Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre II/Addition au livre II

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIp. 351-364).

ADDITION
AU LIVRE DEUXIÈME DES CHRONIQUES DE SIRE JEAN FROISSART.



Avant de coordonner et de réunir le vaste ensemble de faits qui compose ses Chroniques, Froissart en avait traité quelques parties avec plus d’affection : ce sont surtout celles qui concernent la Flandre, son pays ; là, il n’avait pas été un simple narrateur de faits contemporains. Sans être mêlé à la vie active de ces temps orageux, il y avait du moins pris une part réelle par ses intérêts ou ses opinions. Lié avec les hommes des divers partis, témoin des événemens, mieux instruit des causes qui les amenaient et les dirigeaient, il devait apparaître dans ces narrations plutôt avec le caractère d’un auteur de Mémoires qu’avec celui d’historien calme et désintéressé. Tel est entre autres le grand soulèvement des villes de Flandre contre les intérêts féodaux, dans l’année 1378, soulèvement qui se termina par la défaite définitive de la démocratie flamande, et peut-être européenne, à la bataille de Rosebecque. Froissart avait regardé cette lutte comme assez importante pour en écrire une histoire séparée. Plus tard, lorsqu’il voulut compléter son grand travail d’ensemble, il y fit entrer ce morceau comme épisode ; et en le refondant un peu pour conserver l’unité de rédaction de ses Chroniques, il en composa la plus grande partie de son deuxième livre, tel qu’on le trouve au commencement de ce volume.

Quelques manuscrits de sa première rédaction, un peu plus détaillée que celle qu’il a refondue, existent encore dans les bibliothèques publiques. Il est fort probable que ces copies auront été faites sur quelque manuscrit plus ancien que ceux des Chroniques générales. J’en connais trois exemplaires sur lesquels je vais donner quelques renseignemens détaillés.

Deux existent à la bibliothèque de Cambray sous les nos 677 et 700, et le troisième à la bibliothèque de la rue Richelieu, sous le no 9,657, fond Béthune. Tous trois sont des copies du même ouvrage, qui, pour avoir été faites dans des temps fort postérieurs, n’en conservent pas moins tous les caractères de l’authenticité.

Je parlerai dans mon troisième volume d’un autre manuscrit non moins curieux, contenant un fragment de Froissart sur le premier d’Artevelle et la première partie de ses Chroniques ; manuscrit que je suis allé examiner avec soin à Valenciennes, et qu’à la demande de M. Guizot, cette ville a bien voulu m’envoyer à Paris.

Dans la préface de ma première édition de Froissart, j’avais déjà dit quelques mots sur le manuscrit de Cambray, no 700, d’après une lettre écrite à M. de Foncemagne par l’abbé Mutte, doyen de Cambray, dont l’original est entre mes mains. Depuis, le savant M. Le Glay a donné quelques renseignemens de plus dans son Catalogue de la bibliothèque de Cambray. Avant de publier cette seconde édition, j’ai cru nécessaire d’aller moi-même à Cambray pour faire un examen plus détaillé de ces deux manuscrits, et voici le résultat de mes investigations. Je commence par le manuscrit 700 de la bibliothèque de Cambray, dont j’avais déjà dit quelques mots.

Manuscrit 700 de la bibliothèque de Cambray. — Il commence ainsi en encre rouge. La moitié des mots est effacée ; mais ces lignes étoient plus lisibles du temps de l’abbé Mutte, et je m’aide de son indication pour suppléer à ce que je n’ai pu lire moi-même.

« S’ensieult la Coronicque de la rébellion de cheuls de Gand et aulcunes villes de Flandre, contre leur seigneur et droicturier prince, qui dura sept ans, et commencha en l’an mil trois cens soissante et dis huit, jusques en l’an de grâce mil trois cens quatre vingt et chincq. »

Puis suit la narration en encre noire, commençant ainsi :

« Je Jehan Froissart, prestre, de la nation de la conté de Haynnau et de la ville de Valenchiennes, et en ce temps trésorier et chanoine de Chymay, qui, du temps passé, me suy entremis de traictier et mettre en prose et en ordonnance les nobles et haultes advenues et grands faicts d’armes qui advenus sont, tant des guerres de France et Engleterre, comme de ailleurs, me suy advisé de mettre en escript les grandes tribulations et pestillences qui furent en Flandre contre le conte Loys, leur seigneur, dont moult de mauls advinrent depuis, si comme vous orrez recorder avant en l’histoire ; et en l’Incarnacion commenchant l’an de grace Nostre Seigneur mil trois cens soissante dis huit. »

Puis viennent les chapitres de l’histoire, dont l’énoncé est en encre rouge, et le récit en encre noire.

Le premier et le dernier feuillet est en vélin, et le reste du volume en papier. Il y a plusieurs lacunes dans le corps du volume. Les feuillets manquans auront été déchirés ou perdus par le relieur.

Ce manuscrit se termine d’une manière imparfaite et mutilée à la levée du siége d’Audenarde, au moment où Pierre Van Den Bosschen[1] apprend la nouvelle de la défaite de Rosebecque et de la mort de Philippe d’Artevelle, le 29 novembre 1382.

Le quinzième cahier a disparu aussi.

Ce qui manque à ce volume, dont l’écriture est du quinzième siècle, est suppléé par un autre manuscrit mutilé de la même bibliothèque, coté 6177, et dont l’écriture est du seizième siècle.

677 de là bibliothèque de Cambray. — D’après une lettre écrite par l’abbé Mutte à M. de Foncemagne, je trouve que ce manuscrit appartenait avant la révolution à un M. de Herbaix de Thun-Saint-Martin, ancien capitaine de grenadiers au régiment de Nice. J’ignore comment il a passé de sa bibliothèque dans la bibliothèque publique de Cambray, où il se trouve actuellement.

Sur un feuillet placé en tête du volume, on lit :

« Cy commence la table des guerres de Flandre que le conte Loys de Male eult contre les Ganthois et Flamans, lesquelles guerres durèrent bien sept ans. »

« Et premièrement :

CHAPITRE 1er.

De la première et principale cause et rachine de la guerre du comte Loys de Male comte de Flandres, et comment blancs chaperons furent mis sus par Jehan Lyon.

L’ouvrage contient 73 chapitres, dont le dernier est :

Comment le duc et duchesse, comte et comtesse de Flandres, firent leur entrée en leur ville de Gand après la paix faite de Tournay[2].

Après la table des chapitres il manque un ou deux feuillets qui contenaient le commencement de l’histoire. Le feuillet suivant commence par ces mots :

« Sept frères, les plus grans de tous les navieurs. Entre ces sept frères y en avoit ung qui s’appeloit Guysebret Mathieu, etc. »

Le chapitre 73 finit ainsi :

« Et laisseray le duc et duchesse de Bourgongne, conte et contesse de Flandre en leur ville de Bruges, ensemble madame de Nevers leur belle-fille, et feray fin à ce présent livre des guerres de Gand. »

On lit ensuite :

« Lequel a esté escript par moy Hector Saudoyer, aliàs de Harchies, l’an de grâce mil cinq cens et trente-cinq, et à moy apartenant. »

H.
Aultre ne quiers.
Sauldoyer.

À la suite de ce morceau historique, on trouve dans le même volume l’histoire de Gérard de Roussillon et de madame Sainte Berthe sa femme, divisée en vingt-sept chapitres, et commençant ainsi :

« Pour avoir l’entendement et la congnoissance de la vie, des faits et des adventures… etc. »

Cette dernière partie du manuscrit finit par ces mots :

« Que Dieu a appareillé à ceulx qui gardent ses commandemens. »

« Escript par moy Henry Saudoyer et achevé la nuyt de la Magdelaine, l’an de grâce mil cinq cens et trente-six ; et avois lors d’âge LXIX, au dit jour. Qui le treuve se luy voeul rendre. »

H.
Aultre ne quiers.
Sauldoyer.

Le manuscrit de Paris, 9657, provient du fond de Béthune. Il est écrit sur papier, d’une écriture du quinzième siècle. Il commence par la table des chapitres, au nombre de trois cent huit. À la suite commence la narration.

En tête de cette partie, on lit :

« Cy conmmencent les croniques de Flandres, faîctes et compillées par Jehan Froissart. »

Puis un préambule, qui est le même que je viens de donner en rendant compte du manuscrit 700, sauf une courte réflexion incidente contre les Gantois. Je rapporte ici ce préambule pour faire juger des ressemblances et dissemblances de l’orthographe de tant de divers manuscrits par celles qui se rencontrent dans deux manuscrits du même temps, copiés dans le même pays.

« Je, Jehan Froissart, prestre, de la nation de la conté de Haynau et de la ville de Vallenchiennes, et en ce temps, trésorier et chanoine de Chimay, qui du temps passé me suis entremis de traictier et mettre en prose et en ordonnance les nobles fais et haultes advenues des grans fais d’armes, qui advenus sont, tant des guerres de France et d’Angleterre, comme de ailleurs, me suis advisé de mectre en escript les grans tribulations et pestillences qui furent en Flandres, et par le fait de orgueil, et de ceulx de Gand à l’encontre du conte Louys leur seigneur, dont moult de maulx vindrent et nasquirent depuis, si comme vous orrez recorder avant en l’ystoire, et en l’Incarnation commenchant l’an de grâce Notre Seigneur mil CCC LXXVIII. »

À la suite de ce préambule commencent les chapitres. Je les ai soigneusement collationnés avec les chapitres correspondans dans le deuxième livre des Chroniques, et j’ai trouvé que Froissart n’avoit fait que reproduire sa première narration, en supprimant les chapitres d’introduction qui avaient été nécessaires dans un récit particulier, et quelques détails qui lui paroissaient superflus, soit qu’il eût corrigé ses premiers renseignemens par des renseignemens meilleurs, soit qu’une histoire générale ne lui parût pas comporter les mêmes détails minutieux qu’un récit particulier. Il peut être intéressant aujourd’hui d’examiner le travail fait par l’historien sur lui-même. Je présente donc ici cette collation exacte des deux récits, chapitre par chapitre, en ajoutant comme variante les chapitres ou passages omis dans sa révision.

Le chapitre Ier et le chapitre II sont deux chapitres d’exposition omis par l’historien dans sa grande narration ; ils sont les mêmes que dans le manuscrit 700 de Cambray, les voici :

CHAPITRE 1er.

Cy parle du commenchement des guerres et de la scituation de la ville de Gand et des rivières.

Les guerres qui en ce temps s’entreprindrent entre le conte Loys et ceulx de Gand se commenchèrent par merveilleuses incidences et par povre conseil et advis de l’une partie et de l’autre. Et tant que la guerre et hayne esmouvoit entre les dessus nommés et leur seigneur le conte, ceulx de Bruges y eubrent grant coulpe ; et vechy raison pourquoy.

Vous savez, se en Flandres vous avez esté, que la ville de Gand, c’est la souveraine ville de Flandres, de puissance, de conseil, de seigneurie, de habitacions, de scituations et de toutes choses apartenans à une bonne ville et noble, que on pourroit deviser, dire ni recorder ; et que trois grosses rivières portans navires pour aller partout le monde le servent. La plus grosse est la rivière d’Escault, et puis la rivière de la Lys, et puis la menre la Liève. Se porte elle navie et leur fait grant prouffit, car elle leur vient de l’Escluse et du Dan, dont moult de biens venans par mer leur arrivent. Par la rivière de l’Escault, qui leur descent d’amont, leur viennent tous grains et vins, le grain de Haynnau et le vin de Franche. Par la rivière de la Lys, qui leur vient d’un autre costé, leur viennent grant foison de tous grains du bon pays d’Artois et des marches environ. Ainsi et par juste raison et solucion est Gand assise et scituée en la croix du ciel. Et en devant cheste haynne et esmouvement, qui durèrent environ sept ans, de quoy tout le pays de Flandres par toutes ses parties fu tellement exilliés et malmenés que on disoit qu’il n’étoit mie à recouvrer au point où il estoit devant cent an après à venir, le conte Louys de Flandres souverainement amoit la ville de Gand et les gens de dedans, et les honnouroit et prisoit dessus tous les autres. Ce conte de Flandres fu ungs saiges, subtils et vaillans prinche, et des haultes entreprinses, et que tous ses voisins resoignoient à couroucher. Ce que de cuer il entreprenoit, il le vouloit achever, auquel meschef que ce fuist. Si avoit il au devant moult esté eureux en toutes ses entreprîmes ; et quant il véy que ceulx de Gand, qui estoient si subgets, et que tant amoit, prisoit et honnouroit, se commenchèrent à rebeller contre lui, et opposer à ses intencions que il tenoit à bonnes, il lui deubt bien annuyer, ainsi qu’il fist, et bien le monstra. Ainsi que j’ay ci-dessus dit que ceulx de Bruges y eubrent grant coulpe, je vous veulx monstrer comment.

CHAPITRE 2.

Comment ceulx de Bruges furent cause de commenchement des guerres de Flandres.

Il est vray que la ville de Bruges n’est point bien aisée ne servie de doulches eaues, et que ils en ont grand dangier. Si ont-ils eu anciennement propos, de la rivière de la Lys qui leur marchist assez près, que ils en atrairoient en leur ville une partie, tant que leur eaue, qu’ils appellent la Roe, en seroit rafreschie, et de quoy Bruges en vauldroit grandement mieulx. Et en ont eus traictiés et parlement par pluiseurs fois à ceulx de Gand, une foys par amour et par doulceur, l’autre fois le voulloir prendre par poissance et par rigueur. Et tant que ils y ont par plusieurs fois fouy ; et ceulx de Gand leur sont allés au devant et défendu leur ouvraige. Et tant que de la dicte rivière, il n’ont eu nulle aise ; car ceulx de Gand dient que, sans ayde et constraincte, la rivière les sert et administre, et que elle ne puelt faire à ceulx de Bruges ; et a son cours ainsi que Dieu l’a ordonné ; et que point de commenchement, à la création de leur ville, ils ne l’envoyèrent ne tranchier ne querre ; mais sur le cours de la rivière de la Lys, de l’Escault et la Liève, les anchiens fondèrent la ville de Gand, et le vouldrent tenir en cest état en son cours naturel et sans violence ; et que si la ville de Bruges n’est pas bien fournie de doulces eaues, ils quièrent art et enghien par dessous terre comment ils le soient, sans à eulx tollir ce que Dieu leur a envoyé de sa grâce et par ordonnance du monde ; et que ceste querelle ils ont tenu et deffendu, tendront et deffenderont tant que durer pourront et que il y aura pierre en estant en la ville de Gand ; ne jà de ce propos ne partiront pour chose qui leur doive advenir.

En ce temps estoient en Flandres ly contes et le pays en leurs fleurs ; et ne doubtoient ne admiroient poissance de nul seigneur terrien, car ils estoient si garnis et si raemplis d’or et d’argent, de richesses et de tous biens, que merveilles seroit à recorder. Et tenoient les riches hommes, ens ès bonnes villes et ailleurs, et plusieurs autres en desoubs, si grans estas de eulx et de leurs femmes, qu’il sembloit proprement que les richesses leur abondassent du chiel, et que ils les trouvassent sans soing et sans peine. Dont, pour les grans superfluités qu’ils en firent, Dieu se couroucha et leur remonstra, car ils furent battus de cruelles vergues. Et pourront dire ceulx qui ceste matière liront ou lyre orront, que Dieu consenty tout pour eulx exempler, et ce puelt-on bien supposer. Ainsi fut et advint en Flandres à ce temps, comme vous pourrez clèrement veoir et cognoistre par les traictiés de l’ordonnance de la matière qui cy-après s’ensieult.

CHAPITRE 3.

Comment le comte de Flandre avoit grant amour à uns bourgeois de Gand, lequel avoit nom Jehan Lyon. Et comment le dit Jehan Lyon tua, pour le fait du dit conte, un bourgeois du dit Gand.

En icelui temps que le conte Loys de Flandres estoit en sa greigneur prospérité, etc.

Même texte que le chapitre LII, livre 2, avec cette seule variante.

« Car le conte l’ensonnia de faire occhir ung homme en Gand qui lui estoit contraire et desplaisant. Et au commandement du conte, couvertement, Jehan Lyon le tua ; car il prist parolles de débat à cellui, et l’occist. Et depuis le bourgeois mort et occis, qui s’appeloit Jehan d’Yorque, il s’en vint demeurer à Douay, etc. »

Les chapitres 4 à 13 sont conformes au texte publié par moi, tel qu’il est donné dans le chapitre 
 LII.
Les chap. 
14 à 17 répondent au chapitre 
 LIII.
—— 
18 à 20 
 LIV.
—— 
21 à 24 
 LV.
—— 
25 a 31 
 LVI.
—— 
32 à 34 
 LVII.
—— 
35 à 41 
 LVIII.

Dans sa rédaction générale, Froissart a interrompu ici le récit des affaires de Flandres pour passer aux affaires de Bretagne, et il ne reprend les affaires de Flandres qu’au chapitre LX.

CHAPITRE 42.

Comment ceulx de Gand envoyèrent vers le conte leur seigneur, afin qu’il lui pleust venir à Gand.

Ainsi fut la paix faicte et accordée entre le conte de Flandres et ceulx de Gand, et leurs adjoins de Flandres, par le moyen du duc de Bourgogne, dont il acquit grant grâce de tout le pays, etc.

Le reste de ce chapitre 42 jusqu’au chapitre 49 est conforme au chapitre LX de mon édition.

Les chap. 
50 à 52 sont conformes au chap. 
 LXI.
—— 
53 à 54 
 LXII.
—— 
55 à 59 
 LXIII.

À la fin du chapitre 59 du manuscrit, après le mot contraire, on lit :

« Ainsi est-il que, chils à qui il mes-chiet on lui mes-offre, soit tort ou droit. »

Après le chapitre LXIII de sa rédaction générale, Froissart interrompt son récit des guerres de Flandres pour ne le reprendre qu’au chapitre LXXXVI.

Les chapitres 60 à 63 du manuscrit répondent à ce chapitre 
 LXXXVI.
Les chapitres 
64 et 65 
 LXXXVII.
———— 
66 et 67 
 LXXXVIII.
  
et à une partie de 
 LXXXIX.
———— 
68 
 fin deLXXXIX.
  
et partie de 
 XC.
———— 
69 
 fin deXC.
———— 
70 à 72 
 XCI.
  
et une partie de 
 XCII.
———— 
73 à 75 
 XCIII.

Dans le manuscrit, au lieu de Rasse de Harselles, on lit toujours : Rasse de Liedequerque.

Les chapitres 76 et 77 comprennent le chapitre 
 XCIV.
et 
 XCV.
Le chap. 78 comprend le chapitre 
 XCVI.
—— 
79 
 XCVII.
—— 
80 à 86 répond. au chap. 
 XCVIII.
—— 
87répond. au chap. 
 XCIX.

Après le mot haie, le manuscrit ajoute, dans le chapitre 87 :

« Adonc dirent, en farsant, de lui : « Ernoul, garde-bien ce pas ; nous nous en allons ailleurs. » Après ceste déconfiture retourna le seigneur d’Enghien et les chevaliers et escuyers, et leurs gens en Audenarde ; et tint on ceste emprinse et besoingne achevée à grant proesce. »

Le chapitre 88 comprend la fin de 
 XCIX.
et tout le chapitre 
 C.
—— 
89 à 92 répond. au chap. 
 CI.
—— 
93 et 94 
 CII.

Après le chapitre CII, dans sa rédaction générale, Froissart interrompt son récit des affaires de Flandres, et ne le reprend qu’au chapitre CXXI.

Le commencement du chapitre 95 du manuscrit est un peu plus détaillé que ne l’est le morceau correspondant, chapitre CXXI de mon édition. Voici le texte du manuscrit :

« Vous savez que, par le promouvement et conseil de Piètre du Bois, comme dessus est dit, Philippe d’Artevelle emprist d’estre souverain capitaine de Gand ; et ains que premièrement il l’emprint, Piètre du Bois l’en parla ; et quand ils furent d’accord, Piètre du Bois demanda à Philippe si il savoit faire le cruel et le hautain, et que c’estoit une principalle chose, selon ce que il averoit à faire à commun ; « car il fault à la fois faire le cruel et le haultain ; et n’y vault-on riens qui ne se fait cremir et redoubter, et renommer aucunes fois de cruaulté. » Et Philippe lui répondy que ouyl. »

Le chap. 96 répond à la fin du chap. 
 CXXI.
et au commencement de 
 CXXII.
—— 
97 à la fin de 
 CXXII.
—— 
98 
 CXXIII.
—— 
99 et 100 
 CXXIV.
—— 
101 
 CXXV.
—— 
102 et 103 
 CXXVI.
—— 
104 
 CXXVII.

Au milieu du chapitre CXXVII de sa rédaction générale, Froissart interrompt sa narration, et ne la reprend qu’au chapitre CXLVIII.

Les chap. 105 à 108 rép. à ce chap. 
 CXLVIII.
—— 
109 et 110 
 CXLIX.

Le chapitre 111 du manuscrit manque entièrement dans la révision générale ; le voici :

CHAPITRE 111.

Comment Franchois Acreman et ceulx qui avoient esté avec lui en Liége et vers la ducesse de Brabant firent leur rapport de ce qu’ils avoient besoingniet, et comment ils envoyèrent devers le duc Aubert, et de la réponse qu’ils eurent de lui.

Tantost après tout ce fait, Franchois Acreman et ceulx qui furent avec lui vers le conseil de Liége et vers la ducesse de Brabant, pour pryer et traictier de paix, assamblèrent Phelippe d’Artevelle, Piètre du Bois et tout le conseil de Gand ; et là remonstrèrent comment ils avoient esté vers le conseil de Liége et vers madame de Brabant et son conseil : « Eux remonstrant l’estât où nous sommes, et leur pryant pour Dieu que il leur pleast ad ce labourer que de nous mettre à paix envers le conte notre seigneur. Lesquels nous ont respondu moult amyablement : que voullontiers y metteroient paine de tout leur pouvoir ; et par espécial madame de Brabant, laquelle nous dist : que nous fesissions tant que nous euissions l’advis, l’ayde et confort du duc Aubert, et leur (là où) nous l’avions, ce nous seroit grant confort ; et que, à la prière de eulx trois et de leur conseil, elle supposoit que on y trouveroit bon moyen et paix. Si regardez que bon en est à faire. »

Philippe d’Artevelle, Piètre du Bois et le conseil des susdits furent d’accord que ils envoieroient vers le duc Aubert lettres et notables gens, en lui pryant pour Dieu et pour aulmosnes que il lui pleust ad ce labourer avec madame de Brabant et son conseil, les Liégeois et leur conseil, que de eulx mettre à paix devers le conte leur seigneur ; se ils le dirent ils le firent.

Le duc Aubert, quand il eult luttes les lettres, il les entendy bien, et les parolles de ceulx de Gand qui dessus sont dictes. Si leur respondy : que voullentiers et aimablement il s’en ensonnyeroit avec les autres, et en feroit tant que ils s’en percheveroient : « Mais vous advez tant de merveilleuses opinions, que quant on a tout fait, on n’a rien fait. Aultrefois, pour bien m’en suis ensonnyés, et mon conseil aussi, quy riens n’y a vallu. » — « Mon très redoubté seigneur, respondirent ceulx de Gand, jusques ores nous ne l’avons peu amender ; mais pour le présent, nous sommes en aultre propos. » — « Or bien, respondy le duc, or y parra. »

Et sus cel état, ils se partirent du duc et retournèrent à Gand, et firent leur response à Philippe d’Artevelle, Piètre du Bois et le conseil de Gand, auquel il souffist bien, et le prirent fort en gré.

Le chap. 112 répond au chap. CL de mon édit.

—— 
113 à 116 
 CLI.

Après le mot retourner, dans le chapitre 116 le manuscrit ajoute ;

« Si respondy Philippe d’Artevelle, et dist : « De vos parolles et remonstrances nous vous créons bien, et vous remerchions du grant travail qu’il vous a pleu prendre pour nous ; mais nous ne sommes pas chargés si avant. »

Le chapitre 117 répond à la fin de ce chapitre CLI.

Puis après CLI commence dans la rédaction générale une nouvelle interruption d’un chapitre. Les affaires de Flandre reprennent avec le chapitre suivant.

Les chap. 
118 et 119 répondent au ch. 
 CLIII.
—— 
120 à 153 et au commenc. de 
 CLIV.
—— 
121 à 124 au reste de 
 CLIV.
—— 
125 et 126 
 CLV.
—— 
127 et 128 
 CLVI.
  
et à une partie de 
 CLVII.

Le chapitre 128 du manuscrit renferme l’addition suivante qui manque au chapitre CLVII de mon texte général. Après : Oncques en si grand péril ne fu que il fut adonc, on lit dans le manuscrit :

« Ainsi comme il s’en aloit aval la ville tout esmayés, et qu’il ne savoit que faire, ung petit après my nuit, il fu recongneus par ung bourgeois de Gand, très bon preud’homme, qui s’appelloit Regnier Campion, hostelain des marehands de bleds sur la Lys. Et lui dist : « Ha ! très chiers sires, pour Dieu merchy, que faictes-vous yey ? Que ne mettez-vous paine à vous sauver ? Si vous estes trouvé de ces routtiers, tout l’or du monde ne vous sauveroit mie, tant sont merveilleux ! » — « Ha ! doulx amis, respond le conte, je ne sçay que faire. Aide-moy à saulver, et se je vis longhement en temps advenir, il te sera méry. Comment as-tu à nom ? » — Il respondy : « Regnier Campion. Avant ! faisons le brief. Entrez en ceste petite maison, et ne vous esbahissiés de riens, et me laissiez convenir. Je vous sauveray bien de tout mon pouvoir, voir que nuls routtiers ne feront mal à la maison. Et quant le grant effroy sera passés, et que les Gantois seront apaisés, si faictes ainsi que bon vous samble pour vous par-saulver. »

« À ces parolles entrèrent en la petite maison toute enfumée, et trouvèrent une povre femme : et lui dist le ccmte : « Femme, sauve-moi ; je suis tes sires, le conte de Flandre. » (Suit mon texte du chapitre CLVII.)

Après où mes enfans dorment, même chapitre, on lit dans le manuscrit les détails additionnels suivans :

« Et il le fist ainsi. Et Regnier Campion dit à la femme : « Or ne t’esmaie ne effraie de chose que tu voises ne oyes, et fay ce que je te commanderay en portant bonne bouche. » Elle respondy que aynsi feroit-elle. Regnier se party, et la femme fist l’ensonnyée aval sa maison et autour du feu, et à ung autre petit enfant qui gisoit en ung repos. Le conte de Flandre entra en ce sollier, et se boutta, au plus bellement et quoyement que il peult, entre la queutte et l’estrain de ce povre lit, et là se mucha et fist le petit, car faire lui convenoit. Regnier Campion ne s’oublya mie, ains vint au toucquet de la ruelle avec les premiers routtiers qui entrèrent en celle ruelle. Et se bouta et alla de maison en maison avec eux, tant que ils vindrent en la maison de la dicte povre femme. Ils trouvèrent celle povre femme séant à son feu, qui tenoit son petit enfant. Tantost Regnier lui demanda : « Femme, où est ung homme que nous avons veu entrer chéans, et puis l’uis reclore ? » — « Et par ma foi, ce dist elle, je ne véy huy de celle nuyt entrer homme chéans. Mais j’en issy n’a pas granment, et jectay ung peu d’eaue hors, et puis recloy mon huys, et je ne le saroie où muchier. Vous véez touttes les aisemens de céans. Véez là mon lit, et là dessous gisent mes enfans. »

« Donc demanda Regnier de la chandeille. Elle lui bailla ; et Regnier monta amont sur une petite eschielle, et bouta sa teste au sollier, et regarda amont et aval, et fist semblant que il n’y eust nullui. Adonc dist à ses compaignons : « Alons ! alons ! nous perdons le plus pour le moins. On ne peult trouver richesses en povres gens. La povre femme dist vray ; il n’y a ame chéans fors li et ses enfans. » À ces paroles yssirent hors de la maison de la femme et s’en alèrent. Et oncques depuis n’y vint nuls qui mal y voulsist.

« Toutes ces parolles avoit ouyes le conte de Flandre, qui estoit quatis et muchiés desoubs ce povre literon. Or povez bien croire que il n’estoit point asseurés de sa vie ; car il estoit au volloir d’aultruy.

« Or regardez, vous qui ouez ceste histoire, les merveilleuses adventures ou fortunes qui adviennent par le plaisir de Dieu ; car aultrement il n’en fust rien, sur ce grant seigneur et prince, le conte de Flandre, Loys : que au matin il se véoit et estoit l’un des plus grans princes de la terre des crestiens, par linaige et par puissance de pays ; car lui estant bien de ses gens de Franche, nuls aultres princes ne lui povoit grever ne nuyre ; et si estoient de xvii royaulmes, tous desirans d’envoyer en sa conté de Flandre leurs denrées à point pour vendre ; et au vespre il le convint reponre et muchier en celle povre maison de povre femme. Car la maison n’estoit pas maison de tel prince ne seigneur, de salles, de chambre, ne de tel chose qu’il fault à ung hostel de prince ; ains estoit une povre maisoncelle enfumée, aussi noire que ung aisement de fumière de tourbes ; et n’y avoit en celle maison fors le boughe de devant, et une povre tentelette de vièse toille enfumée, pour esconser que le vent ne frappast au feu ; et son lit estoit par terre, et par dessus ung povre sollier auquel on montoit par une eschiellette de sept esquaillons. Et en ce sollier avoit un povre literon où les povres enfans de la femme gisoient.

« Ces merveilleuses adventures des fortunes donnent grant exemple à tous princes et touttes aultres gens : que les dons de fortune mondaine ne sont point estables, ne que nuls ne s’i doit fyer ne asseurer, quand ung tel prince et sire ne s’en peult asseurer. Donc chacun doit prendre en passience les fortunes que Dieu lui envoie ; car au besoing Dieu ne fault point à son amy, comme il ne fist à Joob, Boesce et Socrate, et fait et fera. »

« Nous lairons le conte de Flandre en ce party, et parlerons de ceulx de Bruges, et comme ceulx de Gand persévérèrent. Nous y reviendrons bien quand point sera. »

Les chapitres 129 et 130 du manuscrit, répondent au chapitre CLVIII de mon édition.

Le chapitre 131 est une addition nouvelle. Le voici tout entier :

CHAPITRE 131.

D’ung des cousins de Philippe d’Artevelle qui enfraindy iceulx bans, et comment il en fut pugny, et de quel mort.

Un peu après ces bans et ordonnances faictes et cryées, plaintes vindrent à Philippe d’Artevelle, que ung sien cousin germain, demy point mains, avoit pilliet, robet et efforchiet maisons. Quant Philippe le sceult, il manda et commanda que on ly fesist venir parler à luy. On le fist, il vint. Quant Philippe le véy, il lui dist : « Cousin, pour quoy n’avez entretenue à ferme nostre ordonnance ; et oyez. Vous devissiez estre ung des premiers, et blasmer les autres si vous leur véyssiez faire ; et vous estes le premier qui l’a fait. » — « Très chiers sires, je n’en savois riens, car point ne fuy à la cryée ; se rendray tout à vostre commandement, respondy le cousin Philippe, et si l’amenderay à vostre plaisir, ne plus ne m’aviendra. »

Toutes ces excusations n’y peurent riens valloir. Philippe lui fist tout rendre ; et puis le commanda à prendre par ses gens et jecter par les fenêtres en my le marchiés ; et là chéy sur picques et planchons, et fu tantost ochis ; ne Philippe n’en voult oncques aultre chose faire, pour pryères de nulluy.

Ceste justice affoibloya fort les Gantois à mal faire, et asseura ceulx de Bruges ; et l’en sceurent grant gré. Et disoient : « En Philippe a bon justichier. Il est bien tailliés d’estre cappitaine de Flandres, quant, pour son cousin si prochain, il n’a voulu enfraindre son ban ne ordonnance. » Là povoit on bien veoir que il le feroit bien à ung estranger. Ainsi oncques puis nuls ne pilla ne ne rouba qui venist à congnissance ; et aussi Philippe le fist pour celle cause, et pour tous autres exemplier.

Le chapitre 132 commence ainsi :

« Après ceste justice faicte, fu demandé si on savoit que le conte estoit devenu, etc. »

Le reste est semblable au chapitre CLVIII de mon édition.

Le chapitre 133 contient le fin de ce chapitre CLVIII.

Le chapitre 134 commence ainsi :

« Quant tout l’effroy et les pilleurs et routteurs de Gand, et ceulx de Bruges qui se bouttèrent avec ceulx de Gand, et les menoient de rue en rue ens ès bons et riches lieux, furent tous raquoisiet et retrais, le dimance, de nuyt, le conte de Flandres, etc. »

Le reste du chapitre est semblable au texte du chapitre CLIX.

Le chap. 
135 contient la fin du chap. 
 CLIX.
  
et le commencement de 
 CLX.
—— 
136 à 138 contiennent la fin de 
 CLX.
—— 
139 à 143 cont. tout le chap. 
 CLXI.
—— 
144 à 145 
 CLXII.
—— 
146 à 148 
 CLXIII.

Avec le chapitre CLXIII dans sa rédaction générale, Froissart interrompt sa narration et la reprend au chapitre CLXV.

Le chapitre 
149 répond au chapitre 
 CLXV.
—— 
150 et 151 répond. au chap. 
 CLXVI.
—— 
152 répond au chap. 
 CLXVII.

Seulement dans le chapitre CLXVII de sa rédaction générale, Froissart ajoute quelques développemens sur une affaire qui concerne le sire d’Albret, et est étrangère à la Flandre.

Le chapitre 
153 répond au chapitre 
 CLXVIII.
—— 
154 à 156 répondent au chap. 
 CLXIX.

—— 157 est une addition qui manque dans la rédaction générale. La voici tout entière :

CHAPITRE 159.

Des souldoyers d’Audenarde qui estoient en moult grant danger d’argent ; comment ils s’en plaindirent aux capitaines, et comment ou trouva manière d’en avoir, et aussi comment icellui argent leur vint bien à point, car autrement la ville estoit en adventure de perdre.

Le siége étant devant Audenarde, par la grande et longue espasse que ceulx de Flandres le tindrent à siége, les sauldoyers qui dedans Audenarde estoient eulrent grant souffreté de pécune d’or et d’argent pour leurs besoingnes, car ils avoient despendu ce que aporlé en avoient, et si en avoient tant emprunté et acreu à ceulx de la ville, que nuls ne leur voulloit plus prester ne croire. Si s’assemblèrent les sauldoyers, et vinrent à leur capitaine, messire Daniel de Hallevin, et dirent et remonstrèrent leurs nécessités et besoings, et la grant souffrance que ils avoient d’argent, et que longuement ne pouvoient durer ainsi. Et lui pryèrent pour Dieu, que il lui pleusist en escripre au conte de Flandres et laissier savoir leur estat et nécessité, et que par quelque voye on leur fesist avoir argent de ce que on leur devoit ; car ainsi que on dist en ung proverbe : ils n’en vouloient faire four ne moullin, et n’estoit fors pour payer leur (là où) que ils devoient, et le surplus despendre en gardant l’éritaige du conte et leur honneur.

Messire Daniel de Hallevin enlendy bien la petition et requeste des sauldoyers, et ymagina que ces sauldoyers ne disoient pas trop grant merveilles. Nonobstant, il respondy et dist :

« Beaux seigneurs, je vous ay bien entendu, et de ce que vous requérez j’en seroie moult désirans, et par votre conseil j’en voudroie ordonner, mais prendons que je envoyasse vers le conte notre seigneur en la manière que dit advez, je suppose que nous pourrions bien faire d’un petit mal ung grand. Supposé que le conte nous envoyast autant d’argent ou plus que besoingne nous soit, si pourroit-il estre que, ains que vous eussiez l’argent, que nos ennemis l’adveroient ; si vauldroit tant pis ; mais empruntez où que avoir en povez, et je en feray ma debte et mon cattel avec vous.

« Sire, respondirent les sauldoyers, ainsi que vous advez dit nous le voulliens bien faire ; mais ceulx à qui nous debvons, et ceulx à qui nous voulliens emprunter, ont dit que riens n’en feront plus que fait en est ; car ils dient que s’il advenoit, jà ne doint Dieu que il adviengne ! ne jà il n’avendra se il plaist à Dieu ! que la chose allast pis que nous ne supposons et que la ville fuist prise, de nos vies ne seroit riens, ne des leurs par adventure, et ceulx qui se pouroient saulver se penseroient et cuideroient avoir leur debte perdue, et durement leur venroit mal à point. »

Ces parolles disans, entre messire Daniel de Halwin et les sauldoyers, vindrent à congnoissance à plusieurs bons marchans de vin, taverniers riches. Si se advisèrent ensemble que eulx estant en ce party en Audenarde, que on ne savoit comment ce siége prendroit fin, ils estoient en dur party. Si pourroient bien valloir que ils euissent fait ce prest de ce que il fauldroit à ces sauldoyers, et plus se mestier étoit, à messire Daniel de Halwin leur capitaine, chascun selon sa cantité et povoir. Si s’accordèrent jusques à six mille francs franchois, par manière que ce conte de Flandres, ains que ils en payassent riens, leur meyst leur argent en Valenchiennes au chambge Pierron Rasoir. Eux d’accort ils se trayrent devers leur capitaine ; et luy dist Esnoul Cabillau pour eulx tous :

« Sire, nous sommes informés que vos sauldoyers ont nécessité et besoing d’argent, et il y a bien cause, car ils en doivent ; et se ne voit on pas l’apparant du payement. Mais nous vous advons trouvé, se il vous plaist, jusques à la somme de six mille francs franchois, par manière que il vous plaise à mander à nostre seigneur le conte que il les veuille envoyer à Vallenchiennes au chambge Pierron Rasoir ; et nous vous délivrerons par escript les parties de chascun de nous, combien il payera, et envoyer icelles parties avec vos lettres au conte, et chils qui y portera l’argent emporte les parties au dit chambgeur ; et quant nous adverons ung chascun de nous ung briefvet escript de la main de Pierron ou de Hanin Rasoir, son nepveul, fils Jehan Rasoir l’aisnet, qui siet à son chambge, en recongnoissant à nous debvoir à chascun sa partie, bien nous souffira, et nous vous délivrerons la somme dessus dite. La cause pourquoy nous le verrons voulentiers ainsi, est que, se aulcune chose advenoit de novelle à nostre contraire, qui est possible, il ne plaise jà à Dieu que il adviengne ! nous ou nos hoirs en vivriens sans dangier tant que nous porriens mieulx. Monseigneur le conte ne pourroit néant volloir que en luy servant nous fuisiens povres et deshonnourés. Aussi nous advons bien fianche que point ne le vouldroit. Si nous semble bien ceste chose faisable pour le bien de l’une partie et de l’autre ; si vous en plaise à dire vostre avis. »

Messire Daniel de Halwin leur respondy : que c’estoit bien chose acordable, et que il n’y véoit ne ymaginoit aultre chose que bien, et que ainsi le feroit. Car il supposoit que le conte de Flandres, leur seigneur, le feroit voullentiers ; « car c’est bon pour lui, et pour moi et les sauldoyers, et pour vous. »

Si fist tantôt escripre unes lettres adrechans au conte de Flandres, contenans l’estat de eulx, et de lui remander l’estat de luy ; en après la bonne voullenté de ces bourgois taverniers de la ville de Audenarde pour l’advanchement et ayde de faire le payement dit, et par la manière dessus dicte ; et les marchans lui envoyèrent et délivrèrent les parties de combien chacun voulloit payer ; puis quist aussi messire Daniel de Halwin ung bon varlet qui bien s’acquita pour la lettre porter, et les parties par ung briefvet du fait des marchans ; et advisèrent à une heure de la nuyt que on ne véoit goutte et que l’on estoit le plus requoisiet. Si se party le dit varlet à l’adventure de Dieu, la lettre du conte et le briefvet en une custode estainne, pour l’eau, et le loya sur le sommeron de sa teste, et puis saillit ens ès fossés, au lez où on estoit le plus acquoisiet ; et noa oultre les fossés.

Quant il vint à rive tout bellement et coyement, il fist tant que il fu desoubs ung buisson, et là se quaty en awardant les passans et ascouttant le cry de la nuyt ; et tant y fut que il le sceult ; puis se party, et s’en ala à l’adventure. Il fut rencontré par pluiseurs fois, et quant on l’appeloit il respondoit le cry de la nuyt.

Ainsi se passa la nuyt ; lendemain il prist le chemin de Hesdin, où le conte de Flandres se tenoit adonc, car on povoit bien aler, venir et retourner paisiblement, puisque on savoit que ce ne fussent ennemis. Tant esploitta le dit varlet que il vint à Hesdin, où il trouva le conte, et luy délivra ses lettres et le briefvet. Le conte fist lire les lettres et puis le briefvet. Quant il eult tout bien entendu de leur estat et de ce que ses bourgois d’Audenarde voulloient faire, si en fu grandement resjoys ; car il n’y véoit que bien et raison. Messire Josse de Halwin, frère à messire Daniel, capitaine de Audenarde, estoit pour le présent d’encoste le conte. Si lui dict le conte : « Josse, je veuil que vous allez jusques à Vallenchiennes, à six mille francs que je vous délivreray ; et en faictes et usez ainsi que le briefvet contient. »

— « Monseigneur, respondy messire Josse, je le feray voullentiers à vostre commandement et voulloir. »

Le conte de Flandres fist que messire Josse eult les six mille francs ; se départy du conte de Flandres son seigneur, et le varlet avec lui qui avoit apporté les lettres au conte, et s’en vindrent à Vallenchiennes. Messire Josse de Halwin, venu à son hostel à Valenchiennes, à la Teste-d’Or, en la place que on dict au chastel Saint-Jean, enquist comment on lui ensaingneroit le chambge Pierron Rasoir. Quand il le sceult, il se traist là, lui monstrant ce briefvet que les taverniers d’Audenarde lui envoyoient, et qu’il receust à lui ce que le briefvet contenoit ; et l’escripsist sur eulx à debvoir, en lui livrant pour chascun homme un briefvet de sa quantité, escript de sa main, ou de la main Hanin Rasoir son nepveul. Ainsi que charget lui estoit et que son briefvet contenoit, il fu fait rechupt, et ordonné par la manière dessus dicte, et les briefvets escripts pour chascun à sa quantité, de la main du dit Hanin, car le dit Pierron estoit deshaittié de gravele, ainsi comme il avoit souvent de coustume. Tout ce fait, messire Josse délivra les briefvets et une lettre de l’estat et intention du conte, adrechant à messire Daniel de Halwin, capitaine d’Audenarde, son frère, au varlet qui avoit apporté les aultres, qui là estoit venus avec luy. Puis se départirent l’un de l’autre. Messire Josse revint vers le conte, et lui recorda comment il avoit esploittiet et besoingniet, lequel souffist très bien au conte ; et dict que il avoit très bien fait son ouvrage et besoingniet.

Le varlet prit son chemin à l’adventure de Dieu, ainsi que pour revenir et entrer dedans Audenarde. Et se party de Valenchiennes ; et esploitta tant que il vint en l’ost par jour, car on n’y demandoit riens à nully. Quand ce vint au nuyt, il fist tant que il sceult le cry de la nuyt, et espia son cop que le quart estoit acquoisiés, et s’en vint bellement et coyement que nuls ne s’en perchut. Et s’il estoit percheu, il disoit le cry de la nuyt, et on le laissoit passer oultre. Tant fist que il vint sur la croste des fossés leur (là où) aultrefois ilavoit passé. Si logea sa lettre et ses briefvets sur sa teste au plus hault en la custode, ainsi que fait avoit au passer, et puis resailly ens ès fossés, et nagea outre.

Quant il fu à l’autre rive, il hucha aux gardes des cresteaux que on le laissast ens. Il fu oys et recongneus ; si fu laissiés ens à grand’joye. Et s’en vint vers messire Daniel de Halwin, le capitaine, et lui délivra la lettre du conte de Flandres et les briefvets des bons marchans taverniers que Pierron Rasoir leur envoyoit ; et lisi ses lettres et les briefvets, et puis dict en audience l’estat du conte et son intention que il proposoit à faire, dont ils furent tous grandement resjoys ; et manda aux marchans que ils venissent à luy atout l’argent, et il délivreroit à chascun en droit lui ung briefvet de sa quantité de Pierron Rasoir, chambgeur de Valenchiennes, comme ils l’avoient requis. Ils vindrent et payèrent et pristrent chascun leur briefvet, et en furent moult lies et joyeux. Aussi fu le capitaine et les sauldoyers. Et fut l’argent départi aux sauldoyers, à chascun selon son estat. Si en payèrent leur (là où) ils debvoient, et gardèrent le surplus pour le temps advenir.

On suppose que oncques argent ne vint mieulx à point pour le conte, pour le capitaine, pour les souldoyers et pour ceux de la ville, car ils demeurèrent tous en unyon et d’accort, et tous bien asouffis, que se le contraire fust advenu, qui povoit aussi bien venir par disette, par les sauldoyers que par ceulx de la ville.

Les chap. 
158 à 161 rép. au chap. 
 CLXX.
—— 
162 
 CLXXI.
—— 
163 
 CLXXII.
—— 
164 et 165 
 CLXXVIII.
—— 
166 à 168 
 CLXXIV.
—— 
169 
 CLXXV.
—— 
170 
 CLXXVI.
—— 
161 et 172 
 CLXXVII et tout CLXXVIII.
—— 
173 et 174 
 CLXXIX.
et le commencement de
CLXXX.

Le manuscrit ajoute, après gens d’armes :

« Sans prendre nuls varlets estranges. »

Le chap. 
175 répond au reste du ch. 
 CLXXX.
—— 
176 
 CLXXXI.
—— 
178 à 180 
 CLXXXII.
et le commencement de
CLXXXIII.
—— 
131 et 182 au reste du chap 
 CLXXXIII.
—— 
183 à 185 
 CLXXXIV.
—— 
186 à 188 
 CLXXXV.
—— 
180 et 190 
 CLXXXVI.

À la suite du chapitre CLXXXVI de la rédaction générale, la narration est interrompue, et reprend avec le chapitre CLXXXVIII.

Les chapitres 191 et 192 répondent à ce chapitre CLXXXVIII.

À la fin du chapitre 192 du manuscrit, après : Ne parlai flamand, on lit l’addition suivante :

« Or, regardez là la fortune de ce noble prince. Il avoit perdu son pays de Flandre par la rébellion de ses gens, et quant il quist confort du roi de France, par le conseil du duc de Bourgogne, tous ses pays aloient à perdition pour lui, ne on ne faisoit chose du monde pour lui. Ainsi estoit-il compté pour néant ; et se perdoit son pays par ses ennemis et par ses amis. Ce fait moult à reconforter plusieurs gens qui chéent en fortune contraire. Ils cuident avoir confort et aide de leurs amis, et ils leur grièvent. Mais il convint le noble prince, tout par sens, prendre pascience et souffrance. Aussi doit chascun. Dieu scet tout : remérir les biens et pugnir les maulx. »

Le chap. 193 du manuscrit répond à la fin du chapitre CLXXXVIII de mon édition.
—— 
194 et 195 
 CLXXXIX.
—— 
196 
 CXC.
—— 
197 
 CXCI.
—— 
198 
 CXCII.
—— 
199 et 200 
 CXCIII.
—— 
201 
 CXCIV.
—— 
202 à 204 
 CXCV.
—— 
205 et 206 
 CXCVI.
—— 
207 au commencement du chapitre 
 CXCVII.

Dans le texte du manuscrit on lit :

« Il fu di et recordé pour vray par pluiseurs, que on véy, quand l’oriflamme, etc. »

Dans mon édition, qui renferme un texte revu par lui plus tard, et sur des renseignemens plus complets, on lit :

« Je fus adonc informé du seigneur de Esconnevort ; et me dit qu’il vit, et aussi firent plusieurs autres, que quand l’orifiamme, etc. »

Le chap. 208 du manuscrit répond à la fin du chapitre 
 CXCVII.
et au commencement de 
 CXCVIII.
Le chap. 
209 à la fin du chap. 
 CXCVIII.
—— 
210 
 CXCIX.

Il y a dans le manuscrit un léger changement dans les premières lignes. Elles sont ainsi conçues dans le manuscrit :

« Che juefdy que la bataille fu entre le Mont-d’Or et Rosebecque, vindrent nouvelles, par le paige Phelippe d’Artevelle, en l’ost devant Audenarde, au seigneur de Hercelles et aux aultres, que leurs gens étoient desconfis et mors, et Phelippe d’Artevelle ochis. Si tost, etc. » — La suite comme le texte de mon édition.

Les chap. 211 à 215 du manuscrit répondent au chap. CC de mon édition.
—— 
216 et 217 
 CCI.
—— 
218 
 CCII.
—— 
219 à 221 
 CCIII.
—— 
222 et 223 
 CCIV.
et à une partie de
CCV.

À la suite des premières lignes de ce chapitre, dans la révision, Froissart interrompt son récit par une digression sur les affaires de Paris ; mais cette digression se termine au chapitre suivant.

Les chap. 
224 à 227 répond. au chap. 
 CCV.
—— 
228 à 235 
 CCVI.
—— 
236 à 239 
 CCVII.
—— 
240 à 247 
 CCVIII.

Au commencent du chapitre 247 se trouve une leçon un peu différente de celle du texte de mon édition. Il y fait parler l’évêque ainsi :

« Messeigneurs, je suis ycy venus, de par le conte de Flandres, dist l’évêque de Liége, le quel vous prie, et moi aussi, que il vous plaise, évesque de Nordvich, et vous Englès, déporer de tenir le siége devant Yppre, et aller aultre part faire guerre raisonnable sur les Clémentins, et il vous fera servir de cinq cens lanches, trois mois tous plains, et à ses cousts et dépens ; car il est aussi bon Urbaniste que vous estes, et la conté de Flandres aussi. Si a grant merveille à quel cause vous le guerroyez en son pays. L’évesque… etc. ; » le reste conforme au texte de mon édition.

Les chap. 
248 à 252 répondent au chap. 
 CCIX.
—— 
253 et 254 
 CCX.

Le chapitre 255 est une addition qui manque complètement dans le texte de mon édition. Le voici :

CHAPITRE 255.

« Messire Pierre de la Zieppe, capitaine d’Yppre, les gens d’armes et ceulx d’Yppre, quant ils perchurent et sceulrent que le siége estoit levés devant Yppre, et que les Anglois et Gantois estoient partis, si furent grandement resjoys. Et vuidèrent hors de la ville, et vinrent en leurs logeys, là où ils trouvèrent grant pillaige de pourvanches et d’autres choses, nonobstant que les Anglois et Gantois eussent eu bon loisir d’eulx partir et de emporter leurs biens ; et ramenèrent et rapportèrent iceulx d’Yppre tout en leur ville, qui leur vint depuis bien à point »

Les chapitres 256 et 257 répondent à la fin du chapitre CCX, au milieu duquel doit s’intercaler la variante ci-dessus.

Les chap. 
258 à 263 répondent au chap. 
 CCXI.
—— 
264 et 265 
 CCXII.

À la fin du chapitre CCXII de mon édition, Froissart interrompt la narration des affaires de Flandre, et la reprend au chapitre CCXIV.

Les chap. 
266 à 271 répondent au chap. 
 CCXIV.
—— 
272 et 273 
 CCXV.

Ce chapitre 273 est fort abrégé dans le manuscrit. La partie correspondante dans mon édition est beaucoup plus complète. Froissart y a ajouté un chapitre sur les obsèques du comte de Flandre. Il n’avoit sans doute pas ces détails au moment dû il fit sa première rédaction, qui est certainement celle du manuscrit. L’addition contient dans mon édition jusqu’au chapitre CCXX.

Les chapitres 274 et 275 répondent à la fin de ce chapitre CCXX et au commencement du chapitre CCXXIII, car les chapitres CCXXI et CCXXII de mon édition contiennent des additions qui ne se trouvent pas dans le manuscrit.

Les chapitres 276 et 277 répondent à la fin du chapitre CCXXIII.

À la fin de ce chapitre 277, après les mots : Que de lui, le manuscrit ajoute :

« Et estoit pour lors en Ardembourg avec lui messire Robert de Béthune, comte de Namur. »

Cette phrase est donnée avec plus de détails dans le chapitre CCXXVI de mon édition ; car la narration a été interrompue à la fin du chapitre CCXXIII pour ne reprendre qu’au ch. CCXXVI.

Le chapitre 278 répond à une partie du chapitre CCXXVI.

Dans le cours de ce chapitre CCXXVI commence une nouvelle digression. Le récit ne reprend qu’avec le chapitre CCXXVIII, à ces mots : « Ce propre samedi, François Acreman, etc. »

Les chap. 
279 et 280 répond. au chap. 
 CCXXVIII.
—— 
281 
 CCXXIX.

Dans la révision générale, Froissart a introduit, dans le chapitre CCXXIX de mon édition des détails sur le mariage de Charles VI avec Isabeau de Bavière, et quelques faits étrangers à la Flandre. Il y a même sur les affaires de Flandre quelques détails de plus que dans le manuscrit.

Les chap. 
282 à 284 répondent à la fin du chapitre 
 CCXXIX.
—— 
285 
 CCXXX.

Le manuscrit porte ici une addition que Froissart aura sans doute supprimée dans sa révision comme contenant des détails trop minutieux. La voici :

« Mais ung mois ou environ que le siége fut devant le Dam point n’y pleust, ains y fist bel et chault et sery. Et avoient en l’ost assez largement de tous vivres. Pour la grant challeur que il faisoit, la pugnaisie des bestes que on tuoit en l’ost et des chevaux qui y mouroient, faisoit que l’air estoit ainsi que corrompus. Et jectoient les caroingnes ès fossés et ès rieus qui chéoient ès fossés du Dam. Si que l’eaue d’iceuïx fossés estoit toute corrompue et empoisonnée. Ceulx qui estoient dedans le Dam n’avoient pour faire leur viande aultres doulches eaues que celle des fossés ; ils en furent tellement travailliet parmi la pugnaisie qui entroit en la ville, et si ne la povoient eslongier ni eschiéver qu’il en morut plusieurs. Et tous ceulx et celles qui demeurèrent en vie devindrent aussi jaunes que ung piet de escouffle. Et se ne savoient quel chose il leur falloit, et ne eulrent oncques puis sancté. Quant on véoit ceulx qui avoient esté dedans le Dam assis quelque part, depuis le siége levé, avec aultres gens, on les reconnoissoit bien, et ne les congneuist-on que pour la jaune couleur. Et les ensaingnoit-on au doit, disant : « Ceux-là furent dedans le Dam. » Et moult de bons chevaliers et escuyers de l’ost furent malades, et s’en allèrent les aucuns rafreschir à Bruges. »

Le dernier alinéa du chapitre est un peu différent dans le manuscrit ; le voici :

« Entreus entrèrent ces gens d’armes et les Flamenques en ce pays des Quatre-Mestiers ; et l’ardirent et détruisirent, et abattirent tout fors, tours et moustiers qui toujours s’estoient tenus, et n’y laissèrent d’enthier maison ni hamel. Et en cachèrent en voye ou ochirent tous les hommes, femmes et enfans. Toutte la guerre durant ceulx des Quatre-Mestiers dessus dits n’avoient point eu de grant dommage ; ne plus n’avoit demeuré d’enthier, de tout le pays et conté de Flandres, que la partie et mette des Quatre-Mestiers ; mais fortune n’euist point bien esté sauchie, si tout le pays de Flandres ne s’en feust sentis. »

Le chapitre 289 répond à la fin du chapitre CCXXX et au commencement de CCXXXI.

Le manuscrit abrège ici ce qui est un peu amplifié dans le texte de mon édition.

À la suite de ce commencement du chapitre CCXXXI Froissart interrompt le récit des guerres de Flandres, et ne le reprend qu’avec le chapitre CCXXXVII.

Les chapitres 290 à 294 du manuscrit répondent à ce chapitre 
 CCXXXVII.
—— 
294 
 CCXXXVIII.

Le manuscrit développe ici le récit avec plus de détails que le texte de mon édition. Voici cette variante :

« Si dict Rogier : « Il nous fault ung moyen. Nous ne le pourions faire de nous-mesmes. Et seroit besoing et nécessaire d’avoir ung homme sage, secret et de crédence pour nostre affaire remonstrer et reporter au duc de Bourgogne ; assavoir se il lui venroit à plaisir, se par notre paine et soing il y avoit en ceste ville aucuns traictiés de paix, se il se vouldroit condeschendre. » Jacques respondy : « C’est bien à voir dict ; et j’en çai ung, si ce vous semble bon ; messire Jehan Delle que bien congnoissiez. Il n’y a nuls gaits sur luy et s’est hantables et congneus à ceulx de Gand. » Rogier dict : « C’est bon et est vray ; et m’y assure au nom de Dieu. » Et tant firent secrettement que ils parlèrent à lui, et luy dirent finablement leurs secrets en remonstrant et disant : « Messire Jehan Delle nous avons… vous dites bien et comme bonnes et léalles gens. »

Les chapitres 296 et 297 contiennent la suite du chapitre CCXXXVIII.

Le chapitre 297 est un peu plus étendu dans le manuscrit qu’il ne l’est dans le texte de mon édition, sans qu’il y ait aucun fait très intéressant de plus. Ce n’est qu’une rédaction moins concise. Voici cette variante :

« Tout ce que monseigneur de Bourgogne dist, messire Jehan Delle l’entendy bien, et dist que ainsi le feroit ; et prist congié au duc et s’en retourna à Gand ; et fist tant secrettement que il parla aux deux preudommes dessus dits et leur recorda les nouvelles et la charge que il avoit de monseigneur de Bourgogne, comme dessus est dit ; dont ils se contentèrent très bien. Et dist Regnier Everwin : « Puisque nous avons l’octroy de monseigneur de Bourgogne de le faire, se ce ne se faisoit ce seroit notre coulpe. » Jaques respondy : « C’est vrai ; mais par mon conseil j’envoyerois, par messire Jehan Delle qui cy est, à Franchois Acreman ou chastel de Gavres, où il est gardien, d’avoir son intention, sans faire de nous mention, se il ne le tienne seurement de nostre oppinion.

« Regnier dict : « C’est bien dit ; » et aussi fist messire Jehan Delle. Si se party d’eulx et alla vers Franchois Acreman au chastel de Gavres, quant il véy mieulx son point.

« Si le trouva, et se descouvry à luy secrettement de tout ce que dessus est dit. Franchois pensa ung petit sus et puis respondy liement ; « Là où monseigneur de Bourgogne vouldra tout pardonner, et la bonne ville de Gand tenir en ses franchises et libertés, je ne serai jà rebelle, mais dilligent grandement de venir à paix. Et dictes hardiement à ceulx par qui vous estes ycy venus que je demourrai encoste eulx seurement et secrettement. »

« Sur ces parolles se party messire Jehan Delle de Franchois Acreman, et s’en revint à Gand ; et leur (alors) recorda les bonnes nouvelles qu’il avoit trouvées à Franchois Acreman aux deux dessus dits. Si forent d’accord que messire Jehan se partesist tantost et retournast vers le duc de Bourgogne dire les nouvelles, et rapportast lettres de monseigneur de Bourgogne, de confirmation de paix. Il le fist et s’en retourna en France vers le duc de Bourgogne, auquel il remontra, tout le traictié.

« Le duc de Bourgogne l’ouy voullentiers, et fist escripre lettres ouvertes et closes. »

Les chapitres 298 à 300 du manuscrit renferment la fin du chapitre CCXXXVIII et les premières lignes du chapitre CCXXXIX.

Les chapitres 301 à 308 répondent au reste de ce chapitre CCXXXIX.

Après les mots : en la ville de Gand, qui, dans mon édition, terminent le texte du chapitre CCXXIX et le livre deuxième, on lit dans le manuscrit, en forme d’épilogue :

« Et en cel estat et par ceste manière demouèrrent tes choses ; et se reprist la terre de la conté de Flandres à estre fort labourée ; et mirent les Flamangs paine à regainguier de nouvel, et à rediffyer les villes et maisons qui avoient esté désolées des guerres dessus dictes.

« Vous advez bien mémoire que Piètre du Bois y dist à Franchois Acreman que, se il demouroit en Gand, que il en mourroit ; il n’en menty pas, car dedans l’an que la paix ayoit esté faicte, il fu espié du bastard du seigneur de Hcrselles, lui dixième, que il revenoit de l’église Saint-Pierre de Gand ; se fu ochis. Il n’en fu plus, ne la ville ne s’en bougea, ne paix ne s’en brisa. De tous les souverains capitaines de toutes les guerres présentes ne demeura en vie à Gand, que Piètre le Wîntre. Or regardez le loyer que on a de servir commun. »

  1. Le Piètre du Bois, de Froissart.
  2. En 1388.