Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte des Printemps

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Les Complaintes (Mercure de France 1922)
Les ComplaintesMercure de FranceI. Poésies (p. 104-106).


COMPLAINTE DES PRINTEMPS


Permettez, ô sirène,
Voici que votre haleine
Embaume la verveine ;
C’est l’printemps qui s’amène !

— Ce système, en effet, ramène le printemps,
Avec son impudent cortège d’excitants.

Ôtez donc ces mitaines ;
Et n’ayez, inhumaine,
Que mes soupirs pour traîne :
Ous’qu’il y a de la gêne…

— Ah ! yeux bleus méditant sur l’ennui de leur art !
Et vous, jeunes divins, aux soirs crus de hasard !


Du géant à la naine,
Vois, tout bon sire entraîne
Quelque contemporaine,
Prendre l’air, par hygiène…

— Mais vous saignez ainsi pour l’amour de l’exil !
Pour l’amour de l’Amour ! D’ailleurs, ainsi soit-il…

T’ai-je fait de la peine ?
Oh ! viens vers les fontaines
Où tournent les phalènes
Des Nuits Élyséennes !

— Pimbêche aux yeux vaincus, bellâtre aux beaux jarrets,
Donnez votre fumier à la fleur du Regret.

Voilà que son haleine
N’embaum’ plus la verveine !
Drôle de phénomène…
Hein, à l’année prochaine ?

— Vierges d’hier, ce soir traîneuses de fœtus,
À genoux ! voici l’heure où se plaint l’Angélus.


Nous n’irons plus au bois,
Les pins sont éternels,
Les cors ont des appels !…

Neiges des pâles mois,
Vous serez mon missel !
— Jusqu’au jour de dégel.