Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte des Débats mélancoliques et littéraires
COMPLAINTE
DES DÉBATS MÉLANCOLIQUES ET LITTÉRAIRES
Le long d’un ciel crépusculâtre,
Une cloche angéluse en paix
L’air exilescent et marâtre
Qui ne pardonnera jamais.
Paissant des débris de vaisselle,
Là-bas, au talus des remparts,
Se profile une haridelle
Convalescente ; il se fait tard.
Qui m’aima jamais ? Je m’entête
Sur ce refrain bien impuissant,
Sans songer que je suis bien bête
De me faire du mauvais sang.
Je possède un propre physique,
Un cœur d’enfant bien élevé,
Et pour un cerveau magnifique
Le mien n’est pas mal, vous savez.
Eh bien, ayant pleuré l’Histoire,
J’ai voulu vivre un brin heureux ;
C’était trop demander, faut croire ;
J’avais l’air de parler hébreux.
Ah ! tiens, mon cœur, de grâce, laisse
Lorsque j’y songe, en vérité,
J’en ai des sueurs de faiblesse,
À choir dans la malpropreté.
Le cœur me piaffe de génie
Éperdument pourtant, mon Dieu !
Et si quelqu’une veut ma vie,
Moi je ne demande pas mieux !
Eh va, pauvre âme véhémente !
Plonge, être, en leurs Jourdains blasés,
Deux frictions de vie courante
T’auront bien vite exorcisé.
Hélas, qui peut m’en répondre !
Tenez, peut-être savez-vous
Ce que c’est qu’une âme hypocondre ?
J’en suis une dans les prix doux.
Ô Hélène, j’erre en ma chambre ;
Et tandis que tu prends le thé,
Là-bas dans l’or d’un fier septembre,
Je frissonne de tous mes membres,
En m’inquiétait de ta santé.
Tandis que, d’un autre côté…
Berlin.