Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte des Mounis du Mont-Martre
COMPLAINTE DES MOUNIS
DU MONT-MARTRE
Dire que, sans filtrer d’un divin Cœur,
Un air divin, et qui veut que tout s’aime,
S’in-Pan-filtre, et sème
Ces vols d’oasis folles de blasphèmes
Vivant pour toucher quelque part un Cœur…
Un tic tac froid rit en nos poches,
Chronomètres, réveils, coucous ;
Faut remonter ces beaux joujoux,
Œufs à heures, mouches du coche,
Là-haut s’éparpillant en cloches…
Voici le soir,
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs !
Dire que Tout est un Très Sourd Mystère ;
Et que le Temps, qu’on ne sait où saisir,
Oui, pour l’avertir !
Sarcle à jamais les bons soleils martyrs,
Ô laps sans digues des nuits du Mystère !…
Allez, coucous, réveils, pendules ;
Escadrons d’insectes d’acier,
En un concert bien familier,
Jouez sans fin des mandibules,
L’Homme a besoin qu’on le stimule !
Sûrs, chaque soir,
De la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !
Moucherons, valseurs d’un soir de soleil,
Vous, tout comme nous, nerfs de la nature,
Vous n’avez point cure
De ce que peut être cette aventure :
Les mondes penseurs s’errant au Soleil !
Triturant bien l’heure en secondes,
En trois mil six cents coups de dents,
De nos parts au gâteau du Temps
Ne faites qu’un hachis immonde
Devant lequel on se morfonde !
Sûrs, chaque soir,
De la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !
Où le trouver, ce Temps, pour lui tout dire,
Lui mettre le nez dans son Œuvre, un peu !
Et cesser ce jeu !
C’est vrai, la Métaphysique de Dieu
Et ses amours sont infinis ! — mais, dire…
Ah ! plus d’heure ? fleurir sans âge ?
Voir les tableaux lents des Saisons
Régir l’écran des horizons,
Comme autant de belles images
D’un même Aujourd’hui qui voyage ?
Voici le soir !
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs !