Les Complaintes (Mercure de France 1922)/Complainte du Vent qui s’ennuie la nuit

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Les Complaintes (Mercure de France 1922)
Les ComplaintesMercure de FranceI. Poésies (p. 143-145).


COMPLAINTE
DU VENT QUI S’ENNUIE LA NUIT


Ta fleur se fane, ô fiancée ?
Oh ! gardes-en encore un peu
La corolle qu’a compulsée
Un soir d’ennui trop studieux !
Le vent des toits qui pleure et rage,
Dans ses assauts et ses remords,
Sied au nostalgique naufrage
Où m’a jeté ta Toison-d’Or.

Le vent assiège,
Dans sa tour,
Le sortilège
De l’Amour ;
Et, pris au piège,
Le sacrilège
Geint sans retour.


Ainsi, mon idéal sans bride
T’ubiquitait de ses sanglots,
Ô calice loyal mais vide
Qui jouais à me rester clos ?
Ainsi dans la nuit investie,
Sur tes pétales décevants,
L’Ange fileur d’eucharisties
S’afflige tout le long du vent.

Le vent assiège,
Dans sa tour,
Le sortilège
De l’Amour ;
Et, pris au piège,
Le sacrilège
Geint sans retour.

Ô toi qu’un remords fait si morte,
Qu’il m’est incurable, en tes yeux,
D’écouter se morfondre aux portes
Le vent aux étendards de cieux !
Rideaux verts de notre hypogée,
Marbre banal du lavabo,
Votre hébétude ravagée
Est le miroir de mon tombeau.


Ô vent, allège
Ton discours
Des vains cortèges
De l’humour ;
Je rentre au piège,
Peut-être y vais-je
Tuer l’Amour !