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Les Femmes poètes bretonnes/Elisa Morin (1803-1885)

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Les Femmes poètes bretonnes Voir et modifier les données sur WikidataSociété des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 73-80).


ELISA MORIN

1803-1885


ELISA MORIN


Mademoiselle Morin, celle qu’on appelait la Muse nantaise, est née à Paris, au mois de décembre 1803, et fut baptisée sous le nom d’Uranie.

Fille d’un peintre distingué de la manufacture de Sèvres, son enfance fut entourée de bonheur et presque de luxe ; elle reçut une éducation véritablement supérieure ; mais son père étant mort trop jeune pour que sa veuve eût droit à une retraite, Mme Morin et ses deux filles, n’ayant d’autres ressources que leurs talents, vinrent habiter Nantes. Elisa — c’est ainsi qu’elle se faisait appeler — se livra tout entière à l’étude. Fille tendre et dévouée, elle prodigua ses soins à une mère infirme et donna des leçons pour la faire vivre. Plus tard, sa sœur fut atteinte de paralysie, et Elisa lui vint encore en aide.

Elle a publié un ouvrage sur les Participes passés réduits à une seule règle (Paris, Hachette, in-12). Plusieurs membres de l’Institut lui ont écrit, à cette occasion. Quelque temps après, elle composa un Tableau du système métrique, à l’usage des écoles primaires ; il fut adopté par le recteur de l’Académie départementale.

Venons maintenant à la femme poète.

Elle a donné beaucoup de poèmes dans la Revue des Provinces de l’Ouest. En 1853, elle offrit à l’Académie Nantaise des Poésies détachées.

Elle a chanté tour à tour les gloires et les tristesses de la patrie. Sa dernière pièce de vers fut la Délivrance du territoire français, in-8o. On ferait plusieurs volumes de ses poésies éparses. Elle a aussi composé un beau et long poème en vers, intitulé : L’Acropole d’Athènes, ou la Grèce ancienne et moderne. Malheureusement elle n’avait pas les ressources nécessaires pour se faire imprimer.

Elle est morte à Nantes, le 2 février 1885, à l’âge de quatre-vingt deux ans.

LA BRETAGNE

Bretagne aux genêts d’or, aux tapis de bruyères,
Pays des vieux clochers, des dolmens, des menhirs,
Bocage plein de nids qu’on appelle chaumières,
Ouvre ton champ où croît la fleur des souvenirs ;
    Etale tes toits de feuillages
    Et ta ceinture de rivages.
    Où se brisent les océans ;
    Près des noirs autels druidiques,
    Montre les saintes basiliques
    Où s’agenouillent tes enfants.

Depuis les temps lointains où tes hautes falaises,
Qu’entourait le rempart de tes nombreux vaisseaux,
Virent au vent fatal de tes heures mauvaises
La flotte de César s’avancer dans tes eaux,
    Depuis ce temps, antique reine,
    Ton front couronné de verveine

Sous bien des souffles s’est bruni.
Deux mille ans ont fait ton histoire,
Mais de tes luttes, de ta gloire,
Le poème n’est pas fini !

L’ANGELUS

Mais bientôt des lueurs aux teintes argentines
Blanchissent le sommet des plus hautes collines,
    La nuit n’est plus.
L’aube à peine a glissé des monts sur le feuillage,
Qu’on entend retentir la cloche du village :
    C’est l’angelus !

LA CLOCHETTE DES ROGATIONS

Au bruit de la clochette
Tintant près du buisson,
Gazouillent la fauvette
Et le joyeux pinson.

Mille plantes vermeilles,
Blanches, jaunes, carmin,
Etalent leurs corbeilles
Sur le bord du chemin.

La goutte d’eau qui brille
D’éclat toujours changeant,
D’un pur reflet scintille
Devant la croix d’argent.

L’insecte ému bourdonne
Son hymne matinal,
Et le ruisseau résonne,
En roulant son cristal.