Les Flûtes alternées/Pluie de Mai, fleurs d’amour…

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XII

PLUIE DE MAI, PLEURS D’AMOUR


Parfois Mai qui brille et parfume,
Fatigué d’être radieux,
S’habille du manteau de brume
Des noirs Novembres pluvieux.

Il frissonne comme un malade
Au coin de l’âtre refroidi.
Le pinson suspend sa roulade
Dans l’ombre du bois engourdi,

L’averse ruisselle ; les merles
Tout mouillés font, en s’envolant,
S’éparpiller en blanches perles
Les gouttes du buisson tremblant.

 
L’Hamadryade qui s’ennuie,
Dans le cœur d’un chêne écarté
Fait au Sylvain trempé de pluie,
Un peu de place à son côté.

Et l’arbre grave, ému d’entendre
Un double baiser l’éveiller,
S’effarouche d’un tel esclandre
Pour ta pudeur, profond hallier !

Ainsi, comme un printemps morose,
L’amour a des matins en pleurs,
Si tristes que la pâle rose
A l’air de laver ses couleurs.

L’amour comme un oiseau secoue
Ses plumes lourdes ; anxieux,
Il pleure en voyant sur ta joue
Rouler les larmes de tes yeux.

Mais il sait, ô belle ! que l’ombre
Est fugitive et que pareil
Au tronc divin du chêne sombre
S’entr’ouvrira le seuil vermeil ;

 
Que demain, ce soir, dans une heure,
Au premier rayon de l’azur,
Le ramier dont le vol effleure
Les branchages du bois obscur,

Dans la lumière triomphante,
Verra, Dryade dont je suis
Le Sylvain, par l’étroite fente
Sortir nos deux fronts éblouis.