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Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Autre Complainte de l’Orgue de Barbarie

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Les Complaintes (Mercure de France 1922)
Les ComplaintesMercure de FranceI. Poésies (p. 115-117).


AUTRE COMPLAINTE
DE L’ORGUE DE BARBARIE


Prolixe et monocorde,
Le vent dolent des nuits
Rabâche ses ennuis,
Veut se pendre à la corde
Des puits ! et puis ?
Miséricorde !

— Voyons, qu’est-ce que je veux ?
Rien. Je suis-t-il malhûreux !

Oui, les phares aspergent
Les côtes en sanglots,
Mais les volets sont clos
Aux veilleuses des vierges,
Orgue au galop,
Larmes des cierges !


— Après ? qu’est-ce qu’on y peut ?
— Rien. Je suis-t-il malhûreux !

Vous, fidèle madone,
Laissez ! Ai-je assisté,
Moi, votre puberté ?
Ô jours où Dieu tâtonne,
Passants d’été,
Pistes d’automne !

— Eh bien ! aimerais-tu mieux…
— Rien. Je suis-t-il malhûreux !

Cultes, Littératures,
Yeux chauds, lointains ou gais,
Infinis au rabais,
Tout train-train, rien qui dure,
Oh ! à jamais
Des créatures !

— Ah ! ça qu’est-ce que je veux ?
— Rien. Je suis-t-il malhûreux !


Bagnes des pauvres bêtes,
Tarifs d’alléluias,
Mortes aux camélias,
Oh ! lendemain de fête
Et paria,
Vrai, des planètes !

— Enfin ! quels sont donc tes vœux ?
— Nuls. Je suis-t-il malhûreux !

La nuit monte, armistice
Des cités, des labours.
Mais il n’est pas, bon sourd,
En ton digne exercice,
De raison pour
Que tu finisses ?

— Bien sûr. C’est ce que je veux.
Ah ! Je suis-t-il malhûreux !