Les Fonctions méconnues du foie

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Les Fonctions méconnues du foie
Revue des Deux Mondes5e période, tome 18 (p. 213-228).
REVUE SCIENTIFIQUE

LES FONCTIONS MÉCONNUES DU FOIE

La physiologie du foie s’est enrichie, en ces dernières années, de connaissances qui ne sont point sans prix. On savait déjà que la fabrication de la bile ne résume pas toute l’activité de l’organe, qu’elle n’est que l’une de ses attributions, et peut-être la plus secondaire. On sait maintenant que le foie cumule, en réalité, un grand nombre de fonctions, qu’il est une sorte de factotum. Les unes sont des fonctions universelles, c’est-à-dire communes à tous les animaux, vertébrés, mollusques, crustacés ; les autres sont spéciales à tel ou tel groupe d’animaux.

Les fonctions hépatiques universelles sont les fonctions glycogénique, adipogénique, martiale et pigmentaire, dont la connaissance, en ce qui concerne les trois dernières tout au moins, est de date toute récente. On range parmi les fonctions spéciales les fonctions de digestion et d’absorption et celles de dépuration uropoiétique et d’hématolyse : elles n’appartiennent au foie que chez telle ou telle division du règne animal.

Ce n’est pas ici le lieu d’examiner par le menu toutes ces manifestations de l’activité vitale d’un seul et même organe. Si récente que soit la connaissance de telle ou telle d’entre elles ou sa correcte interprétation, ce n’est pas à une revue scientifique du genre de celle-ci qu’il faut en demander le détail, mais plutôt à quelque traité de physiologie comparée. Notre râle doit se borner, en ce qui concerne les faits, à rappeler les seuls qui soient essentiels ; et, en ce qui concerne les idées, à dégager les notions générales et, en quelque sorte philosophiques qui résument le mouvement de la science. Nous devons aussi donner une attention particulière à toutes les questions qui touchent à la méthode scientifique.

Or, c’est précisément à l’emploi d’une méthode d’investigation appropriée que sont dues les plus récentes acquisitions. C’est l’étude attentive du fonctionnement hépatique des animaux Invertébrés qui a permis de comprendre celui des Vertébrés.


I

Les diverses sciences de la nature se prêtent secours et assistance, pour le plus grand profit des unes et des autres. La physique et la chimie guident la physiologie ; celle-ci, à son tour, éclaire un certain nombre des problèmes de la zoologie. Chaque groupe de connaissances est plus ou moins redevable à ses voisins.

C’est là une vérité banale. Et pourtant, il fut un temps où, dans notre pays du moins, on n’en convenait pas volontiers. Les différentes branches de la biologie faisaient mine de se dédaigner ou de s’ignorer. La physiologie expérimentale se cantonnait dans l’étude des animaux supérieurs : les animaux inférieurs appartenaient aux zoologistes. « Jusqu’à quand sacrifierez-vous des chiens, des lapins et des grenouilles ? disait à l’expérimentateur son voisin le naturaliste. Quand en aurez-vous fini avec ce trio d’espèces communes ? D’espèces d’insectes seulement, nous en avons quatre-vingt-cinq mille, au bas mot. Où en serions-nous si nous marchions de votre train ! » Il y eut un moment où toute une école de zoologistes se donnait le travers de déclarer qu’il n’y avait de dignes d’observation que les invertébrés, et encore, à la condition qu’ils vécussent dans les eaux marines. Ni l’eau douce, ni l’air atmosphérique, n’hébergeaient rien, paraît-il, qui pût nous renseigner sur les véritables secrets de la vie.

Les physiologistes, à leur tour, n’étaient pas en reste avec leurs contempteurs. Après une soutenance de thèse, en Sorbonne, l’un des juges, physiologiste éminent, disait au candidat : « Votre mémoire est une monographie complète et soignée ; les dessins en noir sont irréprochables, les dessins en couleur sont à offrir en modèle. Il n’y a qu’une restriction à faire à l’excellence de ce genre de travail : c’est qu’il perdrait toute valeur si l’animal qui en est l’objet n’existait pas. » Cette boutade de Paul Bert fit scandale dans le monde des naturalistes. Elle avait une signification que les uns ne comprirent point et que les autres ne voulurent pas comprendre. Elle disait qu’il y a des faits qui ne dépassent point, par leur généralité, les circonstances de l’observation, et qu’il en est ainsi pour les traits de l’histoire naturelle monographique de tel ou tel être vivant. C’était dire aussi qu’il y en a d’autres, au contraire, qui, observés sur tel ou tel animal, chien, lapin ou cobaye, sont encore vrais sur tous les autres ; et que précisément les études exécutées par le physiologiste expérimentateur sur les animaux supérieurs prétendent à cette universalité.

On a souvent émis l’assertion que la physiologie des animaux inférieurs devrait tout à celle des animaux supérieurs, tandis que cette dernière n’aurait rien dû à l’autre. Une affirmation si tranchante ne saurait être vraie. Il est seulement très certain — et l’on peut regarder comme une vérité de fait — que le progrès des connaissances s’est toujours accompli, dans le monde biologique, de haut en bas. Par exemple, la circulation, la respiration, la digestion, la sécrétion, ne sont devenues intelligibles chez les invertébrés ou même chez les protozoaires qu’après qu’elles ont été connues chez les mammifères et les autres vertébrés.

C’est là une conséquence de la loi de la Division du travail physiologique. Chez l’être rudimentaire, dans la cellule par exemple, beaucoup d’activités sont indiscernables parce qu’elles sont confondues dans un champ anatomique restreint, tandis que chez l’être compliqué, la différenciation anatomique et physiologique poussée très loin les rend manifestes. On connaît le mot profond d’Auguste Comte à ce sujet : « Les êtres vivans nous sont d’autant mieux connus qu’ils sont plus complexes. » « Dès qu’il s’agit des caractères de l’animalité ajoute-t-il, nous devons partir de l’homme et voir comment ils se dégradent peu à peu, plutôt que de partir de l’éponge et de chercher comment ils se développent. » On peut se dispenser de discuter ce point de doctrine et de méthode. Il suffit qu’en fait les choses se soient passées ainsi, et que nos connaissances des mécanismes vitaux aient été acquises par cette voie descendante pour que nous y persévérions.

D’ailleurs le temps de ces querelles est passé. Les biologistes des diverses observances ne cherchent plus les occasions d’exalter la précellence de leur règle aux dépens des autres. Ils savent que leurs efforts combinés sont utiles ou même nécessaires pour la conquête des vérités nouvelles et pour l’interprétation correcte des faits acquis. La physiologie des animaux inférieurs et celle des animaux supérieurs concourent chacune pour sa part au résultat. — Les progrès récens de nos connaissances sur les fonctions du foie fournissent un exemple caractéristique de ce que peut leur association.


II

Le premier résultat d’une enquête ainsi poursuivie à tous les degrés de l’échelle, est une apparente confusion qui naît de la multiplicité des faits envisagés ; le second est, au contraire une évidence lumineuse résultant de leur confrontation. De prime abord, la diversité des phénomènes déroute l’esprit. Le foie des mammifères a la faculté de transformer les sels ammoniacaux, — déchets nuisibles du fonctionnement organique, — en urée inoffensive ; le foie des oiseaux et des reptiles les change non pas en urée, mais en un autre produit, l’acide urique. Le même organe, chez les Vertébrés, fabrique la bile, liqueur amère et chargée de sels caractéristiques que l’on ne rencontre nulle part ailleurs dans l’organisme, les sels biliaires : chez les Invertébrés la sécrétion ne présente point d’amertume, elle ne contient pas de sels biliaires ; ce n’est pas une bile véritable. Chez les mollusques et les crustacés, le foie assume le rôle de glande digestive, de pancréas : il digère les alimens ; il exerce la fonction digestive. Chez les mêmes animaux, il est l’instrument de l’absorption directe des matières digérées. Rien de pareil n’existe chez les animaux supérieurs.

Ainsi, à première vue, diversité partout.

Cette variété d’attributions est d’abord très déconcertante. Mais une saine interprétation montre qu’elle est plus apparente que réelle. Si l’on envisage, en effet, le foie dans l’ensemble des animaux, on constate que ses diverses activités sont reliées par un trait commun, en quelque sorte, originel. Ce sont des activités intestinales. Leur liaison résulte du fait que le foie est une simple annexe de l’intestin moyen. Il faut expliquer cela.


Lorsque l’on suit le développement embryogénique, on voit que le tube digestif est formé, chez tous les animaux, de trois parties, de trois segmens primordiaux, que l’on connaît sous les noms d’Intestin antérieur, intestin moyen et intestin postérieur, et qui répondent assez approximativement à l’œsophage, à l’intestin grêle et au gros intestin du mammifère adulte. Or, le foie est une dépendance de l’intestin moyen : mieux que cela, il en est une colonie ; il est cet intestin lui-même. Il en a les attributs et les activités. Et ce fait explique qu’il possède, en principe, la faculté digestive, la faculté d’absorption des produits digérés et la faculté d’opérer certaines transmutations de ces produits, car tout cela, ce sont les facultés, ce sont les fonctions propres de l’intestin. Dès lors, ce qu’il faut se demander c’est pour quelle raison il perd la plus grande partie de ces attributs originels chez les vertébrés, et non point pourquoi il les conserve chez les invertébrés.

La réponse que comporte cette question est fournie par la grande loi qui régit le développement et le progrès des organismes, la loi de la différenciation ou, autrement dit, de la division du travail, différenciation et division toujours plus grandes chez l’être supérieur. Le foie du mollusque ou du crustacé retient toutes ou presque toutes les aptitudes originelles de l’intestin moyen : le foie du vertébré supérieur n’en retient que quelques-unes ; il abandonne les autres. Au pancréas il cède le soin de sécréter les fermens digestifs ; à la muqueuse intestinale l’office d’absorber les alimens digérés ; il se réserve pour lui-même la faculté chimique. Il fait subir à ces produits les transmutations complémentaires de l’absorption.


La multiplicité et la diversité des fonctions hépatiques devient donc immédiatement intelligible si l’on veut bien admettre, comme des vérités démontrées, cet enchaînement de propositions. La première, c’est que le foie n’est autre chose qu’une portion de l’intestin moyen plus ou moins différenciée, conservant, en principe, toutes les aptitudes fonctionnelles de celui-ci. La seconde c’est que ces activités fonctionnelles de l’intestin moyen, que cet organe exerce par lui-même ou dont il délègue une partie à ses annexes, selon les cas, sont au nombre de trois : la fabrication des fermens digestifs pour les diverses catégories d’alimens, l’absorption proprement dite des produits digérés, et, enfin, l’élaboration ou transmutation chimique plus ou moins profonde qui accompagne ordinairement l’absorption.

Or, ces propositions sont, en effet, l’expression de la vérité. En ce qui concerne la première, l’anatomie comparée et l’embryogénie en témoignent d’un commun accord. L’étude du développement montre que le foie n’est en effet, à ses premiers débuts, qu’une dépression de l’intestin. C’est une simple poche, greffée sur le canal digestif ; elle devient étonnamment anfractueuse par suite d’une ramification progressive qui la transforme en cavité glandulaire, et qui nous apparaît comme un artifice de la nature n’ayant d’autre but que de multiplier l’étendue de la surface active. — On suit, pas à pas, cette complication progressive du foie, pendant le développement de l’homme et des vertébrés supérieurs. On voit la paroi de l’intestin moyen se déprimer en cul-de-sac, dès les premiers temps de la vie embryonnaire ; puis on assiste au travail de ramification, qui fait, de ce diverticule, le canal excréteur d’une glande tubulée, puis, enfin la glande lobulée et sanguine du mammifère adulte. — L’anatomie comparée, dans une revue des animaux adultes des différentes classes, nous offre la répétition des mêmes faits. Chez beaucoup de Bryozoaires et de Vers, le foie est représenté par une zone de l’intestin colorée en jaune-vert. Il devient un cul-de-sac (cæcum-hépatique) et il reste à cet état chez d’autres vers tels que les planaires, chez les crustacés inférieurs tels que l’apus et même chez le plus inférieur des vertébrés, l’amphioxus. — C’est une glande tubulée chez les mollusques et les poissons ; cette glande se complique chez les batraciens et les reptiles : elle devient enfin l’organe lobule et complexe dont on connaît bien la structure chez les mammifères et chez l’homme.


La seconde proposition n’est pas moins bien établie. Elle attribue à l’intestin moyen les facultés de sécréter les fermens digestifs, d’absorber les produits digérés, et de leur faire subir une élaboration chimique dans le temps qu’ils traversent sa paroi. Les deux premières de ces propriétés sont de notoriété banale ; la troisième, la mutation chimique des substances transitantes est mal connue encore. — Ces propriétés sont si bien les propriétés fondamentales de l’intestin moyen qu’on peut encore les reconnaître malgré tous les remaniemens qu’a subis l’organe chez les animaux les plus élevés en organisation. L’intestin très différencié des mammifères, bien qu’il ait délégué ses activités digestives au pancréas, et ses activités transformatives au foie, ne s’est pas dépouillé cependant au point d’avoir entièrement perdu ses traits caractéristiques. On y retrouve, et à un degré que l’on ne soupçonnait pas, les propriétés dont on croyait qu’il s’était démuni en faveur du pancréas et du foie.

On dit trop communément que, chez les vertébrés supérieurs, la division du travail est complètement réalisée : que l’annexe pancréatique est préposée à l’élaboration des fermens, amylase, lipase, trypsine, qui digèrent les féculens, les graisses et les albuminoïdes, c’est-à-dire les trois catégories d’alimens : que la surface intestinale elle-même est uniquement affectée à l’absorption, par les voies sanguines ou chylifères, des produits digérés ; qu’enfin, au foie est réservé l’ensemble des opérations consécutives à l’absorption, opérations auxquelles les anciens, par une heureuse inspiration, ont donné le nom expressif de seconde digestion. Nous ne les connaissons pas beaucoup mieux ; nous ne faisons que les soupçonner ; nous savons seulement qu’elles aboutissent, à une mise en réserve de divers matériaux, et qu’ainsi le foie est constitué à l’état de véritable grenier d’abondance, ou d’entrepôt général de l’organisme.

Mais cette spécialisation n’est pas complète. Cette division du travail n’est pas absolue et rigide. Le rôle digestif n’est pas tout entier, accaparé par le pancréas. — Il en subsiste un petit reste dans l’organe hépatique lui-même. La sécrétion biliaire déversée dans l’intestin neutralise l’acidité du chyme et concourt à constituer un milieu alcalin favorable à la digestion. On ne conteste plus, d’autre part, depuis Claude Bernard, qu’elle ait un rôle dans la digestion des graisses.

Il subsiste une part plus importante de ce pouvoir digestif dans l’intestin lui-même. On savait déjà que le ferment transformateur du sucre ordinaire était une production de l’intestin grêle (ferment inversif, sucrase). Weinland et Portier ont signalé en ces dernières années, dans le même suc intestinal, le ferment d’un autre sucre, non moins répandu dans l’alimentation, le sucre de lait : ce ferment est la lactase. Mais surtout les beaux travaux de Pawlow, et de ses élèves sur les kinases, complétés par ceux de Delezenne et par les observations d’Hamburger, de Stassano et d’autres physiologistes que nous ne voulons pas nommer, ont encore réduit le rôle attribué au pancréas au profit de celui du tube intestinal lui-même. C’est là une notion toute récente. — La signification de toutes ces recherches, au point de vue qui nous occupe, est de montrer que, même chez les mammifères, la spécialisation des fonctions de digestion, d’absorption et de transmutation consécutive n’est pas aussi absolue que l’on avait été tenté de le croire.

Si l’on quitte les mammifères et que l’on descende l’échelle animale, c’est bien autre chose. La division ternaire du travail devient de moins en moins marquée. Le foie accapare tout : d’abord le rôle du pancréas qui disparaît, puis celui de l’intestin. Il est tout à la fois digestif, absorbant, transmutateur et entrepositaire. La centralisation se fait, chez la plupart des invertébrés, au profit de l’organe hépatique ; le pancréas n’existe pas : l’intestin, dépossédé, n’est plus qu’un conduit inerte. Cette modification se fait par degrés. Chez les poissons, le foie assume déjà la fonction pancréatique ; chez les mollusques, nous allons le voir absorber la fonction intestinale. — Le foie aura tout tiré à lui.


III

La fonction digestive du foie, très peu distincte chez l’homme et les vertébrés supérieurs, devient très nette chez la plupart des invertébrés. La sécrétion hépatique, chez ceux-ci, déverse dans l’intestin les mêmes fermens digestifs des alimens azotés, féculens ou gras, que le suc pancréatique y amène chez les mammifères. Le foie est en même temps un pancréas. On lui a donné, à cause de cela même, le nom d’hépato-pancréas. Pour les mollusques ou les crustacés, on n’emploie plus l’appellation de foie : on dit « l’hépato-pancréas. » Cette débaptisation ne s’impose pas absolument ; car, si l’on veut être tout à fait exact, il faut tenir compte de ce que, chez ces animaux, l’organe hépatique n’englobe pas seulement le pancréas, mais qu’il représente aussi l’intestin lui-même dont il possède la faculté absorbante. Le nom correct serait entéro-hépato-pancréas. Il vaut mieux éviter cette appellation barbare et se contenter du nom usuel.

Il y a quelque vingt-cinq ans que l’attention des naturalistes a été attirée sur ce point par les recherches de Léon Fredericq, l’éminent professeur de l’Université de Liège, et par celles du naturaliste allemand Krukenberg, qui essayait alors, à Heidelberg, à Trieste ou à Naples d’orienter les études zoologiques dans la direction de la physiologie comparée. L’un et l’autre avaient rencontré dans le foie des mollusques céphalopodes, tels que le poulpe et la seiche, ou des Gastéropodes, tels que l’escargot et la limace, le ferment des alimens azotés qui équivaut à celui du pancréas des vertébrés, c’est-à-dire la trypsine.

Cette observation amenait naturellement à l’idée d’un organe double, en même temps pancréas et foie. Mais cette conception d’un hépato-pancréas ne reçut une expression concrète et définitive que trois ans plus tard, en 1881, lorsque l’anatomiste Vigelius eut retrouvé dans le foie de la seiche et des céphalopodes di-branchiaux des glandules pseudo-pancréatiques noyées en quelque sorte dans le parenchyme hépatique. Cette observation donnait une sorte de consécration anatomique à l’idée d’une glande double hépato-pancréatique. A peu près vers le même temps, en 1881 et 1882, Bourquelot signalait une seconde analogie. Il recueillait, chez les poulpes, le suc pur du foie en plaçant une canule dans les conduits excréteurs : il y reconnaissait la présence d’une amylase qui digère les matières amylacées comme fait l’amylase pancréatique. Une troisième ressemblance était dénoncée par Griffiths en 1888, et par Biedermann et Moritz en 1899. Ces observateurs décelaient, dans la sécrétion hépatique de l’escargot, un ferment très actif sur les graisses, une lipase analogue à la lipase pancréatique des vertébrés supérieurs. La démonstration était ainsi achevée : le foie des mollusques possédait toutes les propriétés digestives du pancréas : le foie était vraiment un hépato-pancréas.

Il ne faudrait pas croire que les faits précédens aient toujours reçu, du premier coup, l’interprétation qui leur convenait. Les auteurs en ont été détournés parfois par diverses particularités. Krukenberg, par exemple, s’était laissé égarer par défaut de précautions. D’autre part, l’excès ne vaut pas mieux, car alors le phénomène peut faire défaut. C’est ce qui est récemment advenu aux excellens observateurs Biedermann et Moritz. Le suc hépatique de l’escargot qu’ils recueillaient tout à fait pur s’est montré inactif sur les substances protéiques : il digérait fort bien l’amidon et les graisses, mais, chose curieuse 1 il ne digérait plus les albuminoïdes ; il était inerte vis-à-vis d’elles, au moins en dehors de l’organisme, dans le verre à expérience, car dans l’intestin de l’animal, la digestion de cette espèce d’alimens s’accomplit parfaitement. Cette singularité est restée une énigme pour les auteurs qui l’ont aperçue ; elle s’explique très probablement par le fait que le suc hépatique pur est inactif, inerte en lui-même comme le suc pancréatique des mammifères, et qu’il doit rencontrer dans l’intestin une kinase complémentaire qui lui confère l’activité. Ce serait une analogie de plus entre le foie de l’invertébré et le pancréas du vertébré.

Il y a plus ; au point de vue de sa puissance digestive, le foie de l’invertébré, tout au moins celui de certains mollusques, semble encore mieux pourvu que le pancréas ou l’intestin des animaux supérieurs. Il sécrète un ferment (cytase, diastase cellulosique) capable de digérer la cellulose. Cette substance, si abondante dans les alimens végétaux, est à peu près perdue pour l’homme et les mammifères, faute d’un ferment approprié. On sait, d’autre part, qu’elle n’est pas perdue pour les animaux inférieurs qui sont exclusivement phytophages. On pouvait donc prévoir que ces animaux possédaient le ferment en question. Ch. Darwin, en 1881, avait pressenti la nécessité de son existence chez le ver de terre qui se nourrit à peu près exclusivement de feuilles mortes réduites à leur charpente cellulosique. Mais ce n’est pas chez ces animaux qu’il a été isolé ; c’est chez les mollusques. Biedermann l’a mis en évidence, il y a trois ans environ, dans la sécrétion hépatique de l’escargot. Grâce à ce ferment l’animal peut tirer bon parti de sa nourriture végétale. L’escargot ne digère pas, sans doute, le papier ou l’ouate-coton qui sont des variétés particulières de la cellulose pure ; mais il en utilise d’autres formes, le squelette des feuilles, la charpente des graines, les membranes cellulaires. Il serait parfaitement en état d’utiliser, au besoin, le noyau de la datte ou le grain du café, si l’occasion lui en était fournie.


IV

Le foie de beaucoup d’invertébrés exerce donc — et pleinement — l’office d’un véritable pancréas ; mais il remplit, en outre, la plus importante des fonctions dévolues à l’intestin des animaux supérieurs : nous voulons parler de l’absorption. La « fonction absorbante » est encore une des fonctions méconnues du foie.

Ce n’est pas tout de digérer, il faut absorber. Il faut que l’aliment, convenablement transformé, fasse effraction dans le barrage que lui oppose le revêtement intestinal ; qu’il s’insinue entre les cellules ou qu’il les transperce ; et finalement qu’il pénètre à l’intérieur de l’organisme, dans les tissus, dans les vaisseaux sanguins ou chylifères. Il n’est pas besoin de rappeler le mécanisme de cette absorption chez les vertébrés : la surface de la muqueuse intestinale, considérablement augmentée par de nombreux replis, saillies et villosités, y pourvoit.

Chez les Invertébrés, l’intestin offre peu de développement superficiel : il est court et sans lacets ; son revêtement peut être imperméabilisé en grande partie par un dépôt chitineux, comme il arrive chez les crustacés ; bref, la surface absorbante risquerait d’être insuffisante pour l’absorption. L’intervention du foie pare à ce danger.

Le foie, chez les vers, forme, comme nous l’avons dit, des dépressions, des culs-de-sac tubuleux, des cæcums. Il était naturel de penser que l’office principal de ces organes énigmatiques était de faciliter l’absorption ; et les zoologistes d’autrefois pensaient ainsi, en effet. On ne tarda pas à s’apercevoir pourtant, que ces tubes caecaux jouaient un autre rôle, non moins important, celui d’organes sécréteurs, de glandes hépatiques, de foie. Krukenberg, en 1882, mit en lumière ce caractère nouveau et il le jugea incompatible avec le précédent. Il crut qu’un organe ne pouvait être, à la fois, sécréteur et absorbant. Il nia la faculté d’absorption des cæcums intestinaux chez les grandes Annelides, les Aphrodites, prises pour exemple. J. -G. Darboux n’a pas vu en effet de granulations alimentaires dans le fond des culs-de-sac hépatiques de ces animaux. Mais Setti, dans le même temps, en rencontrait au contraire.

On peut considérer que la question est résolue d’ores et déjà indirectement par les observations de Biedermann et celles de Saint-Hilaire et de Cuénot. Ces auteurs ont nettement prouvé que, chez les mollusques et les crustacés, l’absorption alimentaire était opérée principalement ou exclusivement par le foie. Par un artifice ingénieux, Biedermann a montré que les alimens pénétraient jusque dans les canalicules hépatiques les plus déliés. — Si l’on nourrit un escargot avec un mélange de farine et d’albumine finement divisée et colorée par le carmin, on ne retrouve plus, après quelques heures, l’albumine dans les canaux hépatiques soumis à la coupe : les grains d’amidon y sont encore, le carmin y est aussi, fixé sur des cellules spéciales du revêtement. L’albumine a donc été rapidement digérée et absorbée : la matière colorante qui lui était incorporée marque ! a place où elle a disparu ; et on voit que c’est exclusivement au niveau du foie.

Une étude approfondie a montré que la masse alimentaire est alternativement poussée de l’intestin dans le foie, et du foie dans la cavité gastro-intestinale. Il y a là un mouvement de va-et-vient qui se perpétue jusqu’à ce que la plus grande partie de la masse digérée ait subi l’absorption. Ce flux et ce reflux du foie à l’intestin et de l’intestin au foie peut être regardé, soit dit en passant, comme le rudiment de la circulation hépato-intestinale de la bile qui existe chez les mammifères.

Le foie des mollusques, d’après tout ce que l’on vient de dire, ne serait pas seulement un organe accessoire de l’absorption, il en serait l’instrument principal. Et l’intestin, contrairement à l’opinion commune, né jouerait, dans cet acte, qu’un rôle à peu près nul.

Il en est de même chez les crustacés. Le canal intestinal de l’écrevisse n’absorbe pas même les colorans diffusibles comme la vésuvine : il n’absorbe pas les peptones. Cependant il faut dire que l’intestin, — et seulement l’intestin moyen, — intervient jusqu’à un certain point dans l’absorption des matières grasses. Lorsque l’écrevisse ou le crabe a fait un repas riche en graisse, on trouve encore, deux jours après, le tube digestif rempli d’une émulsion abondante ; mais pas une seule des cellules intestinales baignées par cette émulsion n’a absorbé une gouttelette de graisse. Il n’y a d’exception que pour une petite zone de l’intestin moyen qui représente à peine la vingtième partie de sa superficie totale.


V

Les deux fonctions examinées précédemment, celle de digestion et celle d’absorption ne sont point des fonctions universelles du foie, puisqu’elles n’intéressent que les invertébrés. Chez les animaux supérieurs, en effet, la première a été déléguée au pancréas et l’autre est restée l’attribut de l’intestin. Mais, parmi les activités communes à tous, il y en a aussi qui sont restées longtemps méconnues, et dont il vaudrait la peine de dire un mot. Telles sont la fonction martiale et la fonction pigmentaire.

Celles-là, peuvent être rattachées, elles aussi, par un lien originel, à l’activité physiologique de l’intestin moyen. Elles ont leur source dans la troisième des propriétés dont nous avons fait les attributs de cet organe. Elles dérivent de cette faculté de transmutation chimique que l’intestin possède et qu’il exerce sur les matières absorbées, pendant qu’elles traversent sa paroi.

Cette propriété vaguement désignée par les mots de transmutation, fonction métabolique, seconde digestion, a été longuement méconnue. On ne croyait pas, en effet, que chez les vertébrés l’intestin exerçât d’action chimique transformatrice sur les substances absorbées. Jusqu’à ces derniers temps on s’est entêté à faire de ce passage de l’aliment digéré à travers le revêtement épithélial une simple filtration qui respecterait la nature de la substance transitante. C’était une chose bien difficile à croire depuis que l’on savait que beaucoup de substances absorbées traversaient le corps même des cellules, au bleu de passer dans leurs interstices intestinaux. Ce que l’on sait de l’absorption des graisses contredisait cette manière de voir. On avait la preuve que la cellule intestinale modifie les matières grasses transitantes, qu’elle peut, tout au moins, faire la synthèse chimique des acides gras et de la glycérine qui lui sont offertes par la digestion intestinale. — Même observation à propos de l’absorption des alimens protéiques digérés. On ne retrouvait pas, au-delà de la muqueuse de l’intestin, les peptones produites dans le tube lui-même, sans doute parce que la cellule intestinale les a dénaturées. La découverte récente de l’érepsine par Cohnheim jette quelque jour sur ce mystère ; et l’érepsine est un sous-agent chimique de la cellule intestinale, chargé de transmuter quelques-unes des matières digérées. On en connaît d’autres. — En résumé, la tendance de la physiologie contemporaine est d’attribuer une activité chimique transmutatrice importante aux cellules de l’intestin.

Or, la cellule hépatique est issue de la cellule intestinale ; elle a hérité de ses aptitudes. C’est l’activité transmutatrice de l’intestin qui se retrouve dans le foie. Elle s’y retrouve seule, amplifiée à un haut degré chez les vertébrés supérieurs ; elle s’y retrouve encore chez les invertébrés, mais atténuée parce qu’elle s’y superpose aux deux autres fonctions cette fois, digestive et absorbante. Telle est l’origine de cette activité chimique, multiforme, débordante, exaltée, qui caractérise le foie et en fait le principal laboratoire de l’économie. Le terme ordinaire de son travail est la mise en réserve, dans l’organe hépatique, de substances accumulées, de véritables provisions faites non seulement en vue de ses besoins, mais pour la satisfaction de ceux de l’ensemble de l’organisme.

Les fonctions martiale et pigmentaire ne sont que des aspects particuliers de cette activité transmutatrice.


VI

Le foie, envisagé dans l’ensemble du règne animal, présente les plus grandes variétés d’aspect et tous les degrés de complication. Simple tache de l’intestin moyen chez les oursins et les ascidies ; dépression en doigt de gant (cæcum) de cette même paroi intestinale, chez certains vers et crustacés inférieurs, elle devient un conduit ramifié, puis successivement, une glande tubuleuse chez les mollusques, et enfin une glande lobulée et vasculaire sanguine chez les mammifères et chez l’homme. Mais si la forme et la structure changent d’un groupe d’animaux à l’autre, il y a une chose qui ne change pas, c’est la coloration (pigmentation). Elle est toujours jaune brun ou, exceptionnellement, vert brun. — La sécrétion de l’organe, la bile, elle aussi, est colorée dans la même gamme ; mais elle ne l’est pas toujours ; il y a beaucoup de biles incolores. Au contraire, il n’y a jamais de foie incolore. Presque immanquablement, organe jaune brun veut dire organe hépatique : il n’y a pas de meilleur signalement. Un caractère si universel ne saurait être sans signification. On peut ne pas connaître la fonction de ce pigment ; on est sûr qu’elle est de premier ordre. Cependant on ne s’était pas appliqué à son étude jusqu’à ces dernières années. C’était une lacune que quelques physiologistes (Dastre, Floresco) viennent de combler.

On a donc étudié ces matières colorantes (pigmens). On a vu d’abord que les pigmens du tissu du foie ne sont pas nécessairement ceux de la bile : chez tous les vertébrés, les deux espèces de matières colorantes sont tout à fait différentes. Chez les invertébrés, au contraire, les colorans de la sécrétion sont, généralement, ceux de l’organe même.

On a donc essayé d’extraire, de préparer et d’isoler ces matières colorantes dans les diverses classes du règne animal : d’en fixer partout les caractères et les propriétés. C’est une longue étude dont la conclusion seule peut trouver place ici. Elle est en effet très générale et d’une simplicité à laquelle on n’est pas habitué en histoire naturelle. La voici : le foie présente partout des pigmens identiques ; d’un bout à l’autre du règne animal, on y trouve deux matières colorantes et deux seulement, toujours les mêmes, qui se mélangent pour lui donner sa couleur : la ferrine, qui est un colorant soluble dans l’eau et riche en fer ; et le « choléchrome, » qui est une sorte de teinture soluble dans l’alcool et le chloroforme, et qui s’attache aux matières grasses du foie.

Il y a une seule exception. Il arrive, chez les mollusques, que ce second pigment soit masqué et en quelque sorte relégué au second plan par une matière colorante dont la présence dans le foie, déjà signalée en 1883 par Mac-Munn, a causé quelque surprise. Elle est, en effet, tout à fait analogue à celle des plantes, des feuilles, à la chlorophylle, dont on connaît le rôle considérable en physiologie végétale, L’existence d’une chlorophylle hépatique, d’une chlorophylle animale, ouvrait la porte à toutes sortes d’hypothèses et de déductions. Il a fallu la fermer : la chlorophylle animale n’existe pas. Dastre et Floresco ont démontré que cette matière colorante du foie n’était autre chose que celle même des feuilles dont l’animal se nourrit, qui est absorbée par le foie (ce qui est un nouvel exemple d’absorption hépatique), qui y est fixée en subissant le changement de couleur qui s’observe dans le feuillage en automne, et qui est retenue par les cellules du foie avec une opiniâtreté telle que plusieurs mois de jeûne ne suffisent point à les en débarrasser.

La cellule hépatique, en résumé, possède donc une aptitude remarquable à saisir et fixer les matières colorantes telles que la ferrine, le choléchrome et la chlorophylle végétale. C’est là une faculté exceptionnelle chez les cellules vivantes. Elle est caractéristique de l’élément du foie. Elle explique l’existence de la coloration spécifique de cet organe. — On peut dire que le premier chapitre de l’étude de la fonction pigmentaire est maintenant achevé. Pour en compléter la connaissance, il restera à rendre compte de la constance de cette pigmentation cellulaire et de ses effets.


VII

L’affinité spéciale de la cellule hépatique pour le fer est un autre de ses caractères, également universel. Elle est le fondement de la fonction ferrugineuse (martiale) du foie. On a voulu diminuer l’importance de ce caractère en affirmant que le foie retient le fer comme il retient les autres métaux, comme il fixe certains alcaloïdes et d’autres substances organiques. — Ce n’est pas exact : le fer se distingue des autres métaux vis-à-vis du foie, comme le foie se distingue aussi des autres organes vis-à-vis du fer. Le fer est nécessaire aux organismes : il est un de leurs constituans chimiques. A la vérité, ses proportions pondérales sont minimes : c’est par dix-millièmes qu’il se compte. Mais encore, ces quelques dix millièmes sont-ils indispensables à la composition des tissus. Chez l’homme et les animaux à sang rouge, c’est le sang qui en contient le plus (0 milligr., 5 par gramme). Il a semblé, en conséquence, que le fer fût principalement lié à la vie du sang — et c’est là ce qui a fait méconnaître ses rapports, bien plus généraux encore, avec la vie du foie. Mais ceux-ci ont été enfin bien mis en évidence. C’est pour désigner ces rapports intimes et nécessaires de l’organe hépatique avec le fer (mars, martis en latin) que l’on a créé le nom de « Fonction Martiale, » comme on avait créé précédemment le nom de fonction glycogénique pour exprimer les rapports du même organe avec le glycogène et le glycose.

L’importance de ces rapports avait été méconnue jusqu’à l’apparition des travaux de G. von Bunge en 1885. A la vérité, l’on connaissait déjà l’abondance de certains composés ferrugineux dans le foie de l’homme à la suite de destructions étendues du sang et de ses globules rouges : mais c’était là un fait pathologique et d’ailleurs bien explicable. Bunge ramena la question dans le domaine de la physiologie, en montrant que le fer du foie servait de réserve pour le mammifère pendant la période de l’allaitement. Les tissus grandissent, le sang augmente de quantité : il leur faut du fer pour se constituer : c’est le foie, largement approvisionné pendant la vie fœtale, qui le leur fournit.

Cela est parfaitement vrai : mais ce n’est qu’une partie de la vérité. MM. Dastre et Floresco ont établi, en effet, que le foie est une réserve de fer, non pas seulement chez le mammifère, non pas seulement pendant l’allaitement, mais chez tous les animaux et pendant toute la durée de la vie. Les études faites exclusivement sur les animaux vertébrés avaient préparé le terrain. Les analyses de Bunge, Kruger, Zaleski, Lapicque ; Salkowski, Schmey ont établi l’abondance du fer dans le foie de ces animaux. Dastre a montré, qu’il y était fixé, chez tous, sous la même forme chimique (ferrine). L’interprétation des données analytiques permet d’affirmer que les mutations du fer dans le foie sont, en général, liées à des mutations inverses dans les autres organes et dans le sang. Le métal ne reste pas fixé, immobilisé dans le foie à la façon d’un corps étranger accidentel. Il est continuellement éliminé : chez l’homme, cette élimination est d’environ 30 milligrammes par 24 heures. Elle se fait très faiblement par l’excrétion rénale (1 milligramme), un peu plus activement par la bile (5 milligrammes), très abondamment par l’intestin (24 milligrammes). Elle est excrémentielle. La quantité éliminée chaque jour est remplacée par l’alimentation. Un ensemble de mécanismes physiologiques règle ainsi le mouvement du fer dans l’organisme. Il y a un cycle du fer. Il n’y a pas de cycle des élémens accidentels comme les autres métaux.

C’est surtout l’étude des invertébrés qui a permis de comprendre le rôle général du foie comme régulateur du fer de l’organisme. Les études antérieures sur les vertébrés avaient montré seulement le rôle du foie par rapport au fer du sang. Mais les invertébrés n’ont point de sang rouge et ferrugineux. Et cependant on revoit chez eux les mêmes faits que chez les mammifères, et on les y revoit plus nets, plus clairs, mieux dégagés de toute complication. Ils sont plus significatifs parce que le foie est le seul organe chargé de fer, que le sang, au lieu d’en posséder, ne contient que du cuivre, et que le foie correspondant à ce sang cuivreux n’est pas cuivreux lui-même, mais toujours et exclusivement ferrugineux. Il faut noter enfin que le fer est fixé dans le foie des invertébrés précisément sous la même forme chimique (ferrine) que chez les vertébrés.

Cette universalité du fer hépatique ; l’identité de forme chimique (ferrine) sous laquelle il se présente chez tous les animaux ; son indépendance relative des contingences alimentaires ; son élimination continuelle par la bile et l’intestin et son continuel rétablissement, constituent les faits fondamentaux de la fonction ferrugineuse ou martiale du foie. — Et cette fonction, comme la fonction glycogénique, ou la fonction adipogénique, n’est qu’une manifestation de l’aptitude de transmutation chimique qui est la caractéristique de l’élément hépatique, dont il faut répéter, en finissant, qu’il est le plus actif des ouvriers chimistes de l’économie.


A. DASTRE.