Les Doïnas/I
I
LA DOÏNA[1]
Si j’avais une jeune belle avec des fleurs dorées dans ses tresses et des roses sur ces lèvres ;
Si j’avais une bien-aimée à l’âme fière et mâle, aux yeux noirs comme le fruit de l’aubépine ;
Si j’avais une blonde joyeuse, à la taille élancée, leste comme le petit du chevreuil ;
Je deviendrais rossignol chantant la Doïna d’amour dans la brise de la nuit.
Si j’avais une petite carabine, trois balles dans ma bourse de cuir[2] et une hache dévouée comme une sœur ;
Si j’avais, au gré de mes désirs, un cheval hardi comme le lion et noir comme le péché ;
Si j’avais sept frères aussi vaillants que moi et montés sur des dragons ailés ;
Je deviendrais aigle et j’entonnerais en plein jour, à la face du soleil, la Doïna de la vengeance.
Et je dirais à l’une : Belle amie, je jure par cette petite croix de te soigner comme un frère ;
Et je dirais à l’autre : Brave coursier, va distancer par ta course les hirondelles dans leur vol par-dessus les montagnes et les vallées ;
Et je dirais aux derniers : Sept frères, faites le signe de la croix et jurez de ne jamais vous rendre à personne tant qu’un souffle de vie vous restera ;
Allons tous bravement, allons arracher notre patrie aux païens et à l’esclavage.
- ↑ La Doïna est un genre particulier qui n’a point son équivalent dans la poésie française ; c’est un petit chant qui tient à la fois de la chanson des Trouvères lorsqu’elle est consacrée aux sentiments tendres, et des Lieder des Allemands lorsqu’elle embrasse tout ce qui est compris, en littérature, sous les noms divers d’ode, d’hymne, etc.
- ↑ La bourse de cuir tient lieu de giberne.