Les Gardiennes/19

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Plon-Nourrit (p. 259-272).
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V


Georges occupait sa convalescence à la boulangerie où il faisait les tournées, notamment celle des Cabanes.

Il donnait bien aussi, de temps en temps, quelques heures au Paridier ou chez Léa, mais ses jambes blessées dont il souffrait encore ne lui permettaient pas les grands travaux des champs. D’ailleurs, puisque les bonnes décisions étaient prises et les accords faits, il avait sa place marquée à la boulangerie.

On attendrait, pour le mariage, le retour de Ravisé — qui ne tarderait guère à présent, la défaite des ennemis paraissant imminente —. Puis, le jeune ménage tiendrait la maison, en association avec le père, pour commencer. Aucune difliculté sur ce point, car Lucien avait encore ses idées vers l’instruction et les emplois de ville.

Aux accords, la Misangère avait parlé largement. Possédant des terres et de l’argent, elle en ferait partage au moment venu : les terres à Norbert et au gendre, l’argent à Georges qui en aurait besoin pour son établissement. Elle le voulait ainsi et, selon tous, c’était pour le mieux ; le gendre, assurément, n’irait pas contre.

Pour se donner un peu de joie, la Misangère souvent passait à la boulangerie où elle demeurait quelques minutes, à regarder les jeunes gens,

— Mère, disait parfois Georges, vous avez mauvaise mine ; vous prenez trop de soucis.

Elle souriait ; une ardeur nouvelle animait sa face vieille :

— Ne t’inquiète pas, mon enfant !

Elle partait plus allègre, en redressant la taille.

Georges et Marguerite s’aimaient d’amour joli. Certes, le jeune homme avait souffert à propos de Francine ! Croyant cette fille traîtresse et de mauvaise conduite, il avait eu, pendant quelques jours, le cœur déchiré. Il s’était mis en colère aussi ! Les lettres suppliantes qu’elle lui avait adressées et les pauvres colis, tout cela il l’avait refusé, dédaigneusement. Et sa pensée tout entière s’était reportée vers les siens, s’était reportée avec un peu de remords vers cette gracieuse cousine au cœur franc dont la tendresse s’offrait à lui sans malice ni détours. Celle-ci, on pouvait s’accorder avec elle en toute sécurité ; sa vie était claire comme ses yeux et dans la vie de ses parents, il n’y avait rien de louche non plus, rien d’inconnu. Tout de suite après sa permission, l’âme encore orageuse, Georges lui avait envoyé de longues lettres de gentille amitié ; lettres lues avec joie au pays de Sérigny.

Puis de grands combats avaient commencé, une mêlée furieuse où des soldats de tous les pays du monde poussaient de l’avant comme des démons, où le bruit était si grand que l’on croyait entendre hurler toute la terre.

Georges, un jour, s’était trouvé à l’hôpital, à démi fou, les jambes brisées, faible à ce point qu’il ne sentait presque plus son mal.

Il y avait de cela, deux mois à peine ; maintenant, à cause du mauvais coup que les ennemis lui avaient donné, la guerre était finie pour lui.

Sa guérison s’achevait au pays calme dans la douceur d’aimer. Les heures passées au milieu des combats lui apparaissaient parfois comme un étrange et mauvais rêve ; et, de même cette courte folie de jeunesse qui l’avait jeté aux bras hasardeux d’une passante inconnue. À tout cela, qui était à peine concevable maintenant, qui était pénible, triste et laid, il valait mieux ne plus penser.

Et vraiment, il n’y pensait pas, un soir radieux de septembre, en revenant de porter sur le bateau des Ravisé, le pain aux Cabanes lointaines. Il ne pensait qu’à Marguerite qui, sortie après lui pour une course, devait l’attendre sur le chemin de halage au bord du Grand Canal.

À l’endroit convenu, elle l’attendait en effet. Poussant des cris légers de crainte et de joie, elle descendit sur le bateau qui dansait un peu.

Non loin de là, Francine attendait aussi.

Après avoir longuement hésité, elle avait pris soudain ce parti de grande hardiesse. Seule au paradis des Mirain, elle avait abandonné sa besogne pour s’en venir guetter Georges à la lisière du Marais.

S’étant cachée parmi les roseaux d’une conche, elle l’avait aperçu de loin et son cœur s’était mis à battre sur une cadence affolée à l’idée qu’il faudrait l’aborder, lui barrer la route et lui parler à la façon d’une mendiante ennemie. Quand elle le vit accoster de l’autre côté du canal et prendre Marguerite au passage, le dépit la pinça dur et cependant, peu après, quelque chose en elle se détendit… Au moins, elle n’aurait pas à parler ; ce ne serait pas encore pour cette fois.

Aussitôt, elle pensa s’éloigner ; mais les deux autres qui approchaient assez vite, la verraient fuyant. Elle poussa son bateau vers la berge, descendit et s’accroupit derrière les roseaux. D’abord, elle s’y tint la tête baissée, ne voulant pas voir ; puis la curiosité fut la plus forte et, par une étroite embrasure, entre les feuilles, elle regarda.

Dans l’eau calme du canal se reflétaient les pâles quenouilles des peupliers de bordure et la procession blanche des nuages ; le bateau semblait glisser sur un pan de ciel. Marguerite avait pris place à l’arrière près de Georges et le soleil oblique allongeait leurs ombres côte à côte.

Bientôt, Francine entendit le murmure des voix énamourées. La voix de Georges était grave et chantante et celle de Marguerite sonnait clair. Et puis elle n’entendit plus rien : trois soldats d’Amérique passaient sur le chemin de halage… Marguerite s’était un peu éloignée de Georges qui manœuvrait sa rame en silence ; ils rapprochèrent leurs têtes dès que les étrangers eurent disparu.

Georges arrêta le mouvement de sa rame, la maintenant seulement à l’arrière pour gouverner. Le vent léger du crépuscule envoyait en effet ses premières haleines ; il poussait le bateau dans la direction de Sérigny et, insensiblement, vers la berge, du côté de Francine.

Les voix devinrent tout à fait perceptibles. Francine retint son souffle : c’était d’elle que Marguerite parlait, d’une voix un peu triste, à présent, et boudeuse.

— On ne la voit plus en ces côtés, disait-elle. et ce n’est pas grand dommage !

Le bateau, à l’entrée de la conche, tourna lentement sur place, si près de Francine que l’avant frôla les roseaux qui la cachaient. Marguerite parlait seule.

— Je l’avais reçue chez moi en bonne camarade… mais j’ai bien compris, par la suite, ce qu’elle voulait. Sa conduite envers moi n’a pas été belle !

Elle continua sur un ton de reproche et si bas que Francine entendit à peine :

— J’en connais un qui se serait laissé prendre à ses manigances !

Georges eut un mouvement d’humeur ; sa rame battit Peau.

— Pourquoi parles-tu de cette fille ? Elle est partie !… Laisse-la donc où elle est !

— Ohl j’ai eu bien du chagrin à cause d’elle ! murmura encore Marguerite.

Alors Georges dit :

— Ce n’était pas une compagnie pour toi !… Et ne te vante pas de lui avoir fait accueil, de l’avoir tenue de trop près, en camarade ! car c’est une malheureuse de cœur bas !

Il ajouta durement avec une sorte de rancune :

— Les filles de son espèce ont déshonoré notre pays depuis le commencement de la guerre. Elle est de celles qui passent mal leur temps en compagnie d’inutiles embusqués. Cette fille ! une coureuse de grand chemin… Elle se met en débauche avec les Américains qui sont ici.

Marguerite dut le regarder d’un air surpris, car il continua ainsi :

— Je suis sûr de ce que je dis ! Je ne l’aurais pas cru au premier moment, mais il m’a été donné d’en avoir la preuve… la preuve !

Le bateau avait complètement tourné ; du bout de sa rame, prenant appui sur les roseaux, Georges le replaça dans la bonne direction. Puis, pour changer les idées de la petite, il fit des remarques sur le mauvais état des routes d’eau,

— Les fossés s’envasent, disait-il : bientôt, à de certains endroits, on ne pourra plus passer… Vois ! les herbes envahissent tout.

Marguerite se pencha un peu.

— Ici, dit-elle, il y a bien des herbes mais la profondeur ne manque pas.

— Parbleu ! nous sommes sur le Grand Canal ! D’ailleurs, au Marais, les bons endroits pour se noyer ne sont pas rares encore.

Marguerite se redressa avec un petit frisson et s’accrocha au bras de Georges. Il se mit à plaisanter là-dessus ; puis, à lents coups de rame, il mena son bateau vers le milieu du canal. Ils s’éloignèrent, serrés l’un contre l’autre. Marguerite souriait, l’âme en fleur parce que Georges, à voix tendre, lui tournait de gentils compliments.

Dans sa cachette, agenouillée derrière la roselière, Francine sentait sa pensée lui échapper ; de ses mains glacées elle se serrait les tempes pour apaiser le bourdonnement qui lui emplissait la tête.

Elle se leva péniblement, marcha au hasard sous les arbres où l’ombre se glissait déjà. Ayant retrouvé son bateau, elle remonta la conche par où elle était venue. Tout cela, comme en un rêve.

Sa rame heurtait les racines, plongeait dans la vase, s’accrochait aux longues herbes et le bateau voyageait d’une berge à l’autre. Des idées menues et vagues erraient comme des floches de brouillard en sa pensée ; des mots puérils sortaient de sa mémoire.

« Chambrière, tu n’auras jamais le coup de pelle d’une maraîchine. »

S’efforçant de temir le milieu de la conche, elle manœuvra sa rame avec application, comme aux jours d’apprentissage où Maxime lui enseignait les bonnes façons.

« À petits coups, chambrière ! à petits coups. »

Ellle dépassa sans y prendre garde la rigole qui menait vers Saint-Jean. De minute en minute, la brume d’eau devenait plus épaisse ; elle s’élevait au-dessus des roseaux, enveloppait les troncs difformes des frênes et montait, le long des peupliers, vers les cimes émues de vent. La nuit prompte prenait le Marais ; et Francine allait toujours, droit devant elle.

Soudain, le bateau s’arrêta. Francine, voulant donner un bon coup pour le faire avancer ne trouva que la vase. Alors elle se leva et regarda autour d’elle avec étonnement, comme une qui se réveille, Elle ne distingua rien, que des branches au-dessus de sa tête et, de chaque côté du bateau, tout près, un fouillis de roseaux et de hautes herbes. Sans doute, elle n’était plus dans la conche ; elle avait dû tourner par un petit fossé négligé des riverains et où les bateaux ne passaient plus.

« Les herbes d’eau envahissent tout… Le Marais s’envase… »

Les paroles de Georges revinrent à ses lèvres et, en même temps, la douleur s’éveilla en son cœur et fut insupportable.

Attirant à elle les roseaux du bord, elle dégagea son bateau, le ramena en arrière. Elle pensait ainsi regagner la conche et bientôt, en effet, le bateau flotta en eau profonde ; mais le peu que distinguait Francine à travers la brume ne lui permit pas de reconnaître sûrement son chemin.

Elle continua de pagayer, suivit d’abord un canal assez large mais fort irrégulier, puis, sans qu’elle pût comprendre comment cela s’était fait, elle se trouva engagée dans un dédale de fossés où une obscurité à peu près complète régnait.

Longtemps elle erra à l’aventure, sans rien voir, échouant dans les roselières, se heurtant aux racines et durement fouettée par les basses branches.

Enfin, elle déboucha dans une clairière d’eau où semblait dormir une lumière vague et blème. De très hauts peupliers environnaient cette clairière. Quelques branches craquèrent ; il y eut des remous de brouillard parmi les cimes invisibles. Et puis, ce fut, tout à coup, comme une palpitation immense : des milliers d’ailes battirent à la fois.

Francine pensa :

— C’est ici le carrefour aux corbeaux… Je suis done au bout de la Belle Rigole. Le paradis de chez nous doit être de ce côté ainsi que la hutte aux roseaux.

Pour découvrir cette hutte et mettre son bateau en bonne direction elle entreprit de faire le tour de la clairière. Elle le fit deux fois, trois fois, vainement : elle ne trouva ni la hutte, ni les arbres du paradis ni l’entrée de la Rigole, ni rien de connu.

Alors elle comprit qu’elle s’était égarée tout à fait et que, si l’on ne venait pas à sa recherche, la nuit passerait sans doute sans qu’elle pût rejoindre la maison de Miraine.

Elle n’en fut pas autrement troublée ; elle avait trop souffert, elle souffrait trop… tout lui était égal à présent.

Cependant, elle voulut encore essayer de reconnaître le point du Marais où elle se trouvait ; elle plongea sa rame pour mesurer l’épaisseur de l’eau, mais n’atteignit pas le fond. Comme elle se redressait, la rame, tenue du bout des doigts, lui échappa. Elle ne put la rattraper…

Le bateau, lentement, gagna le milieu de la clairière et s’immobilisa,

Francine appela quatre ou cinq fois ; mais sa voix n’allait pas loin, tout de suite étouffée par le brouillard et rompue par les innombrables rideaux de feuillage. Seuls, quelques corbeaux répondirent en recommençant leur ronde,

Alors, Francine s’assit au milieu du bateau, puis s’allongea comme pour dormir. Nulle frayeur, mais une lassitude infinie, une sorte de lâcheté étonnante et inconnue… Elle songeait aux dernières paroles de Georges ; après cela, il n’y avait plus rien à tenter, rien à dire… plus rien ! Il fallait tout accepter sans lutte.

« Elle se met en débauche avec les Américains. une coureuse de grand chemin ! » Il lui semblait entendre la voix cruelle, mais elle venait de loin, cette voix, de si loin qu’elle ne pouvait presque plus faire blessure.

Francine ferma les yeux ; ses pensées flottèrent comme fumées que le vent emmêle. Sur une pente douce mais où rien ne pouvait la retenir, elle tombait, tombait, sans inquiétude ni souffrance, vers un abîme où voyageaient des lueurs pâles…

Ce fut le froid qui la tira de cet engourdissement. Redressée, elle ouvrit les yeux et vit un spectacle étrange qui prolongeait son rêve.

La lune assiégeait le Marais. Rien n’était tout à fait visible et rien n’était tout à fait obscur, mais, par les lents mouvements de la brume, tout changeait d’aspect d’instant en instant. Tantôt la lumière dégageait la cime d’un peuplier et tombait entre les arbres, en pluie fine et droite ; tantôt des lueurs inexplicables naissaient parmi les roseaux, des lueurs d’aube qui rampaient un moment sur les herbes d’eau, puis, lentement, s’évanouissaient. Ce n’étaient que formes irréelles, apparitions glissantes, frôlements blèmes, effacements. Par-dessus tout, emplissant tout, un silence surnaturel.

Agenouillée au bord du bateau, Francine, de nouveau, ferma les yeux. Sur une pente douce où rien ne pouvait la retenir, sans inquiétude ni souffrance, elle tombait, tombait…

Un vague sourire passa sur ses lèvres ; elle dit tout haut, d’une voix de somnambule :

— Il y a encore de beaux endroits pour se noyer… Francine Fiant, de l’Assistance… Francine Riant qui était seule sur la terre…

Elle se pencha sur l’eau…

Un grand cri !… un cri rauque de surprise et d’horreur ! Francine s’était rejetée en arrière, si brusquement que la légère embarcation faillit chavirer : elle venait de sentir en elle un tressaillement inconnu…

Hâtivement, elle fit un signe de croix, joignit les mains pour une prière… mais elle avait à peine commencé, que le frisson de vie la secoua encore. Ses mains glissèrent à ses flancs, ses bras se croisèrent étroitement en un geste de protection ; et elle demeura ainsi, le corps ployé, haletante.

Et puis la peur la souleva… Elle venait de partout, la peur ! de la nuit livide, des formes surprenantes, du brouillard cauteleux et froid, de l’eau surtout, de l’eau perfide et que l’on ne voyait pas. À présent, les roseaux remuaient, des bêtes maraudeuses fuyaient ou plongeaient et le battement des ailes invisibles avait recommencé dans les hautes branches.

Francine eria :

— À l’aide ! à moi ! je suis perdue !

Mais la peur la tenait à la gorge et l’étranglait. À chaque mouvement qu’elle faisait, elle sentait le bateau danser sur l’eau profonde. Vainement, elle essaya de détacher à l’arrière la planche du siège, avec laquelle elle eût pu ramer ; ses doigts s’y ensanglantèrent.

Le bateau, cependant tournait ; repoussant l’eau de ses deux mains, tirant sur les herbes flottantes, Francine réussit à le faire avancer jusqu’aux roseaux de la berge. Dans sa hâte de mettre pied à terre, elle s’embourba profondément, voulut se dégager, roula sur l’herbe.

Sortie du couvert des arbres, elle se mit à crier entre ses mains jointes pour jeter sa voix plus loin.

— À l’aide ! à l’aide !

Puis, retenant son souflle, elle écouta. Il lui sembla bien entendre un clapotement régulier, comme le bruit assourdi d’une rame battant l’eau, mais nulle voix humaine…

Elle sanglota tout haut, désespérément.

Quelqu’un pourtant venait vers elle. Marivon, qui pêchait en ces parages, avait entendu ses cris.

Prudent, il s’était bien gardé de répondre, mais, sans bruit, sans hâte aussi, il arrivait à la découverte.

Il s’approcha, par un fossé, entre des arbres qui le cachaient : constatant qu’il n’y avait pas de danger pour lui, il descendit sur le pré, par mouvements lents et silencieux, comme il faisait quand il voulait surprendre les jeux des bêtes sauvages.

— Qui es-tu, toi qui cries au perdu ?

Francine, comme une folle, courut vers lui. Il rompit aussitôt, craignant une surprise ; mais, déjà, l’ayant reconnu, elle s’accrochait à son bras, riait et pleurait en même temps.

— Emmenez-moi, Marivon !… Je me suis égarée… Conduisez-moi à Saint-Jean chez Miraine !

Sans rien lui dire, il la mena à son bateau, la fit asseoir et reprit sa rame à l’arrière. Ils voyagèrent en silence, un petit moment, par des fossés très sombres, puis débouchèrent dans une conche assez large où tombait la clarté de la lune. Alors Marivon demanda :

— Quoi que tu pensais donc… à crier comme ça ?

— Je vous l’ai dit : j’étais perdue…

Il hocha la tête d’un air incrédule, sembla songer profondément. Ce n’était pas la première fois qu’on lui tenait pareil propos, mais on l’avait si souvent engeigné qu’il se méfiait. Que l’on pût s’égarer dans ce Marais dont lui, Marivon, connaissait tous les fossés, tous les arbres, cela lui paraissait un peu fort et comique !

Il répéta :

— Perdue !… perdue !…

— Oui ! à la tombée du soir, en bateau… je me suis égarée… Et puis ma rame m’a échappé au beau milieu d’une place d’eau.

Quand il eut réfléchi là-dessus, il partit d’un immense éclat de rire, la tête renversée, ne montrant plus que sa barbe emmélée et le nœud de son cou qui sautait.

Et Francine, grelottante, riait aussi, les bras étroitement croisés sur le ventre ; elle riait, sauvée de la nuit et sauvée des autres dangers plus graves.

Vers la Belle Rigole, ils rencontrèrent le père de Miraine qui, après avoir longtemps appelé dans toutes les directions, rentrait, fort inquiet.


À quelques jours de là, F rancine, pour la tranquillité de sa conscience, écrivit à Georges. Le jeune homme jeta la lettre au feu sans l’ouvrir.

Francine ne fut pas très étonnée de ne recevoir aucune réponse ; elle n’en fut pas non plus désespérée.