien complet. Ce chiffre paraît au premier abord peu élevé ; si en effet on devait le prendre pour moyenne, on n’arriverait à construire que 70,000 kilomètres en dix ans, soit les deux tiers de la longueur qui reste à construire ; mais l’exercice 1869 ne saurait être regardé comme une année normale. Les agens-voyers n’avaient pu encore rédiger les projets, ni les communes négocier avec la caisse pour se procurer des fonds ; les travaux en général ont été commencés tardivement. Il n’est pas douteux que les résultats des années ultérieures ne puissent être de beaucoup supérieurs à ceux qu’a donnés cette première campagne.

Faut-il conclure de cette dernière observation qu’une période de dix ans suffira pour le complet achèvement de l’ensemble du réseau ? Il est permis d’en douter, et le rapport ministériel est loin d’être affirmatif sur ce point. Si l’on remarque en effet qu’à côté des chemins vicinaux ordinaires on entreprend dans plusieurs départemens des chemins de fer d’intérêt local, et que dans presque tous on a encore à terminer les lignes de grande communication et à poursuivre les lignes d’intérêt commun, si l’on réfléchit à la multiplicité des ateliers à ouvrir, si l’on calcule le temps nécessaire pour préparer les projets, organiser les prestations, diriger les chantiers, on est amené à penser que le terme de dix ans est bien court. Toutefois ce délai n’est pas une limite fatale, c’est une base d’opération qui se prêtera aux tempéramens qu’exigeront les circonstances. De plus il résulte du rapport officiel que déjà dix-huit départemens ont ; adopté des combinaisons financières qui assurent l’exécution des travaux dans la période décennale, et que vingt-huit autres n’ont qu’un faible effort à faire pour arriver au même résultat. On est donc fondé à espérer qu’en dehors des exceptions dont il faut toujours tenir compte en pareil cas, on aura, dans dix ans, accompli la plus grande partie de l’œuvre et atteint le but dans ce qu’il a d’essentiel.

Même ainsi comprise, l’opération exigera de la part des agens-voyers un très grand effort. Elle ne comporte pas seulement la préparation des projets, la rédaction des devis, l’étude sur place des tracés, la direction des travaux ; si c’est là le côté le plus considérable et le plus apparent de la tâche des agens, il s’en faut qu’elle se réduise à cela. L’agent-voyer, après avoir fait sa tournée, le niveau et le mètre à la main, est obligé de relever ses carnets, de vérifier ses états, de mettre sa comptabilité en ordre. La comptabilité, qui est la base de toute administration bien ordonnée, a laissé à désirer jusqu’ici dans le service des chemins vicinaux. Une réforme sur ce point est d’autant plus opportune qu’une bonne comptabilité vicinale ; en même temps qu’elle éclairera le contrôle des conseils municipaux et des conseils-généraux, fournira au gouvernement les élémens du compte-rendu qu’il doit présenter aux chambres. Cette constatation est indispensable pour que l’emploi des subventions soit surveillé ; l’administration supérieure n’exige d’ailleurs que les documens qui lui sont vraiment nécessaires. Toutefois on ne peut se dissimuler que ces écritures imposeront aux agens-voyers un surcroît de travail dont il y a lieu de se préoccuper, car après tout ils doivent rester des hommes d’exécution pratique et non devenir des hommes de cabinet. Il est donc à souhaiter que les conseils-généraux organisent sur de larges bases le cadre d’un personnel dévoué-et plein d’ardeur, mais véritablement surchargé.

Une préoccupation plus grave encore, c’est celle du renchérissement que peut entraîner, soit dans le prix des matériaux, soit surtout dans celui de la main-d’œuvre, la multiplicité des travaux. Rien n’indique que cette hausse se soit déjà manifestée ; mais on ne saurait en être surpris, puisque la campagne de 1869 a surtout consisté en études préparatoires ; tout porte à penser que, lorsque les ateliers seront simultanément ouverts dans tous les départemens et presque dans toutes les communes, on n’échappera pas à un phénomène aussi conforme aux indications de la science économique. Il en résulterait un accroissement de dépenses, et par suite un certain mécompte ; mais on n’aurait pas à le regretter, si l’élévation des salaires devait avoir pour résultat de retenir dans les campagnes et à plus forte raison d’y rappeler les bras qui désertent l’agriculture. Ce temps d’arrêt dans le mouvement qui pousse aujourd’hui vers les villes tant d’individus appartenant aux populations rurales serait surtout opportun au moment où les travaux de Paris paraissent devoir subir un notable ralentissement.

Le gouvernement ne peut manquer d’observer avec attention les variations qui viendront à se produire dans le prix de la main-d’œuvre, et parmi les faits si nombreux que la construction des chemins, vicinaux peut l’obliger à étudier, il n’en est pas de plus digne de sa vigilance. Or a-t-il des moyens d’action suffisans pour diriger la vaste opération qui commence ? Nous serions tenté d’en douter. On s’est borné jusqu’à présent à créer au ministère de l’intérieur un bureau spécial, et l’excellente organisation de ce bureau a montré une fois de plus ce qu’on peut obtenir d’un personnel peu nombreux, mais bien recruté. Il serait utile d’aller plus loin et d’organiser une inspection pour étudier sur place la marche des travaux, contrôler les évaluations qui servent de base à la distribution des subventions de l’état, et surtout vérifier la comptabilité et l’emploi des fonds. Sans créer de nouveaux emplois, on pourrait se borner à confier des missions temporaires à des hommes exercés et possédant des notions pratiques. Un crédit très modique suffirait pour réaliser cette mesure, et une pareille dépense serait fort bien entendue, puisqu’elle permettrait de surveiller l’emploi des ressources de toute nature affectées à la vicinalité, c’est-à-dire d’un budget annuel de plus de 150 millions.

Une autre question nous paraît devoir appeler l’attention du gouvernement, c’est celle de l’entretien des chemins qui auront été construits. Au moment de la préparation de la loi de 1868, on avait proposé de déclarer que l’entretien du nouveau réseau serait obligatoire pour les communes ; il nous sera permis de regretter que cette proposition n’ait pas été accueillie. Les efforts des populations, les sacrifices de l’état, ceux des départemens, ceux des communes, les souscriptions des particuliers, les labeurs des agens-voyers, tout cela ne saurait se dépenser en pure perte. C’est pourtant ce qui arrivera, si la négligence ou l’incurie laisse retomber les chemins vicinaux dans l’état où ils sont aujourd’hui. Quand l’entretien n’est pas régulièrement assuré, quand un cantonnier n’est pas placé en observation sur la voie, les fossés s’obstruent peu à peu, les plantes parasites envahissent les accotemens, les eaux séjournent sur la chaussée et la désagrègent, les pluies d’orage y creusent des ornières profondes ; au bout de quelque temps, le sol est inégal, et bientôt il devient aussi impraticable que par le passé. Les subventions que l’état alloue aux communes, les avances qu’il leur fait dans des conditions onéreuses pour lui et très avantageuses pour elles, lui donnent le droit, lui imposent le devoir de tenir la main à ce qu’une œuvre si laborieusement accomplie soit conservée aux générations futures. Toutefois il ne suffirait pas d’imposer aux communes l’obligation d’entretenir le nouveau réseau, il faudrait leur en procurer les moyens. Dans beaucoup de cas, la restitution à la petite vicinalité des prélèvemens qui d’abord étaient opérés en faveur des chemins de grande et de moyenne communication donnera les fonds nécessaires. Au besoin, on pourra rendre obligatoire pour les communes le vote des 3 centimes de la loi de 1867 ou de la quatrième journée de prestation que la loi de 1868 les autorise à y substituer. On pourvoira au surplus, soit en demandant aux départemens de supporter sur leurs ressources propres l’entretien des chemins de grande communication, qui sont, à vrai dire, des routes départementales de deuxième ordre, soit en les autorisant à créer une sorte de fonds commun qui permettrait aux conseils-généraux de subvenir aux besoins des communes les plus obérées. La solution de la difficulté nous semble consister en un concours donné à un titre quelconque aux communes par le département au fur et à mesure que celui-ci sera dégrevé des dépenses de construction des lignes de grande communication et d’intérêt commun.

En résumé, le programme arrêté par la loi du 11 juillet 1868 se poursuit dans des conditions satisfaisantes. Quelle impression produit-il sur l’esprit des populations ? Toute appréciation sur ce point serait prématurée. On a reproché au gouvernement de n’avoir eu en vue, en s’occupant des chemins vicinaux, qu’un succès politique. Il ne lui était sans doute pas défendu de chercher un élément d’influence dans un acte d’administration intelligente ; mais nous croyons qu’il avait des visées plus hautes et qu’en même temps il ne se faisait pas d’illusions exagérées. Ce n’est pas au moment où commence une entreprise de cette nature qu’elle est populaire. Il faut d’abord traverser une période de travaux, d’efforts, de sacrifices, pendant laquelle le cultivateur, sans jouir encore du résultat, voit s’élever le chiffre de son impôt. L’opération se présente donc aux populations par le côté qui peut exciter un certain mécontentement. A mesure que ces charges momentanées s’allégeront, que l’ouverture des chemins nouveaux rendra plus facile la circulation des personnes et plus économique celle des denrées, les habitans des campagnes en apprécieront mieux les avantages. Combien ne rendrait-on pas plus saisissans pour eux des progrès dont la réalisation est désormais prochaine, si l’on pouvait traduire en chiffres les réductions qui se sont opérées depuis le commencement du siècle sur le prix moyen des transports[8] ! On l’a fait remarquer bien des fois, diminuer les frais de circulation qui grèvent le prix de vente du produit ! agricole, de la matière première et de l’objet fabriqué, sans rien ajouter à sa valeur intrinsèque, c’est assurer un bénéfice net soit au consommateur, soit au producteur. L’ont pourrait aller jusqu’à dire que c’est quelquefois créer une véritable richesse, car il serait aisé de citer nombre de denrées dont on ne tirait aucun parti parce que le coût du transport en excédait la van leur vénale, tandis que, dégrevées de cette charge parasite, elles deviennent l’objet d’un commerce lucratif. N’est-on pas fondé, d’un autre côté, à supposer que l’exploitation des chemins de fer comportera des abaissemens de tarif qui seront consentis sans résistance, lorsque l’achèvement des chemins vicinaux aura amené à chaque gare de nombreux affluens et décuplé le nombre des transports et des échanges ? Quoi qu’il en soit, et bien que ces résultats ne soient aperçus que confusément, les populations ont à un haut degré le sentiment de l’utilité de l’opération : les ressources qu’elles y consacrent le prouvent surabondamment. En présence de ces efforts, si dignes d’encouragement et d’éloges, en présence du généreux concours que l’état et les département donnent aux communes, on ne saurait douter du succès final d’une œuvre dans laquelle le pays trouvera une nouvelle source de richesse et un nouvel élément de grandeur.


PH. DE BOSREDON.


  1. Cette longueur se décompose ainsi :
    kilomètres
    Chemins de grande communication 85,000
    Chemins d’intérêt commun 82,000
    Chemins vicinaux ordinaires 384,000
    Total. 551,000 kilomètres


    Si on y ajoute la longueur des routes impériales (38,000 kilomètres), et des routes départementales (49,000 kilomètres), on arrive, pour l’ensemble des voies de communications terrestres de la France, à un développement total de 638,000 kilomètres, non compris 24,000 kilomètres de chemins de fer concédés au 31 décembre 1868.

  2. La loi du 11 juillet 1868 autorise les conseils municipaux à substituer, dans certains cas, une quatrième journée de prestation à une quotité déterminée de centimes extraordinaires.
  3. Le produit de la prestation est évalué, pour l’exercice 1869, à 58 millions, dont 37 millions acquittés en nature et 21 millions convertis en argent ; celui des centimes additionnels s’est élevé à 37 millions.
  4. Sur 100 journées inscrites aux rôles de l’exercice 1869, 62 ont été acquittées en nature et 37 rachetées en argent.
  5. Excepté pour quelques départemens, dont la situation était, à cet égard, tout à fait exceptionnelle.
  6. Les frais de construction, pour les chemins vicinaux ordinaires, sont évalués à 4 francs 15 centimes par mètre coupant, et les frais d’entretien à 0 franc 14 centimes.
  7. Cette somme se décompose ainsi : concours de l’état 100 millions, concours des départemens 100 millions, concours des communes (ressources ordinaires) 275 millions, concours des communes (sacrifices extraordinaires) 75 millions : total, 530 millions.
  8. L’agent-voyer en chef de l’Hérault affirme, que de 1836 à 1867 le prix, des transports, par tonne et par kilomètre, est descendu de 1 fr. 20 cent, à 0 franc 40 cent, et 0 fr. 20 cent, dans les cantons où les voies de communication ont été améliorées en même temps que le tonnage augmentait dans une proportion de 40 pour 100. L’ingénieur chargé du service vicinal de Seine-et-Marne évalue à plus de 400,000 fr., pour ce département, l’économie annuelle obtenue sur les frais de transport des principaux produits agricoles par suite de l’extension du réseau. Il serait à désirer que l’administration complétât, par cette curieuse statistique, les documens fort intéressans qu’elle public chaque année sur le service vicinal,