Les Femmes célèbres contemporaines françaises/Robert

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, Alfred de Montferrand, Lesguillon
(p. 55-66).
Mlle Robert.

Mlle ROBERT

(Clémence-Antoinette-Henriette)
née à mâcon
Fille de Jean-François Robert, avocat, et de Claudine-Henriette de Bohan.

Chérie de ses parents, et traitée par eux avec une douceur qui même pouvait avoir trop d’influence sur ses qualités naissantes, Me Robert s’habituait à craindre ce qui viendrait du dehors, ce qui ne pourrait guère se montrer aussi constamment favorable. C’est vraisemblablement par une suite de ces dispositions qu’elle n’aura pas accueilli l’idée du mariage : nul caractère pensif et timoré ne brave sans hésitation les hasards d’un lien irrévocable. Lorsque la première jeunesse s’écoule dans la sécurité, un talent médiocre reste méconnu, ou ne se développe qu’avec lenteur. Mile Robert, au contraire, ne fut arrêtée ni par cette sorte d’obstacle, ni par celui qui provenait d’une santé faible et douteuse. Ainsi entravés pourtant, les plus vrais moyens, même après s’être révélés de très bonne heure, ne donneront pas précisément de l’assurance ; mais, soutenu par un juste espoir, par quelque pressentiment, on écrira malgré soi, pour ainsi dire, et non sans timidité, parce qu’on entreverra, mieux que beaucoup d’autres, une perfection inaccessible. Les forces tenues en réserve, les forces intimes ne sont pas perdues pour la pensée, pour l’imagination ; souvent les inspirations les plus puissantes ont été dues à ceux qui ne jouissaient pas d’une santé ro- buste. C’est en 1827 que Mlle Robert vint, avec sa mère, demeurer à Paris : elle avait perdu son père depuis peu. Elle ne tarda pas à donner dans différents recueils périodiques des morceaux en vers, et d’autres articles lus avec empressement. Les malheurs des Polonais l’ont ensuite invitée à publier les Ukrainiennes, traduction qui a paru vers le commencement de 1835, en 1 vol, in-8. Ce volume doit être incessamment suivi de deux autres, consistant surtout en tableaux de mœurs, sous le titre Amour et Religion. Ces mots ainsi rapprochés n’ont rien qui surprenne aujourd’hui ; et quant au mérite du livre, il semble attesté par les fragments communiqués particulièrement au Journal des Femmes. Dans sa partie consacrée à la poésie, le même recucil a inséré, de Mlle Robert, le Luxembourg, le Froid, les Tuileries, et la pièce suivante :

UNE FLEUR À PARIS LE 5 JUIN 1832.
Blanche rose des bois, qu’on souffle d’air effeuille, Elle est toute tombée.
ÉLIE MARIAKER.

Un soir, près de Paris, dans un joli village,
Une rose s’ouvrit toute blanche et sauvage.
Elle avait seulement quelque feuillage vert,
El deux boutons, dont l’un se jouait entr’ouvert ;
Tandis que l’autre, encor tout petit et verdåtre,
Pressait étroitement sa corolle d’albâtre.
Le matin elle vit finir au point du jour
Sa jeunesse et la paix du rustique séjour :
Elle fut enlevée à son natal bocage.
Une petite fille, un enfant de village,

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suggérées par le souvenir de ce qu’en a dit elle-même, en 1834, Mlle Clémence Robert, dans une espèce de profession de foi qu’il faut malheureusement affaiblir en l’abrégeant. La littérature n’ayant qu’un mérite purement littéraire, est un simple divertissement de l’esprit. « Faire des vers, seulement pour produire de jolis effets, c’est un plaisir comme de broder ; raconter de belles histoires dont on ne peut tirer nulle conclusion utile, c’est aller à la chasse dans des terres de son imagination ; écrire en vers ou en prose pour le seul honneur du style, c’est, dans la sphère intellectuelle, donner un bal où des mots élégants et variés dansent gracieusement….. Mais les écrivains qui ont le sentiment de l’avenir, voient que le temps de ces fêtes est passé pour la littérature… et ils la chargent de porter une pierre à l’édifice social : ces hommes-là sont religieux, car toute pensée qui protége l’humanité remonte à Dieu… »

De Sénancour.