Les Gaietés/Le bon Pape

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Bon Pape.

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 165-167).


LE BON PAPE.

Air du Sorcier.


Mêlant la Fable et l’Écriture,
Jadis, un malin troubadour
D’un pape traça la peinture,
Qu’en me signant je mets au jour.
Ce pontife, à sa chambrière
Disait : Quel bon lit d’édredon !
Ma dondon,
Riez donc !
Sautez donc !
J’ai tout ce qu’exige saint Pierre ;
Oui, de Cythère vieux routier,
Je suis entier, (quater.)

Je suis entier de caractère,
Pour mieux prouver aux novateurs

Que tout doit obéir sur terre
Au serviteur des serviteurs.
Du haut du trône où je me carre
Du ciel je tire le cordon.
Ma dondon,
Riez donc !
Sautez donc !
Convenez que sous la tiare
Les amours ont un air altier :
Je suis entier.

Les pauvres peuples ne sont guère
Qu’un ban d’esclaves abrutis,
Où discorde, ignorance et guerre
Recrutent pour tous les partis.
Quand sur eux le mal s’accumule,
De tous les biens Dieu me fait don.
Ma dondon,
Riez donc !
Sautez donc !
Vénus met le pied dans ma mule,
Bacchus remplit mon bénitier :
Je suis entier.

Que sont les rois ? de sots bélîtres,
Ou des brigands qui, gros d’orgueil,
Donnant leurs crimes pour des titres,
Entr’eux se poussent au cercueil ;
À prix d’or je puis les absoudre
Ou changer leur sceptre en bourdon.

Ma dondon,
Riez donc !
Sautez donc !
Regardez-moi lancer la foudre,
Jupin m’a fait son héritier :
Je suis entier.

Ce vieux conte, peu charitable,
Au bon pape fait dire, enfin :
Quittons les amours pour la table,
Je crains que le monde n’ait faim.
Saint Pierre, dans un cas terrible,
A rengainé son espadon.
Ma dondon,
Riez donc !
Sautez donc !
Moi je cesse d’être infaillible ;
D’Hercule j’ai fait le métier :
Je suis entier (quater).