Les Frères Zemganno/72

La bibliothèque libre.
G. Charpentier, éditeur (p. 336-338).

LXXII

Le chirurgien pris de sympathie pour les deux frères et leur touchante fraternité, et qui était venu tous les jours de cette première semaine, lever l’appareil, le relâcher, le resserrer, disait à Gianni, lors de sa dernière visite :

« Il n’y a pas de dérangement dans la position du membre… tout gonflement a disparu… le cal se fait normalement… et ces nuits sont toujours mauvaises, dites-vous ?… il n’y a plus de fièvre cependant… voyons, puisque vous le désirez, je vais toujours vous donner quelque chose pour le faire dormir. »

Et il écrivit un bout d’ordonnance.

« Cela est visible, reprit le chirurgien, votre frère a l’ennui de son immobilité… de la malheureuse interruption de ses exercices… il se mange, il se dévore, le jeune garçon !… mais l’état général, soyez-en bien persuadé, n’a rien d’inquiétant… et d’ici à quelques jours, cet état nerveux, cette excitation, ces insomnies auront disparu… ah, pour les jambes par exemple, ce sera plus long ! »

— « Qu’est-ce que vous croyez, monsieur, qu’il sera obligé de rester comme cela ? »

— « Je crois qu’il ne pourra prendre les béquilles qu’au bout de deux mois… dans une cinquantaine de jours d’ici… du reste, les béquilles, commandez-les… lorsqu’il les verra, ce sera pour lui l’espérance de prochainement marcher. »

— « Et quand, monsieur… »

— « Ah, vous allez me demander sans doute, mon pauvre ami, quand il sera à même de reprendre son métier… s’il n’y avait que la fracture de la jambe gauche, mais ce sont les fractures de la jambe droite… de bien graves fractures qui intéressent l’articulation… Ah, parbleu, — continua-t-il, voyant la tristesse venue sur la figure de Gianni, — il marchera, il marchera sans béquilles, mais… Enfin la nature fait quelquefois des miracles… voyons, avez-vous encore quelque chose à me demander ? »

— « Non », fit Gianni.