Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre II/Chapitre CLXXVIII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIp. 232-233).

CHAPITRE CLXXVIII.


Comment les princes de France ordonnèrent surtout à chacun chef qu’il devoit faire, eux combattus ; et comment le roi marcha sur Flandre et son ost sur Commines.


Or fut lors ordonné et déterminé par les seigneurs et vaillans hommes devant nommés, et par l’office des maîtres des arbalêtriers de France conjoins avec le connétable et les maréchaux, et tous d’un accord, que messire Josse de Hallewyn et le seigneur de Rambures furent chargés et ordonnés de mener les gens de pied, lesquels iroient devant pour appareiller les chemins, couper les haies et buissons, abattre frétes, remplir vallées, et faire ce qu’il apartient et qu’il est de nécessité. Et étoient iceulx ouvriers dix sept cent soixante[1]. Après en l’avant-garde furent les maréchaux de France, de Bourgogne et de Flandre ; et avoient en leur gouvernement douze cents hommes d’armes et six cents arbalêtriers, sans quatre mille hommes de pied[2] que le comte de Flandre leur délivra, aux pavois et aux autres armures. Item étoit ordonné que le comte de Flandre et sa bataille, où il pouvoit avoir, tant de gens d’armes, chevaliers et écuyers, et aussi gens de pied, environ seize mille, chemineroient sur aile de l’avant-garde, pour la conforter s’il étoit mestier. Item étoit ordonné entre l’avant-garde et la bataille du comte de Flandre, la bataille du roi de France ; et là devoient être ses trois oncles Berry, Bourgogne et Bourbon, le comte de la Marche, messire Jacques de Bourbon son frère, le comte de Clermont et Dauphin d’Auvergne, le comte de Dampmartin, le comte de Sancerre, messire Jean de Boulogne, et jusques à la somme de six mille hommes d’armes et deux mille arbalêtriers, Gennevois et autres[3]. Item étoient ordonnés pour l’arrière-garde deux mille hommes d’armes et deux cents arbalêtriers[4]. Si en devoient être chefs et gouverneurs messire Jean d’Artois comte d’Eu, messire Guy comte de Blois, messire Waleran comte de Saint-Pol, messire Guillaume comte de Harcourt, le seigneur de Châtillon et le seigneur de Fère. Item devoit porter l’oriflambe, messire Piètre de Villiers, et devoit être accompagné de quatre chevaliers, lesquels sont ainsi nommés, messire Morice de Tréseguidy, du Baudrain de la Heuze, messire Robert le Baveux et messire Guy de Saucourt ; et pour garder les deux bannières, le Borgne de Ruet et le Borgne de Mondoucet. Et est à savoir que iceux seigneurs, qui ordonnoient ces besognes, entendoient et du tout s’arrêtoient que jamais en France ne retourneroient jusques à tant qu’ils auroient combattu ce Philippe d’Artevelle et sa puissance. Et pour ce s’ordonnèrent-ils par telle manière ainsi que pour tantôt combattre ou au lendemain. Item étoient ordonnés le sire de la Breth, le sire de Coucy et messire Hugues de Châlons pour mettre en arroy, en paix et en bonne ordonnance, les batailles. Item étoient ordonnés maréchaux, pour loger le roi et sa bataille, messire Guillaume O. Mamines, et le seigneur de Champ-Remy. Item étoit ordonné que au jour qu’on combattroit, le roi seroit à cheval et nul autre fors lui ; et étoient nommés huit vaillans hommes à être de côté lui, comme le seigneur de Raineval, le Bègue de Villaines, messire Aimemon de Pommiers, messire Enguerran d’Eudin, le vicomte d’Ascy, messire Guy le Baveux, messire Nicolas Painel et messire Guillaume des Bordes. Item étoient ordonnés pour chevaucher devant lui et aviser le convenant des ennemis au jour de la bataille, messire Olivier de Cliçon, connétable de France, messire Jean de Vienne, amiral de France, et messire Guillaume de Poitiers, bâtard de Langres.

Quand toutes ces choses devant dites furent devisées et ordonnées bien et à point et que on n’y sçut mais rien aviser qui nécessaire fût, le conseil s’ouvrit et se partit, et s’en alla chacun en son logis ; et furent les seigneurs et les barons, qui point n’avoient été présens à ces choses devisées et ordonnées, signifiés de ce qu’ils devoient faire, et de ce jour en avant comment ils se maintiendroient. Et fut ce jour ordonné que le roi à lendemain se délogeroit de Seclin et passeroit tout parmi la ville de Lille sans arrêter, et viendroit loger à Marquette l’abbaye ; et l’avant-garde iroit outre vers Comines et Warneston, et exploiteroient au mieux qu’ils pourroient.

  1. Un autre manuscrit dit 7,860.
  2. Le même manuscrit dit 6,400 hommes d’armes et 14,000 arbalétriers, sans 5,000 hommes de pied.
  3. Le même manuscrit dit 12,000 hommes d’armes et 18,000 arbalétriers et archers avec plusieurs autres gens d’armes aventuriers.
  4. Suivant le même manuscrit, 4,000 hommes d’armes et 8,000 archers.