Les Giboulées (Verhaeren)
LES GIBOULÉES
Des nuages montent par tas,
Des nuages couleur d’ardoise sombre.
Ils s’élèvent tel un grand vol
Et leurs ailes font circuler des ombres,
De lieue en lieue, au ras du sol.
L’averse choit sous la nuée,
Battant les toits et les auvents
Comme les grains le creux d’un van ;
Les bois, là-bas, avec leurs branches remuées
La tord
Et la projette par rafales
S’affalent ;
Elle déchiquette le blé nouveau
Et déchire le verdoyant manteau
Ainsi qu’une déroute ;
Les linges blancs qu’on sèche au long des routes
Sont balayés vers les fossés.
Des champs entiers, prés et broussailles,
Sont saccagés sous la mitraille,
Et les meules là-bas, dans le lointain,
Prises d’assaut jusques au grain
L’averse fuit et les fermes quand même espèrent
Avec un cœur tenace et profond et muet