Les Enfantines du bon pays de France/Les canards l’ont bien passée
Jean arrive sur le pont portant une pioche sur l’épaule. Ah ! ah ! la matinée est fraîche et belle à ce matin ; j’ vas en profiter pour me mettre à travailler à ce pont, en chantant ma petite chansonnette. Il se met au travail en fredonnant :
Tra la la la la la laire,
Lire lire lire, laire laire laire.
Tra la la la la la laire,
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Le Gascon (il arrive par la droite) : On m’a dit que quand je serais près du pont, je ne serai pas loin de la rivière, tiens ! comment se fait-il donc que ce pont soit cassé ? Eh ! l’ami, fais-moi le plaisir de m’enseigner le chemin qui conduit à la ville.
Jean : C’est facile, Monsieur.
(Chantant :)
Tous les chemins vont à la ville,
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Laire, laire, laire.
Est-ce que vous n’savez pas ça ?
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Le Gascon : Parbleu ! je sais bien que tout chemin conduit à la ville ; mais c’est le plus court que je te demandais. Dis-moi donc, eh ! l’ami, ne pourrais-je pas passer la rivière ?
Jean : La rivière ?
(Chantant :)
Les canards l’ont bien passée,
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Laire, laire, laire.
Pourquoi n’ passeriez-vous pas ?
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Le Gascon : Est-ce que par hasard tu me prendrais pour un canard ?
Jean : Ah ! non, Monsieur.
Le Gascon : Anon toi-même, entends-tu ?
Eh ! l’ami, la rivière est-elle profonde ?
Jean : Comme partout ailleurs.
(Chantant :)
Les cailloux touchent la terre,
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Laire, laire, laire.
Ne pouvant aller plus bas,
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Le Gascon : Il est malin ce bonhomme... Mais j’aperçois une maison là-bas, je crois que c’est une auberge.
Eh ! l’ami, à qui appartient cette belle maison là-bas, derrière ton dos ?
Jean : A qui elle appartient ?
Le Gascon : Sans doute.
Jean : Eh bien, Monsieur,
(Chantant :)
Elle appartient à son maître,
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Laire, laire, laire.
C’est toujours comme cela,
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Le Gascon : Eh ! sandis ! cadédis ! je sais bien qu’une maison appartient à son maître ! ... Mais dis donc, eh ! l’ami.
Jean : Eh ! Monsieur ?
Le Gascon : Vend-on du vin dans cette maison ?
Jean : Si on en vend !
(Chantant :)
On en vend plus qu’on en donne,
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Laire, laire, laire.
Les marchands sont tous comme cela.
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Le Gascon : Définitivement, je crois que ce petit drôle se moque de moi : il faut que je sache son nom, afin de le corriger. Dis-moi donc, eh ! l’ami.
Jean : Eh ! Monsieur ?
Le Gascon : Comment t’appelles-tu, mon petit bonhomme ? Je ne serais pas fâché de faire connaissance avec toi.
Jean : Vous êtes bien honnête, Monsieur. C’est mon nom que vous voulez savoir, n’est-ce pas ?
Le Gascon : Sans doute.
Jean : Eh bien, Monsieur, vous saurez que…
(Chantant :)
Je m’appelle comme mon père,
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Laire, laire, laire,
C’est un beau nom que celui-là.
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— Jean le narquois devient à peu près impertinent et grossier, mais un batelier arrive à point pour conduire le Gascon à l’autre bord. Celui-ci se venge de l’insulteur et la morale de l’histoire nous est dite par le dernier couplet :
Avis à qui veut mal faire,
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Laire, laire, laire.
Qui fait mal en souffrira,
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35e année, 1867, pages 166 et 167.)