Les Corybantes

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Odes et PoèmesMichel Lévy frères (p. 183-185).
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II

LES CORYBANTES


 

STROPHE.


Emportez le fils de Cybèle
Sur l’Ida, dans un antre vert ;
Cachez sa royauté nouvelle
Dans le sein fécond du désert !
Dépouillez vite, ô Corybantes,
La pourpre des robes tombantes,

Dansez sur un mode effréné !
Que la terre de sang rougie
Trompe par une sainte orgie
Les yeux de l’Olympe étonné !
Tambours, cymbales et cantiques,
Etouffez sous vos bruits mystiques
Les cris du dieu qui nous est né !


ANTISTROPHE.

Assis sous un ciel taciturne,
La mort et l’ennui sur le front,
Là-haut, veille le noir Saturne,
Dans la peur de ceux qui naîtront.
Sa vieillesse au trône obstinée
Croit éluder la destinée
Qui nous promet un roi plus doux ;
Aveugle en sa faim parricide,
Il fait, auprès d’un berceau vide,
Crier dans ses dents les cailloux ;
Et sur chaque mère féconde,
Sur chaque enfant qui vient au monde,
Il darde un œil sombre et jaloux.


ÉPODE.

Or, dans les profondeurs secrètes
Pour le nourrisson immortel,
Les Dactyles et les Curetés
Vont, cherchant la moelle et le miel ;
D’espoir et d’effroi tout ensemble,
Autour d’eux, la nature tremble,

L’onde écume, l’air est en feu ;
Mais sur la terre épouvantée,
Souriant au lait d’Amaltée,
Grandit l’enfant qui sera dieu !